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A-54-80
CTV Television Network Limited (Requérante) c.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu- nications canadiennes, National Action Commit tee on the Status of Women, Association of Canadian Television and Radio Artists, Kevin Hopper, the 1812 Committee, Joint Broadcast Committee, Association of Canadian Advertisers Inc./Institute of Canadian Advertising, the Canadian Film & Television Association, Council of Canadian Filmmakers, Interchurch Communi cations, the Anglican Church of Canada, the Asso ciation of Television Producers and Directors (Toronto) (Intimés)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Ryan et le juge suppléant MacKay—Toronto, 18, 19 et 22 septembre; Ottawa, 10 novembre 1980.
Radiodiffusion Appel de la décision par laquelle le CRTC a renouvelé la licence de radiodiffusion de l'appelante sous condition de présentation, pour chaque saison, d'un nombre déterminé d'heures de nouvelles émissions de théâtre originales Il y avait à déterminer si le CRTC avait outre- passé les pouvoirs à lui conférés par l'art. 17 de la Loi sur la radiodiffusion Il fallait déterminer si le CRTC avait fait preuve de discrimination envers l'appelante Il fallait déter- miner si le CRTC avait fait défaut de se conformer aux exigences de l'al. 17(1 )a) Il convenait d'examiner si la condition portait atteinte à la liberté d'expression Il conve- nait d'examiner si le CRTC avait fait défaut de donner convenablement avis qu'une condition particulière serait impo sée Il convenait en outre de déterminer si la condition était séparable du renouvellement Appel accueilli du fait que le CRTC n'a pas convenablement avisé l'appelante du type de condition à examiner Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, c. B-11, art. 3,15, 16, 17(1).
Appel de la décision par laquelle le CRTC a renouvelé la licence de radiodiffusion de l'appelante sous condition de pré- sentation, pour chaque saison, d'un nombre déterminé d'heures de nouvelles émissions de théâtre originales. On a examiné la question de savoir: si le CRTC avait le pouvoir de contrôler le contenu des émissions sous le régime de l'article 17 de la Loi sur la radiodiffusion; si le CRTC avait établi une distinction défavorable contre l'appelante en présentant sa décision comme étant prise sous le régime de l'article 17, au lieu d'établir, en vertu de l'article 16, des règles applicables à tous les titulaires de licences; si le CRTC a fait défaut de se conformer aux exigences de l'alinéa 17(1)a) selon lequel des conditions doivent être .propres à la situation du titulaire.; si la condition imposée porte atteinte au droit à la liberté d'expression déclarée à l'alinéa 3c); si le Conseil avait enfreint les règles de la justice naturelle en ce que l'appelante n'avait pas reçu avis adéquat que la condition particulière serait imposée; et si la condition était séparable du renouvellement de la licence.
Arrêt: l'appel est accueilli. La décision devrait être annulée et la question devrait être renvoyée au Conseil pour nouvel examen et nouvelle décision conformément aux règles de droit applicables après que l'appelante aura eu une possibilité raison- nable de produire des éléments de preuve et de présenter des observations relativement aux conditions à imposer. A première vue, il semble que l'article 17 confère au comité tout le pouvoir voulu pour imposer, lors du renouvellement de la licence de l'appelante, une condition conçue pour favoriser la poursuite d'un des objets de la politique de radiodiffusion. Le pouvoir conféré par l'alinéa 16b) ne donnerait pas, sauf sous le régime du sous-alinéa 16(l)b)(ix), le droit d'établir des règlements exigeant que les titulaires de licences présentent de nouvelles émissions de théâtre originales. Jusqu'à ce que le pouvoir d'établir des règlements en application du sous-alinéa 16(1)b)(ix) ait été exercé, le pouvoir prévu au sous-alinéa 16(1)b)(ix) ne l'emporte pas sur le pouvoir prévu à l'article 17 de réglementer la question sur une base individuelle. Si le CRTC a le pouvoir d'adopter des règlements à cet égard, la seule façon de le faire est d'assortir la licence d'une condition en vertu de l'article 17. Son libellé est assez large pour ce faire. L'allégation de discrimination n'est pas non plus retenue. Il n'a pas été démontré que la condition imposait à l'appelante un fardeau plus onéreux qu'à d'autres réseaux titulaires de licen ces. En outre, comme le Conseil a le pouvoir d'imposer les conditions propres à la situation du titulaire, on peut dire que la discrimination est envisagée par la Loi sur la radiodiffusion pourvu que la condition soit propre à la situation du titulaire. Bien que rien dans le libellé de la condition n'exprime ni ne décrit quoi que ce soit relativement à la situation de l'appelante ni un lien quelconque entre la condition et la situation de l'appelante, la décision décrit toutefois certains éléments qui me paraissent des données que le comité a pris en considération pour décider d'imposer la condition. La condition, puisqu'elle porte sur la présentation de théâtre canadien et ne contient aucune restriction à la liberté d'expression dans le cadre de ce théâtre, ne contrevient pas au droit à la liberté d'expression que prévoit l'alinéa 3c). Il n'y a pas eu d'avis que serait examinée une condition exigeant la présentation d'un certain nombre d'heures de théâtre canadien original et nouveau au cours de chaque saison. La justice naturelle ne requiert pas qu'une personne qui doit être touchée par une décision soit avisée d'avance de la décision même et qu'il lui soit donné la possibi- lité de faire des observations relativement à celle-ci. Mais lorsque la décision qui doit être prise n'est pas prescrite par une loi la personne intéressée connaît les limites d'une décision défavorable, la justice naturelle exige effectivement qu'il soit donné à cette personne, au moins de façon générale, les limites de la mesure que le Conseil entend examiner. Avant d'imposer une telle condition, le Conseil aurait dire à l'appelante qu'on envisageait la possibilité d'imposer cette condition ou quelque autre condition semblable encore plus contraignante, et deman- der à l'appelante de dire pourquoi le Conseil ne devrait pas la lui imposer. La condition n'est pas séparable étant donné qu'il est manifeste que le Conseil n'avait pas l'intention d'octroyer le renouvellement sans la condition.
Arrêts mentionnés: Capital Cities Communications Inc. c. Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne [1978] 2 R.C.S. 141; Confederation Broadcasting (Ottawa) Ltd. c. Canadian Radio -Television Commission [1971] R.C.S.
906; John Graham & Co. Ltd. c. Le Conseil de la Radio- Télévision canadienne [ 1976] 2 C. F. 82.
