T-899-76
T-900-76
The Oshawa Group Limited (Appelante)
c.
Le registraire des marques de commerce (Intimé)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Toronto, 17 janvier; Ottawa, ler février 1980.
Marques de commerce — Appels contre des décisions du
registraire des marques de commerce rejetant les demandes
d'enregistrement, comme marques de commerce, des mots
HYPER - FORMIDABLE et HYPER - VALUE à utiliser en liaison
avec des services liés ou connexes à l'exploitation des super-
marchés — Il échet d'examiner si ces mots constituent soit une
description claire, soit une description fausse et trompeuse de
la nature ou de la qualité des services offerts par l'appelante
— Appels rejetés — Loi sur les marques de commerce, S.R.C.
1970, c. T-10, art. 12(1)b).
Des appels sont interjetés contre des décisions par lesquelles
le registraire des marques de commerce a rejeté les demandes
d'enregistrement, comme marques de commerce, des mots
HYPER-FORMIDABLE et HYPER-VALUE à utiliser en liaison avec
des services liés ou connexes à l'exploitation des super-marchés.
Le registraire a conclu que ces mots constituaient soit une
description claire soit une description fausse et trompeuse de la
nature ou de la qualité des services offerts par l'appelante, en
violation des dispositions de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les
marques de commerce. L'appelante exploite un super-marché,
fournissant au public des produits, notamment des aliments. Le
litige consiste à savoir si le registraire a commis une erreur en
concluant que les expressions en question ne pouvaient être
enregistrées, compte tenu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi.
Arrêt: les appels sont rejetés. Pour décider si une marque de
commerce constitue une description claire, il faut fonder sa
décision sur l'impression immédiate et non sur une recherche
du sens des mots: on ne détermine pas le sens d'un composé à
partir du sens strictement étymologique de ses éléments, mais
de la combinaison elle-même, considérée comme un tout. En
anglais comme en français, lorsque le terme provient de la
combinaison de deux mots courants, surtout lorsque l'un d'eux,
comme en l'espèce, est un préfixe reconnu, les deux éléments
contribuent tous deux au sens du composé. Pour déterminer si
les marques de commerce HYPER-FORMIDABLE et HYPER-
VALUE constituent une description claire, il faut se fonder sur
l'impression de l'utilisateur éventuel des services fournis par
l'appelante. L'impression est celle qu'aurait tout homme raison-
nable placé devant les marques de commerce litigieuses. La
marque HYPER-VALUE visait, dans les circonstances, à amener
l'acheteur éventuel à s'attendre à une valeur exceptionnelle, et
c'est bien là le sens attribué par l'acheteur à cette expression.
De même la marque de commerce HYPER-FORMIDABLE en
français suggère quelque chose de plus fantastique, de plus
sensationnel et de plus extraordinaire que si le terme «formida-
ble» était utilisé sans le préfixe «hyper».
Arrêts appliqués: Bonus Foods Ltd. c. Essex Packers Ltd.
[1965] 1 R.C.E. 735; J. K. Smit & Sons of Canada Ltd. c.
Le registraire des marques de commerce [1946] R.C.E.
569; Wool Bureau of Canada Ltd. c. Le registraire des
marques de commerce (1979) 40 C.P.R. (2e) 25; Stafford-
shire Potteries Ltd. c. Le registraire des marques de
commerce (1976) 26 C.P.R. (2°) 134; Home Juice Co. c.
Orange Maison Ltée (1971) 1 C.P.R. (2') 14. Arrêt men-
tionné: Le registraire des marques de commerce c. G. A.
Hardie & Co. Ltd. [1949] R.C.S. 483.
APPEL.
