T-1420-75
Bodner Fish Distributors Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
T-1419-75
Canadian Fish Producers Ltd. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy—
Winnipeg, 9 juin; Ottawa, 17 septembre 1980.
Couronne — Loi équivalant â une expropriation de biens —
Détermination du montant de l'indemnité â payer à la deman-
deresse — Entente quant â la méthode de calcul — Formule:
juste valeur marchande de l'entreprise en activité moins valeur
du reliquat d'actif — Il y avait à déterminer si l'intérêt de 5%
représentant l'indemnité pour la perte de l'utilité de l'actif
devait être calculé sur la base de cette formule — Il y avait
aussi lieu de déterminer si la valeur du reliquat d'actif devait
être exprimée en monnaie de la date du jugement ou de la date
d'ouverture du droit â indemnisation.
En l'espèce, le litige porte sur la détermination du montant
de l'indemnité que la défenderesse doit payer à la demanderesse
par suite de l'adoption d'une loi qui est entrée en vigueur le 1"
mai 1969 et qui équivaut à une expropriation de biens. Bien
qu'elles aient convenu de la méthode de calcul de l'indemnité,
c'est-à-dire la juste valeur marchande de l'entreprise en activité
moins la valeur du reliquat d'actif, formule adoptée par la Cour
suprême dans l'affaire Manitoba Fisheries, et qu'elles aient,
d'un commun accord, fixé la valeur marchande du bien-fonds et
la valeur du reliquat d'actif, les parties ne s'entendent pas sur la
question de savoir si l'intérêt de 5% accordé dans cette affaire
comme indemnité pour la perte de l'utilité de l'actif soit calculé
sur la valeur brute de l'actif ou sur cette somme diminuée de la
valeur du reliquat d'actif. La deuxième question est de savoir si,
lorsqu'il y a variation de la valeur de la monnaie, la valeur du
reliquat d'actif devrait être libellée en dollars de la date du
jugement ou de l'époque où le droit à indemnisation a pris
naissance.
Arrêt: les 5% doivent être calculés sur la différence entre la
juste valeur marchande de l'entreprise en activité au 1" mai
1969 et la juste valeur marchande à cette date du reliquat
d'actif resté entre les mains de la demanderesse; c'est l'interpré-
tation à donner à l'expression «juste valeur marchande ...
déterminée de la manière susmentionnée» utilisée par la Cour
suprême dans l'arrêt Manitoba Fisheries. Cette interprétation
est conforme au principe général prévalant en matière d'expro-
priation, selon lequel l'exproprié a droit, jusqu'à ce qu'il soit
effectivement indemnisé, aux intérêts à titre d'indemnité pour
la perte de jouissance de l'actif que le montant de l'indemnité
due est censé remplacer. de ne vois pas pourquoi il devrait être
payé de l'intérêt sur la valeur du reliquat d'actif qui est
demeurée entre les mains de l'expropriée; cette valeur, bien
qu'il ne fût plus possible d'en jouir par l'utilisation de l'actif,
pouvait toutefois être réalisée par la vente du reliquat. Quant à
la deuxième question, il est d'usage constant d'exiger que les
dettes ou obligations antérieures de quelque nature soient
réglées par le nombre d'unités de la monnaie qui exprimait la
dette ou l'obligation au moment où elle a pris naissance, mais
jamais d'après la valeur réelle de la monnaie à l'époque du
paiement.
Arrêt interprété: Manitoba Fisheries Ltd. c. La Reine
[1979] 1 R.C.S. 101. Arrêt mentionné: Central Control
Board (Liquor Traffic) c. Cannon Brewery Co., Ltd.
[1919] A.C. (C.L.) 744.
ACTION.
AVOCATS:
D. C. H. McCaffrey, c.r. et K. Arenson pour
les demanderesses.
B. Meronek et C. Morrison pour la défende-
resse.
PROCUREURS:
Arenson & Company, Winnipeg, pour les
demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Ces deux causes portent uni-
quement sur la détermination du montant de l'in-
demnité que la défenderesse doit payer à la
demanderesse par suite de l'adoption d'une loi qui
équivaut à une expropriation de biens.
Les parties ont accepté que les causes ayant été
inscrites pour audition en même temps, faisant
appel aux mêmes avocats et portant sur les mêmes
points de droit, elles soient entendues l'une à la
suite de l'autre. Dans l'affaire Canadian Fish Pro
ducers, il n'a pas été nécessaire de soumettre de
preuve puisque toutes les questions de faits perti-
nentes avaient soit déjà fait l'objet d'ententes, soit
déjà été tranchées. On a indiqué au début de
l'instruction que, comme les points de droit que la
Cour devait trancher étaient les mêmes que ceux
de l'affaire Bodner, après la présentation de la
preuve dans l'affaire Bodner, les plaidoiries dans
cette dernière affaire s'appliqueraient à l'affaire
Canadian Fish Producers. La Cour a ordonné de
procéder ainsi.