APPEL. AVOCATS:
E. Goodman, c.r. et K. Robinson pour la requérante.
T. Heintzman et P. Grant pour l'intimé le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu- nications canadiennes.
E. Bartley pour l'intimée l'Association of Canadian Television and Radio Artists.
PROCUREURS:
Goodman & Goodman, Toronto, pour la requérante.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour l'in- timé le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Hyde, Pollit, Arnold & Kirshin, Toronto, pour l'intimée l'Association of Canadian Television and Radio Artists.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Appel est inter- jeté en vertu de l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, c. B-11, modifié, d'une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes renouvelant la licence de radiodiffusion de l'appelante pour une période de trois ans à compter du 30 septembre 1979 mais l'assortissant d'une condition qui, dans la licence, est rédigée comme suit:
Par conséquent, comme condition de renouvellement de sa licence, le réseau CTV devra présenter 26 heures de nouvelles émissions de théâtre originales durant l'année de diffusion 1980-1981, et 39 heures durant l'année 1981-1982.
Dans l'avis d'appel, il est allégué que la condi tion est la partie de la décision qui se lit comme suit:
Le Conseil juge que le réseau CTV doit, au seuil des années 80, avoir pour priorité de renforcer la programmation de diver- tissement canadienne, en mettant particulièrement l'accent sur la création d'émissions de théâtre canadienne susceptibles d'at- tirer les téléspectateurs aux heures les plus compétitives du milieu de la soirée. Par conséquent, comme condition de renou- vellement de sa licence, le réseau CTV devra présenter 26 heures de nouvelles émissions de théâtre originales durant l'année de diffusion 1980-1981, et 39 heures durant l'année 1981-82. Lors de la planification et de la production des
émissions pilotes requises pour ces émissions ou ces séries de théâtre, au moins 50% du matériel devra être entièrement canadien, plutôt que des coproductions avec des partenaires étrangers. On devrait s'orienter surtout vers des thèmes cana- diens et envisager de diffuser ces productions aux périodes de pointe de l'horaire de la soirée.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a allégué que c'est le paragraphe entier qui constitue la condition et il a fait valoir que la condition dans la licence était différente de celle de la décision, que les deux étaient différentes de ce qui avait été approuvé par le comité de direction du CRTC et que ni l'une ni l'autre ne correspondait à la condi tion autorisée par ce comité. Selon mon interpréta- tion, la seule partie du paragraphe cité qui impose une condition est la phrase qui débute par l'expres- sion «par conséquent» et prescrit la condition dans les mêmes termes que dans la licence. Bien que le libellé diffère quelque peu de celui du procès-ver bal du comité de direction, je ne suis pas convaincu qu'il existe une différence quant au fond ni que le libellé de la condition telle qu'elle figure dans la décision n'était pas conforme au pouvoir de prépa- rer la décision conférée par le comité aux deux personnes mentionnées dans la résolution qui figure au procès-verbal, ni qu'elle ne fut pas approuvée par les membres du comité avant qu'elle soit publiée sous la signature du secrétaire général intérimaire du Conseil. En outre, s'il existe une différence quelconque, il me semble que le libellé qui figure dans la licence est moins restrictif et moins onéreux que celui que l'on trouve au procès- verbal et qu'il ne donne à l'appelante aucun motif de se plaindre. Je considérerai donc la condition imposée comme étant celle énoncée dans la licence.
L'argument principal de l'appelante consistait à dire qu'en imposant la condition, le CRTC avait outrepassé ses pouvoirs. Il fut allégué que pour ce qui concerne les normes des émissions ou les émis- sions qui font partie de l'exploitation d'un réseau, les articles 16 et 17 de la Loi sur la radiodiffusion sont conçus de façon à obliger le Conseil, en édictant des règlements en application de l'article 16, à établir des règles applicables à tous les titulaires de licences ou à tous les titulaires de licences d'une catégorie et qu'il n'avait jamais été envisagé que le CRTC examinerait la programma- tion sur une base individuelle ni qu'il établirait des distinctions entre les titulaires de licences. On a fait remarquer à cet égard que la loi prévoit qu'on
doit fournir aux titulaires de licences et aux autres personnes intéressées la possibilité de soumettre leurs observations relativement aux règlements proposés, y compris ceux qui concernent la pro- grammation. On a fait valoir, plus particulière- ment, que si le CRTC a le pouvoir de contrôler le contenu des émissions, il ne peut le faire que par des règlements édictés en application de l'article 16, que le pouvoir conféré au CRTC par l'article 17 est subordonné à celui qui est conféré par l'article 16 et qu'en présentant sa décision comme étant prise sous le régime de l'article 17, non seulement le CRTC imposait-il à la CTV un far- deau plus lourd qu'aux autres titulaires de licences mais établissait contre la CTV une distinction défavorable d'une façon non prévue par la Loi sur la radiodiffusion.
C'est le paragraphe 17(1) qui confère au comité de direction le pouvoir d'attribuer des licences de radiodiffusion. En voici le libellé:
17. (1) Dans la poursuite des objets du Conseil, le comité de direction, après avoir consulté les membres à temps partiel qui assistent à une réunion du Conseil, peut
a) attribuer des licences de radiodiffusion pour les périodes d'au plus cinq ans et sous réserve des conditions propres à la situation du titulaire
(i) que le comité de direction estime appropriées pour la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion énoncée dans l'article 3, et
(ii) dans le cas de licences de radiodiffusion attribuées à la Société, que le comité de direction juge compatibles avec la fourniture, par l'intermédiaire de la Société, du service national de radiodiffusion envisagé par l'article 3;
b) à la demande d'un titulaire de licence, modifier toutes conditions d'une licence de radiodiffusion à lui attribuée;
c) renouveler des licences de radiodiffusion pour les périodes d'au plus cinq ans que le comité de direction estime raison- nables et sous réserve des conditions auxquelles les licences renouvelées étaient antérieurement assujetties ou de toutes autres conditions conformes à l'alinéa a);
d) sous réserve de la présente Partie, suspendre toute licence de radiodiffusion autre qu'une licence de radiodiffusion attri- buée à la Société;
e) exempter de la nécessité de détenir des licences de radio- diffusion les personnes qui font exploiter des entreprises de réception de radiodiffusion de toute classe; et
f) examiner et prendre en considération toute question d'or- dre technique relative à la radiodiffusion renvoyée au Conseil par le ministre des Communications et lui présenter des recommandations concernant toute question de ce genre.
Les objects du Conseil pour lesquels des licences peuvent être attribuées sont énoncés à l'article 15 qui prévoit que sous réserve de la Loi sur la radiodiffusion, de la Loi sur la radio, S.R.C.
1970, c. R-1, et des instructions émises, à l'occa- sion, par le gouverneur en conseil sous l'autorité de la Loi:
... le Conseil doit réglementer et surveiller tous les aspects du système de la radiodiffusion canadienne en vue de mettre en oeuvre la politique de radiodiffusion énoncée dans l'article 3 de la présent loi.
