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A-366-80
Meriah Surf Products Limited, Robert M. Lorri- man et James G. Lorriman (Appelants) (Défen- deurs)
c.
Windsurfing International, Inc. et Windsurfing Sailboards Inc. (Intimées) (Demanderesses)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant MacKay—Toronto, 29 et 31 octobre 1980.
Brevets Pratique Appel formé contre l'ordonnance par laquelle la Division de première instance a ordonné aux défen- deurs (demandeurs reconventionnels) de déposer un cautionne- ment judicatum solvi Action en contrefaçon de brevet Dans leur mémoire de défense, les appelants nient la contrefa- çon et concluent à l'invalidité du brevet en cause Se basant sur l'art. 62 de la Loi sur les brevets, les appelants introduisent une demande reconventionnelle tendant à l'invalidation du brevet II échet d'examiner si les demandeurs reconvention- nels doivent 'être considérés comme des demandeurs dans une action en invalidation et, de ce fait, sont tenus au cautionne- ment, ou s'ils ne sont que des défendeurs dans une action en contrefaçon et, de ce fait n'y sont pas tenus Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 62 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 46(1) Règle 700(3) de la Cour fédérale.
Appel formé contre l'ordonnance par laquelle la Division de première instance a ordonné aux défendeurs (demandeurs reconventionnels) de consigner en justice la somme de $2,000 à titre de cautionnement judicatum solvi en faveur des demande- resses (défenderesses reconventionnelles). Il s'agit d'une affaire de contrefaçon de brevet. Dans leur mémoire de défense, les appelants nient la contrefaçon et concluent à l'invalidité du brevet en cause. Se basant sur l'article 62 de la Loi sur les brevets, les appelants ont introduit une demande reconvention- nelle tendant à l'invalidation du brevet en cause. Il échet d'examiner si, en leur qualité de demandeurs reconventionnels, les défendeurs doivent être considérés comme des demandeurs dans une action en invalidation et, comme tels, tenus au cautionnement (comme l'a conclu le juge de première instance) ou s'ils ne sont que des défendeurs dans une action en contrefa- çon de brevet, et comme tels, ont droit à une déclaration sans être tenus au cautionnement.
Arrêt: l'appel est accueilli. Interpréter l'article 62(3) de la Loi comme l'a fait le juge de première instance reviendrait à dire que l'exception à la règle générale prévue dans cet article, savoir l'exception intéressant «le défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet'', ne s'applique aux défendeurs dans une action en contrefaçon que s'il n'y a pas de demande reconven- tionnelle. Attendu que la demande reconventionnelle relève de la même catégorie que la demande principale et s'engage en vertu de l'article 62, si l'exception rappelée ci-dessus ne s'appli- que pas aux défendeurs qui se trouvent dans la même situation que les défendeurs en l'espèce, la Cour ne voit pas à qui elle pourrait s'appliquer. Étant donné par ailleurs que dans la pratique, l'action en contrefaçon et la demande reconvention-
nelle sont invariablement entendues ensemble, le surcroît de dépens occasionné par la demande reconventionnelle doit être minime.
Et le juge Urie: Les défendeurs sont et continuent d'être les défendeurs dans une action en contrefaçon. Il ne serait pas raisonnable d'interpréter l'article 62 de façon à les priver du droit de ne pas fournir un cautionnement, du seul fait qu'ils choisissent d'élargir la portée de la déclaration d'invalidité.
Le juge suppléant MacKay dissident: Si le défendeur dans une action en contrefaçon choisit d'intenter une demande reconventionnelle tendant à l'invalidation d'un brevet, il devient, dans le cadre de cette demande reconventionnelle, un demandeur et, à ce titre, peut être requis de déposer un cautionnement judicatum solvi.
Arrêt critiqué: Wic Inc. c. La Machinerie Idéale Cie Ltée [1980] 2 C.F. 241. Arrêt suivi: General Foods, Ltd. c. Struthers Scientific and International Corp. [1974] R.C.S. 98.
APPEL. AVOCATS:
Ronald E. Dimock pour les appelants (défendeurs).
Robert MacFarlane pour les intimées (demanderesses).
PROCUREURS:
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour les appe- lants (défendeurs).
