A-284-80
Oscar Manuel Diaz Duran (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, le juge Heald et les juges suppléants
MacKay et Kelly—Toronto, 8 et 27 octobre 1980.
Examen judiciaire — Immigration — Demande tendant à
l'examen et à l'annulation d'une décision de la Commission —
Sur demande de réexamen de la revendication du statut de
réfugié, la Commission d'appel de l'immigration avait devant
elle une lettre avisant le requérant de la décision du Ministre
relative à la demande du statut de réfugié ainsi que les motifs
de la décision — La déclaration du requérant se refere au
moins deux fois à la décision du Ministre — Il échet d'exa-
miner si la Commission doit examiner seulement les docu
ments mentionnés au par. 70(2)— Demande rejetée — Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 45(2), 70(2),
71(1) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c.
10, art. 28.
Distinction faite avec les arrêts: Tapia c. Le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration [1979] 2 C.F. 468; Lei va c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration A-251-79.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
I. Bardyn pour le requérant.
L. Lehmann pour l'intimé.
PROCUREURS:
Bardyn & Zalucky, Toronto, pour le requé-
rant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Cette demande soulève le
problème suivant, à savoir qu'en plus de la copie de
l'interrogatoire sous serment et de la déclaration
du requérant prévues au paragraphe 70(2)', la
Commission d'appel de l'immigration, sur
demande de réexamen faite conformément aux
articles 70 et 71, de la Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, avait également devant
elle une lettre datée du 14 février 1980 que le
greffier du comité consultatif sur le statut de
réfugié avait adressée au requérant pour l'informer
que, conformément au paragraphe 45(2) de la Loi,
le Ministre avait décidé qu'il n'était pas un réfugié
au sens de la Convention. Les motifs de la décision
du Ministre étaient reproduits dans la lettre.
Se référant aux arrêts Tapia 2 et Leiva 3 , l'avocat
du requérant soutient qu'à ce stade préliminaire, la
Commission devait fonder sa décision exclusive-
ment sur les documents mentionnés au paragraphe
70(2), c'est-à-dire la copie de l'interrogatoire sous
serment et la déclaration du requérant.
Cette déclaration doit contenir ce qui est prévu
aux alinéas a) à d) inclusivement de ce paragra-
phe. Dans l'affaire Tapia (précitée), la Commis
sion avait, en plus de ces documents, tenu compte
de la lettre du médecin qui avait, semble-t-il,
examiné le requérant après le dépôt de sa demande
de réexamen. Dans l'affaire Leiva (précitée), la
Commission avait en outre considéré la transcrip
tion d'un interrogatoire sous serment qui avait été
fait sous le régime de la Loi sur l'immigration de
1970, S.R.C. 1970, c. I-2, subséquemment
abrogée.
' Le paragraphe 70(2) se lit ainsi:
70....
(2) Toute demande présentée à la Commission en vertu du
paragraphe (1) doit être accompagnée d'une copie de l'inter-
rogatoire sous serment visé au paragraphe 45(1) et contenir
ou être accompagnée d'une déclaration sous serment du
demandeur contenant
a) le fondement de la demande;
b) un exposé suffisamment détaillé des faits sur lesquels
repose la demande;
c) un résumé suffisamment détaillé des renseignements et
des preuves que le demandeur se propose de fournir à
l'audition; et
d) toutes observations que le demandeur estime pertinen-
tes.
2 Tapia c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
[1979] 2 C.F. 468.
3 Leiva c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration n° du
greffe A-251-79, 24 juillet 1979. [Aucun motif écrit de juge-
ment n'a été fourni—l'arrêtiste.]
En l'espèce, les circonstances sont très différen-
tes. Comme document non pertinent, allègue-t-on,
il y a une lettre avisant le requérant de la décision
prise par le Ministre conformément au paragraphe
45(2) et énonçant les motifs de cette décision. Il
est intéressant de noter que, dans sa déclaration
faite conformément au paragraphe 70(2), le requé-
rant se réfère directement, dans au moins deux
paragraphes, à la décision du Ministre et aux deux
motifs de cette décision. Le paragraphe 9 se lit
ainsi:
[TRADUCTION] 9. J'ai essayé de décrire plus clairement quelles
étaient mes activités politiques au Chili, en réponse au motif
suivant invoqué par le Ministre à l'appui de sa décision: «Étant
donné le caractère très marginal de vos activités politiques au
Chili (vous les avez d'ailleurs décrites de manière extrêmement
vague), on ne peut ajouter foi à votre déclaration selon laquelle
vous auriez été poursuivi par la police pendant quatre ans et
demi, soit de 1975 1979.»