Même si l'énoncé de la politique à l'article 3 est long, il semble souhaitable de le citer au complet:
3. Il est, par les présentes, déclaré
a) que les entreprises de radiodiffusion au Canada font usage de fréquences qui sont du domaine public et que de telles entreprises constituent un système unique, ci-après appelé le système de la radiodiffusion canadienne, comprenant des secteurs public et privé;
b) que le système de la radiodiffusion canadienne devrait être possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens de façon à sauvegarder, enrichir et raffermir la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada;
c) que toutes les personnes autorisées à faire exploiter des entreprises de radiodiffusion sont responsables des émissions qu'elles diffusent, mais que le droit à la liberté d'expression et le droit des personnes de capter les émissions, sous la seule réserve des lois et règlements généralement applicables, est incontesté;
, d) que la programmation offerte par le système de la radio- diffusion canadienne devrait être variée et compréhensive et qu'elle devrait fournir la possibilité raisonnable et équilibrée d'exprimer des vues différentes sur des sujets qui préoccupent le public et que la programmation de chaque radiodiffuseur devrait être de haute qualité et utiliser principalement des ressources canadiennes créatrices et autres;
e) que tous les Canadiens ont droit à un service de radiodiffu- sion dans les langues anglaise et française, au fur et à mesure que des fonds publics deviennent disponibles;
f) qu'il y aurait lieu d'assurer, par l'intermédiaire d'une corporation établie par le Parlement à cet effet, un service national de radiodiffusion dont la teneur et la nature soient principalement canadiennes;
g) que le service national de radiodiffusion devrait
(i) être un service équilibré qui renseigne, éclaire et diver- tisse des personnes de tous âges, aux intérêts et aux goûts divers, et qui offre une répartition équitable de toute la gamme de la programmation,
(ii) être étendu à toutes les régions du Canada, au fur et à mesure que des fonds publics deviennent disponibles,
(iii) être de langue anglaise et de langue française, répon- dre aux besoins particuliers des diverses régions et contri- buer activement à la fourniture et à l'échange d'informa- tions et de divertissements d'ordre culturel et régional, et
(iv) contribuer au développement de l'unité nationale et exprimer constamment la réalité canadienne;
h) que, lorsqu'un conflit survient entre les objectifs du service national de radiodiffusion et les intérêts du secteur privé du système de la radiodiffusion canadienne, il soit résolu dans l'intérêt public mais qu'une importance primordiale soit accordée aux objectifs du service national de radiodiffusion;
i) que le système de la radiodiffusion canadienne devrait être doté d'un équipement de radiodiffusion éducative; et
j) que la réglementation et la surveillance du système de la radiodiffusion canadienne devraient être souples et aisément adaptables aux progrès scientifiques ou techniques;
et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la politique de la radiodiffusion pour le Canada énoncée au présent article consiste à confier la réglementation et la surveillance du sys- tème de la radiodiffusion canadienne à un seul organisme public autonome.
Le pouvoir conféré par l'article 17 pour la pour- suite des objets du Conseil est large. Dans l'exer- cice de ce pouvoir, pour réglementer et surveiller tous les aspects du système de la radiodiffusion canadienne en vue de mettre en oeuvre la politique de radiodiffusion énoncée à l'article 3, le comité de direction peut attribuer, renouveler, suspendre ou, à la demande d'un titulaire de licence, modifier les licences de radiodiffusion ou exempter de la néces- sité de détenir des licences les personnes qui font exploiter des entreprises de réception de radiodif- fusion. Dans le même but, lorsqu'il attribue ou renouvelle une licence, le comité peut assortir la licence de conditions propres à la situation du titulaire pour la mise en oeuvre de la politique de radiodiffusion énoncée à l'article 3. A première vue, il semble que l'article 17 confère au comité tout le pouvoir voulu pour imposer, lors du renou- vellement de la licence de l'appelante, une condi tion conçue pour favoriser la poursuite d'un des objets de la politique de radiodiffusion, à condition qu'elle soit «propre à la situation» de l'appelante et à condition que son imposition ne soit pas contraire à la Loi ou à un règlement adopté en application du pouvoir de réglementation prévu à l'article 16. Selon moi, la question à trancher à ce stade-ci consiste à savoir si l'article 16 ou ses règlements d'application ont pour effet d'enlever au comité, malgré les vastes pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 17, le pouvoir d'imposer la condition en cause.
L'article 16 est ainsi libellé:
16. (1) Dans la poursuite de ses objets, le Conseil, sur la recommandation du comité de direction, peut
a) prescrire les classes de licences de radiodiffusion;
b) établir des règlements applicables à toutes les personnes qui détiennent des licences de radiodiffusion ou aux person- nes qui détiennent des licences d'une ou de plusieurs classes et
(i) concernant les normes des émissions et "attribution du temps d'émission afin de donner l'effet à l'alinéa 3d),
(ii) concernant la nature de la publicité et le temps qui peut y être consacré,
(iii) concernant la proportion du temps pouvant être consa- cré à la radiodiffusion d'émissions, annonces ou avis qui exposent la politique d'un parti, et l'affectation, sur une base équitable, de ce temps entre les parties politiques et les candidats,
(iv) concernant l'utilisation de mises en scène dans des émissions, annonces ou avis qui exposent la politique d'un parti,
(v) concernant les périodes de radiodiffusion qui doivent être réservées aux émissions de réseau par toute station de radiodiffusion exploitée en tant qu'élément d'un réseau,
(vi) prescrivant les conditions de l'exploitation des stations de radiodiffusion en tant qu'éléments d'un réseau ainsi que les conditions de radiodiffusion des émissions de réseaux,
(vii) fixant, avec l'approbation du conseil du Trésor, les tarifs de droits à acquitter par les titulaires de licences et prévoyant leur paiement,
(viii) astreignant les titulaires de licences à fournir au Conseil les renseignements que peuvent spécifier les règle- ments en ce qui concerne leurs émissions et leur situation financière ou qui ont quelque autre rapport avec l'expédi- tion et la direction de leurs affaires, et
(ix) concernant telles autres questions qu'il estime néces- saires à la poursuite de ses objets; et
c) sous réserve de la présente Partie, annuler toute licence de radiodiffusion autre qu'une licence de radiodiffusion attri- buée à la Société.
(2) Une copie de chaque règlement ou modification de règlement que le Conseil se propose d'établir en vertu du présent article doit être publiée dans la Gazette du Canada et on doit fournir aux titulaires de licences et aux autres personnes intéressées la possibilité de soumettre leurs observations à cet égard.