Fitzsimmons MacFarlane & Johnson, Toronto, pour les intimées (demanderesses).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel a été formé contre une partie de l'ordonnance en date du 20 mai 1980 [page 165 supra], par laquelle la Division de pre- mière instance a ordonné que les défendeurs (demandeurs reconventionnels) consignent en jus tice la somme de $2,000 titre de cautionnement judicatum solvi et que les demanderesses (défen- deresses reconventionnelles) aient droit à leurs dépens quelle que soit l'issue de la cause.
Il s'agit d'une affaire de contrefaçon de brevet faisant suite à la fabrication et à la vente d'un modèle de planche à voile. Les intimées (demande- resses) demandaient notamment une injonction, une saisie-contrefaçon, des dommages-intérêts et la confiscation des bénéfices réalisés par les appe- lants (défendeurs). Dans leur mémoire de défense, les appelants niaient la contrefaçon et concluaient
à l'invalidité du brevet en cause. Se basant sur l'article 62 de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4,' les appelants ont encore introduit une demande reconventionnelle tendant à l'invalidation du brevet en cause.
Le savant juge de première instance a conclu que, dans les circonstances, il était habilité à ordonner que les appelants (demandeurs reconven- tionnels) déposent un cautionnement judicatum solvi en faveur des intimées (défenderesses recon- ventionnelles). Le savant juge de première instance a expliqué cette conclusion par le précédent établi par le juge Walsh de la Division de première instance, dans l'affaire Wic Inc. c. La Machinerie Idéale Cie Ltée 2 , dont les faits se rapprochent de ceux de la présente espèce. Dans cette affaire, la requête en cautionnement judicatum solvi était fondée sur la Règle 700(3) 3 . Pour conclure que la Cour était habilitée à ordonner le dépôt d'un cau- tionnement judicatum solvi, le juge Walsh a statué en ces termes [aux pages 242 et 243]:
' L'article 62 porte:
62. (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d'un intéressé.
(2) Si une personne a un motif raisonnable de croire qu'un procédé employé ou dont l'emploi est projeté, ou qu'un article fabriqué, employé ou vendu ou dont est projetée la fabrica tion, l'emploi ou la vente par elle, pourrait, d'après l'alléga- tion d'un breveté, constituer une violation d'un droit de propriété ou privilège exclusif accordé de ce chef, elle peut intenter une action devant la Cour fédérale contre le breveté afin d'obtenir une déclaration que ce procédé ou cet article ne constitue pas ou ne constituerait pas une violation de ce droit de propriété ou de ce privilège exclusif.
(3) A l'exception du procureur général du Canada ou du procureur général d'une province du Canada, le plaignant dans une action exercée sous l'autorité du présent article doit, avant de s'y engager, fournir un cautionnement pour les frais du breveté au montant que la cour peut déterminer; mais le défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet a le droit d'obtenir une déclaration en vertu du présent article sans être tenu de fournir un cautionnement.
2 [ 1980] 2 C.F. 241.
3 La Règle 700(3) prévoit ce qui suit:
Règle 700... .
(3) Dans une action intentée en vue de faire invalider un brevet d'invention, la Cour pourra à tout moment et à sa discrétion, ordonner que le demandeur, à moins qu'il ne s'agisse de l'un des procureurs généraux ou sous-procureurs généraux de Sa Majesté, fournisse une garantie pour les dépens avant de faire toute autre démarche.
A l'appui de leur opposition à cette requête, les demanderesses citent l'article 62(1) et (3) de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, modifiée par S.C. 1970-71-72, c. 1, art. 64(2), qui est ainsi rédigé:
62. (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d'un intéressé.
(3) A l'exception du procureur général du Canada ou du procureur général d'une province du Canada, le plaignant dans une action exercée sous l'autorité du présent article doit, avant de s'y engager, fournir un cautionnement pour les frais du breveté au montant que la cour peut déterminer; mais le défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet a le droit d'obtenir une déclaration en vertu du présent article sans être tenu de fournir un cautionnement.
La demanderesse prétend qu'une demande reconventionnelle est semblable à une action distincte et cite, à l'appui de cette prétention, la Règle 1718(1) qui est ainsi conçue:
Règle 1718. (1) Une demande reconventionnelle peut suivre son cours même si jugement est rendu en faveur du deman- deur dans l'action ou même si l'action est suspendue, aban- donnée ou rejetée.