AVOCATS:
I. Goldsmith, c.r. pour l'appelante.
E. Bowie, c.r. et D. Olsen pour l'intimé.
PROCUREURS:
Immanuel Goldsmith, c.r., Toronto, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Ainsi qu'il ressort de
l'intitulé de la présente cause, appel est interjeté
des décisions par lesquelles le registraire des mar-
ques de commerce a rejeté les demandes d'enregis-
trement comme marques de commerce qu'avait
présentées l'appelante à l'égard des mots HYPER-
FORMIDABLE et HYPER-VALUE—mots qu'elle
entendait utiliser en liaison avec des services ainsi
décrits:
[TRADUCTION] services liés ou connexes à l'exploitation des
super-marchés et des grands magasins de distribution de den-
rées alimentaires et d'autres marchandises, ou faisant partie
intégrante de cette exploitation, et services d'orientation et
d'assistance à d'autres personnes dans toute phase de l'exploita-
tion de tels super-marchés et grands magasins ...
au motif que les mots HYPER-FORMIDABLE et
HYPER-VALUE ne peuvent faire l'objet d'enregis-
trement puisqu'ils constituent «soit une description
claire, soit une description fausse et trompeuse, en
langue anglaise ou française, de la nature ou de la
qualité des ... services en liaison avec lesquels» ils
sont employés.
Ainsi, dans les deux appels, le litige consiste à
déterminer si le registraire des marques de com
merce a fait une erreur en concluant que ces
marques constituaient «soit une description claire,
soit une description fausse et trompeuse» de la
nature ou de la qualité des services offerts par
l'appelante, contrairement à l'alinéa 12(1)b) de la
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c.
T-10. Comme les plaidoiries faites par les avocats
des parties étaient applicables aux deux appels,
ceux-ci ont été entendus ensemble.
Les demandes d'enregistrement des marques de
commerce projetées ont été déposées le 17 avril
1974. Une marque projetée ne pouvant, de par sa
nature même, être déjà employée, les marques
considérées ne pouvaient, à l'époque où leur enre-
gistrement fut demandé, être devenues distinctives
en raison de leur emploi.
Durant la période allant du dépôt des demandes
aux appels subséquents, elles sont peut-être deve-
nues des marques distinctives parce qu'elles ont
abondamment apparu, sous forme de publicité
dans les journaux et de dépliants, dans la région de
Montréal, au Québec, et surtout à Laval où l'appe-
lante exploite un super-marché ou grand magasin.
C'est là le service que l'appelante fournit au
public: elle lui offre des produits, notamment des
aliments. Je ne me rappelle pas qu'on ait établi que
l'appelante offre des services d'orientation et d'as-
sistance dans l'exploitation des super-marchés et
des grands magasins, services auxquels devaient
aussi s'appliquer les marques considérées selon les
demandes présentées.
Cependant, même si ces marques sont devenues
distinctives subséquemment au dépôt des deman-
des, le litige consiste toujours à déterminer si les
expressions HYPER-FORMIDABLE et HYPER-VALUE
pouvaient être enregistrées à la date du dépôt des
demandes, compte tenu de l'alinéa 12(1)b).
Comme il a été mentionné, l'appelante a fait des
dépenses importantes de publicité à toutes occa
sions où l'expression HYPER a été utilisée comme
préfixe, non seulement aux termes FORMIDABLE et
VALUE, mais aussi dans des combinaisons comme
HYPER-AUBAINE (l'équivalent français de la
marque anglaise de commerce HYPER-VALUE),
HYPER -TERRIFIC (que je considère comme la ver
sion anglaise de la marque HYPER-FORMIDABLE
même si le mot FORMIDABLE est commun aux
deux langues, avec, cependant, des différences
dans le sens fondamental), HYPER -SAVINGS,
HYPER-EPARGNES, HYPER -SPECTACULAR et
HYPER-SPECTACULAIRE.
L'appelante est le propriétaire inscrit de la
marque de commerce HYPER-MARCHE qui, impri-
mée en minuscules, aurait un accent aigu sur l'«e»
final.