A noter que bien que le pouvoir d'établir des règlements en vertu de cet article soit également relié à la poursuite des objets du Conseil, les règlements adoptés en application de cet article, sauf ceux qui le sont en application du sous-alinéa 16(1)b)(ix), doivent se limiter à la prescription de classes de licences de radiodiffusion et à des ques tions particulières. On trouve toutefois parmi cel- les-ci le sous-alinéa 16(1)b)(i) qui autorise l'éta- blissement de règlements concernant les «normes des émissions» et «l'attribution du temps d'émis- sion» afin de donner effet à l'alinéa 3d). Si l'on compare le libellé du sous-alinéa 16(1)b)(i) avec celui de l'alinéa 3d), il devient manifeste que ce qui peut faire l'objet de règlements adoptés en application du sous-alinéa 16(1)b)(i) ne comprend pas tout ce qui est visé par l'alinéa 3d) mais uniquement les «normes des émissions» et «l'attri- bution du temps d'émission» pour les objets énon- cés à l'alinéa 3d). D'après moi, ce pouvoir ne
donnerait pas le droit d'établir des règlements exigeant que les titulaires de licences présentent de nouvelles émissions de théâtre originales ou quel- que autre genre d'émission simplement en attri- buant du temps d'émission pour leur présentation ou en prescrivant des normes d'émission auxquelles les émissions de théâtre ou d'un autre genre devraient se conformer. Il s'ensuit d'après moi que si le CRTC a le pouvoir d'exiger la présentation de nouvelles émissions de théâtre originales, ce pou- voir ne découle pas du pouvoir de réglementation prévu au sous-alinéa 16(1)b)(i). Ni est-ce un sujet visé par les dispositions relatives aux émissions non canadiennes de l'actuel Règlement sur la télédif- fusion, C.R.C. 1978, Vol. IV, c. 381.
On n'a pas prétendu que la question pouvait valablement faire l'objet de règlements adoptés en vertu du sous-alinéa 16(1)b)(ix), mais en présu- mant qu'elle pourrait l'être, je crois qu'il ressort manifestement de la mention dans ce sous-alinéa de «la poursuite de ses objets» et de la mention de ces mêmes objets à l'article 17, qu'au moins jus- qu'à ce que le pouvoir d'établir des règlements en application du sous-alinéa 16(1)b)(ix) ait été exercé, le pouvoir prévu au sous-alinéa 16(1)b)(ix) ne l'emporte pas sur le pouvoir prévu à l'article 17 de réglementer la question sur une base indivi- duelle.
Lorsqu'on a déterminé que l'objet de la condi tion ne relève pas du pouvoir de réglementation prévu au sous-alinéa 16(1)b)(i) et qu'il n'a pas fait l'objet de règlements adoptés en application du sous-alinéa 16(1)b)(ix), il est évident que si le CRTC a le pouvoir d'adopter des règlements à cet égard, la seule façon de le faire est d'assortir la licence d'une condition en vertu de l'article 17. Comme je l'ai fait remarquer, son libellé est assez large pour ce faire.
Le principal argument de l'appelante n'est donc pas retenu.
L'allégation de discrimination n'est pas non plus retenue. Il n'a pas été démontré que la condition imposait à l'appelante un fardeau plus onéreux qu'à d'autres réseaux titulaires de licences. En outre, comme le Conseil a le pouvoir d'imposer les conditions propres à la situation du titulaire que le comité de direction estime appropriées pour la mise en oeuvre de la politique de radiodiffusion, je
ne vois pas comment on peut dire que la discrimi nation, même si elle existe, ne soit pas envisagée par la Loi sur la radiodiffusion, pourvu que la condition soit propre à la situation du titulaire au sens de l'alinéa 17(1)a).
Pour les mêmes motifs, l'autre argument de l'appelante voulant que l'objet de la condition ait déjà été réglementé par les dispositions relatives aux émissions non canadiennes du Règlement sur la télédiffusion ne peut non plus être retenu. J'es- time que ces dispositions ne sont que des règle- ments sur l'attribution du temps d'émission. Non seulement ne s'y trouve-t-il rien qui d'après moi régit l'objet de la condition en cause ou qui soit incompatible avec celui-ci, mais je suis d'avis, comme je l'ai déjà dit, que l'objet de la condition ne pouvait valablement être réglementé sous le régime du sous-alinéa 16(1)b)(i).
Un autre argument de l'appelante, qui m'a causé plus de problèmes que le précédent, voulait qu'il n'y ait pas eu de preuve quant à la situation de l'appelante à laquelle la condition se rapportait pour satisfaire à l'exigence de l'alinéa 17(1)a) qu'une condition soit «propre à la situation du titulaire».
Il y a pénurie de commentaires sur la significa tion de ces mots.
Dans l'arrêt Capital Cities Communications Inc. c. Le Conseil de la Radio-Télévision cana- dienne', il était question d'une décision du CRTC où, après avoir mentionné un litige auquel les titulaires étaient parties et exprimé sa crainte que par suite d'une transaction, les titulaires ne soient plus à même de s'acquitter de leurs obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC ajoutait la page 149]:
C'est pourquoi les titulaires de licence, avant d'accepter de leur plein gré des conditions quelconques et, en particulier, d'injonc- tion doivent d'abord obtenir le consentement du Conseil.
Il fut jugé que cela excédait la compétence du Conseil dans le cadre d'une demande de modifica tion de licence.
Le juge en chef Laskin dit à la page 169:
En admettant que le Conseil ait compétence, de la manière décrite dans la réponse à la première question, deux nouvelles questions se posent à l'égard de l'exercice de ce pouvoir en l'espèce. L'alinéa b) de la question 3 renvoie à la partie de la
[1978] 2 R.C.S. 141.
décision du Conseil il déclare qu'avant de transiger à l'égard des poursuites introduites contre elles par les appelantes en Cour fédérale, les intimées doivent préalablement obtenir le consentement du Conseil. A mon avis, rien dans la Loi n'impose cette obligation. On peut comprendre que le Conseil craigne que par suite d'une transaction, les intimées ne soient plus à même de s'acquitter de leurs obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Le Conseil dispose toutefois d'un pouvoir de contrôle en matière de licences qu'il peut exercer à cette fin. Il se peut que certains points d'une transaction n'intéressent
aucunement le Conseil, du moins en ce qui concerne sa compé- tence, et en spécifiant dans sa décision que le règlement d'un litige privé doit être soumis à son consentement, il excède nettement sa compétence. Cette partie de la décision est claire- ment séparable du reste; en fait les appelantes n'ont jamais prétendu que l'ensemble de la décision devait être annulée si cette exigence constituait un excès de pouvoir du Conseil.
Dans l'arrêt Confederation Broadcasting (Ottawa) Limited c. Canadian Radio -Television Commission 2 , la Cour suprême a décidé que le CRTC n'avait pas le pouvoir de stipuler comme condition de renouvellement qu'à la fin de la période, le titulaire d'une licence n'aurait pas le droit de demander un autre renouvellement.
Dans ni l'un ni l'autre de ces cas a-t-on eu l'occasion d'examiner ce que signifiait «conditions propres à la situation du titulaire».
Dans John Graham & Company Limited c. Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne 3 , j'ai exprimé l'opinion qu'une condition de licence exi- geant que les actions d'une compagnie titulaire de licence ne soient pas transférées sans la permission du CRTC se rapportait à la situation du titulaire au sens de l'alinéa 17(1)a), mais ce cas diffère tellement de la présente espèce que cette affaire ne nous est d'aucun secours.