Il est nécessaire de lire la Règle 700(3) la lumière de
l'article 62(3) de la Loi sur les brevets. Si le demandeur dans une demande reconventionnelle est considéré comme deman- deur dans une action tendant à l'invalidation d'un brevet, un cautionnement pour frais est requis en vertu des dispositions de l'article 62(3); mais si les demanderesses reconventionnelles en l'espèce n'étaient que des défenderesses dans des actions en contrefaçon d'un brevet et si l'article 62(3) était pris isolément, alors elles auraient le droit, en tant que défenderesses, d'obtenir une déclaration sans être tenues de fournir un cautionnement. La demanderesse prétend toutefois que cela n'est applicable que si elles demandaient, en défense, l'invalidation du brevet qu'elles sont accusées de contrefaire, auquel cas le jugement ne lierait que les parties, mais que cela ne s'applique pas quand, dans une demande reconventionnelle, elles demandent, en qua- lité de demanderesses, l'invalidation du brevet et, par consé- quent, qu'il soit déclaré invalide, jugement auquel serait atta- chée l'autorité absolue de la chose jugée.
En lisant cet article de la Loi sur les brevets à la lumière de la Règle 700(3) des Règles de la Cour, il semble que les demanderesses reconventionnelles peuvent être tenues de four- nir une garantie en l'espèce comme si elles avaient intenté une action distincte.
Il ressort du passage cité ci-dessus que selon M. le juge Walsh, le paragraphe 62(3) de la Loi sur les brevets doit être appliqué à la lumière de la Règle 700(3). Si, par cette énonciation, M. le juge Walsh a voulu conclure que les termes simples et clairs du paragraphe (3) de l'article 62 doivent être modifiés ou tempérés de quelque autre manière par la Règle 700(3), je ne saurais, sauf le respect que je lui dois, en convenir. Le paragraphe
46(1) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, porte:
46. (1) Sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil, et, en outre, du paragraphe (4), les juges de la Cour peuvent, quand il y a lieu, établir des règles et ordonnances générales qui ne sont incompatibles ni avec la présente loi ni avec aucune autre loi du Parlement du Canada. [C'est moi qui souligne.]
Il s'ensuit qu'en cas de conflit entre un texte de loi et une disposition des Règles de la Cour de céans, c'est le texte de loi qui l'emporte. Dans le passage rapporté ci-dessus, M. le juge Walsh a fait cette remarque: «... si l'article 62(3) était pris isolément, alors elles auraient le droit, en tant que défenderesses, d'obtenir une déclaration sans être tenues de fournir un cautionnement ....» Je par- tage cette interprétation du paragraphe 62(3). A mon avis, le paragraphe (3) pose, pour règle géné- rale, que dans une action en invalidation de brevet, intentée sous le régime de l'article 62, la Cour est habilitée à ordonner au demandeur de déposer un cautionnement judicature solvi en faveur du bre- veté. Cette règle générale souffre cependant une exception, à savoir que dans le cas le défendeur «dans toute action en contrefaçon de brevet» a droit à une déclaration en vertu de l'article 62, il n'est pas tenu de fournir un cautionnement. C'est, à mon avis, le cas des défendeurs en l'espèce. Ils sont défendeurs dans l'action en contrefaçon, mais ils sont aussi demandeurs dans l'action en invalida tion. La même interprétation du paragraphe 62(3) a été donnée par M. le juge Pigeon dans General Foods, Ltd. c. Struthers Scientific and Internatio nal Corporation 4 . Dans cette affaire, la demande- resse avait intenté des actions en invalidation devant la Cour de l'Échiquier cependant que la défenderesse avait intenté des actions en contrefa- çon devant la Cour supérieure du Québec. A la page 108, M. le juge Pigeon s'est prononcé en ces termes: «Je ne puis voir pourquoi, en vertu de l'art. 62.3, un défendeur aurait, sans avoir à fournir un cautionnement pour les frais, le droit de faire déclarer un brevet nul s'il est poursuivi pour con- trefaçon devant la Cour fédérale, mais non s'il est poursuivi devant une cour provinciale. Il va de soi qu'une `déclaration en vertu du présent article' signifie une déclaration par la Cour de l'Échiquier, aujourd'hui la Cour fédérale. Mais l'expression
4 [1974] R.C.S. 98.
