Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-167-78
Ashfaq Ahmad Sheikh (Appelant)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie, le juge suppléant Kelly—Winnipeg, 17 septembre; Toronto, 27 octobre 1980.
Examen judiciaire Immigration Demande tendant à l'examen et à l'annulation d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration statuant que l'appelant n'était pas un réfugié au sens de la Convention Il échet d'examiner si la Commission a commis une erreur en omettant d'examiner la question des tribulations, tel que requis par l'al. 15(1)b) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration Demande accueillie Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, modifiée par S.C. 1973-74, c. 27, art. 4(4), 7(2)c), 15(1)b)(i),(ii) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
D. Margolis pour l'appelant. B. Hay pour l'intimé.
PROCUREURS:
Billinkoff, Meltzer, Essers, Goldberg, Kussin, Margolis & Sinder, Winnipeg, pour l'appe- lant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: A mon avis, en concluant que l'appelant n'est pas un réfugié au sens de la Con vention, la Commission n'a commis aucune erreur justifiant l'intervention de cette Cour. En effet, cette conclusion me paraît raisonnable, compte tenu des éléments de preuve produits devant la Commission. Nous devons donc la laisser intacte.
Je suis en outre d'avis que la Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a jugé irrecevables certains articles de journaux traitant de la situa tion politique au Pakistan. L'alinéa 7(2)c) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, modifiée, autorise cette der- nière à recevoir les renseignements supplémentai-
res «qu'elle peut estimer être de bonne source ou dignes de foi et nécessaires pour juger l'affaire dont elle est saisie». Après examen du dossier, je ne puis affirmer qu'en jugeant irrecevables lesdits articles de journaux, la Commission a exercé abu- sivement le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'alinéa 7(2)c).
Quant au troisième moyen invoqué par l'avocat de l'appelant, je suis d'avis qu'il est bien fondé.
L'alinéa 15(1)b) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, applicable en l'espèce, est ainsi libellé:
15. (1) Lorsque la Commission rejette un appel d'une ordon- nance d'expulsion ou rend une ordonnance d'expulsion en con- formité de l'alinéa 14c), elle doit ordonner que l'ordonnance soit exécutée le plus tôt possible. Toutefois,
b) dans le cas d'une personne qui n'était pas un résident permanent à l'époque a été rendue l'ordonnance d'expul- sion, compte tenu
(i) de l'existence de motifs raisonnables de croire que la personne intéressée est un réfugié que protège la Conven tion ou que, si l'on procède à l'exécution de l'ordonnance, elle sera soumise à de graves tribulations, ou
(ii) l'existence de motifs de pitié ou de considérations d'ordre humanitaire qui, de l'avis de la Commission, justi- fient l'octroi d'un redressement spécial,
la Commission peut ordonner de surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion ou peut annuler l'ordonnance et ordonner d'accorder à la personne contre qui l'ordonnance avait été rendue le droit d'entrée ou de débarquement.
Lorsqu'elle est saisie d'une demande comme celle-ci, par laquelle le requérant sollicite le ré- examen de la décision du Ministre portant qu'il n'est pas un réfugié au sens de la Convention, la Commission a certes le pouvoir d'octroyer un redressement aux termes du paragraphe 15 (1) si la situation alors en cause correspond à l'une des trois conditions y spécifiées: la Commission a donc trois questions distinctes à trancher avant de pouvoir déterminer si le requérant peut bénéficier d'un tel redressement.
Dans certains cas, la Commission peut juger inutile d'examiner spécifiquement, dans ses motifs, les éléments de preuve afférents aux graves tribu lations auxquelles pourrait être soumis le requé- rant, sans qu'elle en soit pour autant empêchée de conclure quant à cette question. Par exemple, si la Commission met en doute, comme c'est le cas en l'espèce, la crédibilité de l'appelant lorsqu'il dit
être un réfugié au sens de la Convention et qu'elle conclut, soit expressément ou implicitement, que l'appelant manque également de crédibilité lors- qu'il dit qu'il sera soumis à de graves tribulations s'il doit rentrer dans son pays d'origine, elle se serait, à mon avis, suffisamment penchée sur cette question.
Toutefois, il doit nettement apparaître des motifs du jugement de la Commission qu'elle a soigneusement étudié, et par la suite tranché, cha- cune de ces questions.
Or, il ressort clairement des motifs du jugement prononcés par la Commission qu'elle a, en l'espèce, étudié la question de savoir s'il existait des motifs de pitié ou des considérations d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'un redressement spécial aux termes du sous-alinéa 15(1)b)(ii). Il ressort aussi clairement qu'elle a répondu non à cette question (voir à la page 169 du Dossier d'appel). Après avoir étudié la question et formulé une réponse, la Commission s'est exprimé en ces termes: [TRA- DUCTION] «Il ne reste à trancher que la question de savoir si l'appelant est un réfugié protégé par la Convention des Nations-Unies relative au statut des réfugiés» (voir à la page 169 du Dossier d'ap- pel). C'est là, à mon avis, que la Commission a commis une erreur. En effet, en vertu du sous-ali- néa 15(1)b)(ii), la Commission devait d'abord déterminer si l'appelant est un réfugié et ensuite, selon moi, déterminer si, advenant l'exécution de l'ordonnance d'expulsion, l'appelant serait soumis à de graves tribulations.
La Commission n'a pas examiné cette question. Ses conclusions quant à la crédibilité de l'appelant ne se rapportent qu'à la question de savoir si ce dernier a su la convaincre de l'existence de motifs raisonnables lui permettant d'affirmer qu'il est un réfugié au sens de la Convention. Le fait que la Commission ait omis d'examiner la question des tribulations constitue une erreur de droit dont la gravité est telle qu'elle équivaut à un refus, de la part de la Commission, d'exercer la compétence que la loi lui attribue'.
' Comparer: Toan Cong Vu c. Le ministre de la Main-d'oeu- vre et de l'Immigration [1973] C.F. 529. Voir aussi: Martin c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1972] C.F. 844.
Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir l'appel et de renvoyer l'affaire devant la Commission pour qu'elle procède à une nouvelle audition et à un réexamen de l'appel en tenant compte des présents motifs.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris à ces motifs.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.