T-2048-80
La bande indienne de Lubicon Lake, groupe d'In-
diens reconnu sous le régime de la Loi sur les
Indiens, de Little Buffalo Lake (Alberta), le chef
Bernard Ominayak, Billy Joe Laboucan, Larry
Ominayak et Edward Laboucan, en leur propre
nom et au nom de tous les membres de la bande
indienne de Lubicon Lake et de la communauté
crise de Little Buffalo Lake (Demandeurs)
c.
La Reine du chef du Canada, la Reine du chef de
la province de l'Alberta, Petro -Canada, Petro -
Canada Exploration Inc., Imperial Oil Limited,
Esso Resources Canada Limited, Shell Canada
Limited, Shell Canada Resources Limited, Uno-
Tex Petroleum Corporation, Union Oil Company
of Canada Limited, Amoco Canada Petroleum
Company Ltd., Numac Oil & Gas Ltd. (Défende-
resses)
Division de première instance, le juge Addy—
Edmonton, 12 et 13 novembre; Ottawa, 19 novem-
bre 1980.
Compétence — Couronne — Action où il est question de
revendications de terres et de droits des aborigènes — Deman-
des excipant de l'incompétence de la Cour présentées par les
défenderesses tendant au rejet de l'action intentée contre elles
— Trois catégories de requérantes: (1) les sociétés pétrolières,
(2) la province de l'Alberta et (3) Petro -Canada — La Reine
du chef du Canada n'est pas requérante — Il échet d'examiner
si l'art. 17(2) de la Loi sur la Cour fédérale inclut une action
par un sujet contre un défendeur autre que la Couronne du
chef du Canada — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2"
Supp.), c. 10, art. 2, 17, 19, 23, 25 — Loi sur la société
Petro -Canada, S.C. 1974-75-76, c. 61, art. 6, 14 — Loi
d'interprétation, S.R.C. 1970, c. 1-23, art. 16 — The Judica
ture Act, S.R.A. 1970, c. 193.
Toutes les défenderesses, à l'exception de la Reine du chef du
Canada, ont excipé de l'incompétence de la Cour et demandé le
rejet de l'action intentée contre elles relativement à des revendi-
cations de terres et à des droits des aborigènes. Les requérantes,
classifiées en trois catégories, sont: (1) les sociétés pétrolières et
Petro -Canada Exploration Inc., société fédérale ordinaire cons-
tituée par lettres patentes et filiale en propriété exclusive de
Petro -Canada, (2) la province de l'Alberta et (3) Petro -
Canada, société appartenant exclusivement à la Couronne du
chef du Canada. Il s'agit de déterminer si l'article 17(2) de la
Loi sur la Cour fédérale inclut une action par un sujet contre
un défendeur autre que la Couronne du chef du Canada.
Arrêt: il est fait droit aux requêtes et l'action est rejetée pour
ce qui concerne les requérantes. (1) Pour ce qui concerne les
sociétés pétrolières, il n'existe absolument aucune loi sous le
régime de laquelle il peut être donné effet à certains droits
contre elles en Cour fédérale du Canada. Ni l'article 17(1), ni
l'article 17(2) de la Loi sur la Cour fédérale n'est d'aucun
secours aux demandeurs. L'article 17(1) ne fait que mentionner
la partie, c'est-à-dire la Couronne, contre laquelle une réclama-
tion peut être faite. Pour ce qui concerne la deuxième catégorie
de demande visée à l'article 17(2), soit une réclamation qui
«découle ou est née d'un contrat passé par la Couronne ou pour
son compte», elle n'autorise pas une demande entre sujets.
D'abord, lorsqu'il s'agit d'une cour créée par une loi, toutes les
dispositions relatives à la compétence doivent être interprétées
de façon restrictive. Deuxièmement, il ressort clairement de la
Loi dans son ensemble que le Parlement voulait que cette
disposition ne s'applique que dans le cas où la Couronne serait
intéressée directement. Il serait presque ridicule de conclure
que l'article 17(2) donne à la Cour une compétence exclusive en
première instance pour connaître des réclamations entre sujets
dans les cas où une réclamation découle, d'une façon quelcon-
que, d'un contrat auquel la Couronne est partie. (2) Ce qui a
été dit relativement à l'article 1 7(2) pour les sociétés pétrolières
s'applique également à la province de l'Alberta. Le sens du
terme «Couronne» dans la Loi sur la Cour fédérale est expres-
sément restreint, à l'article 2, à la Couronne du chef du
Canada. La Couronne du chef de l'Alberta n'est pas mention-
née à l'article 17(2) de la Loi et, par conséquent, n'est pas liée
par ce texte. (3) Enfin, tout jugement obtenu contre la Cou-
ronne du chef du Canada pourrait être exécuté sans que
Petro -Canada soit poursuivie. En qualité de mandataire de Sa
Majesté, Petro -Canada n'a aucun intérêt, en droit ou en equity,
à défendre. En outre, elle n'est pas un «fonctionnaire» ou un
«préposé» de la Couronne et ne peut être poursuivie en tant que
tel sous le régime de l'article 17(4) de la Loi sur la Cour
fédérale. Si les demandeurs voulaient poursuivre Petro -Canada,
ils pourraient le faire devant la Cour du Banc de la Reine en
Alberta.