Je n'interprète pas cette preuve comme établis-
sant que les marques HYPER-FORMIDABLE et
HYPER-VALUE sont subséquemment devenues des
marques distinctives. Le litige ne porte pas sur ce
point. Cette preuve a plutôt établi que l'appelante
a l'habitude d'ajouter le préfixe HYPER à beaucoup
d'autres termes. Elle utilise une série de marques
pour identifier les divers services qu'elle offre à ses
clients, chacune d'elles étant composée du préfixe
HYPER suivi de mots tels que «savings» et «value»
ou d'autres mots à peu près de même sens ou de
sens différent.
Cela constituerait un point très important en cas
de confusion entre marques de commerce, l'article
15 de la Loi sur les marques de commerce étant
alors applicable.
Mais, encore une fois, le seul litige consiste à
déterminer s'il faut refuser l'enregistrement des
deux marques HYPER-FORMIDABLE et HYPER-
VALUE au motif qu'elles constituent une descrip
tion claire ou une description fausse et trompeuse
au sens de l'alinéa 12(1)b).
L'avocat de l'appelante soutient que c'est à tort
que le registraire a conclu que ces marques sont
une description claire ou une description fausse et
trompeuse de la qualité des services en liaison avec
lesquels ces marques sont utilisées, pour les raisons
suivantes:
(1) il a appliqué une méthode erronée en analysant ces marques
élément par élément, au lieu de les considérer dans leur
ensemble;
(2) c'est à tort qu'il a retenu le sens de chaque mot selon le
dictionnaire en faisant abstraction du sens résultant de leur
combinaison;
(3) c'est à tort qu'il a conclu que les marques en question sont
de nature élogieuse;
(4) et c'est à tort qu'il a conclu que les marques constituaient,
soit une description claire, soit une description fausse et trom-
peuse de la nature ou de la qualité des services en liaison avec
lesquels elles sont employées.
J'admets sans discussion l'allégation de l'avocat
de l'appelante selon laquelle la décision qu'une
marque est une description claire doit reposer sur
la première impression que cette marque laisse.
Par conséquent, il ne faut pas analyser les diffé-
rents mots qui forment la marque, mais plutôt
déterminer l'impression immédiate que donne la
marque compte tenu des services en liaison avec
lesquels elle sera utilisée.
J'admets aussi le principe proposé par l'avocat
de l'intimé, selon lequel il faut commencer par
conclure qu'une marque est une description avant
de pouvoir conclure qu'elle est une description
fausse (voir Bonus Foods Ltd. c. Essex Packers
Ltd. [1965] 1 R.C.É. 735, la page 749).
J'admets également l'allégation de l'avocat de
l'appelante, selon laquelle il faut fonder sa décision
sur la première impression et non sur une recher-
che du sens des mots.
Je pense, cependant, qu'il faut faire des recher-
ches philologiques. J'adopte l'avis exprimé, il y a
longtemps, par Baron Pollock selon lequel les dis
cussions grammaticales et philologiques et, d'une
manière générale, celles relatives à l'histoire de la
langue, quoique obscures et génératrices de doute
et de prétentions contradictoires, sont tout aussi
fascinantes que l'étude du droit.
Des mots tels que HYPER-VALUE et HYPER-FOR
MIDABLE, formés par la combinaison du préfixe
«HYPER» et, dans le premier cas, du mot anglais
bien connu «VALUE» et, dans le second, du terme
«FORMIDABLE», aussi bien connu en français qu'en
anglais, ne figurent dans aucun dictionnaire, mais
on ne peut en conclure qu'ils sont pour autant
vides de sens. On trouve les éléments qui les
composent dans les dictionnaires et on peut par
conséquent, selon moi, se fonder sur ceux-ci pour
déterminer le sens de ces éléments et, si possible,
celui de ces mots composés eux-mêmes. Cette
méthode est spécialement indiquée lorsque le pre
mier élément est un préfixe, tel que HYPER,
employé comme préposition, adverbe ou adjectif.
Le registraire des marques de commerce c. G.