Quant au paragraphe 22, il se lit comme suit:
[TRADUCTION] 22. A la page 17 de mon interrogatoire sous
serment, j'ai déclaré que tel était bien l'objet de ma peur, et je
crois que le Ministre l'a interprétée comme la peur du service
militaire même, plutôt que celle du sort que m'auraient réservé
les autorités militaires si j'avais répondu à leur appel.
Si l'on accepte les allégations de l'avocat du requé-
rant, cela signifie que la Commission d'appel de
l'immigration serait tenue d'examiner soigneuse-
ment la déclaration du requérant qui renvoie, entre
autres, à une partie des motifs invoqués par le
Ministre à l'appui de sa décision, sans toutefois
que la Commission puisse se reporter à l'ensemble
de ces motifs. Une telle situation serait nettement
inadmissible. Dans les arrêts Tapia et Leiva (pré-
cités), il est question d'autres «preuves». En l'es-
pèce, je ne considère pas la lettre du Ministre
comme une «preuve» au sens donné à cette expres
sion dans ces arrêts. Il s'ensuit qu'à mon avis, les
affaires Tapia et Leiva (précitées) se distinguent
de la présente espèce quant aux faits. Suivant mon
interprétation, les articles 70 et 71 de la Loi ont
pour but d'établir une procédure expéditive et
sommaire permettant d'interjeter appel de la déci-
sion prise par le Ministre en vertu du paragraphe
45(5), et de déterminer si la demande du requé-
rant en vue d'obtenir le statut de réfugié doit
suivre son cours et être entendue par la Commis
sion. Le paragraphe 70(2) limite donc spécifique-
ment les éléments de preuve à produire devant la
Commission en vue d'une décision rendue confor-
mément au paragraphe 71(1). Il convient de souli-
gner ici que le paragraphe 70(2) permet notam-
ment que soient déposées en preuve «toutes
observations que le demandeur estime pertinentes»
(alinéa 70(2)d)).
A mon avis, les paragraphes 9 et 22 de la
déclaration du requérant constituent, en fait, des
répliques ou des réponses aux motifs invoqués par
le Ministre dans sa lettre. C'est donc le requérant
lui-même qui a «estimé» pertinente au moins une
partie de ces motifs et qui l'a incluse dans sa
déclaration. Tel étant le cas, la Commission n'a
nettement commis aucune erreur lorsqu'elle a jugé
l'ensemble de ces motifs admissible en preuve. Si
l'on en décidait autrement, cela placerait la Com
mission dans une situation absurde. En effet, elle
est tenue, en vertu des termes mêmes de la loi
d'examiner soigneusement toutes observations que
le requérant estime pertinentes. En l'espèce, le
requérant a, dans sa demande, reproduit une partie
des motifs de la décision du Ministre, et c'est
seulement en prenant connaissance de l'ensemble
de ces motifs que la Commission pouvait rendre
une décision éclairée. Par conséquent, même si je
suis dans l'erreur lorsque j'affirme, comme je l'ai
fait précédemment, que la lettre énonçant les
motifs de la décision du Ministre ne constitue pas
une «preuve» au sens donné à cette expression dans
les affaires Tapia et Leiva (précitées), cette lettre
n'en est pas moins admissible en vertu du paragra-
phe 70(2) parce qu'elle fait partie des observations
que le présent requérant a lui-même estimées
pertinentes.
Pour ces motifs, je suis d'avis que la Commis
sion d'appel de l'immigration n'a commis aucune
erreur de droit et que, par conséquent, la demande
présentée en vertu de l'article 28 doit être rejetée.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à
ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris à ces
motifs.
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