A-98-79
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Paul Murby, Lorne Butchart et J. David Lee, en
leur qualité de membres du Comité d'appel établi
en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32 et
Ronda Lee (Intimés)
Cour d'appel, les juges Heald et Le Dain et le juge
suppléant Kerr—Ottawa, 20 novembre 1979 et 14
janvier 1980.
Examen judiciaire — Fonction publique — Demande d'exa-
men et d'annulation de la décision par laquelle le Comité
d'appel a accueilli les appels formés par l'intimée Lee contre
certaines nominations — Bien qu'ayant été reçue aux con-
cours, Lee n'a pas été nommée aux postes considérés parce
qu'on lui refusait l'habilitation au secret — Il y avait à
déterminer si la décision du commissaire de la G.R.C. relative
à l'habilitation au secret était, en application de l'art. 21 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, susceptible d'exa-
men en appel — Requête accueillie — Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 6, 8, 10, 21 —
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-35, art. 90(2), 112(1),(2) — Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C. 1978, Vol. XIV, c.
1337, modifié, art. 7(4) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une requête tendant à l'examen et à l'annulation de
la décision par laquelle le Comité intimé a accueilli les appels
formés par l'intimée Lee contre certaines nominations. Lee a
été reçue à deux concours où l'habilitation au secret était une
des qualités requises. L'habilitation au secret requise lui ayant
été refusée, elle n'a pas été nommée aux postes qui se trou-
vaient vacants. Les appels de Lee devant le Comité intimé ont
été accueillis. Le requérant fait valoir que la décision du
Commissaire relative à l'habilitation au secret n'est pas suscep
tible d'examen en appel sous le régime de l'article 21 de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique. L'article 112 de la Loi
sur les relations de travail dans la Fonction publique prévoit
que l'employeur n'a pas à faire quoi que ce soit à l'encontre
d'une directive relative à la sécurité.
Arrêt: la requête est accueillie. Il n'appartenait pas au
Comité d'appel d'examiner si le commissaire de la G.R.C. avait
suivi la procédure appropriée pour refuser l'habilitation au
secret. Le Comité d'appel avait pour seul mandat de déterminer
si la nomination des personnes occupant les deuxième et troi-
sième places sur chaque liste avait été faite selon le principe du
mérite tel qu'il est prévu par l'article 10 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique et modifié par l'article 112(1) de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Vu
l'application de l'article 112(1), le Comité d'appel n'avait pas le
droit de s'enquérir des raisons pour lesquelles le Commissaire
avait refusé d'accorder l'habilitation au secret. La compétence
qu'a le Comité d'appel pour déterminer si le principe du mérite
a été observé en matière de nominations se limite à l'examen de
toutes les qualités requises pour le concours, sauf l'admissibilité
à l'habilitation au secret.
Le juge Le Dain: Le Comité s'est arrogé le pouvoir de
vérifier le «caractère raisonnable» du refus par le sous-chef
d'accorder l'habilitation au secret. Un Comité d'appel saisi par
application de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique n'est pas investi de ce pouvoir. Il n'est pas
certain que l'action envisagée par le Comité d'appel soit expres-
sément interdite par l'article 112 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique qui vise surtout à expliciter
l'interprétation de lois qui auraient pour effet d'obliger l'em-
ployeur à faire quelque chose à l'encontre d'une directive en
matière de sécurité. L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique porte sur ce que peut ou ne peut pas faire la
Commission. Le pouvoir d'assujettir la nomination à l'habilita-
tion au secret et le pouvoir de déterminer s'il y a lieu d'accorder
cette habilitation relèvent du pouvoir de commandement que la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique n'a ni supprimé ni
confié à la Commission. La décision d'un sous-chef en matière
d'habilitation au secret n'a rien à voir avec l'appréciation du
mérite relatif d'un candidat.
Arrêt mentionné: Brown c. La Direction des appels de la
Commission de la Fonction publique [1975] C.F. 345.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
W. J. A. Hobson, c.r. pour le requérant.
Personne n'a comparu pour le compte des
intimés P. Murby, L. Butchart et J. D. Lee.
M. W. Wright, c.r. pour l'intimée Ronda Lee.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimée
Ronda Lee.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit en l'espèce d'une
requête fondée sur l'article 28 et tendant à l'exa-
men et à l'annulation de la décision en date du 29
janvier 1979 du Comité intimé qui a accueilli les
appels formés par l'intimée Ronda Lee contre
certaines nominations faites à la suite de concours
tenus au sein de la Gendarmerie royale du Canada
(ci-après appelée la G.R.C.).
L'intimée Ronda Lee a été reçue à deux con-
cours tenus conformément à la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32,
et au Règlement y afférent. Il s'agissait de deux
concours restreints organisés conformément au
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publi-
que, C.R.C. 1978, Vol. XIV, c. 1337, modifié, et
destinés à établir des listes d'admissibilité aux
postes vacants. Ces deux concours ont donné lieu à
deux listes d'admissibilité, chacune portant les
noms de quatre candidats reçus par ordre de
mérite. L'intimée Ronda Lee occupait la première
place sur l'une et l'autre listes. L'avis de concours
énumérait les fonctions de chaque poste et les
qualités requises, dont l'uhabilitation aux informa-
tions classifiées Très secret» dans les deux cas.
A la suite de l'établissement et de la publication
de ces deux listes d'admissibilité, l'intimée fut
informée par la G.R.C. qu'elle ne bénéficiait pas
de l'uhabilitation aux informations classifiées Très
secret». Elle n'a donc pas été nommée aux postes
qui se trouvaient vacants à l'époque. C'étaient les
personnes occupant les deuxième et troisième
places sur chaque liste qui y ont été nommées.
L'intimée Ronda Lee interjeta appel de ces déci-
sions au Comité intimé, établi en application de
l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique'.
Devant le Comité d'appel, le requérant a sou-
tenu que ce Comité n'avait pas compétence pour
s'enquérir des motifs qui avaient poussé le service
L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que porte:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est
nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à
cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non
reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'avan-
cement, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la
nomination à un comité établi par la Commission pour faire
une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et
au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de
se faire entendre. La Commission doit, après avoir été infor-
mée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer,
ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
employeur à refuser d'accorder à l'intimée Ronda
Lee le niveau requis d'habilitation au secret. En
conséquence, le requérant n'a fourni aucune justi
fication pour cette décision, autre que les docu
ments authentiques suivants:
a) un exemplaire de la directive n° 35 du Cabi
net en date du 18 décembre 1963; et
b) une lettre adressée le 9 janvier 1979 par le
commissaire de la G.R.C. au commandant de la
G.R.C. de Vancouver, dans laquelle il déclarait:
[TRADUCTION] «Conformément à la procédure
prévue à la directive n° 35 du Cabinet, j'ai
conclu qu'il n'y a pas lieu d'accorder à Ronda
Lynn Lee l'habilitation au secret».