Arrêts mentionnés: Sunday c. L'Administration de la voie
maritime du Saint-Laurent [1977] 2 C.F. 3; Pacific
Western Airlines Ltd. c. La Reine du chef du Canada
[1979] 2 C.F. 476, [1980] 1 C.F. 86; Lees c. La Reine
[1974] 1 C.F. 605. Distinction faite avec l'arrêt: Baker
Lake (Hamlet) c. Le ministre des Affaires indiennes et du
Nord canadien [1980] I C.F. 518.
REQUÊTES.
AVOCATS:
J. O'Reilly et W. Grodinsky pour les
demandeurs.
Personne ne comparaissant pour la Reine du
chef du Canada.
H. L. Irving, c.r., B. J. Larbalestier, W.
Henkel, c.r. et N. Steed pour la Reine du chef
de la province de l'Alberta.
C. Johnston et D. Pettigrew pour Petro -
Canada et Petro -Canada Exploration Inc.
J. M. Robertson, c.r. et R. A. Coad pour
Imperial Oil Limited, Esso Resources Canada
Limited, Shell Canada Limited, Shell Canada
Resources Limited, Uno-Tex Petroleum Cor
poration, Union Oil Company of Canada
Limited, Amoco Canada Petroleum Company
Limited et Numac Oil & Gas Ltd.
PROCUREURS:
O'Reilly & Grodinsky, Montréal, pour les
demandeurs.
Parlee, Irving, Henning, Mustard & Rodney,
Edmonton, pour la Reine du chef de
l'Alberta.
Johnston & Buchan, Ottawa, pour Petro -
Canada et Petro -Canada Exploration Inc.
Fenerty, Robertson, Fraser & Hatch, Cal-
gary, pour Imperial Oil Limited, Esso Resour
ces Canada Limited, Shell Canada Limited,
Shell Canada Resources Limited, Uno-Tex
Petroleum Corporation, Union Oil Company
of Canada Limited, Amoco Canada Petro
leum Company Limited et Numac Oil & Gas
Ltd.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran-
çais par
LE JUGE ADDY: Dans la déclaration introduc-
tive d'instance, il est question de revendications de
terres et de droits des aborigènes ainsi que de
revendications, tant au nom d'Indiens visés par les
traités que d'Indiens qui ne le sont pas et de métis,
relativement à des réserves, à des terres arpentées
ou désignées en vue d'en faire des réserves, de
même que d'autres terres non désignées compre-
nant de longues étendues à l'intérieur de l'Alberta
qui seraient, allègue-t-on, comprises dans les terres
visées par le traité signé le 21 juin 1899, appelé le
traité n° 8.
Toutes les défenderesses, à l'exception de Sa
Majesté la Reine du chef du Canada, ont excipé de
l'incompétence de la Cour et demandé le rejet de
l'action intentée contre elles. Les trois requêtes
furent entendues en même temps.
Au terme des débats, à l'audience, j'ai accueilli
les requêtes et conclu au rejet de l'action telle
qu'intentée contre les requérantes. J'ai exposé ora-
lement les motifs à l'audience en précisant que je
publierais un résumé écrit des motifs.
La meilleure façon de procéder à l'examen des
requêtes serait de classifier les requérantes en trois
catégories. La première comprend les huit sociétés
pétrolières indépendantes ainsi que Petro -Canada
Exploration Inc., société fédérale ordinaire consti-
tuée par lettres patentes mais aussi filiale en pro-
priété exclusive de Petro -Canada. La catégorie
suivante comprendrait uniquement la province de
l'Alberta et la dernière catégorie, Petro -Canada,
société appartenant exclusivement à la Couronne
du chef du Canada, constituée par une loi spéciale
du Canada, la Loi sur la Société Petro -Canada'.
J'appellerai ci-après sociétés pétrolières les défen-
deresses-requérantes mentionnées en premier.
J'examinerai d'abord leur cas.
