T-3972-78
Pacific Western Airlines Ltd., et Canadian
Acceptance Corporation Limited (Demanderesses)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 8 et 15 avril 1980.
Pratique — Communication de documents — Les demande-
resses demandaient la production d'enregistrements magnéti-
ques pour une période de 10 jours et l'autorisation de trans
porter ces enregistrements aux É.-U. aux fins d'un contrôle en
laboratoire avec un équipement spécialisé dans des conditions
d'isolation, sans aucune interférence — Les échanges enregis-
trés étaient susceptibles de constituer un moyen de défense
absolu contre l'action en dommages-intérêts intentée par les
demanderesses contre la défenderesse à la suite d'un accident
d'avion — Les échanges enregistrés pouvaient être effacés,
déformés ou brouillés par les contrôles envisagés par les
demanderesses — La nature des contrôles et le genre d'équipe-
ment à être utilisé n'avaient pas été précisés — Requête
rejetée.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Robert Allen pour les demanderesses.
W. J. A. Hobson, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lane, Breck, Toronto, pour les demanderes-
ses.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par avis de requête en
date du 13 mars 1980, les demanderesses con-
cluent à une ordonnance enjoignant à la défende-
resse de mettre à leur disposition pendant dix
jours, des enregistrements magnétiques désignés
«Cranbrook Aeradio» et produits en preuve par la
Couronne sous les numéros 547 et 548 de l'annexe
I, Partie I de l'affidavit portant sur les documents
produits par la défenderesse, et les autorisant à les
transporter à l'Institute of Voice Identification de
l'Université de l'État du Michigan, East Lansing
(Michigan) aux fins de contrôle par un expert en
analyse et identification de voix, contrôle effectué
en laboratoire avec un équipement spécialisé dans
des conditions parfaites d'isolation, sans aucune
interférence physique.
La requête visait aussi une bande intitulée «Cal-
gary ATS», mais celle-ci a été mise à la disposition
des demanderesses et n'est plus en cause.
Les deux autres bandes sont les enregistrements
des communications entre le pilote ou l'équipage à
bord de l'aéronef des demanderesses et les
employés du contrôle au sol de la défenderesse.
Leur contenu est d'une importance capitale en
l'espèce comme à l'égard de plusieurs actions pen-
dantes devant d'autres juridictions, à la suite de
l'écrasement d'un avion, survenu le 11 février 1978
à Cranbrook (C.-B.).
La défenderesse admet volontiers qu'il y aurait
lieu de mettre les bandes à la disposition des
demanderesses aux fins d'examen et de contrôle
mais, vu la nature très délicate des voix enregis-
trées, elle ne tient pas à en autoriser le transport à
l'étranger sans s'assurer au préalable du genre
d'équipement qui servira au contrôle et de la
nature de celui-ci.
Cette réticence s'explique par le fait que le
même équipement pourrait se trouver au Canada
et par la crainte que les échanges enregistrés,
lesquels pourraient constituer un moyen de défense
absolu contre l'action en dommages-intérêts inten-
tée par les demanderesses contre la défenderesse à
la suite de l'accident, ne soient effacés, déformés
ou brouillés par les contrôles envisagés par les
demanderesses.
Je conviens avec l'avocat de la défenderesse que
les bandes en cause devraient être mises à la
disposition des demanderesses aux fins de vérifica-
tion et de contrôle. Il est cependant très réticent
pour ce qui est de les remettre aux demanderesses
aux fins de contrôle à l'étranger. J'éprouverais la
même réticence à cet égard à moins d'être con-
vaincu (ce qui n'est pas le cas) que l'équipement
dont l'expert des demanderesses a besoin est
introuvable au Canada. Il faut donc d'abord con-
naître la nature des contrôles avant de savoir si cet
équipement existe au Canada. Il est possible qu'on
puisse produire au Canada la reproduction des
bandes en vue d'un contrôle ultime à effectuer
ailleurs.
Les demanderesses soutiennent que les contrôles
à effectuer par l'expert doivent se dérouler dans
des conditions parfaites d'isolation et ne souffrir
aucune interférence physique. L'avocat de la
défenderesse l'admet à condition que les tests
soient effectués avec un équipement se trouvant au
Canada. Pour ma part, je voudrais avoir la preuve
que l'isolation absolue est essentielle pour les con-
trôles à effectuer par l'expert, attendu que les
dépositions initiales que fera l'expert à la suite de
l'analyse des enregistrements doivent être présen-
tées sous forme d'affidavit, conformément à la
Règle 482.
Les demanderesses prétendent que les contrôles
envisagés ne peuvent être pratiqués que sur les
bandes originales et non sur leurs reproductions, et
avec l'équipement d'un laboratoire de l'Université
de l'État du Michigan, à East Lansing. Que cela
soit vrai ou non, on ne peut le dire sans savoir quel
genre d'équipement serait utilisé à East Lansing,
sans savoir si le même équipement peut se trouver
au Canada et sans savoir la nature des contrôles à
effectuer.
A supposer qu'il n'existe au Canada aucun équi-
pement analogue qui permette à l'expert des
demanderesses de procéder ailleurs aux contrôles
envisagés (ce qui ne peut être établi tant que
celui-ci ne sait pas de quel équipement il dispose
au Canada), ce qui dépend de la nature de ces
contrôles, et à supposer aussi que les enregistre-
ments magnétiques ne risquent guère d'être
détruits ou amoindris, j'estime qu'il faut prévoir
des mesures de précaution contre une telle éven-
tualité. On pourrait envisager un accord préalable
aux termes duquel, si cette éventualité se produi-
sait, une reproduction faite avant la remise des
bandes magnétiques serait admissible en preuve au
lieu des originaux, ou l'on pourrait envisager tout
autre arrangement dont pourraient convenir les
parties.
Faute d'avoir la réponse à tous ces points, il
serait prématuré, à mon avis, d'ordonner la remise
des enregistrements magnétiques aux demanderes-
ses aux fins de contrôle à l'étranger.
Par ces motifs, je rejette la requête des
demanderesses.
A l'audition de la requête des demanderesses,
l'avocat de la défenderesse a déposé, sans opposi-
tion de la part de l'avocat des demanderesses, un
avis de requête à bref délai visant à contraindre
l'auteur de l'affidavit produit à l'appui de la
requête de ces dernières, à répondre aux questions
sur le genre d'équipement envisagé pour le contrôle
des enregistrements magnétiques en cause et sur le
genre de tests qui seront effectués.
Les motifs qui président au rejet de la requête
des demanderesses en cet état de la cause, justi-
fient l'accueil de la requête de la défenderesse.
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