A. Hardie & Co. Ltd. ([1949] R.C.S. 483), J. K.
Smit & Sons of Canada Ltd. c. Le registraire des
marques de commerce ([ 1946] R.C.E. 569) et
Wool Bureau of Canada Ltd. c. Le registraire des
marques de commerce ((1979) 40 C.P.R. (2 e ) 25)
sont autant d'espèces où le préfixe «super» avait été
combiné avec les mots «weave», «set» et «wash»
pour donner les mots «Super -weave», «Superset» et
«Superwash». Ces expressions ne sont pas définies
dans les dictionnaires usuels, mais, dans chaque
cas, on s'est référé aux dictionnaires pour détermi-
ner le sens des éléments et, dans chaque cas, il a
été conclu que ces marques de commerce consti-
tuaient une description claire de la nature ou de la
qualité des marchandises en liaison avec lesquelles
elles étaient utilisées. Le litige relatif à l'expression
«Superwash» a été tranché sous le régime de la
présente Loi, et celui relatif aux deux autres
expressions sous celui de la loi antérieure. Pour
considérer ces expressions comme descriptives de
la qualité des marchandises, le sens des mots com-
posés constituant la marque doit pouvoir être faci-
lement discerné à partir de celui de leurs éléments.
En plus d'estimer que le mot «Super -weave»
était une description, l'on a conclu qu'il était une
épithète élogieuse, ce qui, sous le régime de la loi
antérieure, l'empêchait d'être considéré comme
distinctif.
L'avocat de l'appelante a soutenu que c'est à
tort que le registraire a conclu que les marques
considérées étaient «élogieuses».
Suivant mon interprétation, le registraire a uti-
lisé cette expression pour fonder sa conclusion
selon laquelle les marques litigieuses étaient des-
criptives. Il a raisonné que si ces marques étaient
élogieuses relativement aux services offerts par
l'appelante, elles étaient donc, forcément, descrip-
tives.
Si je comprends bien les allégations faites pour
le compte de l'appelante, sur le fondement des
définitions données dans les dictionnaires du pré-
fixe «hyper» comme synonyme d'«excessif», les
marques de commerce portant ce préfixe ne
seraient pas «élogieuses» mais plutôt péjoratives.
On pourrait illustrer cette thèse en citant le terme
«hypercritique» défini comme «critique excessive,
trop sévère et tatillonne». Une personne faisant de
l'hypercritique a un esprit critique exagéré, est une
espèce d'ogre pour ses victimes. Il ne faut cepen-
dant pas oublier que, dans cette expression, la
connotation dépréciative du préfixe est renforcée
par le radical.
Mais le sens étymologique d'un mot n'est pas
nécessairement celui dans lequel il est couramment
utilisé. Les tribunaux ont pour principe bien connu
d'autoriser, pour déterminer le sens ordinaire ou
populaire des mots, la consultation des dictionnai-
res et des livres se rapportant au domaine en
question.
C'est ce qui a été fait en l'espèce.
Dans la preuve sous forme d'affidavit l'on cite:
(1) The Shorter Oxford English Dictionary qui définit «hyper»
comme signifiant [TRADUCTION] «par-dessus, au-delà, dépas-
sant la mesure, utilisé en combinaison comme préposition pour
désigner ce qui est `par-dessus, au-delà ou au-dessus' (par
rapport à ce que désigne l'élément suivant) ou comme adverbe
dans le sens de `trop, à l'excès, excessivement'»;
(2) Le Webster's New International Dictionary définit «hyper»
comme étant un [TRADUCTION] «préfixe signifiant au-dessus,
par-dessus;—et aussi dépassant la mesure, anormalement
grand»;
(3) Le Grand Larousse de la langue française où il est dit
qu'«hyper» est «employé comme préfixe dans des composés, où
il marque le plus haut degré, l'excès»;
(4) Le Petit Robert, qui définit ainsi «hyper»: «qui exprime
l'exagération, l'excès, le plus haut degré. V. Super-»;
(5) Le Dictionnaire des mots nouveaux de Gilbert qui définit
«hyper» comme le «premier élément de composés (adjectifs ou
substantifs) où il exprime soit un degré très élevé, soit un excès.