Pour ce qui a trait à la condition qui nous intéresse en l'espèce, il faut d'abord remarquer que rien dans son libellé n'exprime ni ne décrit quoi que ce soit relativement à la situation de l'appe- lante ni un lien quelconque entre la condition et la situation de l'appelante. Il n'y a rien non plus dans le paragraphe de la décision cité dans l'avis d'appel qui fasse état d'un aspect de la situation de l'appe- lante auquel la condition pourrait se rapporter. La décision décrit toutefois certains éléments qui me paraissent des données que le comité a pris en considération pour décider d'imposer la condition. Ces éléments sont mêlés au raisonnement, aux
2 [ 1 97 1 ] R.C.S. 906.
3 [1976] 2 C.F. 82, la page 84.
conclusions et aux recommandations de la décision et il en est question avant et après le paragraphe cité dans l'avis d'appel, mais ils semblent tous faire partie de la situation de l'appelante à laquelle se rapporte la condition.
Premièrement, il est fait mention du contrat d'affiliation entre les stations et le réseau, approuvé par la décision du Conseil du 22 janvier 1973, contrat qui comportait comme objectif:
... d'offrir au Canada «un service de réseau national de programmes d'intérêt public. Ce service sera varié, équilibré et destiné à servir les intérêts nationaux et comprendra un choix équilibré d'émissions d'information, de service public, de diver- tissement et sur les arts, compte tenu des moyens dont dispose le réseau CTV..
Le paragraphe suivant contient la conclusion que cet objectif n'a pas été atteint à certains égards, particulièrement pour ce qui a trait au domaine du théâtre canadien. Ce paragraphe est ainsi libellé:
De l'avis du Conseil, le réseau et ses stations participantes ont réalisé des progrès substantiels au cours des années 70 pour atteindre cet objectif à l'intérieur de certains genres d'émis- sions. Le Conseil estime que le réseau CTV a très bien réussi pour ce qui est des émissions d'information et de sports, et devrait être félicité pour l'excellence du personnel qu'il a consti- tué et formé dans le secteur des nouvelles, des affaires publi- ques et des sports. Cependant, de l'avis du Conseil, CTV n'a pas, dans l'ensemble, obtenu des résultats comparables en ce qui a trait à la programmation de divertissement typiquement canadienne, en particulier dans le domaine du théâtre. Les discussions à l'audience de février 1979 ont porté en grande partie sur cette lacune.
Cette lacune dans la programmation de CTV est d'après moi un élément pertinent de la situation de l'appelante pour ce qui concerne sa demande de renouvellement de licence.
Dans le paragraphe suivant, il est question de l'expansion du service suivi du paragraphe cité dans l'avis d'appel. Ce dernier est suivi à son tour d'un paragraphe il est question de ce qui me semble être un autre élément de la situation de l'appelante: c'est-à-dire la suffisance des ressources disponibles dans le réseau CTV, tant au niveau des finances que de la production, pour soutenir un effort beaucoup plus grand au niveau de la produc tion. Ce paragraphe se lit comme suit:
Il est évident que cette condition nécessitera une augmentation substantielle des fonds alloués pour la création et le production d'émissions canadiennes à un moment le réseau doit subir l'augmentation de nombreux autres coûts. Le Conseil est néan- moins persuadé que les ressources disponibles dans le réseau
CTV, tant au niveau des finances que de la production, sont suffisantes pour soutenir un effort beaucoup plus grand. Il faudrait maintenant que les stations participantes s'engagent à utiliser collectivement ces ressources.
Deux paragraphes plus loin, la décision se pour- suit en ces termes:
S'exprimant au nom des stations participantes, le président du Comité exécutif du réseau CTV a, lors de l'audience publi- que, répété à maintes reprises que les arrangements actuels au sein du réseau n'empêchaient pas d'accroître les dépenses sur le chapitre de la programmation, lorsque ces augmentations étaient acceptées par le Conseil d'administration. Les stations participantes peuvent être évaluées afin de permettre de telles augmentations conformément aux formules de participation aux frais qu'utilise le réseau. Il est dommage, cependant, que le réseau n'ait pris aucun engagement satisfaisant en vue d'accroî- tre les dépenses pour la création et la production d'émissions canadiennes concurrentielles capables d'attirer les téléspecta- teurs canadiens. La condition de licence susmentionnée requerra dorénavant un tel engagement.
Il me semble que nous avons ici un autre élé- ment de la situation de l'appelante: c'est-à-dire sa capacité d'accroître les dépenses et de les répartir entre les stations participantes ainsi que son refus de prendre aucun engagement satisfaisant en vue d'accroître les dépenses pour la création et la production d'émissions canadiennes concurrentiel- les capables d'attirer les téléspectateurs canadiens. Compte tenu du fait que la question soumise au Conseil était de savoir si la licence de l'appelante devait être renouvelée et que le Conseil considérait que l'appelante n'avait pas atteint des résultats satisfaisants dans le domaine du théâtre canadien, cela me semble un élément particulièrement important de la situation de l'appelante.
Plus loin, la décision se poursuit en ces termes:
Si l'on passe en revue la situation des différentes stations du réseau CTV, il est manifeste qu'il existe de grandes différences au niveau de la solidité financière, de la capacité et de la volonté de produire des émissions de calibre national pour le réseau. Le Conseil estime que chaque station participante devrait, au niveau local, mettre l'accent avant tout sur la production d'émissions de nouvelles et d'affaires publiques appropriées. Cependant, afin d'améliorer de façon sensible les émissions canadiennes de divertissement originales, les stations devraient mettre en commun leurs diverses ressources, de manière à permettre la création d'émissions de réseau capables d'attirer un auditoire à l'échelle nationale. Ainsi, certaines stations participantes entreprendraient la création d'émission pilotes pour une utilisation possible à l'échelle nationale, tandis que d'autres stations, qui ne sont pas à même de le faire, pourraient apporter une contribution financière correspondant à leurs moyens. Le Conseil reconnaît que seule les stations les plus importantes pourront réaliser ce genre d'émissions et il estime que ces stations devraient s'engager dans cette voie.
La première phrase de ce paragraphe me semble mentionner un élément pertinent de la situation de l'appelante, c'est-à-dire les grandes différences au niveau de la solidité financière, de la capacité et de la volonté des stations participantes de produire des émissions de calibre national pour le réseau.
Enfin il y a l'élément qui se trouve dans le paragraphe suivant, que le réseau n'assume pas une partie suffisante des risques et des dépenses afférents aux productions réalisées par les stations du réseau.
