A-609-79
In re la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et in
re Alma A. Bonneau (Requérante)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie, le juge
suppléant Maguire—Winnipeg, 2 mai 1980.
Examen judiciaire — Assurance-chômage — Admissibilité
aux prestations — Résiliation du contrat de travail d'une
enseignante — Reliquat de salaire reçu conformément à la
formule prévue par le contrat de travail — Demande de
prestations rejetée — Le reliquat de salaire était considéré, à
la lumière du par. 173(4) du Règlement sur l'assurance-chô-
mage, comme une rémunération payable aux termes du contrat
de travail sans que soient fournis des services — Il n'y aurait
pas eu d'arrêt de rémunération au sens du par. 148(1) du
Règlement — /l échet d'examiner si le reliquat de salaire a été
payé en échange de services — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 — Règlement sur l'assurance-
chômage, DORS/71-324, art. 173(3) et (4), DORS/72-114, art.
148(1).
Demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'examen et à
l'annulation de la décision du juge-arbitre qui a rejeté l'appel
formé par la requérante contre une sentence arbitrale et conclu
qu'elle n'avait pas droit aux prestations. La requérante, une
enseignante dont le contrat de travail a pris fin le 30 juin 1978,
a reçu un reliquat de salaire en sus de sa dernière paie et
conformément à la formule prévue par le contrat de travail. Peu
après, elle a fait une demande de prestations d'assurance-chô-
mage, que la Commission a rejetée par application du paragra-
phe 173(4) du Règlement sur l'assurance-chômage. Le juge-
arbitre saisi, concluant que le contrat de travail n'existait plus,
a appliqué les paragraphes 148(1) et 173(4) du Règlement pour
conclure qu'il n'y avait pas d'arrêt de rémunération, ce qui
privait la requérante du droit de réclamer des prestations. Il
échet d'examiner si le reliquat de salaire a été payé en échange
de services.
Arrêt: la requête est accueillie et l'affaire est renvoyée au
juge-arbitre pour nouvelle décision conforme aux motifs du
jugement. C'est le paragraphe 173(3) du Règlement qui s'ap-
plique en l'espèce, plutôt que le paragraphe 173(4). L'article 8
du contrat prévoit que le reliquat de salaire est payé «pour la
fraction de l'année où elle a effectivement enseigné». Le para-
graphe 173(4) s'applique à la rémunération payable «sans que
soient fournis des services». En l'espèce, le reliquat de salaire a
été indéniablement payé en échange des services fournis confor-
mément au paragraphe 173(3) et, en conséquence, aurait dû
être réparti sur la période où la requérante a effectivement
enseigné. Il en résulte qu'il y a eu arrêt de rémunération au sens
du paragraphe 148(1).
Distinction faite avec l'arrêt: In re la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage et in re Dick [1978] 2 C.F. 336.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
D. A. Booth pour la requérante.
Brian H. Hay pour l'intimée.
PROCUREURS:
Allen & Booth, Winnipeg, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés à l'audience
par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande fondée
sur l'article 28 et tendant à l'examen et à l'annula-
tion de la décision d'un juge-arbitre saisi en appli
cation de la Partie V de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48. Par
cette décision, le juge-arbitre a rejeté l'appel formé
par la requérante contre la décision d'un conseil
arbitral qui avait conclu qu'elle n'avait pas droit
aux prestations d'assurance-chômage pour les mois
de juillet et d'août 1978.
Les faits de la cause peuvent se résumer en
quelques mots. La requérante avait été engagée
comme enseignante au service de la division sco-
laire de Norwood Manitoba, par contrat en date
du 10 décembre 1977. En application de ce con-
trat, elle était entrée en fonction le 3 janvier 1978.
Le 3 mai 1978, la commission scolaire qui l'em-
ployait, l'a informée que par suite d'une réorgani-
sation des attributions au sein de l'école, son poste
serait supprimé à compter du 30 juin 1978 et qu'en
conséquence, son emploi prendrait fin à cette date.
Le 30 juin 1978 ou vers cette date, la requérante
a reçu, en sus de son traitement de juin et confor-
mément à l'article 8 de son contrat de travail, un
reliquat de $1,233.13, ce qui fait que le rapport
entre ce qu'elle touchait au total et son traitement
annuel était égal au rapport entre les jours où elle
avait effectivement enseigné (122) et le nombre de
jours d'une année scolaire (200).