L'emploi du trait d'union est hésitant».
La preuve comprend également un renvoi à un
passage tiré de l'ouvrage de Hans Marchand
publié en 1960 et intitulé The Categories and
Types of Present-Day English Word -Formation,
A Synchronic-Diachronic Approach, où il est
traité de l'emploi du préfixe «hyper» dans la pers
pective annoncée par le titre de l'ouvrage.
Sans reproduire entièrement ce passage, j'en
donne ici quelques extraits pertinents:
[TRADUCTION] hyper- est employé en combinaison avec des
substantifs et des adjectifs dans le sens de «au-delà, beaucoup
trop, extraordinairement, à l'excès».
En anglais, les mots employés en combinaison avec hyper-
apparaissent dès le Bas Moyen Âge, et bien plus fréquemment
depuis le XVII» siècle, la plupart de ces expressions étant des
formes anglicisées d'expressions d'origine allemande employées
dans la rhétorique, la prosodie ou d'autres domaines sembla-
bles. On peut estimer qu'à partir de 1600, le préfixe hyper- est
un élément de formation de mots anglais employé en combinai-
son avec des mots savants, notamment des adjectifs.
Citant comme exemples des termes du XVII'
siècle comme «hyper -angelical» et «hyper-physi-
cab», l'auteur fait remarquer que:
[TRADUCTION] Hyper n'avait pas nécessairement la connota
tion d'excès qu'il a de nos jours. Ce préfixe signifiait simple-
ment «ce qui est au-delà—»
L'auteur continue:
[TRADUCTION] Le XVIIIe siècle n'a créé aucun terme avec ce
préfixe, mais le XIX' en a créé un grand nombre, ayant tous le
sens de «beaucoup trop, indûment excessif». Presque tous ces
composés nouveaux sont des adjectifs. Au nombre de ceux-ci,
l'on note hyper -accurate, -active, -acute, -fastidious, -idealis
tic, -moral». «Les substantifs sont surtout des dérivés des
adjectifs: hyper «-activity, -acuteness», etc. «Parfois on trouve
aussi des verbes: hyper -emphasize, -realize, -vitalize.»
Dans un affidavit déposé par l'appelante, les
composés formés à partir du préfixe «hyper» ont
été soigneusement classés par catégories selon le
sens qu'ils avaient dans quatre dictionnaires, deux
anglais et deux français. Il appert que les catégo-
ries médicales, scientifiques et mathématiques pré-
dominent, mais à des degrés différents suivant le
dictionnaire consulté.
Cela n'a rien d'étonnant. Les mots formés avec
le préfixe «hyper» étaient déjà utilisés dans le
vocabulaire médical en grec et en, latin. Beaucoup
de mots anglais ont été créés à partir de formes
néo-latines, toutes dénotant un état corporel exces-
sif ou extraordinaire. On pourrait citer de nom-
breux exemples.
Dans l'ancien grec, les termes formés à partir de
«hyper» dénotent des nuances variées, mais toutes
se rapportant à l'idée de position, dans le sens de
«sur» ou «au-dessus de». En anglais, on ne constate
cette formation que dans les termes reliés aux
mathématiques, à la musique médiévale ou au grec
ancien.
Dans le vocabulaire scientifique, «hyper» indique
le degré le plus élevé dans une série.
J'ai emprunté cette analyse à l'ouvrage de Hans
Marchand.
Nul n'est besoin de faire des recherches exhaus-
tives pour déterminer le sens populaire du mot
«value». Dans son sens le plus étendu et le mieux
connu, «value» désigne la juste contrepartie en
marchandises, en services et en argent.