En plus, le Conseil estime que le réseau lui-même devrait être prêt à combler une plus grande part, sinon la totalité, de tout manque entre les coûts de production et le paiement de location versé par le réseau à la station productrice. A l'heure actuelle, la station qui produit l'émission doit le plus souvent espérer effectuer des ventes additionnelles à l'extérieur du réseau pour rentrer dans ses frais; et elle ne doit pas s'attendre à faire des profits avec le projet. Cette exigence influe nécessairement sur la nature et les éléments de l'émission en cause. Il serait souhaitable que le réseau assume une plus grande part des risques et des dépenses qu'il ne le fait actuellement dans de nombreux cas. De toute évidence, les stations participantes devront donc fournir au réseau des sommes sensiblement plus importantes au titre de la programmation.
Pour ce qui a trait à ces éléments de la situation examinés par le comité de direction, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'ils ne faisaient pas partie de la situation de l'appelante à laquelle la condition se rapportait ni que le comité n'a pas fondé sa déci- sion sur ceux-ci.
On a également fait valoir que la condition contrevient à l'alinéa 3c) en voulant contrôler le contenu d'émissions, portant ainsi atteinte au droit à la liberté d'expression. J'estime cette prétention non fondée. Il n'y a absolument rien dans cette condition qui porte atteinte à la liberté d'expres- sion au sens de l'alinéa 3c). Même s'il était possi ble, bien que j'estime que ce ne le soit pas, de lire l'alinéa 3c) comme s'il s'agissait d'une disposition isolée et qu'il devait lui être donné l'interprétation la plus libérale, la condition n'y contreviendrait pas, puisqu'elle porte sur la présentation de théâtre canadien et ne contient aucune restriction à la liberté d'expression dans le cadre de ce théâtre.
J'examinerai maintenant les prétentions que fait valoir l'appelante qu'en imposant la condition, le Conseil aurait enfreint les règles de la justice naturelle en ce que l'appelante n'aurait pas reçu avis adéquat avant l'audience que l'imposition d'une condition y serait étudiée et en ce que la
décision aurait été prise par des membres qui n'avaient pas assisté à toute l'audience. Selon moi, la première de ces objections comporte en l'espèce deux questions: si l'appelante fut avisée qu'une condition quelconque relative à la production de théâtre canadien pourrait être imposée à titre de modalité du renouvellement de la licence de l'ap- pelante et deuxièmement, si, en l'espèce, l'appe- lante a reçu avis adéquat et a réellement eu la possibilité de présenter sa position relativement à la condition précise qui lui fut imposée.
Pour ce qui a trait à la première de ces ques tions, je crois qu'il est évident que l'appelante avait reçu un avis tout à fait adéquat que le fait qu'elle n'ait pas répondu aux attentes suscitées par les observations qu'elle avait faites antérieurement lors d'audiences relatives au renouvellement de sa licence quant à la présentation de théâtre canadien ferait l'objet de discussions à l'audience de février 1979. L'avis ayant trait à cette audience précisait que la discussion porterait entre autres sur «l'effi- cacité de la structure du réseau et de son fonction- nement». Je crois qu'il faut lire ceci dans le con- texte de ce qui avait été dit dans les décisions antérieures du Conseil et de ce qui s'était passé entre-temps. La décision du 22 janvier 1973 qui renouvelait la licence de l'appelante à compter d'octobre 1973 jusqu'au 30 septembre 1976 conte- nait le passage suivant:
Lors de l'audience publique, le Conseil a exprimé le désir que le réseau crée un plus grand nombre d'émissions dramatiques relatives à des thèmes, des préoccupations et des milieux à caractère canadien. Le réseau a reconnu ce besoin et a déclaré qu'il espérait pouvoir introduire au moins une innovation dans ce domaine au début de la saison 1973-1974.
La décision du 5 juillet 1976, qui renouvelait la licence de l'appelante pour trois autres années incluait le passage suivant:
Lors de l'audience publique de novembre 1972, le Conseil avait exprimé son intérêt à l'endroit de la création d'émissions dra- matiques dont les thèmes et les préoccupations reflètent la réalité canadienne. Par la suite, le réseau CTV a présenté «Excuse My French», une série dramatique hebdomadaire pro- duite par CFCF-TV à Montréal et avec des comédiens franco- phones et anglophones. Cette série a été diffusée durant deux saisons seulement. Au cours de l'hiver 1975-76 cette émission a occupé la troisième place parmi les émissions canadiennes les plus populaires du réseau CTV. Le Conseil constate que la grille horaire de 1976-77 du réseau ne comporte aucune émis- sion canadienne dramatique hebdomadaire et s'attend à ce que le réseau inscrive une telle émission dans ses projets futurs de programmation.
Au mois d'août 1978, le Conseil avisa l'appe- lante par lettre qu'il avait l'intention de discuter à l'audience publique du rôle approprié de CTV à l'orée des années 1980 notamment, des [TRADUC- T1oN] «conditions nécessaires pour l'amélioration des émissions canadiennes».
Ensuite, la lettre de l'appelante datée du 25 septembre 1978 dans laquelle elle demandait le renouvellement de sa licence contenait les paragra- phes suivants:
[TRADUCTION] La dernière fois que le réseau de télévision CTV a comparu devant le Conseil, en novembre 1975, c'était pour demander le renouvellement de sa licence. La décision du Conseil de renouveler cette licence pour une période de trois ans fut annoncée en juillet 1976 (CRTC 76-395). Dans cette annonce, le Conseil attira l'attention du réseau sur plusieurs points qui préoccupaient le Conseil.
Par exemple, le CRTC dit qu'il avait constaté que la grille- horaire de 1976-77 du réseau ne comportait aucune émission canadienne dramatique hebdomadaire et s'attendait à ce que le réseau inscrive une telle émission dans ses projets futurs de programmation. Au cours de la saison dernière, CTV a produit et présenté, à raison d'une demi-heure chaque semaine, une série dramatique d'aventure intitulée «Search and Rescue», série qui s'avéra un succès. Pour la saison courante 1978-79, CTV a planifié, financé, développé et s'est engagée à produire et à présenter une série dramatique de science-fiction d'une durée d'une demi-heure, «The Shape of Things to Corne». Les deux projets étaient le fruit d'un contrat de coproduction international conclu avec des producteurs indépendants. Ce dernier projet a été remis indéfiniment faute d'avoir pu trouver des associés canadiens indépendants, en dépit du fait que les coproducteurs et nous-mêmes ayons assuré la distribution com- merciale avec garanties financières, la distribution à la télévi- sion américaine et étrangère avec garanties financières impor- tantes et nos propres contrats de licences au Canada—tous ces éléments étant conformes aux besoins et aux exigences dont ils nous avaient fait part.