En plus de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), c. 10, les avocats des demandeurs,
tant dans leur plaidoirie écrite que dans leurs
observations faites oralement à l'audience, ont cité
plusieurs statuts, lois, traités et règlements, tels le
traité n° 8 précité, l'article 91(24) de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31
Vict., c. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n°
5], l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
1930, 20-21 Geo. V, c. 26 (R.-U.) [S.R.C. 1970,
Appendice II, n° 25]; la Loi sur les Indiens 2 ; la Loi
des ressources naturelles de l'Alberta 3 ; le Décret
impérial 4 ; la Loi sur le pétrole et le gaz des terres
indiennes 5 ; la Loi sur le pipe-line du Nord 6 et
plusieurs lois sur les terres du Dominion. Il ne
semble y avoir absolument rien dans ces lois qui
pourrait même sembler rendre les sociétés pétroliè-
res défenderesses justiciables de la Cour fédérale
du Canada pour ce qui a trait à l'application de
tous droits, devoirs ou obligations créés par ces
lois.
En ce qui concerne la Loi sur la Cour fédérale
même, on m'a cité plusieurs articles qui ne sont
manifestement pas applicables en espèce. Il est
clair que l'article 19 ne s'applique qu'aux litiges
entre une province et le gouvernement fédéral ou
entre deux provinces ou davantage. Il n'est d'au-
cun secours aux demanderesses. L'article 25 n'est
pas applicable étant donné que la Cour du Banc de
S.C. 1974-75-76, c. 61, sanctionnée le 30 juillet 1975.
2 S.R.C. 1970, c. 1-6.
3 S.C. 1930, c. 3.
° 23 juin 1870, portant admission de la Terre de Rupert et du
Territoire du Nord-Ouest dans l'Union [S.R.C. 1970, Appen-
dice II, n° 91.
S.C. 1974-75-76, c. 15.
6 S.C. 1977-78, c. 20.
la Reine de l'Alberta est manifestement compé-
tente pour connaître de toute réclamation contre
ces défenderesses. A cet égard, je suis entièrement
d'accord avec ce que mon collègue le juge Mar-
ceau dit aux pages 9 et 11 de l'arrêt Sunday c.
L'Administration de la voie maritime du Saint-
Laurent' concernant les articles 17 et 25 de la Loi
sur la Cour fédérale et l'étendue limitée de la
compétence de la Cour. Je ne suis pas d'accord
avec les avocats des demandeurs qu'à cause de la
décision dans The Hamlet of Baker Lake c. Le
ministre des Affaires indiennes et du Nord cana-
dien', la question ne soit pas tranchée. Le simple
fait qu'un juge n'estime pas nécessaire ou appro-
prié, à un moment donné, de statuer sur un point
de droit qui a été soulevé pour trancher les ques
tions qui lui ont été soumises ne signifie pas que ce
point de droit ne soit pas tranché en ce sens qu'on
n'a pas statué sur celui-ci auparavant. De toute
façon, d'après les motifs donnés en statuant sur la
demande reconventionnelle dans l'arrêt The
Hamlet of Baker Lake, il semble que les défen-
deurs dans l'action principale demeurèrent parties
au litige parce qu'on leur a permis de le faire par
suite d'une demande et conformément à un accord
conclu entre les parties sous le régime de l'article
17(3) de la Loi sur la Cour fédérale. Ce n'est
manifestement pas le cas en l'espèce.
Le litige se réduit finalement à la question de
savoir si l'article 17(2) de la Loi sur la Cour
fédérale peut être considéré comme incluant une
action par un sujet contre un défendeur autre que
la Couronne du chef du Canada. Je n'hésite pas à
conclure que non. Je suis d'accord avec Mc Robert-
son, plaidant au nom des huit sociétés pétrolières
indépendantes, lorsqu'il dit que s'il est vrai qu'il
pourrait y avoir des questions appropriées, sous le
régime de lois fédérales appropriées et valides sur
le plan constitutionnel (et je ne formule aucune
conclusion à cet égard) au titre desquelles les
requérantes pourraient revendiquer certains droits,
tel qu'allégué dans la déclaration, il n'existe abso-
lument aucune loi sous le régime de laquelle de tels
redressements peuvent être obtenus en Cour fédé-
rale du Canada contre ses clientes, et que ni
l'article 17(1) ni l'article 17(2) ni aucune autre
partie de la Loi sur la Cour fédérale n'est d'aucun
secours aux demandeurs. L'article 17(1) ne fait
7 [1977] 2 C.F. 3.