En anglais, le mot «formidable» désigne tout ce
qui inspire de la peur, cause une alarme ou fait
craindre la défaite ou l'échec.
Ce mot est passé du latin au français et, de là, à
l'anglais.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ce mot
garde en anglais le sens qu'il avait en français au
moment où il est passé d'une langue à l'autre.
Même s'il reste classique en français, ce n'est
plus là le sens premier de ce terme. Dans le
langage populaire, «formidable» signifie «Très
beau, très remarquable, qui suscite l'admiration».
Le mot est synonyme de «fantastique, ... admira
ble, ... merveilleux, sensationnel, extraordinaire.»
(Voir Grand Larousse.)
Compte tenu du principe souvent répété qu'il
faut se fonder sur la première impression, et non
sur des recherches relatives au sens des mots, pour
décider si une marque de commerce constitue une
description claire, on ne détermine pas le sens d'un
composé à partir du sens strictement étymologique
de ses éléments, mais de la combinaison elle-
même, considérée comme un tout.
En anglais comme en français, lorsque le terme
provient de la combinaison de deux mots courants
surtout lorsque l'un d'eux, comme en l'espèce, est
un préfixe reconnu, les deux éléments contribuent
tous deux au sens du composé (voir le juge en chef
adjoint Thurlow (tel était alors son titre) dans
Staffordshire Potteries Ltd. c. Le registraire des
marques de commerce (1976) 26 C.P.R. (2 e ) 134,
à la page 135).
Pour déterminer si les marques de commerce
HYPER-FORMIDABLE et HYPER-VALUE constituent
une description claire, il faut se fonder sur l'im-
pression de l'utilisateur éventuel des services four-
nis par l'appelante. Comme je l'ai dit, en passant, à
l'audition de ces appels, il s'agit d'un «verdict de
jury». L'impression est celle qu'aurait tout homme
raisonnable placé devant les marques de commerce
litigieuses. Il faut prendre comme critère l'utilisa-
teur final et non une personne experte ou ayant des
connaissances spéciales.
D'après l'affidavit versé comme preuve, l'appe-
lante exploite un grand magasin à Laval, au
Québec, où, en plus des denrées et des produits de
consommation courante, elle offre en vente des
marchandises diverses.
En 1976, au coût de plus de $800,000, elle a
procédé à une énergique campagne de publicité
pour attirer le maximum de clients. La campagne
a été couronnée de succès.
Des pages entières de publicité furent publiées
dans les journaux français et anglais des régions de
Montréal et de Laval et des dépliants furent distri-
bués aux ménages.
Cette publicité portait sur l'établissement de
détail appelé HYPER-MARCHE et HYPER-MARKET.
En 1973, l'appelante avait demandé et obtenu
l'enregistrement des marques de commerce
HYPER-MARCHE et HYPER-MARKET. La validité de
ces marques n'est pas contestée en l'espèce, mais,
dans un affidavit, le directeur général du magasin
a décrit ces marques comme [TRADUCTION] «quel-
que chose qui dépasse le marché ou va au-delà du
marché».
Il a ensuite déclaré que [TRADUCTION] «prati-
quement, cependant, les marques de commerce
HYPER-MARCHE et HYPER-MARKET visent à sug-
gérer, d'une manière originale, et suggèrent, pen-
sons-nous, que l'établissement est plus qu'un
simple super-marché.»
Il est étrange que l'expression «supermarket» ne
figure pas dans The Oxford English Dictionary, ni
dans ses suppléments, mais on la trouve ainsi
définie dans le Living Webster:
[TRADUCTION] grand marché de détail vendant des denrées et
autres marchandises à usage domestique, habituellement sur la
base du libre-service et du paiement au comptant.
On ne trouve le mot «hypermarket» dans aucun
dictionnaire anglais usuel, mais le Grand Larousse
définit «hypermarché» comme suit:
hypermarché ... n. m. (de hyper- et de marché; 16 déc. 1968,
l'Express). Magasin exploité en libre-service et présentant une
superficie consacrée à la vente supérieure à 2 500 m2.