Par décision en date du 29 janvier 1979, le
Comité d'appel a accueilli l'appel formé par Ronda
Lee au sujet des nominations faites à la suite de
ces deux concours.
C'est cette décision du Comité d'appel que vise
la requête du requérant, fondée en l'espèce sur
l'article 28.
La Cour de céans a jugé que le pouvoir de
commandement d'un ministre embrassait le droit
de stipuler les qualités requises d'une personne
nommée à un poste de son ministère 2 . En règle
générale cependant, les ministres ont été depuis
longtemps privés du pouvoir de nomination, qui est
maintenant confié à la Commission de la Fonction
publique par l'article 8 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique. Par ailleurs, l'article 6 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique habi-
lite la Commission à déléguer ce pouvoir au sous-
chef d'un ministère ou organisme. Il est constant
en l'espèce que le sous-chef (c.-à-d. le commissaire
de la G.R.C.) a procédé aux nominations en cause
en vertu du pouvoir délégué que prévoit l'article 6.
Je conviens avec le Comité d'appel qu'en l'es-
pèce, le service employeur (c.-à-d. la G.R.C.) a
établi que les fonctions des postes à pourvoir ne
pouvaient pas être proprement exercées par des
gens qui n'avaient pas l'«habilitation aux informa-
tions classifiées Très secret», et qu'en conséquence,
2 Voir: Brown c. La Direction des appels de la Commission
de la Fonction publique [1975] C.F. 345, aux pp. 350 et 357.
l'habilitation au secret était l'une des conditions
requises pour les postes en question.
Par conséquent, en l'absence de toute disposition
contraire de la loi ou de la jurisprudence, j'estime
que le Comité d'appel pourrait bien, dans une
enquête tenue conformément à l'article 21 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, pré-
cité, avoir compétence pour prendre en considéra-
tion le critère de l'habilitation au secret, au même
titre que les autres qualités requises afin de s'assu-
rer de l'observation de l'impératif de la sélection
au mérite, tel qu'il est établi par l'article 10 de
cette Loi. Vu cependant la conclusion à laquelle je
suis arrivé, il n'échet pas de trancher cette
question.
Pour soutenir que la décision du Commissaire en
matière d'habilitation au secret n'est pas suscep
tible d'appel sous le régime de l'article 21, l'avocat
du requérant fait valoir ce qui suit:
[TRADUCTION] 15. La directive n° 35 du Cabinet et la déclara-
tion en date du 9 janvier 1979 du commissaire de la Gendar-
merie royale du Canada tirent leur force de l'article 112 de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, selon
lequel rien dans cette Loi ou toute autre loi, notamment la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique, ne doit s'interpréter
comme enjoignant à Sa Majesté la Reine représentée par le
Conseil du Trésor de faire ou de s'abstenir de faire quoi que ce
soit à l'encontre de cette directive ou de cette déclaration. Si Sa
Majesté la Reine représentée par le Conseil du Trésor ne peut
retenir les services d'une personne contrairement à la directive
ou à la déclaration, il s'ensuit nécessairement que l'intimée
n'est pas fondée à contester son élimination des concours au
motif qu'on ne lui a pas accordé l'habilitation au secret requise.
L'article 112 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35,
porte:
112. (I) Rien dans la présente loi ou toute autre loi ne doit
s'interpréter comme enjoignant à l'employeur de faire ou de
s'abstenir de faire quoi que ce soit de contraire à quelque
directive ou instruction donnée ou règlement établi par le
gouvernement du Canada ou pour son compte dans l'intérêt de
la sûreté ou de la sécurité du Canada ou de tout État allié ou
associé du Canada.
(2) Aux fins du paragraphe (1), tout décret du gouverneur en
conseil constitue une preuve péremptoire de ce qui y est énoncé
au sujet de l'établissement des directives, instructions ou règle-
ments pour le compte du gouvernement du Canada dans l'inté-
rêt de la sûreté ou de la sécurité du Canada ou de tout État
allié ou associé du Canada.
•
Pour bien saisir la situation, il me paraît néces-
saire de prendre en considération le contenu de la
directive n° 35 du Cabinet qui est reproduite à
l'annexe «A». Il ressort d'une lecture attentive de
cette directive n° 35 qu'il s'agit là, à mon avis,
d'une «directive» ou «instruction» donnée pour le
compte du gouvernement du Canada dans l'intérêt
de la sûreté ou de la sécurité du Canada, au sens
de l'article 112(1) susmentionné et qu'à ce titre,
elle s'applique aux dispositions de la Loi sur l'em-
ploi dans la Fonction publique.
Le paragraphe 1 de la directive porte:
POSITION DE PRINCIPE
1. La sécurité dans la Fonction publique du Canada constitue
un élément essentiel de la saine administration du personnel, et
relève par conséquent de la responsabilité de chaque ministère
et organisme. La sécurité des informations classifiées conser
vées par un ministère ou un organisme peut être compromise
par des personnes qui peuvent être déloyales envers le Canada
et son régime de gouvernement, ou par des personnes auxquel-
les on ne peut se fier en raison de certains défauts de leur
caractère.
Le paragraphe 9 porte:
FAÇON DE PROCÉDER
9. Les méthodes suivantes, au moyen desquelles la présente
politique doit être mise en œuvre, visent à assurer le filtrage le
plus minutieux possible, surtout en ce qui concerne les person-
nes appelées à avoir accès à des informations classifiées à un
niveau élevé. Il continue d'incomber à chaque ministère et
organisme du gouvernement de faire en sorte que sa sécurité
demeure intacte.
Le paragraphe 13 porte:
13. Si un jugement favorable est porté, le ministère ou l'orga-
nisme peut accorder l'habilitation au secret au niveau requis
pour l'exécution efficace des fonctions du poste en cause. Si, au
contraire, il existe, de l'avis du sous-ministre du ministère ou du
directeur de l'organisme intéressé, un doute raisonnable quant à
l'ampleur de la confiance pouvant être accordée au candidat,
l'octroi de l'habilitation sera différé jusqu'à ce que le doute soit
dissipé à la satisfaction du sous-ministre ou du directeur de
l'organisme.