8 [1980] 1 C.F. 518.
que mentionner la partie, c'est-à-dire la Couronne,
contre laquelle une réclamation peut être faite, et
ne parle nullement de la nature de ces réclama-
tions. Dans l'article 17(2), d'autre part, il est fait
mention de ces deux questions. C'est la seule partie
de la Loi sur la Cour fédérale que les demandeurs
peuvent peut-être citer à l'appui de leur réclama-
tion. Une seule défenderesse, la Couronne, est
mentionnée dans les première et troisième parties
de ce paragraphe relativement à la propriété en la
possession de la Couronne et à des demandes faites
contre la Couronne pour atteinte défavorable. La
deuxième catégorie de demande «découle ou est
née d'un contrat passé par la Couronne ou pour
son compte». Les demandeurs prétendent que ce
langage autorise une demande entre sujets. Je ne
suis pas du tout d'accord; d'abord, parce que, en ce
qui concerne une cour créée par une loi, toutes les
dispositions relatives à la compétence doivent être
interprétées de façon restrictive et deuxièmement,
ce qui est plus important, parce que, à la lecture de
la disposition même, et compte tenu de sa place
dans le paragraphe et dans l'article, immédiate-
ment après le paragraphe (1), il me semble évident
que le Parlement voulait que cette disposition ne
s'applique que dans les cas où la Couronne serait
intéressée directement, et non aux réclamations
entre sujets. Cela ressort clairement de la Loi dans
son ensemble. Aux articles 23 et 25, où il est
question de réclamations entre sujets, on le prévoit
expressément. Bien que je n'entende pas trancher
cette question, j'ajouterais qu'il pourrait très bien
être décidé que cette partie du paragraphe (2) ne
vise que les réclamations où la Couronne est défen-
deresse parce que le paragraphe (2) même semble
traiter exclusivement et de façon générale des
réclamations contre la Couronne et aussi parce que
le paragraphe (4) de l'article 17 prévoit les cas où
la Couronne est demanderesse. Dans ce dernier
cas, il y a compétence concurrente en première
instance plutôt que compétence exclusive, comme
le prévoit l'article 17(2). Enfin, mis à part les
problèmes constitutionnels impliqués pour ce qui
concerne la propriété et les droits civils, il serait
presque ridicule de conclure que l'article 17(2)
donne à la Cour une compétence exclusive en
première instance pour connaître des réclamations
entre sujets dans les cas où une réclamation
découle, d'une façon quelconque, d'un contrat
auquel la Couronne est partie.
En ce qui concerne la position de la province de
l'Alberta à titre de défenderesse, ce qui a été dit
relativement à l'article 17(2) pour les sociétés
pétrolières s'applique également à elle. Le sens du
terme «Couronne» dans la Loi sur la Cour fédérale
est expressément restreint, à l'article 2, à la Cou-
ronne du chef du Canada. En outre, même s'il
était décidé que les dispositions de l'article 16 de la
Loi d'interprétation 9 , où il est prévu que nul texte
législatif n'a d'effet sur les droits et prérogatives de
Sa Majesté, sauf dans la mesure y mentionnée ou
prévue, s'appliquent exclusivement à Sa Majesté
du chef du Canada, je suis d'avis que la règle de
common law en vertu de laquelle est maintenu le
non-assujettissement de la Couronne aux textes
législatifs de nature générale s'applique à la Cou-
ronne du chef de toutes les provinces. (Voir Pacific
Western Airlines Ltd. c. La Reine du chef du
Canada 1 ).) L'Alberta jouirait de cette immunité
pour ce qui concerne tout texte législatif adopté
par le Parlement du Canada. La Couronne du chef
de l'Alberta n'est pas mentionnée à l'article 17(2)
et, par conséquent, n'est pas liée par ce texte.
Même s'il était décidé que l'article 17(2) visait les
réclamations entre «sujets», il est tout à fait incon-
cevable que la Couronne du chef de l'Alberta
puisse être considéré comme un «sujet» de la Cou-
ronne du chef du Canada.
Il ne servirait à rien de traiter de certains des
problèmes constitutionnels soulevés et débattus in
extenso devant moi. La question de savoir si le
Parlement du Canada a le pouvoir constitutionnel
d'adopter certaines lois qui lieraient la Couronne
du chef de l'Alberta, ou même d'autres entités, ne
se pose pas réellement et il n'est pas nécessaire de
l'examiner étant donné que, dans les faits, le Parle-
ment n'a pas essayé de le faire.