Dans Home Juice Co. c. Orange Maison Ltée
((1971) 1 C.P.R. (2e) 14), on avait allégué que si
l'expression «Orange Maison» avait un sens bien
défini dans deux dictionnaires publiés en France,
ce sens n'était pas courant au Canada à la date de
l'enregistrement et qu'en conséquence, il ne fallait
pas tenir compte de ce sens récent utilisé en
France.
Parlant au nom de la Cour, le juge Pigeon a
rejeté, à la page 16, cette allégation en ces termes:
[TRADUCTION] Cette prétention aurait des conséquences
graves si elle était accueillie. II en découlerait qu'un commer-
çant astucieux pourrait monopoliser une expression française
nouvelle en l'enregistrant comme marque de commerce dès
qu'elle commence à avoir cours en France ou dans un autre
pays francophone et avant qu'on puisse démontrer qu'elle a
commencé à avoir cours au Canada.
Les marques déposées «HYPER-MARCHE» et
(HYPER-MARKET» ne font l'objet d'aucun litige. Je
les ai mentionnées simplement pour montrer que
les mots «hyper» et «marché» sont entrés dans
l'usage en France depuis 1968; ils constituent donc
une description claire et ne sont pas là pour «sug-
gérer, d'une manière originale, que l'établissement
est plus qu'un simple super-marché.» Pour être
originale, l'idée évoquée doit être éloignée. Or
l'idée suggérée ici est immédiate, elle n'est pas
éloignée. Le terme a un sens reconnu dans un
dictionnaire français général largement utilisé; il
ne peut être simplement suggestif.
La campagne publicitaire précitée, en plus de
vanter les avantages de faire ses achats à l'HYPER-
MARCHE ou HYPER - MARKET, employait HYPER
comme préfixe d'autres expressions telles que
«Hyper -school sale», «Hyper-mode sale», «Hyper-
aubaines», «Hyper-formidable». Dans ses conte-
nants et emballages largement distribués, l'appe-
lante a fait figurer, bien en vue, les expressions
«Hyper-spécial», «Hyper-épargnes», «Hyper-specta-
culaire», «Hyper -saving», «Hyper-value», «Hyper-
formidable» et «Hyper -terrific».
Je ne vois pas comment on peut considérer
comme péjorative cette publicité, faite par l'appe-
lante. Elle tend plutôt à faire passer pour extraor-
dinaires les services offerts par cette dernière. A
mon avis, c'était là le sens des termes employés et
les acheteurs à qui ces marques étaient destinées
les ont perçues de cette façon.
J'en viens maintenant aux marques litigieuses,
HYPER-FORMIDABLE et HYPER-VALUE. La marque
HYPER-VALUE visait dans les circonstances à
amener l'acheteur éventuel à s'attendre à une
valeur exceptionnelle, et c'est bien là le sens attri-
bué par l'acheteur à cette expression. Il s'attend à
recevoir une valeur dépassant le niveau habituel.
De même la marque de commerce HYPER-FOR
MIDABLE en français suggère quelque chose de
plus fantastique, de plus sensationnel et de plus
extraordinaire que si le terme «formidable» était
utilisé sans le préfixe «hyper».
En conséquence, pour les motifs précités, le
registraire des marques de commerce était fondé à
interpréter comme il l'a fait les marques projetées
HYPER-FORMIDABLE et HYPER-VALUE, et à con-
clure que, constituant soit une description claire,
soit une description fausse et trompeuse, en langue
anglaise ou française, de la nature ou de la qualité
des marchandises ou services en liaison avec les-
quels elles étaient employées, elles ne pouvaient, en
vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, être
enregistrées.
Les appels seront donc rejetés. Conformément à
la pratique habituelle en cas d'appel d'une décision
du registraire, il ne sera pas statué sur les dépens.
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