Le paragraphe 25(iv) porte:
25....
(iv) De qui relève l'octroi des diverses habilitations au secret
Il incombera au sous-chef de tout ministère ou organisme
d'accorder ou de refuser une habilitation au secret, et c'est de
lui que relèvera en tout temps la responsabilité inhérente à
l'accès qu'une personne pourra avoir à des informations
classifiées Très secret, Secret et Confidentiel.
Il ressort de ces extraits de la directive n° 35
qu'il incombe à chaque ministère et organisme de
veiller de façon constante à la sécurité et au sous-
chef d'accorder ou de refuser l'habilitation au
secret. Les modalités de l'octroi ou du refus de
l'habilitation au secret sont exposées en détail aux
paragraphes 9 à 20 inclusivement.
En l'espèce, l'intimée Lee n'a pas obtenu l'habi-
litation au secret requis. Il n'appartenait pas au
Comité d'appel d'examiner si le commissaire de la
G.R.C. a suivi la procédure appropriée lorsqu'il
refusait à l'intimée Lee l'habilitation au secret. Il
me semble que le Comité d'appel avait pour seul
mandat de déterminer si la nomination des person-
nes occupant les deuxième et troisième places sur
chaque liste a été faite selon le principe du mérite
tel qu'il est prévu par l'article 10 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique et modifié par
l'article 112(1) de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, précité. J'es-
time par conséquent que, vu l'application de l'arti-
cle 112(1), le Comité d'appel n'avait pas le droit
de s'enquérir des raisons pour lesquelles le Com-
missaire a refusé d'accorder l'habilitation au
secret. La question de l'observation par le Com-
missaire des modalités prévues à la directive n° 35
pourrait faire l'objet d'un recours devant une autre
juridiction, pour une autre cause d'action, mais
elle ne saurait être abordée par le Comité d'appel
en l'espèce. La compétence que le Comité d'appel
tient de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique pour déterminer si le principe du mérite a
été observé en matière de nominations se limite en
l'espèce, à mon avis, à l'examen de toutes les
qualités requises pour le concours, sauf l'admissibi-
lité à l'habilitation au secret. Par conséquent, lors-
que le Comité se disait en droit de s'enquérir des
raisons pour lesquelles l'intimée s'est vu refuser
l'habilitation au secret, il n'a pas, à mon avis,
correctement appliqué aux faits de la cause les
dispositions de l'article 112(1) de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique,
précité.
A mon avis, l'article 112(1) met l'employeur à
l'abri de l'obligation de faire quoi que ce soit à
l'encontre des dispositions de la directive n° 35. Il
ressort des passages précités de la directive n° 35
que le sous-chef a pour responsabilité permanente
d'accorder ou de refuser l'habilitation au secret et,
lorsqu'il existe, à son avis, un doute raisonnable,
l'octroi de l'habilitation sera différé jusqu'à ce que
le doute soit dissipé à la satisfaction du sous-chef.
Il ressort de sa lettre en date du 9 janvier 1979
qu'en l'espèce, ce doute n'a pas été dissipé à la
satisfaction du sous-chef. Par conséquent, em
ployer l'intimée dans ces circonstances irait à l'en-
contre des dispositions de la directive n° 35, ce qui
contreviendrait à celles de l'article 112(1).
Par ces motifs, je conclus que la décision du
Comité d'appel intimé doit être infirmée.
Toutefois, certains faits de la cause se révèlent
troublants. Rien dans le dossier n'indique que l'in-
timée Ronda Lee constitue un danger au point de
vue de la sécurité. Par lettre en date du 8 décem-
bre 1978, le surintendant Maidens, chef de l'Ad-
ministration et du Personnel de la G.R.C. de Van-
couver, l'a informée qu'elle n'allait pas recevoir
l'habilitation au secret requise, ce qu'a confirmé la
lettre susmentionnée en date du 9 janvier 1979 du
Commissaire. Dans son intimation d'appel en date
du 14 décembre 1978, l'intimée déclare qu'elle
voulait connaître la raison du refus mais qu'on lui
[TRADUCTION] «... a refusé tout renseignement.»
Le paragraphe 15 de la directive n° 35 prévoit la
procédure à suivre lorsque la personne demandant
l'habilitation au secret est déjà employée dans la
Fonction publique. Ce paragraphe porte: «... on
tentera de dissiper le doute avec l'aide de l'em-
ployé en cause . ..». Ce paragraphe précise en
outre que: «. .. un fonctionnaire supérieur . .. con-
voquera l'employé à une entrevue et l'informera
des motifs du doute et ce, dans toute la mesure du
possible sans compromettre les sources importan-
tes et confidentielles de renseignements afférents à
la sécurité, et fournira à l'employé la possibilité de
le dissiper à la satisfaction des autorités du minis-
tère ou organisme responsable.» Or, il ressort du
dossier que l'intimée Ronda Lee n'a pas été convo-
quée à une entrevue ni ne s'est vu donner la
possibilité de résoudre le problème. Il ressort de la
directive n° 35 et du «Mémoire aux sous-ministres
et chefs d'organismes» en date du 27 décembre
1973 de R. G. Robertson, secrétaire du Cabinet
(Dossier, pages 46 et 47), que la directive n° 35 a
pour objet de faire en sorte que l'employé soit
informé, autant que faire se peut, des motifs du
doute qui plane sur son compte en matière de
sécurité et ce, sans que soient compromises les
sources importantes de renseignements afférents à
la sécurité, et qu'il lui soit donné l'occasion de
dissiper ce doute avant que l'habilitation ne soit
refusée. Dans le cas de l'intimée Ronda Lee, il ne
semble pas que ces formalités aient été suivies.
Toutefois, comme je l'ai indiqué plus haut, si la
question de l'observation ou de l'inobservation par
le Commissaire des modalités prévues par la direc
tive n° 35 pouvait donner lieu à un recours devant
une autre juridiction, elle ne relevait pas du
Comité saisi d'un appel prévu à l'article 21 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Par ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la
requête fondée sur l'article 28 et d'annuler la
décision et l'ordonnance en date du 29 janvier
1979 du Comité d'appel.