Il ressort manifestement de cette lettre que l'ap- pelante était pleinement consciente du fait que les questions (1) du théâtre canadien, (2) des résultats atteints par l'appelante relativement à la présenta- tion de théâtre canadien et (3) de la crainte du Conseil qu'on ne faisait pas assez relativement à la présentation de théâtre canadien feraient l'objet de discussions à l'audience publique. Il me semble que ceci aurait pu engendrer au moins une certaine crainte que le Conseil pourrait songer à imposer une condition au renouvellement de la licence de l'appelante mais, à mon avis, cela n'équivaut pas à un avis de ce qui y serait examiné. Cette question fut toutefois poussée beaucoup plus loin dans les observations écrites du Council of Canadian Film makers, (CCFM). Ce document, comprenant 40
pages dactylographiées, contient une discussion au sujet du théâtre canadien et du défaut de l'appe- lante de remplir ses promesses relativement au théâtre canadien et conclut en recommandant que des [TRADUCTION] «engagements individualisés de réalisation» soient joints à titre de conditions de la licence de l'appelante, notamment:
[TRADUCTION] f) le nombre minimum d'émissions par caté- gorie qui sera fixé, particulièrement pour le théâtre.
J'estime que ces observations donnaient effecti- vement avis à l'appelante que l'intervenant deman- derait au Conseil d'imposer une condition exigeant la présentation d'un minimum d'heures d'émissions de théâtre canadien et que le Conseil aurait l'occa- sion d'examiner cette possibilité. Cela suffit d'après moi pour satisfaire à l'exigence de la jus tice naturelle qu'avis soit donné que l'imposition d'une condition telle que suggérée par l'intervenant serait examinée.
L'autre question, de savoir s'il y eut avis suffi- sant que le Conseil examinerait la possibilité d'im- poser une condition du genre de celle effectivement imposée, c'est-à-dire exigeant la présentation d'un certain nombre d'heures de théâtre canadien origi nal et nouveau au cours des saisons 1980-1981 et 1981-1982 et de savoir si l'appelante a eu la possibilité de faire des observations relativement à une telle condition, est plus sérieuse. Il n'y a pas eu d'avis formel ou écrit qu'une telle condition serait examinée. Ni d'avis oral. Au cours de l'audience, il y eut une longue discussion au sujet du théâtre canadien mais ce n'est que vers la fin des procédu- res que j'ai trouvé des mentions d'une condition qui ressemble même vaguement à celle qui fut imposée lorsque, au cours de l'interrogatoire de Murray Chercover, le président de la compagnie appelante, par un membre du Conseil, Dalfen, le président et Chercover échangèrent les propos suivants:
[TRADUCTION] DALFEN, MEMBRE DU CONSEIL: Je me demande si on pourrait vous permettre de vous reposer un moment, M. Chercover, et je pourrais demander à M. McGre- gor et à M. Peters .... Pas tout de suite, le président veut vous poser quelques questions.
LE PRÉSIDENT: J'aurais une toute petite question à vous poser avant qu'il n'aborde un autre domaine. Quel serait—il n'est pas nécessaire que vous me donniez votre réaction—mais que diriez-vous d'une condition de licence qui se lirait comme ceci:
Une émission dramatique par année, vingt-six épisodes, durant cinq ans.
MURRAY CHERCOVER: Une émission dramatique, vingt-six épisodes par année. Est-ce que vous voulez dire que vous n'auriez pas d'objection par exemple à ce que nous retirions l'appui que nous avons donné à l'industrie du long métrage, ou aux émissions dramatiques hors série que nous vous avons montrées, et/ou avec des producteurs indépendants?
Ce que je veux dire, c'est que c'est ce genre de choses qui limite notre capacité de répondre au produit et à la production des producteurs privés indépendants. C'est arbitraire ... c'est le truc classique dont M. Dalfen parlait. C'est un règlement inefficace, de nature quantitative et, par conséquent, contrai- gnant, pour ainsi dire.
Ce n'est pas une incitation.
LE PRÉSIDENT: Je pensais à cela en termes de minimum. Un minimum absolu. C'est très clair. Une émission dramatique, vingt-six épisodes par année, cinq ans, prochaine licence. Intéressant.
MURRAY CHERCOVER: Si vous me proposez un marché, concluons-le.
En fait, nous continuerons à oeuvrer dans le domaine du long métrage pendant sept ans.
LE PRÉSIDENT: Je n'ai pas dit sept ans. Bon, pensez-y. Passons à un autre domaine.
A mon avis, si le Conseil envisageait ou avait l'intention d'envisager la possibilité d'imposer une condition du genre de celle qui fut imposée plus tard, cela ne constituait pas un avis adéquat ni de l'intention du Conseil ni de la substance de la condition qui serait examinée. Et bien que M. Chercover ait été invité par le président à «y penser», ce qui, je présume, voulait dire qu'on s'attendait à ce qu'il étudie la question, je ne crois pas que cet échange équivaille à un avis adéquat du fait que le Conseil envisageait ou entendait envisager la possibilité d'imposer la condition imposée plus tard ni que l'invitation à «y penser» constituait l'offre d'une possibilité de faire des observations relativement à l'effet de l'imposition d'une telle condition.
Selon moi, la justice naturelle ne requiert pas qu'une personne qui doit être touchée par une décision soit avisée d'avance de la décision même et qu'il lui soit donné la possibilité de faire des observations relativement à celle-ci. Mais lorsque, comme en l'espèce, la décision qui doit être prise n'est pas prescrite par une loi la personne intéressée connaît les limites d'une décision défavo- rable, il me semble que la justice naturelle exige effectivement qu'il soit donné à cette personne, au
moins de façon générale, les limites de la mesure que le Conseil entend examiner. Selon moi, en l'espèce, l'équité envers l'appelante exigeait au moins que le Conseil, avant de prendre une déci- sion imposant une telle condition, dise à l'appe- lante qu'on envisageait la possibilité d'imposer cette condition ou quelque autre condition sembla- ble encore plus contraignante et qu'on demande à l'appelante de dire pourquoi le Conseil ne devrait pas la lui imposer.
Il faut noter qu'il y a des éléments dans la condition qui n'étaient pas inclus dans ce qui avait été recommandé en termes généraux par CCFM. Cette dernière recommandation ne suggérait aucun nombre minimum d'heures. Ni parlait-elle de théâtre canadien «nouveau» ou «original». En outre, la condition imposée est substantiellement différente de ce qui avait été suggéré lors de l'échange de propos entre le président et Cherco- ver.
J'estime donc que la décision ne peut être main- tenue. Elle devrait donc être annulée et la question devrait être renvoyée au Conseil pour nouvel examen et nouvelle décision conformément aux règles de droit applicables après que l'appelante aura eu une possibilité raisonnable de produire des éléments de preuve et de présenter des observa tions relativement aux conditions, s'il en est, dont pourrait être assortie la licence de l'appelante, exigeant la présentation de théâtre canadien, et après que ces éléments de preuve et ces observa tions auront été dûment et équitablement exami- nés par le Conseil et par son comité de direction.