Le 6 juillet 1978, la requérante a fait une
demande de prestations d'assurance-chômage. La
Commission s'est fondée sur le paragraphe 173(4)'
du Règlement sur l'assurance-chômage, DORS/
71-324, pour rejeter sa demande car, à son avis, le
reliquat payé en l'espèce représentait une rémuné-
ration payable aux termes d'un contrat de travail
sans que soient fournis des services. Il était donc
réparti sur la période pour laquelle il était réputé
payable, c'est-à-dire du 2 juillet 1978 au 31 août
1978. Ce rejet fut subséquemment confirmé par le
conseil arbitral et par le juge-arbitre.
Pour rendre justice en l'espèce, il me paraît
nécessaire de rappeler les clauses pertinentes du
contrat de travail de la requérante. Le savant
juge-arbitre l'a fait, et je reproduis les citations
qu'il a faites aux pages 61 et 62 du dossier d'appel,
comme suit:
[TRADUCTION] 1. La commission scolaire par les présentes
engage l'enseignante et celle-ci par les présentes s'engage au
service de la commission scolaire, moyennant un traitement
annuel de dollars conformément à la convention
collective entrée en vigueur le , l'engagement devant
commencer le 3 janvier 1978 et prendre fin de la manière
prévue ci-après.
2. La commission scolaire s'engage à payer à l'enseignante le
traitement prévu ci-dessus en versements mensuels égaux et
consécutifs de ... dollars, au plus tard le dernier jour de classe
de chaque mois, le premier paiement devant avoir lieu le ...
19 ..., et ce au cours de chaque année où le présent contrat
demeure en vigueur.
3. Le traitement échu en juillet ou en août sera payé le
dernier jour du mois en cause.
6. Le présent contrat est réputé en vigueur et reconduit
d'année en année, sauf résiliation selon l'une ou l'autre des
méthodes suivantes:
a)...
b) par préavis signifié un mois au moins avant le 31 décem-
bre ou le 30 juin pour dénoncer le contrat à compter du 31
décembre ou du 30 juin, selon le cas. Si l'autre partie en fait
la demande, celle qui dénonce le contrat devra lui communi-
quer les motifs de la résolution.
8. Au cas où le présent contrat est résolu par préavis dans les
conditions prévues à l'article 6 ci-dessus, le dernier paiement
sera rajusté de façon que l'enseignante reçoive, pour la fraction
de l'année où elle a effectivement enseigné, une fraction de son
' Le paragraphe 173(4) du Règlement porte:
173... .
(4) La rémunération payable à un prestataire aux termes
d'un contrat de travail, sans que soient fournis des services,
ou la somme payable par un employeur à un prestataire pour
qu'il revienne au travail ou qu'il accepte un emploi, doit être
répartie sur la période pour laquelle elle est payable.
traitement annuel en proportion du rapport entre le nombre de
jours où elle a effectivement enseigné et le nombre de jours de
l'année scolaire en cours, tel qu'il est fixé par le ministre de
l'Éducation.
Après avoir fait état de la lettre de congédiement
en date du 3 mai 1978, le savant juge-arbitre a fait
observer que le contrat de travail de la requérante
n'existait plus après le 30 juin 1978. Il a cependant
cité le paragraphe 148 (1) du Règlement, encore
que partiellement 2 . Voici ce que prévoit ce para-
graphe 148(1):
148. (1) Sous réserve des dispositions du présent article, un
arrêt de rémunération survient quand, après une période d'em-
ploi, l'assuré est licencié ou cesse d'être au service de son
employeur, et se trouve ou se trouvera à ne pas avoir travaillé
pour cet employeur durant une période de sept jours ou plus, à
l'égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet
emploi, autre que les rémunérations dont il est question aux
paragraphes 173(9) et (12) ne lui est payable ni attribuée.
Il a conclu que le paragraphe 148 (1) du Règle-
ment s'appliquait en l'espèce et, partant, qu'il n'y
avait pas eu arrêt de rémunération en juillet ni en
août, ce qui privait la requérante du droit de
réclamer des prestations. Il me semble que pour
arriver à cette conclusion, le savant juge-arbitre a
dû se fonder sur le paragraphe 173(4) supra du
Règlement. Sauf le respect que je lui dois, je ne
saurais convenir que ce paragraphe 173(4) s'appli-
que en l'espèce. L'article 8 du contrat de travail
prévoit qu'en cas de résolution par préavis prévu à
l'article 6 (comme c'est le cas en l'espèce), le
reliquat de salaire est payé «pour la fraction de
l'année où elle a effectivement enseigné». Le para-
graphe 173(4) s'applique à la rémunération paya
ble «sans que soient fournis des services». En l'es-
pèce, le reliquat de salaire couvrait les services
fournis au cours de la fraction de l'année où la
requérante avait enseigné pour le compte de l'em-
ployeur. A mon avis donc, c'est le paragraphe
173(3) qui s'applique en l'espèce, plutôt que le
paragraphe 173(4). Le paragraphe 173(3) porte:
173... .