ANNEXE oA»
CE DOCUMENT EST LA PROPRIÉTÉ DU GOUVERNEMENT DU
CANADA
Le 18 décembre 1963
DIRECTIVE DU CABINET (N o 35)
La sécurité dans la Fonction publique du Canada
POSITION DE PRINCIPE
1. La sécurité dans la Fonction publique du Canada constitue
un élément essentiel de la saine administration du personnel, et
relève par conséquent de la responsabilité de chaque ministère
et organisme. La sécurité des informations classifiées conser
vées par un ministère ou un organisme peut être compromise
par des personnes qui peuvent être déloyales envers le Canada
et son régime de gouvernement, ou par des personnes auxquel-
les on ne peut se fier en raison de certains défauts de leur
caractère.
2. Les employés de la Fonction publique du Canada, y compris
les membres des Forces armées et de la Gendarmerie royale du
Canada, qui, dans l'exercice de leurs fonctions, sont appelés à
avoir accès à des informations classifiées, doivent être des
personnes loyales envers le Canada et à qui le gouvernement
peut accorder son entière confiance. Il a été amplement prouvé
qu'on ne peut accorder cette confiance à des personnes dont la
loyauté envers le Canada et son régime de gouvernement est
affaiblie par leur loyauté envers une organisation communiste,
fasciste ou toute autre organisation politique légale ou illégale
dont les buts sont inconciliables avec les opérations d'une
démocratie parlementaire. L'un des facteurs essentiels de la
politique de sécurité du Canada doit donc être que les person-
nes décrites au paragraphe 3 ci-après ne soient pas, lorsqu'elles
sont connues, admises au sein de la Fonction publique, et que, si
elles y sont déjà employées, on ne leur permette pas d'avoir
accès à des informations classifiées. Si une telle personne
occupe un poste qui lui donne accès à des informations classi
fiées, on doit au moins la muter à un poste où elle sera moins
tenue au secret. Il peut aussi s'avérer nécessaire, si le ministre
intéressé juge qu'il y va de l'intérêt public, de renvoyer cette
personne, sous réserve des conditions énumérées au paragraphe
17 ci-dessous.
3. Les personnes dont il est question au paragraphe 2 ci-dessus
sont les suivantes:
a) toute personne membre d'un parti communiste ou fasciste
ou d'un groupement affilié à un parti communiste ou fasciste
et dont la nature et les objectifs sont semblables;
b) toute personne qui, par ses paroles ou ses actes, fait preuve
de sympathie à l'endroit d'un parti communiste ou fasciste ou
d'un groupement affilié à un parti communiste ou fasciste et
dont la nature et les objectifs sont semblables;
c) toute personne qui, ayant une compréhension suffisante de
sa nature et de ses objectifs véritables, est membre ou fait
preuve par ses paroles ou ses actes, de sympathie à l'égard
d'une organisation dont l'objectif véritable est l'avancement
et la propagation de la politique et des objectifs communistes
ou fascistes (groupements communément appelés ((organisa-
tions-couvertures»);
d) toute personne qui agit en tant qu'agent secret ou en tant
qu'informateur d'une puissance étrangère, ou qui, délibéré-
ment, prête son concours à un tel agent ou informateur;
e) toute personne qui, par ses paroles ou ses actes, fait preuve
de sympathie à l'égard d'une organisation qui, ouvertement
ou clandestinement, préconise ou emploie la force pour modi
fier la forme de gouvernement.
4. Il est important de se rappeler qu'il peut exister des motifs de
douter de la loyauté d'une personne qui, par le passé, a appar-
tenu à l'une des catégories décrites au paragraphe 3 ci-dessus,
même si des renseignements récents obtenus à propos de cette
personne ne viennent pas confirmer ces doutes.
5. Si la loyauté est importante, il est également essentiel que
l'on puisse avoir confiance en toute personne qui doit avoir
accès à des informations classifiées. On peut ne pas avoir
confiance en une personne pour un certain nombre d'autres
raisons qui n'ont rien à voir avec la loyauté. Pour protéger dans
toute la mesure du possible la sécurité de l'État, on ne devrait
pas permettre aux personnes décrites au paragraphe 6 ci-après
d'avoir accès à des informations classifiées, à moins que, après
un examen approfondi des circonstances, y compris la valeur de
leurs services, on juge que le risque de les employer serait
justifié.
6. Les personnes dont il est question au paragraphe 5 ci-dessus
sont les suivantes:
a) toute personne en qui on ne peut avoir confiance, non par
suite de sa déloyauté, mais par suite de certaines caractéristi-
ques de sa personnalité qui pourraient l'amener à être indis-
crète ou malhonnête, ou la rendre vulnérable au chantage ou
à la contrainte. Ces caractéristiques comprennent la cupidité,
l'endettement, les aberrations sexuelles, l'alcoolisme, la toxi-
comanie, le déséquilibre mental ou tout autre trait de carac-
tère qui risque d'ébranler son honnêteté;
b) toute personne qui, par suite de sa famille ou de relations
fréquentes avec des personnes tombant dans les catégories
décrites aux paragraphes 3a) à e) ci-dessus, serait disposée,
sciemment ou inconsciemment, à agir de façon préjudiciable
aux intérêts et à la sécurité du Canada. Ce n'est pas à la
nature de la relation (familiale, matrimoniale ou amicale)
qu'il faut attacher le plus d'importance, mais à son intensité
et aux circonstances qui l'entourent; en particulier, il faut
porter un jugement sur la confiance qu'on peut lui accorder
en fonction du degré de l'influence qu'on pourrait exercer sur
une telle personne, mais ce jugement doit être porté avec le
plus grand soin; et
c) toute personne qui, tout en étant loyale et digne de
confiance, est étroitement attachée par des liens familiaux ou
des sentiments d'affection à des personnes vivant à l'intérieur
des frontières de certains pays étrangers qui pourraient exer-
cer sur elle des pressions intolérables.
7. En outre, il faut reconnaître la sérieuse menace à la sécurité
que comporte le fait d'employer ou de permettre que soient
employées des personnes tombant dans les catégories décrites
aux paragraphes 3 ou 6 ci-dessus:
a) à certains postes, dans des sociétés industrielles et entre-
prises associées, qui prennent part à la production ou à
l'étude d'un matériel de défense classifié qui doit être protégé
pour des raisons de sécurité; ou
b) à des postes, au sein d'organismes gouvernementaux exé-
cutant des travaux dont la nature est essentielle à la sécurité
nationale, postes qui, bien qu'ils ne comportent pas normale-
ment l'accès à des informations classifiées, peuvent fournir à
leurs titulaires des occasions d'accéder sans autorisation à de
telles informations.