Comme il est nécessaire de renvoyer la question au Conseil, les observations de l'appelante rela- tivement à l'imposition de conditions seront pré- sentées au Conseil même, avant que la question ne soit soumise au comité de direction, j'estime que la deuxième objection de l'appelante que tous les membres du Conseil n'étaient pas présents au cours de toute l'audience publique n'est plus perti- nente. Mais il ne fait aucun doute que tous les membres du Conseil qui étaient présents au début de l'audience publique n'ont pas assisté à toute l'audience et que, à un moment donné, lorsqu'on discutait de la question du théâtre canadien, il n'y avait que deux membres du comité de direction.
Ce dont on se plaint s'est produit les deuxième et troisième jours de l'audience publique. Au début de la séance du deuxième jour, un des membres était absent. Le procès-verbal indique que l'au- dience a commencé sans lui et sans objection de la part de l'appelante. Il se présenta plus tard ce jour-là mais son arrivée ne fut pas notée. On trouve ce qui suit au procès-verbal de l'après-midi du troisième jour:
[TRADUCTION] LE PRÉSIDENT: ... Il y aura une pause de quinze minutes. J'aimerais toutefois dire ceci—et je crois que les requérants sont d'accord—que quelques-uns des membres du groupe doivent prendre l'avion et cela leur cause un conflit d'horaire. Il y a également quelque chose demain matin dans une autre ville, alors si vous n'avez pas d'objection, nous continuerons avec un groupe plus petit. Mais cela dépend des requérants, s'ils acceptent cela ou non.
S'ils ne sont pas d'accord, les membres devront rester.
D. OSBORN: Si M. Hylton a un tant soit peu de mémoire, je crois savoir ce que sera sa réponse.
JOHN HYLTON: Je me demandais seulement si on ne devrait pas faire une petite enquête pour savoir qui reste et qui part, question de savoir si ceux qui partent ont été gentils avec nous dans leurs questions.
LE PRÉSIDENT: Permettez-moi d'employer une allégorie. Vous avez une tasse de café, le café et le sucre sont disparus, il ne reste que la crème.
MURRAY CHERCOVER: Pourriez-vous nous donner les noms?
LE PRÉSIDENT: Non, je ne veux pas donner de noms. Ce sera une surprise après la pause café.
JOHN HYLTON: Cela ne nous inquiète pas M. le président. LE PRÉSIDENT: Merci. Ce geste est très apprécié.
Quinze minutes. Une pause de quinze minutes. [En français.] —La séance fut levée à 15 h 45.
—Reprise à 16 h 10.
(Les membres du groupe qui étaient présents à la reprise de l'audience étaient le président, P. Camu, et deux membres du Conseil, C. Dalfen, et J. Hebert.)
A ce stade, trois membres du Conseil étaient absents. Plus tard, M. Hebert dut également quit ter. Ces membres furent absents durant au moins une partie du temps pendant laquelle l'appelante répondait aux observations des intervenants, y compris celles de CCFM. Il semble également que les quatre mêmes membres qui s'étaient absentés ont plus tard participé à la consultation prévue au paragraphe 17(1) et que deux d'entre eux furent également présents à la réunion du comité de direction fut approuvé le renouvellement de la licence assorti de la condition en cause.
En présumant que les membres qui étaient pré- sents au début de l'audience publique avaient été
désignés pour entendre l'affaire en vertu du para- graphe 19(4), il semble inconcevable qu'ils n'aient pas assisté à toute l'audience. En outre, il semble indésirable, sinon contraire à la Loi sur la radio- diffusion, qu'un membre qui fait partie d'un groupe désigné pour tenir une audience publique et qui s'absente durant une partie de cette audience assiste ou participe plus tard à la consultation requise par le paragraphe 17(1). L'avocat du Con- seil a fait valoir que le départ des membres s'était fait, dans un cas, avec le consentement exprès et, dans les autres cas, avec le consentement tacite de l'appelante et que cette dernière avait par la suite déposé un long mémoire pour renseigner les mem- bres qui s'étaient absentés. Il prétend que l'on a renoncé au droit de faire valoir l'objection et que, de toute façon, l'audience publique exigée par la loi avait seulement pour but d'obtenir les observa tions du public et d'informer le Conseil et qu'il n'était pas nécessaire en droit que les membres soient présents durant toute l'audience.
Comme j'estime que l'objection de l'appelante n'est pas pertinente, il ne me semble pas nécessaire de me prononcer sur l'objection ni sur la réponse du Conseil et rien dans ces motifs ne devrait être interprété comme constituant un appui à l'objec- tion ou à la réponse. Toutefois, je crois opportun de faire remarquer qu'un président à une audience à laquelle une partie demande le renouvellement d'une licence devrait éviter de mettre une partie dans une situation embarrassante en lui deman- dant si elle s'oppose à ce qu'un des membres du groupe quitte alors que l'audience est en cours. Il pourrait indubitablement s'opposer au départ mais s'il le faisait, il pourrait bien devoir se demander si cela n'avait pas été préjudiciable à ses rapports avec le Conseil. En outre, le fait qu'un président demande à une partie d'acquiescer au départ d'un membre du groupe place le Conseil dans la posi tion peu souhaitable de demander des faveurs aux parties qui sont en droit de présumer que les membres du groupe resteront pour entendre leurs observations.
Plusieurs autres points furent soulevés relative- ment au prétendu caractère vague de la condition même et relativement au prétendu caractère vague de ce qui est requis par le libellé du paragraphe
cité dans l'avis d'appel. Étant donné que la ques tion est renvoyée au Conseil, j'estime inutile de trancher ces questions dans le cadre du présent appel.
Le dernier point qui devrait être mentionné est la prétention de l'appelante que la condition est séparable du reste de la décision et que c'est uniquement la condition qui devrait être annulée. L'appelante aurait donc une licence de renouvelle- ment non assujettie à cette condition. J'estime que la condition n'est pas séparable du renouvellement de la licence étant donné qu'il ressort manifeste- ment de la décision que le Conseil n'avait pas l'intention d'octroyer le renouvellement sans la condition.
Il sera donc nécessaire d'annuler la décision dans la mesure elle octroie le renouvellement de la licence en l'assujettissant à la condition et de renvoyer la question au Conseil aux fins déjà mentionnées. Etant donné que la présente décision aura pour effet de laisser l'appelante sans licence pour continuer ses activités, le jugement de la Cour ne devrait pas être prononcé avant l'expira- tion d'une période de deux semaines à compter de la date du dépôt des présents motifs, ou pour telle autre période plus longue dont pourront convenir les parties et qu'approuvera la Cour, pour permet- tre à l'appelante de demander une licence tempo- raire et pour permettre à l'intimé d'étudier la possibilité de la lui accorder en attendant la déci- sion finale sur la demande de renouvellement de licence de l'appelante.
Pour ce qui concerne la Règle 1312, ni l'une ni
l'autre des parties n'aura droit à ses frais.
* *
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris aux motifs et aux conclusions pour lesquels le juge en chef a accueilli le présent appel et suis d'accord avec ses directives relatives à l'objet de la nouvelle audition.
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