`défendeur dans toute action en contrefaçon' com- prend le défendeur dans une telle action devant n'importe quelle cour, à moins qu'on y sous- entende une restriction. Je ne puis voir pourquoi on le ferait, vu la règle d'interprétation selon laquelle l'on ne doit pas introduire de distinction qui ne soit pas écrite en toutes lettres, sauf pour raison valable.»
J'en conclus que le savant juge de première instance a commis une erreur en décidant que dans les circonstances et à l'égard des défendeurs en l'espèce, il avait compétence pour ordonner le dépôt d'un cautionnement judicatum solvi. Inter- préter le paragraphe 62(3) comme l'ont fait le savant juge de première instance en l'espèce et M. le juge Walsh dans l'affaire Wic Inc. (supra) reviendrait à dire que l'exception à la règle géné- rale prévue au paragraphe 62(3) ne s'applique qu'aux défendeurs dans une action en contrefaçon, lorsqu'il n'y a pas de demande reconventionnelle. Attendu que la demande reconventionnelle relève de la même catégorie que la demande principale et s'engage en vertu de l'article 62, si la phrase «le défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet a le droit d'obtenir une déclaration en vertu du présent article ...» ne s'applique pas aux défen- deurs qui se trouvent dans la même situation que les défendeurs en l'espèce, je ne vois pas à qui elle pourrait s'appliquer. Interpréter cet article de cette manière reviendrait, à mon avis, à vider de tout sens cette disposition du paragraphe 62(3).
Ce que visait le législateur par le paragraphe 62(3), c'était, à mon avis, de poser pour règle générale que ceux qui cherchent à faire invalider un brevet doivent être soumis au pouvoir discré- tionnaire de la Cour d'ordonner le dépôt d'un cautionnement judicatum solvi en faveur du bre- veté, et ce, probablement afin de décourager les attaques abusives contre la validité d'un brevet. Cependant, dans le cas c'est le breveté qui poursuit le défendeur en justice pour contrefaçon de brevet, la même justification ne s'applique pas au cautionnement judicatum solvi imposé au défendeur en cas de demande reconventionnelle. Le défendeur conclut à l'invalidité dans son mémoire de défense. Il conclut aussi à l'invalidité dans sa demande reconventionnelle. Bien que les effets d'un jugement d'invalidation rendu dans une action en contrefaçon soient bien moins vigoureux
que ceux d'un même jugement dans une action en invalidation (la première action étant inter partes et la seconde, in rem), les points litigieux sont les mêmes, les faits invoqués par l'une et l'autre par ties sont les mêmes, et le surcroît de dépens occa- sionné par la demande reconventionnelle doit être minime, étant donné que dans la pratique, l'action en contrefaçon et l'action reconventionnelle sont invariablement entendues ensemble. Voilà qui, à mon avis, justifie une vue différente des dépens dans ces circonstances. Je conclus des faits de la cause que ces circonstances constituent une illus tration raisonnable du passage en question du paragraphe 62(3).
Par ces motifs, j'accueillerais l'appel avec dépens en appel et en première instance.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: J'ai eu l'avantage de lire les motifs du jugement rendus par mon collègue le juge Heald, et je les partage entièrement. Je tiens cependant à ajouter quelques observations qui ne me paraissent pas superflues.
A mon avis, il y a lieu d'appliquer à l'interpréta- tion de l'article 62 de la Loi sur les brevets, la règle fondamentale d'interprétation des textes de loi, selon laquelle il faut présumer que le vocabu- laire d'un texte de loi a été, sauf indication con- traire du contexte, employé dans son sens premier et courant; le contraire conduirait à une conclusion absurde. Il ressort d'une simple lecture de cet article que trois cas y sont prévus:
a) au paragraphe (1), action en invalidation d'un brevet ou d'une revendication se rapportant à un brevet;
b) au paragraphe (2), action en jugement décla- ratoire intentée par une personne qui a lieu de croire qu'un procédé qu'elle emploie ou se pro pose d'employer, ou qu'un article fabriqué, employé ou vendu par elle pourrait faire l'objet d'une action en contrefaçon de la part d'un breveté; et
c) au paragraphe (3), le défendeur à une action en contrefaçon déjà intentée pourrait chercher à obtenir un jugement déclaratoire du même type
que celui recherché par un demandeur agissant en vertu du paragraphe (2).
