T-1253-80
Alumina Contractors Ltd. (Demanderesse)
c.
Le navire Bill Crosbie, Chimo Shipping Ltd. et
Empire Stevedoring Co. Ltd. (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Dubé—
Montréal, 18 et 25 août 1980.
Pratique — Requête demandant l'annulation ou la rescision
d'une ordonnance ex parte autorisant la signification hors du
ressort de la Cour d'un avis à tierce partie à la requérante —
L'affidavit produit par le procureur des défendeurs à l'appui
de la demande ex parte fait état de croyances dont il ne donne
pas les fondements — Il y avait à trancher si c'est à tort que le
juge de première instance a fait droit à la requête ex parte
pour le motif que l'affidavit ne répondait pas aux exigences de
la Règle 332, selon laquelle les fondements des opinions
exprimées doivent être précisés — Requête accueillie —
Règles 307(2), 332(1) de la Cour fédérale.
Arrêts mentionnés: Antares Shipping Corp. c. Le «Capri-
corn» [1977] 2 R.C.S. 422; All Transport Inc. c. Le
«Rumba», T-3585-75.
REQUÊTE.
AVOCATS:
V. Prager pour la demanderesse.
T. Bishop pour les défendeurs le navire Bill
Crosbie et Chimo Shipping Ltd.
A. S. Hyndman, c.r. pour la tierce partie
Deutsche Dampfschiffahrts-Ges. «Hansa».
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour la demanderesse.
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal,
pour les défendeurs le navire Bill Crosbie et
Chimo Shipping Ltd.
McMaster Meighen, Montréal, pour la tierce
partie Deutsche Dampfschiffahrts-Ges.
«Hansa».
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUBÉ: Il s'agit d'une requête deman-
dant la permission de déposer une comparution
conditionnelle et demandant l'annulation ou la
rescision d'ordonnances ex parte, l'une du 16 avril
1980 autorisant la signification hors du ressort de
la Cour d'un avis à la tierce partie à la requérante
Dampfschiffahrts-Ges. Hansa, de Brême, Allema-
gne de l'Ouest, l'autre du 26 mai 1980 accordant
un délai supplémentaire pour la signification de cet
avis.
La demanderesse, à titre de propriétaire d'un
chargement d'acier de charpente et de marchandi-
ses diverses, a produit, le 12 mars 1980, une
déclaration introductive d'instance, contre le
navire Bill Crosbie, ses propriétaires et l'entreprise
de manutention qui avait procédé au chargement
au port de Halifax, Nouvelle-Écosse. La déclara-
tion allègue que le navire a chaviré au port de
St-Jean, Terre-Neuve, le 8 janvier 1980 ou vers
cette date et que la cargaison n'a jamais été livrée
à la demanderesse à Foynes, en Irlande.
Les défendeurs ont produit un avis à la tierce
partie contre la requérante, le 11 avril 1980, allé-
guant que la perte du Bill Crosbie résultait de
l'inobservance par la requérante d'un contrat de
sauvetage intervenu entre elle et les défendeurs,
selon lequel le navire devait demeurer à flot à son
poste à quai jusqu'à la fin des opérations de
sauvetage.
Par une requête ex parte les défendeurs ont
demandé et obtenu, le 11 avril 1980, une ordon-
nance autorisant la signification à la requérante
hors du ressort de la Cour. La requérante soutient
que le juge saisi de la requête a commis une erreur
en droit sur trois points en y faisant droit. Le
premier de ces points est le suivant:
a) que l'affidavit déposé à l'appui de celle-ci,
manifestement pas fondé sur des faits connus du
déclarant personnellement, ne répond pas aux
exigences expresses de la Règle 332(1).
La Règle 332(1) se lit ainsi:
Règle 332. (1) Les affidavits doivent se restreindre aux faits
que le témoin est en mesure de prouver par la connaissance
qu'il en a, sauf en ce qui concerne les requêtes interlocutoires
pour lesquelles peuvent être admises des déclarations fondées
sur ce qu'il croit et indiquant pourquoi il le croit.
Puisque l'affidavit appuie une requête interlocu-
toire, il n'est pas limité aux faits personnellement
connus du déclarant, mais il peut comporter des
affirmations que ce dernier croit vraies, sauf qu'il
lui faut alors indiquer les motifs qui fondent sa
conviction.
L'affidavit du procureur des défendeurs com-
porte des affirmations de faits dont il n'a manifes-
tement pas une connaissance personnelle et pour
lesquelles il n'a pas fourni de motifs de les croire
vraies. Certaines de ces affirmations sont essentiel-
les pour démontrer l'existence d'une [TRADUC-
TION] «cause tout à fait défendable» (voir l'affaire
Antares Shipping Corporation c. Le «Capricorn»
[1977] 2 R.C.S. 422 la p. 447).
A l'ouverture de l'audience, l'avocat des défen-
deurs a produit deux avis de requête demandant
l'autorisation d'amender ses affidavits originaux de
façon à informer la Cour des source et origine des
faits mentionnés auxdits affidavits.
L'avocat des défendeurs ne m'a signalé aucune
jurisprudence, et je n'en connais aucune, selon
laquelle il serait possible d'amender ainsi un affi
davit produit à l'appui d'une requête après que
l'ordonnance demandée par cette requête a été
rendue.
La Règle 303 permet à la Cour d'ordonner la
modification de toute pièce à n'importe quelle
étape des procédures en vue de déterminer la
véritable question en litige ou de corriger une
défectuosité ou une erreur. Cependant, la raison
d'être des deux affidavits controversés déposés à
l'appui des deux requêtes ex parte était précisé-
ment d'obtenir l'autorisation de signifier en dehors
du ressort de la Cour et rien d'autre. Ils ne de-
vraient pas être amendés ex post facto.
Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire de
s'arrêter aux autres moyens invoqués par la requé-
rante. Il y aura une ordonnance annulant les deux
ordonnances ex parte, avec dépens, mais les défen-
deurs seront autorisés à demander de nouveau une
ordonnance de signification ex j'unis appuyée d'un
nouvel affidavit énonçant en détail les faits que le
déclarant peut établir par sa connaissance person-
nelle et les affirmations qu'il croit vraies ainsi que
les motifs sur lesquels il les fonde. Les deux requê-
tes en modification des défendeurs seront rejetées
sans dépens.
Il faut aussi signaler que les deux ordonnances
ex parte ne fixaient pas de délai à la tierce partie
pour produire sa défense, en contravention de la
Règle 307(2) dont le texte est le suivant:
Règle 307... .
(2) Une ordonnance rendue en vertu de l'alinéa (1) doit fixer,
en tenant compte du lieu de la signification, un délai dans
lequel le défendeur doit déposer sa défense ou obtenir de la
Cour une prolongation du délai pour le faire.
Mon collègue le juge Cattanach a conclu récem-
ment que le défaut de se conformer à cette Règle
entraîne nullité dans l'affaire All Transport Inc. c.
Le «Rumba», T-3585-75, le 28 avril 1980.
ORDONNANCE
Les ordonnances ex parte du 16 avril 1980 et du
26 mai 1980 sont annulées et autorisation est
accordée aux défendeurs de faire une nouvelle
demande, appuyée d'un nouvel affidavit conforme
à la Règle 332(1), d'ordonnance de signification
ex juris.
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