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A-518-79
Saskatchewan Wheat Pool (Appelante) (Défende- resse)
c.
La Reine (Intimée) (Demanderesse)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie, le juge suppléant Kelly—Regina, 18 et 19 septembre; Ottawa, 13 novembre 1980.
Couronne Appel d'une décision de la Division de pre- mière instance selon laquelle l'appelante serait responsable envers l'intimée en dommages-intérêts pour inexécution d'une obligation légale Le premier juge avait conclu que l'al. 86c) de la Loi sur les grains du Canada, qui interdit le décharge- ment de grains infestés, créait une obligation exécutoire par voie judiciaire Il échet d'examiner si c'est à tort que le premier juge a statué que l'obligation avait été créée pour la protection d'une catégorie particulière de personnes Appel accueilli Loi sur les grains du Canada, S.C. 1970-71-72, c. 7, art. 11, 32, 33, 45, 46, 51, 53, 55, 56, 64, 68, 69, 70, 71, 86c) Loi sur la Commission canadienne du blé, S.R.C. 1970, c. C-12, art. 4(2) et 13(1).
Appel formé du jugement de la Division de première instance en faveur de la demanderesse intimée. L'appelante exploite des élévateurs terminus autorisés le grain, à son arrivée, est pesé, coté puis placé dans différents compartiments en attendant d'être expédié. En échange du grain reçu, on remet un récépisse à la Commission canadienne du blé ou à ses mandataires donnant au porteur droit à la livraison d'une même quantité de grain, de même classe. L'appelante chargea du blé infesté d'insectes à bord d'un navire; celui-ci dut subséquemment être dérouté et déchargé; on procéda à la fumigation du blé et on le remplaça par du blé non contaminé. Le juge de première instance a accordé à la demanderesse intimée les frais totaux du déroutement; il a conclu que l'appelante avait une obligation, exécutoire par voie judiciaire, envers l'intimée en vertu de l'alinéa 86c) de la Loi sur les grains du Canada, qui interdit le déchargement de grains infestés. Il a présumé que les objets de la loi étaient ceux de la Commission canadienne des grains, tels qu'énoncés à l'article 11 de la loi. Il échet d'examiner si le premier juge a à tort interprété l'article 11 comme limitant les objets de la Commission à l'établissement et au maintien de normes de qualité pour le grain canadien et à la réglementation de sa manutention au Canada afin d'assurer aux marchés intérieurs et d'exportation une denrée valable.
Arrêt: l'appel est accueilli. C'est à tort que le juge de première instance a statué que l'alinéa 86c) imposait à l'appe- lante une obligation exécutoire par voie judiciaire. Les objets de cette loi ne peuvent être ramenés aux fins énoncées à l'article 11. L'objet premier et général de la Loi sur les grains du Canada serait le maintien et l'amélioration de la qualité du grain cultivé au Canada et la réglementation de sa manutention au Canada dans l'intérêt public général. On ne voulait pas que cette loi profite à une catégorie particulière d'individus.
Arrêt mentionné: Lignes aériennes Canadien Pacifique, Liée c. La Reine [1979] 1 C.F. 39.
APPEL. AVOCATS:
E. John Moss, c.r. et B. Shourounis pour l'appelante (défenderesse).
H. B. Monk, c.r. et D. S. Sagoo pour l'intimée (demanderesse).
PROCUREURS:
Balfour, Moss, Milliken, Laschuk, Kyle, Vancise & Cameron, Regina, pour: l'appelante (défenderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (demanderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: L'appel est formé d'un juge- ment de la Division de première instance [[1980] 1 C.F. 407] rendu en faveur de la demanderesse intimée contre la défenderesse appelante, 'au mon- tant de $98,261.55, avec dépens, pour les domma- ges qu'a subis la Commission canadienne du blé, mandataire de la Couronne fédérale, pour avoir reçu de l'appelante du blé infesté. Les $98,261.55 se détaillent comme suit:
a) frais de déchargemnent et de fumigation du blé
infesté $22,824.05
et
b) frais de l'armateur relatifs au retard que le déchargement et la fumigation ont causé au navire
transporteur 75,437.50
La preuve administrée au procès a démontré les faits suivants:
L'appelante est une compagnie céréalière impor- tante exploitant plusieurs élévateurs à céréales, appelés «élévateurs primaires régionaux», en Sas- katchewan. Elle exploite aussi huit élévateurs ter minus autorisés à Thunder Bay, en Ontario, port d'expédition vers l'est et d'exportation des céréales arrivant de l'Ouest canadien. Ses activités en tant qu'exploitant d'élévateur sont régies par la Loi sur les grains du Canada, S.C. 1970-71-72, c. 7, qui impose des obligations fort détaillées aux exploi- tants d'élévateur. A l'époque qui nous importe, en 1975, l'appelante exploitait des élévateurs régio- naux dans l'Ouest canadien conformément à un
«handling agreement» (une convention dite de «manutention») convenu avec la Commission cana- dienne du blé (pièce P-10 de l'instance). Aucun contrat ni convention ne liait la Commission cana- dienne du blé à l'appelante dans le cas des éléva- teurs terminus. Le grain appartenant à la Commis sion canadienne du blé a, pendant toute la période qui nous intéresse, été expédié depuis les élévateurs primaires régionaux de l'Ouest canadien apparte- nant à l'appelante et à d'autres compagnies, aux facilités terminales de l'appelante et des autres exploitants d'élévateurs terminus autorisés. Les quantités de grain qu'a reçues l'appelante dans ses huit élévateurs terminus à Thunder Bay sont à la vérité fort considérables: de 100 700 wagons par jour. Les inspecteurs de la Commission canadienne des grains prélèvent un échantillon de chaque wagon à son arrivée à l'élévateur terminus. Ces échantillons subissent alors un examen visuel afin de déceler la présence éventuelle d'insectes. L'ins- pection visuelle permet parfois de déceler les cucu- jides roux adultes, mais pas toujours. Pour décou- vrir une infestation de larves de cucujides roux, on pratique le test de Berlase dit de l'entonnoir. Il faut de quatre à six heures pour ce faire. On ne le pratique que sur 10% des wagons arrivant à l'élé- vateur terminus. Il ne peut avoir lieu sur place. Il faut se rendre au siège de la Commission cana- dienne des grains à Thunder Bay. On ne connaît les résultats que deux ou trois jours plus tard. Le grain peut alors se trouver dans l'élévateur termi nus; il peut aussi avoir été embarqué. Le grain, à son arrivée aux élévateurs terminus de l'appelante, est pesé, coté puis placé dans différents comparti- ments. En échange on remet un récépissé d'éléva- teur terminus à la Commission canadienne du blé ou à ses mandataires. Le récépissé d'élévateur terminus est en la forme que prescrit la Loi sur les grains du Canada et contient les stipulations suivantes:
Reçu en stock à notre terminus susmentionné à l'ordre du consignataire susnommé, le grain du Canada dont la classe et la quantité sont indiquées ci-dessus. La même quantité de la même classe de grain sera livrée au détenteur des présentes sur remise du présent récépissé dûment endossé et sur paiement de la totalité des frais légitimes à payer à la compagnie terminus susmentionnée.
En vertu de l'article 93 de la Loi sur les grains du Canada, le récépissé d'élévateur terminus constitue un effet de commerce négociable de main à main par endossement et délivrance.
Antérieurement au 19 septembre 1975, la Com mission canadienne du blé détenait plusieurs récé- pissés d'élévateur terminus pour du blé que lui avait remis l'appelante. Ce jour-là la Commission ordonna qu'une cargaison du blé soit expédiée à bord du navire Frankcliffe Hall. Une partie du blé avait été cotée classe 3, blé canadien d'utilité générale. Sur remise des récépissés d'élévateur appropriés, l'appelante fit charger ce blé dans les cales 1, 3, 5 et 6 du navire. Le chargement débuta le 22 septembre 1975. Le blé provenant du termi nus 8 de l'appelante déversé dans les cales 5 et 6 était en partie infesté de larves de cucujides roux. Le chargement de ce blé avait eu lieu sous la surveillance des inspecteurs de la Commission canadienne des grains et des représentants de l'ap- pelante. A ce moment-là personne ne savait que le grain était infesté de larves. Le navire appareilla le 23 septembre 1975. Les tests ne furent terminés qu'après le départ du navire de Thunder Bay; ils révélèrent la présence de larves de cucujides roux dans le blé des cales 5 et 6 du bâtiment. En conséquence la Commission canadienne des grains dérouta le navire sur Kingston en Ontario l'on déchargea le blé infesté et procéda à sa fumiga tion, le remplaçant par du blé non contaminé de la même classe. Finalement le navire fut retenu à Kingston plus de six jours. L'indemnité accordée par l'éminent juge de première instance correspond aux frais totaux de ce déroutement supportés par la Commission canadienne du blé et dont le détail a été donné aux début des motifs.