(3) La rémunération payable à un prestataire en échange de
ses services doit être répartie sur la période pendant laquelle ces
services ont été fournis.
A mon avis, le reliquat dont il s'agit a été indénia-
blement payé «en échange de ... services» au cours
de la période de janvier à juin inclusivement, pen -
2 La partie de cet article que le juge-arbitre a omis de citer ne
présente, à mon avis, aucun rapport avec les faits de la cause.
dant que la requérante enseignait effectivement.
En conséquence, le reliquat devait s'appliquer à
cette période, conformément au paragraphe 173(3)
du Règlement.
Il en résulte qu'il y avait, en juillet et août 1978,
un arrêt de rémunération au sens du paragraphe
148(1) rappelé ci-dessus, puisque aucun des gains
de la requérante ni son reliquat de salaire ne
pouvait s'appliquer à la période postérieure au 30
juin. A mon avis donc, la requérante a été privée à
tort de son droit aux prestations pour juillet et
août 1978.
Dans l'affaire In re la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage et in re Dick 3 , la Cour de céans a
entendu la demande d'une enseignante du district
scolaire de Winnipeg qui réclamait les prestations
de maternité prévues par la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage. Son contrat de travail pré-
voyait aussi le paiement du reliquat de salaire pour
«la fraction de l'année où elle enseignait effective-
ment». De même, le paragraphe 173(4) du Règle-
ment a été invoqué pour justifier la répartition du
reliquat sur les mois de juillet et d'août 1976. Dans
cette affaire, la prestataire avait fait sa demande le
26 mars 1976, en indiquant que la cessation de
travail avait pour cause sa grossesse, qu'elle pre-
nait un congé de maternité et qu'elle avait l'inten-
tion de retourner au travail en septembre 1977.
Dans un jugement rendu à l'unanimité, la Cour de
céans a infirmé la décision du juge-arbitre et lui a
renvoyé l'affaire pour nouvelle instruction au motif
que la question de savoir si l'emploi avait pris fin
devait être tranchée à la lumière de toutes les
circonstances de la cause, telles qu'elles ressor-
taient des preuves déjà administrées ainsi que de
toutes nouvelles preuves qui, de l'avis du juge-arbi-
tre, pourraient être rapportées. Dans les motifs du
jugement Dick, supra, M. le juge Pratte s'est
prononcé en ces termes à la page 338:
La question importante à laquelle le juge-arbitre devait
répondre, était de savoir si le contrat de travail de la requérante
avait pris fin le 26 mars 1976.* Dans l'affirmative, il en
résultait que la somme de $1,878.07 avait été versée à la
requérante «au titre de la partie de l'année au cours de laquelle
elle a enseigné», conformément à la disposition du contrat de
travail cité par le juge-arbitre dans sa décision, et que la somme
pouvait être considérée comme versée à titre de salaire pour les
mois de juillet et août. Dans la négative par contre, il en
3 [1978] 2 C.F. 336.
résultait nécessairement que le paiement de la somme de
$1,878.07 était une avance de salaire pour les mois d'été.
* Contrairement à ce que certains passages de la décision
du juge-arbitre peuvent laisser entendre, cette question ne
doit pas être confondue avec celle de savoir si la requérante
avait cessé son emploi de manière à subir un «arrêt de
rémunération» au sens de l'article 2n). A mon avis, une
cessation d'emploi n'implique pas nécessairement la fin du
contrat de travail.
A l'opposé de l'affaire Dick rappelée ci-dessus, il
est indéniable que le contrat de travail de la requé-
rante avait pris fin le 30 juin 1978. C'est la
conclusion que le savant juge-arbitre a tirée de la
lettre de congédiement de l'employeur et cette
conclusion me paraît judicieuse. Appliqué à cette
situation de fait, le raisonnement adopté dans l'ar-
rêt Dick, supra, veut qu'en l'espèce, le reliquat de
salaire ait été payé à la requérante «pour la frac
tion de l'année où elle a effectivement enseigné» et
ne puisse être réparti comme s'il s'était agi du
salaire pour juillet et août.
Par ces motifs, j'accueillerais la demande fondée
sur l'article 28, infirmerais la décision du juge-
arbitre et lui renverrais l'affaire pour nouvelle
décision non contraire aux présents motifs.
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