Examinons maintenant la demande de Petro -
Canada. Cette société fut constituée par la Loi
spéciale du Parlement que j'ai citée ci-dessus. Aux
termes de l'article 5, les actions ordinaires doivent
être souscrites par le Ministre désigné et payées
sur le Fonds du revenu consolidé à la demande de
la société et avec l'approbation du ministre des
Finances. Les actions sont inaliénables. L'article
14(1) prévoit que la société est à toutes les fins de
la Loi mandataire de Sa Majesté et que les pou-
9 S.R.C. 1970, c. 1-23.
'° [1979] 2 C.F. 476.
voirs que la Loi lui attribue ne peuvent être exercés
qu'à ce titre. La société peut conclure des contrats
en son propre nom ou au nom de Sa Majesté
(article 14(2)). Sa Majesté est propriétaire des
biens acquis par la société. (Voir l'article 14(3).)
Bien que Petro -Canada soit évidemment un
mandataire de Sa Majesté, elle n'est pas un «fonc-
tionnaire» ou un «préposé» de la Couronne et ne
peut être poursuivie en tant que tel sous le régime
de l'article 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale
(voir Lees c. La Reine" et King c. La Reine 12 ).
Quels que soient les droits et les intérêts dans les
terres en question que Petro -Canada ait pu acqué-
rir ou vouloir acquérir en conformité avec les
objets de la société prévus à l'article 6 de sa Loi
constituante, ils furent sans aucun doute acquis
exclusivement pour Sa Majesté et en son nom. La
Loi l'exige. Lorsqu'un mandataire détient un bien
complètement et exclusivement pour et au nom
d'un mandant, et qu'il n'a, par conséquent, aucun
intérêt en equity ni en droit dans celui-ci, ce bien
n'appartient en aucune façon au mandataire.
Ainsi, lorsque le mandant est poursuivi par un tiers
pour que lui soit reconnu un intérêt dans ce bien, le
mandataire ne doit pas être mis en cause étant
donné que le mandataire en tant que tel n'a aucun
intérêt, en droit ou en equity, à défendre. Tout
jugement obtenu contre la Couronne du chef du
Canada relativement aux terres en cause pourrait
être exécuté intégralement sans que Petro -Canada
soit poursuivie. Enfin, l'article 14(4) de la Loi sur
la Société Petro -Canada est ainsi libellé:
14....
(4) Les actions, poursuites ou autres procédures judiciaires
concernant un droit acquis ou une obligation contractée pour le
compte de Sa Majesté par la Corporation, soit en son nom
propre soit au nom de Sa Majesté, peuvent être intentées par ou
contre la Corporation devant le tribunal qui aurait compétence
si la Corporation n'était pas mandataire de Sa Majesté.
Il semble très clair que si les demandeurs vou-
laient poursuivre Petro -Canada relativement à un
droit acquis ou une obligation contractée par la
société pour le compte de Sa Majesté, ils pour-
raient le faire devant le tribunal qui aurait compé-
" [1974] 1 C.F. 605 la p. 610.
12 Jugement non publié daté du 17 novembre 1971, n° du
greffe T-2573-71, plus particulièrement aux pp. 3, 4, 5 et 20
des motifs du jugement.
tence relativement à la terre en Alberta, soit, aux
termes de The Judicature Act" de cette province,
la Cour du Banc de la Reine. Il est également clair
que ce même tribunal est compétent pour con-
naître de toutes les questions soulevées contre
toutes les autres requérantes dans les requêtes dont
je suis saisi.
Pour ce qui a trait à l'argument concernant ce
que les avocats des demandeurs ont appelé la
compétence [TRADUCTION] «accessoire» de la
Cour en raison de l'élément commodité, la Cour
d'appel a définitivement rejeté cette thèse dans
l'arrêt Pacifie Western Airlines Ltd. c. La Reine
du chef du Canada".
La présente action peut donc être poursuivie
uniquement contre Sa Majesté du chef du Canada
comme défenderesse.
Contrairement à ce qu'allèguent leurs avocats,
les demandeurs ne sont privés d'aucun de leurs
droits: s'ils désirent poursuivre leur action contre
la Couronne du chef du Canada devant cette Cour,
ils peuvent le faire; ils peuvent également deman-
der tous les redressements qu'ils veulent obtenir
contre les autres parties en s'adressant à la Cour
du Banc de la Reine en Alberta. Cela impliquerait
deux actions, mais c'est un des inconvénients qu'il
faut supporter lorsqu'il y a un double palier de
gouvernement et des tribunaux aux sphères de
compétence séparées.
Comme je l'ai déclaré au début, les requêtes
sont accueillies et l'action est rejetée pour ce qui
concerne les requérantes. Tel que suggéré par ces
dernières, elles n'auront droit aux frais de l'action
et des requêtes que si elles en font la demande.
13 S.R.A. 1970, c. 193.
14 [1980] 1 C.F. 86 aux pp. 87 89.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.