L'attaque du jugement de la première instance par l'appelante est double. D'abord ce serait à tort que le juge aurait conclu à la responsabilité en dommages-intérêts de l'appelante envers l'intimée pour infraction à l'alinéa 86c) de la Loi sur les grains du Canada. Ensuite, aucun dommage n'au- rait en fait été subi, du moins, prouvé, ou, autre argument subsidiaire, l'indemnité accordée serait disproportionnée au dommage réel.
Je traiterai d'abord du premier moyen qu'a fait valoir l'appelante.
L'article 86 de la Loi sur les grains du Canada se lit comme suit:
86. L'exploitant d'un élévateur autorisé ne doit pas
a) délivrer un bon de paiement au comptant constatant l'achat de grain, un récépissé d'élévateur ni un autre docu-
ment présenté comme étant un accusé de réception de grain si le grain n'a pas été acheté ou reçu dans l'élévateur;
b) laisser en circulation pour une quantité de grain se trouvant dans l'élévateur plus d'un bon de paiement au comptant ou plus d'un récépissé d'élévateur ou autre docu ment constatant la réception du grain;
e) sauf en vertu des règlements ou d'un arrêté de la Commis sion, recevoir dans l'élévateur ou en décharger du grain, des produits à base de grain ou des criblures qui sont infestés ou souillés ou qui peuvent raisonnablement être considérés comme infestés ou souillés; ou
d) sauf avec la permission de la Commission, mélanger avec du grain dans l'élévateur toute autre matière que du grain.
Le distingué juge de première instance statua que la défenderesse avait commis une infraction à l'ali- néa 86c) et que, compte tenu du contexte de l'ensemble de la loi, ledit alinéa: «impose à la défenderesse une obligation dont l'exécution, par voie judiciaire, peut être demandée par toute per- sonne lésée en raison d'un manquement à cette obligation» la page 413). Il concluait aussi la page 417) que: «... alors que la diligence raisonna- ble peut être une défense contre une accusation criminelle au titre de l'alinéa 86c), il ne s'ensuit pas qu'elle en soit une contre une poursuite civile fondée sur l'inobservation dudit alinéa. En d'autres termes, une bonne défense contre une accusation criminelle ne réduit pas le fardeau civil afférent à une obligation absolue à celui afférent à une obli gation restreinte.»
En statuant sur le premier moyen mentionné ci-dessus, le juge du fond s'appuya sur l'arrêt qu'a rédigé mon collègue le juge Le Dain dans l'affaire Lignes aériennes Canadien Pacifique, Ltée c. La Reine'. Voici le passage en cause (aux pages 412 et 413):
On a dit que la question de savoir si le manquement à une obligation statutaire donnait à la personne lésée le droit d'inten- ter une action civile était affaire d'interprétation de la loi et devait donner lieu à [TRADUCTION] «un examen complet de ladite loi et des circonstances de son adoption, y compris le droit préexistant» (Curler c. Wandsworth Stadium Ld. [1949] A.C. 398, la page 407). Il appert que la question comporte deux aspects: a) l'obligation imposée était-elle, au moins en partie, à l'avantage ou pour la protection de la catégorie de personnes à laquelle appartient l'appelante? b) dans l'affirma- tive, le droit d'action serait-il exclu s'il existe un recours ou une autre sanction en cas de manquement à l'obligation, ou encore l'exclusion serait-elle fondée sur un principe général? Il appert qu'il s'agit, en dernière analyse, d'une question de principe, surtout si la responsabilité de la Couronne est en cause. On doit distinguer entre la législation adoptée manifestement pour le bénéfice ou la protection d'une catégorie déterminée de person
' [1979] 1 C.F. 39, aux pages 47 et 48.
nes, comme les dispositions prescrivant des normes de sécurité pour les travailleurs, dont l'affaire Groves c. Wimborne (voir note 6 ci-dessous) est un exemple d'application, et la législation qui impose une obligation générale de fournir un service public ou des installations à l'usage du public. Selon une opinion qui a été exprimée, dans ce dernier cas les tribunaux reconnaîtront plus difficilement le droit d'ester de la personne privée.