Dans ce dernier cas, le paragraphe (3) prévoit expressément que le défendeur concluant à une déclaration de non-contrefaçon n'est pas soumis à la condition imposée au demandeur concluant au même recours, à savoir qu'avant de donner suite à sa demande, il doit fournir un cautionnement au montant que la Cour peut déterminer.
Ce défendeur jouit encore d'un avantage spécia- lement prévu en sa faveur. Le remède qu'il peut obtenir en vertu du paragraphe (2), en cas d'ac- cueil de ses arguments de non-contrefaçon, est un jugement déclaratoire qui n'a d'effets qu'entre lui- même et le breveté. S'il tient aussi à obtenir une déclaration in rem d'invalidité qui produise égale- ment des effets entre le breveté et les tiers, il peut former une demande reconventionnelle contre le breveté demandeur et, à mon avis, il peut le faire sans être tenu à un cautionnement judicatum solvi. Je tire cette conclusion du fait qu'il est et continue d'être le défendeur dans une action en contrefaçon, bien qu'il soit également le deman- deur reconventionnel et qu'en droit, une demande reconventionnelle constitue une action distincte. Si l'on prend telle quelle la formulation de l'exception à l'impératif de cautionnement judicatum solvi, prévue au paragraphe (3), ce défendeur, en sa qualité de «défendeur dans toute action en contre- façon de brevet a le droit d'obtenir une déclaration en vertu du présent article [l'article 62] sans être tenu de fournir un cautionnement.» A mon avis, il ne saurait être privé de ce droit du seul fait qu'il est également demandeur reconventionnel.
Toute autre interprétation du paragraphe (3) irait à l'encontre de l'esprit des paragraphes (2) et (3) de la Loi, qui visent à imposer un cautionne- ment judicatum solvi dans le cas seul la validité d'un brevet est contestée par une action intentée contre le breveté. Certaines des raisons qui justi- fient cet impératif ont été expliquées par M. le juge Heald. Si celui qui conteste la validité d'un brevet est aussi le défendeur dans une action en contrefaçon, il va de soi qu'il n'est pas tenu à ce cautionnement. Il ne serait pas raisonnable d'inter- préter l'article 62 de façon à le priver de ce droit du seul fait qu'il choisit d'élargir la portée de la déclaration d'invalidité en cas d'accueil de sa demande reconventionnelle, d'autant plus que tous
les faits et témoignages qu'il invoquera auront probablement été déjà invoqués dans sa défense contre l'action en contrefaçon. A mon avis, toute autre interprétation conduirait à une conclusion inique ou absurde, allant à l'encontre du sens clair et simple du texte de loi.
Par les motifs donnés par M. le juge Heald, je ne pense pas que cette conclusion puisse être affec- tée de quelque manière que ce soit par la Règle 700(3).
En conséquence, j'accueillerais l'appel et tran-
cherais le litige de la manière qu'il envisage.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY (dissident): Sauf le respect que je leur dois, je suis parvenu, en l'espèce, à une conclusion opposée à celle de mes collègues les juges Heald et Urie. Voici ce qui me paraît être l'effet du paragraphe (3) de l'article 62 de la Loi sur les brevets.
Dans une action en contrefaçon de brevet, les défendeurs peuvent, comme ils le font en l'espèce:
(1) soutenir qu'ils n'ont pas contrefait le brevet et
(2) soutenir que ce brevet est invalide. Dans ce cas, le paragraphe (3) de l'article 62 prévoit que le défendeur n'est pas, dans le cadre de cette action, tenu au cautionnement judicatum solvi. Par contre, si, comme en l'espèce, les défendeurs choi- sissent d'intenter une demande reconventionnelle tendant à un jugement d'invalidation du brevet, ils deviennent, dans le cadre de cette demande recon- ventionnelle, des demandeurs et, à ce titre, peuvent être requis de déposer un cautionnement judica- tum solvi.
Comme l'a noté mon collègue le juge Heald, les faits étant les mêmes dans l'action principale et dans la demande reconventionnelle, les dépens af- férents à cette dernière seraient minimes. Je n'au- rais donc pas fixé le cautionnement judicatum solvi à $2,000, mais attendu que l'appréciation du montant du cautionnement relève des pouvoirs dis- crétionnaires du juge de première instance, il n'y aurait pas lieu pour la Cour de la modifier.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
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