8. Pour s'acquitter de leurs responsabilités concernant la pro
tection des secrets du gouvernement du Canada et de ses alliés,
les ministères et organismes doivent, en tout premier lieu,
obtenir des renseignements suffisants à propos de toute per-
sonne qui doit avoir accès à ces secrets, afin de porter un
jugement raisonnable sur la question de savoir si cette personne
est loyale et digne de confiance. En portant ce jugement d'ordre
administratif, il faut toujours se rappeler que, si les intérêts
afférents à la sécurité nationale doivent prévaloir lorsqu'il
existe un doute raisonnable, la sauvegarde des intérêts de
l'individu est aussi essentielle à la préservation de la société que
nous visons à protéger. Les renseignements concernant le statut
sécuritaire d'un employé seront traités de façon confidentielle.
FAÇON DE PROCÉDER
9. Les méthodes suivantes, au moyen desquelles la présente
politique doit être mise en oeuvre, visent à assurer le filtrage le
plus minutieux possible, surtout en ce qui concerne les person-
nes appelées à avoir accès à des informations classifiées à un
niveau élevé. Il continue d'incomber à chaque ministère et
organisme du gouvernement de faire en sorte que sa sécurité
demeure intacte.
10. Les renseignements concernant les personnes susceptibles
d'avoir accès à des informations classifiées doivent, à tout le
moins, être obtenus de ces personnes elles-mêmes, des person-
nes dont celles-ci se sont recommandées, ainsi qu'au moyen
d'enquêtes menées par des organismes d'enquête autorisés. Les
ministères et organismes informeront les personnes susceptibles
d'avoir accès à des informations classifiées des motifs justifiant
l'enquête relative à leurs antécédents, et leur expliqueront les
dangers qu'elles encourraient elles-mêmes tout en exposant la
sécurité de l'État si elles tentaient de dissimuler tout renseigne-
ment de nature à influer sur l'ampleur de la confiance pouvant
leur être accordée.
11. Les fonctions d'un organisme d'enquête consistent à mener
de façon prompte et efficace les enquêtes réclamées par les
ministères ou organismes afin de les aider à déterminer si la
personne qui fait l'objet de l'enquête est loyale et digne de
confiance; et à informer les ministères et organismes des résul-
tats de leurs enquêtes au moyen de rapports concrets compor-
tant une appréciation minutieuse quant à la sûreté des sources
auprès desquelles ils ont obtenu des renseignements.
12. En se fondant sur ces rapports et sur tout autre renseigne-
ment pertinent obtenu de la personne intéressée, des personnes
dont elle s'est recommandée et de toute autre source de rensei-
gnement qui pourra avoir été utilisée, le ministère ou organisme
employeur portera un jugement éclairé sur la question de savoir
si la personne en cause est loyale et digne de confiance, ainsi
que sur l'ampleur de la confiance pouvant lui être accordée en
vue de l'exécution sûre et efficace des fonctions à remplir.
13. Si un jugement favorable est porté, le ministère ou l'orga-
nisme peut accorder l'habilitation au secret au niveau requis
pour l'exécution efficace des fonctions du poste en cause. Si, au
contraire, il existe, de l'avis du sous-ministre du ministère ou du
directeur de l'organisme intéressé, un doute raisonnable quant à
l'ampleur de la confiance pouvant être accordée au candidat,
l'octroi de l'habilitation sera différé jusqu'à ce que le doute soit
dissipé à la satisfaction du sous-ministre ou du directeur de
l'organisme.
14. Lorsqu'un candidat à un emploi dans la Fonction publique,
et non une personne qui est déjà employée, est susceptible d'être
nommé à un poste l'obligeant à avoir accès à des informations
classifiées, et qu'un doute a surgi quant à l'habilité de cette
personne au secret, les mesures suivantes peuvent être prises
dans le but de dissiper ce doute:
a) on peut demander à un organisme d'enquête autorisé
d'effectuer une nouvelle enquête précise; ou
b) le ministère ou l'organisme peut, en tout temps, demander
l'avis du Conseil de sécurité interministériel.
15. Lorsqu'une personne est déjà employée dans la Fonction
publique et qu'un doute surgit quant à son habilité à avoir accès
à des informations classifiées, l'agent de sécurité du ministère
ou de l'organisme intéressé doit prendre les dispositions qui
s'imposent pour protéger la sécurité, et peut avoir recours aux
mesures mentionnées au paragraphe 14 dans le but de dissiper
ce doute. Si ces mesures ne permettent pas de dissiper le doute
ou si, de l'avis des autorités du ministère ou organisme, elles
semblent peu appropriées à la situation, on tentera de dissiper
le doute avec l'aide de l'employé en cause. Après s'être mis en
rapport avec l'organisme d'enquête ou toute autre personne
ayant fourni le renseignement qui est à l'origine du doute, un
fonctionnaire supérieur nommé par le sous-ministre ou le direc-
teur de l'organisme convoquera l'employé à une entrevue et
l'informera des motifs du doute et ce, dans toute la mesure du
possible sans compromettre les sources importantes et confiden-
tielles de renseignements afférents à la sécurité, et fournira à
l'employé la possibilité de le dissiper à la satisfaction des
autorités du ministère ou organisme responsable.
16. Pour le cas où aucune des mesures exposées au paragraphe
15 ci-dessus ne permettrait de dissiper de façon satisfaisante un
doute concernant un employé de l'État, le ministère ou orga-
nisme responsable refusera d'accorder l'habilitation au secret,
prendra les mesures qui s'imposent afin de protéger la sécurité,
et consultera le secrétariat du Comité de sécurité dans le but
d'obtenir l'aide de ce dernier pour tenter de déterminer:
a) si la personne peut, en toute sécurité et de façon utile, être
nommée à un poste où elle sera moins tenue au secret au sein
du ministère ou organisme en cause ou ailleurs dans la
Fonction publique, tout en étant informée et consentante
dans toute la mesure du possible compte tenu des
circonstances;
b) à supposer qu'il ne soit pas possible de la nommer ailleurs,
s'il y aurait lieu de lui demander de résigner ses fonctions au
sein du ministère ou organisme; ou
c) à supposer qu'elle refuse de résigner ses fonctions, s'il y
aurait lieu de recommander au Ministre responsable que
cette personne soit renvoyée.