Le premier juge poursuit ensuite en disant qu'à son avis les objets de la loi correspondent en substance aux buts de la Commission canadienne des grains énoncés à l'article 11, qu'il cite alors. Le voici:
11. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi à cet égard, et des instructions données à l'occasion à la Commis sion, en vertu de la présente loi, par le gouverneur en conseil ou le Ministre, la Commission doit, dans l'intérêt des producteurs de grain, établir et maintenir des normes de qualité pour le grain canadien et réglementer la manutention du grain au Canada en vue d'obtenir une denrée valable sur les marchés intérieurs et les marchés d'exportation.
En toute déférence, je ne puis admettre quant à moi que les objets de cette loi soient réduits et identifiés à ceux de la Commission, énoncés en son article 11. Pour arriver à la conclusion que l'appe- lante avait envers l'intimée une obligation suscepti ble d'exécution par voie judiciaire, le premier juge a présumé que «les objets de la Loi sur les grains du Canada sont essentiellement ceux de la Com mission, tels qu'énoncés à l'article 11».
C'est à tort à mon avis qu'il a interprété l'article 11 comme limitant les objets de la Commission à l'établissement et au maintien de normes de qua- lité pour le grain canadien et à la réglementation de sa manutention au Canada afin d'assurer aux marchés intérieurs et d'exportation une denrée valable. Son erreur a été de considérer, à tort, que le titre «Objets de la Commission» formait partie intégrante de l'article 11, lorsqu'il s'agissait de l'interpréter.
La véritable règle d'interprétation, d'après moi, c'est que seul le corps du texte de loi doit être considéré, à moins que le sens en soit ambigu ou incertain, auquel cas on peut s'aider du titre pour l'interpréter.
En l'espèce je ne constate aucune ambiguïté ni incertitude dans le texte même de l'article 11; il impose à la Commission l'obligation claire de faire certaines choses et certains actes mais toujours
conformément à l'intérêt des producteurs. Il n'est pas nécessaire de considérer le titre pour arriver à la seule interprétation possible de l'article.
En lui imposant ces obligations, le Parlement n'a pas interdit à la Commission d'exécuter d'autres obligations, qu'énonce par ailleurs la loi.
J'interprète l'article 11 comme une énonciation de l'un des objets de la Commission, non de tous; il lui laisse le loisir de se conformer aux autres exigences de la Loi et d'agir dans l'intérêt d'indivi- dus autres que les producteurs.
Il va sans dire que je conçois les intérêts des producteurs et l'obligation d'assurer aux marchés tant internes que d'exportation une denrée valable comme compatibles en tout temps, puisqu'il est toujours de l'intérêt des producteurs qu'une telle denrée soit disponible sur ces marchés. Il me semble que l'article 11 enjoint à la Commission canadienne des grains de poursuivre ses objets et d'exercer ses attributions «dans l'intérêt des pro- ducteurs de grain». Par «producteurs de grain», on entend manifestement les agriculteurs canadiens qui produisent les diverses sortes de céréales énu- mérées dans les annexes et le Règlement. La Com mission canadienne du blé, d'après la Loi la consti- tuant, est, à tous égards, mandataire de la Couronne fédérale (voir Loi sur la Commission canadienne du blé, S.R.C. 1970, c. C-12, paragra- phe 4(2)). Sous le régime de cette Loi, la Commis sion canadienne du blé administre la mise en marché ordonnée des céréales des producteurs de l'ouest. Chaque élévateur doit être exploité pour la Commission canadienne du blé et en son nom (Loi sur la Commission canadienne du blé, paragraphe 13(1)). Ainsi, bien que la Commission canadienne du blé soit mandataire de la Couronne fédérale, et les exploitants des élévateurs primaires régionaux, agents de la Commission, on ne peut dire d'elle qu'elle est le mandataire des producteurs. Au con- traire c'est elle qui achète des agriculteurs leurs céréales, la plupart du temps par l'intermédiaire de leurs mandataires, les compagnies propriétaires des élévateurs primaires régionaux. Donc, même si l'article 11 énonçait en substance les buts de la loi, la Commission canadienne du blé ne peut soutenir qu'en tant que détenteur de récépissés d'élévateurs terminus elle appartient à une catégorie d'indivi-
dus pour le bénéfice et la protection desquels cette loi a tout particulièrement été adoptée. Comme il a été dit plus haut cependant, je n'admets pas que les objets de cette loi, si on la considère dans son ensemble, puisse être ramené aux fins énoncées à l'article 11 précité. La lecture de l'ensemble de la loi m'a persuadé que la conception qu'en ont les avocats de l'appelante est la meilleure. Je crois comme eux que la Loi sur les grains du Canada est [TRADUCTION] «une loi cherchant à réglemen- ter le commerce du grain et à protéger l'intérêt public parce que ce commerce est fort important pour tout le Canada» (mémoire des faits de l'appe- lante, page 11). Il importe et est d'intérêt vital pour le public canadien que soient maintenues les normes de qualité les plus hautes pour le grain canadien, de façon que la réputation bien méritée de producteurs d'un produit de qualité des agricul- teurs canadiens soit conservée auprès de leurs clients tant nationaux qu'étrangers. L'objet pre mier et général de la Loi sur les grains du Canada serait le maintien et l'amélioration de la qualité du grain cultivé au Canada et la réglementation de sa manutention au Canada dans l'intérêt public géné- ral mentionné ci-dessus.
En plus, la lecture des diverses dispositions de la loi me convainc qu'elle touche plusieurs catégories différentes d'individus qui en bénéficient et aux- quels elle impose des obligations. Ainsi l'article 32 crée cinq catégories de permis d'élévateur, l'article 33 prévoyant la création de sous-catégories. Plu- sieurs dispositions sont applicables à toutes ces catégories; certaines leur imposent des obligations, d'autres les protègent. Ainsi l'article 45 impose des obligations aux élévateurs autorisés alors que l'ar- ticle 46 les protège; l'article 53 protège les exploi- tants d'élévateurs primaires autorisés, l'article 64 ceux d'élévateurs terminus et de transbordement autorisés, auxquels il profite. D'autre part, les articles 51, 53, 55, 56, 68, 69, 70 et 71 profitent aux producteurs, qu'ils protègent. La liste n'est aucunement exhaustive; elle renforce cependant mon avis: on ne voulait pas que cette loi profite à une catégorie particulière d'individus. Il s'agit plutôt, je pense, d'une loi imposant des devoirs et des obligations généraux relatifs à la production, à la commercialisation et au contrôle de la qualité de l'un des produits du secteur primaire les plus importants du Canada. Elle est, je pense, de la même espèce que la loi qu'étudia la Cour dans
l'arrêt Lignes aériennes Canadien Pacifique, Liée (précité). C'est aussi une loi qui, selon moi, a été adoptée dans l'intérêt de tout le pays et, bien qu'elle touche forcément, de maintes façons, plu- sieurs catégories d'individus, on ne peut dire qu'elle fut adoptée pour le bénéfice et la protection d'une catégorie particulière. J'ai donc conclu que c'est à tort que l'éminent juge de première instance a statué que l'alinéa 86c) imposait à l'appelante une obligation dont l'exécution, par voie judiciaire, peut être demandée par l'intimée.
Vu cette conclusion, il devient inutile d'exami- ner la question des dommages subis par l'intimée et leur étendue. Je suis d'avis toutefois que la preuve administrée justifiait amplement le premier juge de conclure qu'ils s'élevaient au montant accordé. S'il s'était avéré nécessaire de connaître de cette question, je n'aurais pas modifié l'indem- nité accordée.
Pour tous ces motifs, j'accueillerais l'appel, débouterais l'intimée de son action avec dépens, en l'appel comme en première instance.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: J'y souscris aussi.
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