17. Pour le cas où les autorités du ministère décideraient de
recommander le renvoi, cette recommandation ne sera suivie
d'aucune mesure avant:
a) que le sous-ministre ou le directeur de l'organisme n'ait
lui-même passé entièrement le cas en revue et interrogé
personnellement l'employé en question, dans une tentative
ultime de dissiper tout doute raisonnable quant à la confiance
pouvant lui être accordée;
b) que l'employé n'ait été informé, dans toute la mesure du
possible sans pour autant compromettre les sources impor-
tantes et confidentielles de renseignements afférents à la
sécurité, des motifs pour lesquels on continue de douter qu'il
soit loyal ou digne de confiance, et qu'on ne lui ait donné de
nouveau la possibilité de fournir tous les renseignements ou
faits dont, selon lui, il doit être tenu compte en son nom par
le sous-ministre ou le directeur de l'organisme; et que, à
défaut d'une solution satisfaisante,
c) en se fondant sur tous les renseignements disponibles, l'on
ait obtenu l'opinion d'un comité de révision composé de
membres du Conseil de sécurité. (Le comité de révision se
composera du président et de deux membres, au moins, du
Conseil de sécurité, sous réserve qu'aucun membre directe-
ment intéressé au cas ne sera appelé à faire partie du comité
de révision).
18. Au moment de déterminer de façon définitive s'il recom-
mandera ou non au gouverneur en conseil qu'un employé soit
renvoyé pour des motifs de sécurité, le ministre responsable
tiendra compte de tous les renseignements et avis pertinents
qu'il aura reçus, mais il n'est pas tenu d'agir en fonction de ces
avis.
19. Les chiffres relatifs à toutes les personnes qui, pour des
motifs de sécurité, sont rayées des listes d'admissibilité de la
Commission du service civil, ou à qui les ministères ou organis-
mes refusent, d'une manière ou d'une autre, l'accès à des
informations classifiées, seront communiqués trimestriellement
au secrétaire du Conseil de sécurité afin que ledit Conseil
puisse, périodiquement, prendre connaissance de ce nombre ou
des types de cas, et évaluer l'ampleur du problème de sécurité
qui se pose dans la Fonction publique. Les chiffres transmis
devront être classés sous les rubriques générales qui suivent:
personnes renvoyées, personnes à qui on a permis de démission-
ner, personnes mutées à des postes où elles ne sont pas tenues
au secret, personnes à qui on a refusé l'accès à des informations
classifiées, personnes qu'on a refusé d'employer. De plus, le
compte rendu en question devra indiquer si les mesures en
cause ont été prises parce que les personnes étaient déloyales ou
parce qu'il n'était pas possible de leur faire confiance. Par
contre, ces chiffres ne devront pas comprendre le nombre des
personnes à qui on a cessé d'accorder l'accès à des informations
classifiées parce que leurs fonctions ont changé, ou pour toute
autre raison administrative similaire.
20. Il incombe à chaque sous-chef ou directeur d'organisme de
nommer un fonctionnaire supérieur compétent, de préférence le
premier agent du personnel, pour agir à titre d'agent de sécu-
rité, et d'informer le secrétaire du Conseil de sécurité de cette
nomination et de tout changement ultérieur. Le haut fonction-
naire ainsi nommé recevra l'habilitation au secret conformé-
ment aux formalités exposées au paragraphe 25(i), ci-après. La
personne ainsi nommée sera comptable envers le sous-chef ou le
directeur d'un organisme, en ce qui concerne la mise en appli
cation, au sein du ministère ou de l'organisme, de tous les
règlements afférents à la sécurité. Il incombera également à
l'agent de sécurité du ministère de demeurer en rapport étroit
avec les organismes gouvernementaux responsables de la politi-
que et des pratiques de sécurité. Il importe que, dans la mesure
du possible, les agents de sécurité soient des personnes dont on
peut s'attendre qu'elles occuperont leur poste pendant long-
temps, vu qu'il est difficile d'assurer la sécurité de façon
efficace sans une expérience notable dans un domaine
spécialisé.
MÉTHODES
21. Le filtrage de sécurité des candidats à des postes au sein de
la Fonction publique sera effectué par la Commission du
service civil, ou par les ministères et organismes dans le cas des
personnes non employées en vertu de la Loi sur le service civil.
Lorsque des personnes déjà employées dans un ministère ou
organisme devront se voir confier l'accès à des informations
classifiées, le filtrage de sécurité sera effectué par le ministère
ou organisme en cause.
22. Lorsque, pour des raisons de sécurité, la Commission du
service civil juge nécessaire d'écarter un postulant ou un candi-
dat à un poste comportant l'accès à des informations classifiées,
ledit postulant ou candidat faisant déjà partie de la Fonction
publique, la Commission consultera, au besoin, le ministère
intéressé, afin d'arriver à une entente réciproque quant aux
mesures qui pourront finalement être prises, compte tenu du
fait que la responsabilité ultime en matière de sécurité incombe
au ministère.
23. Au moment de nommer à un ministère un nouvel employé
qui a fait l'objet d'un filtrage de sécurité, la Commission du
service civil adressera au ministère toute la documentation et
les renseignements pertinents relatifs au filtrage de sécurité.
24. Une personne qui doit être nommée à un poste permanent
au sein de la Fonction publique ne sera pas normalement
soumise à un filtrage de sécurité pour ce motif uniquement.
Toutefois, lorsqu'une personne devant être nommée à un tel
poste est, de l'avis du sous-ministre ou du directeur de l'orga-
nisme intéressé, susceptible d'être appelée à avoir accès à des
informations classifiées, avant de nommer cette personne en
permanence, il faudra vérifier ses empreintes digitales et son
dossier si cela n'a pas déjà été fait.
25. Dans le cadre des politiques et pratiques exposées ci-dessus,
l'évaluation et l'habilitation sécuritaires seront établies au
moyen des procédés exposés ci-après. Ceux-ci constituent des
critères et méthodes de sécurité compatibles avec les services
d'enquête actuellement disponibles entre les ministères; ce sont
des normes minimales qui ne restreignent aucunement le droit
des Forces armées d'effectuer des enquêtes sur les lieux en
utilisant leurs propres moyens, concernant des personnes
employées au ministère de la Défense nationale ou pour le
compte de ce dernier.
(i) Personnes devant avoir accès à des informations classi
fiées Très secret
Avant qu'une personne ne soit employée à un poste l'obli-
geant à avoir accès à des informations classifiées Très secret,
elle doit faire l'objet d'une enquête sur les lieux menée par un
organisme d'enquête approprié, il faut vérifier si son nom ne
figure pas dans les dossiers de la G.R.C. relatifs à la subver
sion, et ses empreintes digitales doivent également être véri-
fiées par la G.R.C. Ces formalités sont obligatoires.
(ii) Personnes devant avoir accès à des informations classi
fiées Secret
a) Avant qu'une personne ne soit employée à un poste
l'obligeant à avoir accès à des informations classifiées Secret,
il faut vérifier si son nom ne figure pas dans les dossiers de la
G.R.C. relatifs à la subversion et ses empreintes digitales
doivent également être vérifiées par la G.R.C. Ces deux
formalités sont obligatoires.
b) Si le président de la Commission du service civil ou le
sous-chef d'un ministère ou organisme ou un agent de sécu-
rité nommé par eux juge qu'une enquête sur les lieux peut
permettre de clarifier les renseignements obtenus par les
moyens exposés au paragraphe 25(ii)a), ou qu'une telle
enquête est nécessaire pour le convaincre qu'un candidat ou
un employé est loyal et digne de confiance, il peut exiger que
les antécédents d'une personne fassent l'objet d'une enquête
sur les lieux, laquelle doit être effectuée par un organisme
d'enquête approprié. S'il appert que les demandes d'un minis-
tère ou organisme utilisant les services de la G.R.C. à titre
d'organisme d'enquête vont au-delà de ce qu'elle considère
comme des exigences normales, la G.R.C. peut demander au
Comité de sécurité de répartir les priorités.
(iii) Personnes devant avoir accès à des informations classi
fiées Confidentiel
Avant qu'une personne ne soit employée à un poste l'obli-
geant à avoir accès à des informations classifiées Confiden-
tiel, il faut vérifier si son nom ne figure pas dans les dossiers
de la G.R.C. relatifs à la subversion, et ses empreintes
digitales doivent également être vérifiées par la G.R.C. Ces
deux formalités sont obligatoires.
(iv) De qui relève l'octroi des diverses habilitations au secret
Il incombera au sous-chef de tout ministère ou organisme
d'accorder ou de refuser une habilitation au secret, et c'est de
lui que relèvera en tout temps la responsabilité inhérente à
l'accès qu'une personne pourra avoir à des informations
classifiées Très secret, Secret et Confidentiel.
26. En outre, on rappelle aux autorités des ministères et
organismes que la consultation des personnes de qui un employé
s'est recommandé en remplissant sa Formule de renseignements
personnels peut fournir des données supplémentaires utiles en
ce qui concerne son caractère. Il y a donc lieu de s'adresser
directement à ces personnes lorsqu'il appert qu'une telle démar-
che produirait des résultats utiles.
27. Des formalités assimilables à celles qui sont exposées au
paragraphe 25, à l'exception de celles qui ont trait aux
empreintes digitales, s'appliquent également aux personnes
employées dans l'industrie de la défense (et certains services
associés à la défense), lesquelles peuvent être appelées à avoir
accès à des informations classifiées qui sont la propriété du
gouvernement du Cariada, ou dont la sécurité incombe au
gouvernement. Dans l'industrie de la défense (et certains servi
ces associés à la défense), les formalités seront appliquées par le
ministère de la Production de défense, conformément à une
directive distincte qui porte sur la sécurité dans l'industrie de la
défense.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'avis que la décision
du Comité d'appel doit être annulée. Le Comité
s'est arrogé le pouvoir de vérifier le «caractère
raisonnable» du refus par le sous-chef d'accorder
l'habilitation au secret, d'exiger que ce dernier
vienne justifier son refus et, à défaut de justifica
tion, de conclure que ce refus n'était pas raisonna-
ble et que, pour cette raison, le principe du mérite
n'a pas été observé dans le processus de sélection.
A mon avis, un Comité d'appel saisi par applica
tion de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique n'est pas investi de ce pouvoir
et, par conséquent, le Comité d'appel a outrepassé
sa compétence en l'espèce.
Sauf le respect que je dois aux tenants de la
thèse opposée, je ne suis pas certain que l'action
envisagée par le Comité d'appel soit expressément
interdite par l'article 112 de la Loi sur les rela
tions de travail dans la Fonction publique qui,
malgré la mention de toute «autre loi» qui y est
faite, vise surtout à expliciter l'interprétation de
lois qui auraient pour effet d'obliger l'employeur à
faire ou à s'abstenir de faire quelque chose à
l'encontre d'une directive en matière de sécurité.
La référence à l'article 112 dans le paragraphe
90(2) de la même Loi, qui dispose qu'un employé
n'est pas en droit de présenter un grief «relatif à
quelque mesure prise en vertu d'une instruction,
directive ou règlement édicté selon l'article 112»,
donne une idée de l'objet de cet article 112. L'arti-
cle 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique porte sur ce que peut ou ne peut pas faire
la Commission, qui est investie du pouvoir de
nomination. Je doute qu'on puisse se fonder sur
l'article 112 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique pour interpréter la com-
pétence du Comité d'appel comme embrassant le
pouvoir de contrôler une décision refusant l'habili-
tation au secret. Un tel contrôle pourrait avoir
pour effet de faire obstacle à une nomination faite
par la Commission mais ne pourrait contraindre
un sous-chef à accorder l'habilitation au secret
dans un cas particulier. Sans cette habilitation au
secret, le candidat ne peut être nommé au poste en
cause.
Voilà qui nous mène au coeur du problème.
Quoique, en l'espèce, l'habilitation au secret ait
figuré au nombre des «qualités» requises pour les
postes en cause, il ne s'agissait pas, à mon avis,
d'un titre de compétence que la Commission devait
déterminer selon le principe du mérite, conformé-
ment aux articles 10 et 12 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique. Le pouvoir d'assujettir
la nomination à l'habilitation au secret et le pou-
voir de déterminer s'il y a lieu d'accorder cette
habilitation relèvent du pouvoir de commandement
que la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
n'a ni supprimé ni confié à la Commission. La
directive du Cabinet est une directive du gouverne-
ment sur l'exercice de ce pouvoir. Il incombe au
sous-chef de prendre l'initiative de la décision rela
tive à l'habilitation au secret dans un cas donné.
Cette décision a ceci de particulier que, si après
l'enquête nécessaire, il subsiste un doute quant à la
question de savoir si l'intéressé doit avoir ou non
accès aux informations réservées, ce doute va à
l'encontre de l'intéressé et l'habilitation au secret
doit être refusée. Une décision de ce genre n'a rien
à voir avec le principe du mérite visé aux articles
10 et 12 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique et au paragaphe 7(4) du Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-
129 modifié par DORS/69-592, qui disposent que
la Commission (ou le sous-chef exerçant, indépen-
damment de son pouvoir de commandement, le
pouvoir délégué de la Commission sous le régime
de l'article 6 de la Loi) doit apprécier le mérite
relatif des candidats conformément à la méthode
et aux normes de sélection qu'elle aura établies. La
décision d'un sous-chef en matière d'habilitation
au secret n'a rien à voir avec l'appréciation du
mérite relatif d'un candidat. Il n'y a pas de degrés
de mérite lorsqu'il s'agit d'habilitation au secret. Il
suffit qu'il subsiste un doute à l'égard d'un candi-
dat pour que l'habilitation au secret soit refusée.
Les cours de justice ont eu à intervenir pour
déterminer le domaine de l'appel prévu à l'article
21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que, à la lumière des autres dispositions de cette
Loi et, en particulier, de la disposition principale
de l'article 10. La Cour de céans a jugé que le
Comité d'appel visé à l'article 21 avait pour tâche
de déterminer si le processus de sélection s'est
déroulé, dans son ensemble, conformément au
principe du mérite, mais qu'il ne pouvait substituer
son opinion à celle du comité de sélection sur le
mérite d'un candidat donné. En l'espèce, le mode
de sélection visé à l'article 10 a été suivi par les
jurys de sélection qui ont soumis leurs comptes
rendus et établi des listes d'admissibilité qui tra-
duisaient leur appréciation du mérite relatif des
candidats en lice. C'était ce mode de sélection qui
était susceptible de contrôle par le Comité d'appel.
Ces jurys de sélection ne pouvaient pas se pronon-
cer sur la «qualité» additionnelle ou la condition de
l'habilitation au secret, laquelle, pour les raisons
que j'ai indiquées, ne pouvait entrer en ligne de
compte dans le processus de sélection visé à l'arti-
cle 10. Elle ne saurait donc faire l'objet d'un
contrôle du Comité d'appel visé à l'article 21. Je
conçois qu'un Comité d'appel puisse être fondé à
conclure à l'invalidité ou à la nullité d'une appré-
ciation du mérite relatif faite par un jury de
sélection parce que l'exclusion d'un candidat a été
déterminée d'avance par un abus de pouvoir mani-
feste en matière d'habilitation au secret. Mais, de
toute évidence, ce n'est pas le cas en l'espèce. Si,
dans un cas donné, un Comité d'appel est en droit
d'examiner le refus de l'habilitation au secret, il
n'a certainement pas le droit de se prononcer sur le
«caractère raisonnable» de la décision et d'exiger
que le sous-chef vienne la justifier. Outre les prin-
cipes généraux régissant le domaine d'un appel de
ce genre, il est des considérations évidentes de
sécurité qui rendraient ce pouvoir de contrôle tota-
lement déplacé et inacceptable. Je ne me prononce
pas sur la question de savoir s'il ressort du dossier
que le sous-chef s'est conformé aux formalités
prévues par la directive du Cabinet, ni sur la
question de savoir quel autre recours la candidate
intimée pourrait faire valoir en se fondant sur les
faits qu'elle a allégués.
Par ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la
requête fondée sur l'article 28 et d'annuler la
décision du Comité d'appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Les faits de la
cause et les points litigieux ayant été relatés par les
juges Heald et Le Dain dans leurs motifs respec-
tifs, je ne juge pas utile de les rappeler, sauf
lorsque la clarté du texte l'exige. Je conviens que
cette requête fondée sur l'article 28 doit être
accueillie et que la décision du Comité d'appel doit
être annulée.
Les postes à pourvoir dans la section du Fichier
judiciaire de la G.R.C. à Vancouver et auxquels
l'intimée Ronda Lee a posé sa candidature requé-
raient l'habilitation au secret, étant donné que les
titulaires auraient accès aux dossiers de la G.R.C.
relatifs à des activités criminelles connues ou sus-
pectes. Parmi les qualités requises pour ces postes
figurait l'«habilitation aux informations classifiées
Très secret». Voici l'une des définitions du mot
«qualité» (en anglais qualification) dans le The
Shorter Oxford English Dictionary, 3e éd.:
[TRADUCTION] ... condition nécessaire, qui doit être remplie
avant l'acquisition d'un droit, avant l'occupation d'une charge,
etc.
Il me semble qu'en l'espèce, l'habilitation au secret
était une condition préalable à la nomination de
tout candidat qui a réussi à d'autres égards après
appréciation du mérite par le jury de sélection
(jury de notation). Cette condition ne constituait
pas un élément d'appréciation, et aucun des candi-
dats n'a fait l'objet d'une appréciation par les jurys
de sélection du point de vue de la sécurité. A mon
avis, les attributions d'un jury de sélection n'em-
brassent pas les enquêtes qui s'imposent en vue
d'une décision en matière de sécurité, comme c'est
le cas en l'espèce.
A la suite de l'appréciation des candidats par les
jurys de sélection et l'établissement des listes d'ad-
missibilité, il incombait au commissaire de la
G.R.C. de déterminer s'il y avait lieu d'accorder à
Ronda Lee l'habilitation au secret et, dans une
lettre en date du 9 janvier 1979, il a déclaré:
Conformément à la procédure prévue à la directive n° 35 du
Cabinet, j'ai conclu qu'il n'y a pas lieu d'accorder à Ronda
Lynn Lee l'habilitation au secret.
Dans sa lettre, le Commissaire a affirmé que la
procédure prévue par la directive n° 35 du Cabinet
avait été suivie. En tout cas, je présume qu'en sa
qualité de Commissaire, il était tenu de faire
preuve d'un jugement juste et impartial dans sa
décision en matière de sécurité.
Nous ignorons, et le Comité d'appel ignorait
également, quels renseignements le Commissaire
avait en sa possession, mais, à mon avis, rien au
dossier n'indique qu'il ne se soit pas acquitté pro-
prement de ses responsabilités ou qu'il lui incom-
bait de prouver le caractère raisonnable de sa
décision devant le Comité d'appel. A mon avis, le
Comité d'appel n'étant nullement fondé à accueil-
lir les appels de Ronda Lee, sa décision doit donc
être annulée.
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