La question de l'obligation a déjà été tranchée
par la Cour suprême du Canada dans une affaire
apparentée, soit l'affaire Manitoba Fisheries Lim
ited c. La Reine'.
Il a été convenu que la décision que rendrait la
Cour suprême du Canada sur l'obligation de payer
l'indemnité, le droit de la recevoir et le calcul de
celle-ci dans l'affaire Manitoba Fisheries lierait
toutes les parties aux deux causes devant moi.
Aussi vais-je citer textuellement la formule que la
Cour suprême a ordonné de suivre pour déterminer
le montant de l'indemnité dans cette affaire. Le
juge Ritchie, à la page 118 du recueil précité, dans
les deux derniers paragraphes des motifs qu'il ren-
dait pour la Cour, s'est exprimé ainsi:
Pour tous ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi,
d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel et d'ordonner l'inscription
d'un jugement déclarant que l'appelante a droit à une indem-
nité égale à la juste valeur marchande de son entreprise en
activité, au ler mai 1969, moins la valeur du reliquat de son
actif à cette date, que les parties doivent convenir de ladite
valeur marchande et qu'à défaut d'une entente dans un délai
raisonnable, l'une ou l'autre peut s'adresser à un juge de la
Cour fédérale pour la faire fixer.
L'appelante demande à être «indemnisée» et j'estime qu'elle
ne le sera pas pleinement si l'on ne tient pas compte de la perte
de l'utilité des éléments d'actif de son entreprise depuis 1969 et
je pense qu'il ne serait que juste et équitable d'en tenir compte
dans la détermination du montant de l'indemnité. A cette fin, le
jugement en l'espèce déclare également que l'appelante a droit
à un montant égal à 5 pour cent par an de la juste valeur
marchande de l'entreprise, arrêtée par les parties ou déterminée
de la manière susmentionnée, du 1°" mai 1969 la date des
présentes.
Le jugement lui-même est rédigé dans les
mêmes termes en ce qui a trait à la formule qui
sert à fixer l'indemnité, de sorte qu'il n'est pas
utile d'en citer le texte ici.
Après le début de la présentation de la preuve
dans l'affaire Bodner, les parties ont, d'un
commun accord, fixé à $512,500 la juste valeur
marchande, au l er mai 1969, de l'ensemble de
l'actif, y compris l'achalandage, et à $70,000 la
valeur du reliquat d'actif. J'ai examiné les rapports
d'experts et j'accepte ces chiffres. Ce sur quoi les
parties n'ont pu s'entendre c'est de savoir si la
Cour suprême entendait que les 5% de la juste
valeur marchande mentionnés dans l'affaire
Manitoba Fisheries, déjà citée, soient calculés sur
' [1979] 1 R.C.S. 101.
la valeur brute de l'actif, qui, dans l'affaire Bodner
s'élève à $512,500, ou sur cette somme diminuée
de la valeur du reliquat d'actif, soit $70,000, ce qui
donnerait une valeur nette de $442,500.
La même question de droit reste aussi en litige
dans l'affaire Canadian Fish Producers; c'est elle
que nous étudierons en premier lieu.
A l'instruction, j'ai dit aux avocats (qui, en
passant, étaient les mêmes que dans l'affaire
Manitoba Fisheries) que j'avais l'impression qu'on
me demandait de statuer sur un point qui aurait le
même effet que préciser le sens d'un arrêt de la
Cour suprême du Canada dans cette affaire,
laquelle, par accord entre toutes les parties, doit
servir de cause type et déterminer l'issue des pré-
sentes affaires et d'autres affaires semblables en
instance devant cette Cour par suite de l'adoption
de la même loi qui a donné naissance au procès
dans l'affaire Manitoba Fisheries.
Il a été suggéré aux avocats que la procédure
appropriée dans les circonstances consisterait peut-
être à présenter une requête à la Cour suprême du
Canada lui demandant le sens de son arrêt, compte
tenu du différend soulevé entre les parties par son
libellé. Entre temps, les deux affaires qui me sont
soumises seraient ajournées jusqu'à ce qu'une déci-
sion intervienne sur la requête. Ils ont exprimé
l'avis qu'une telle procédure ne semble pas exister
et que la Cour de céans doit, en conséquence,
trancher la question dans l'accomplissement de la
mission qui lui a été assignée par la Cour suprême
du Canada de déterminer la juste valeur mar-
chande de l'actif. Je croirais plutôt qu'une telle
procédure existe et je serais porté à croire qu'au
lieu d'être portée devant la présente Cour, la ques
tion devrait l'être devant la Cour qui a rendu le
jugement. On doit se rappeler qu'il ne s'agit pas
simplement de déterminer ce que la Cour suprême
a voulu dire dans l'arrêt qu'elle a rendu dans une
affaire semblable ou même identique à la présente
affaire quant aux points de droit soulevés, mais
bien de déterminer le sens des mots qui, en droit, à
cause de l'entente intervenue entre les parties
avant l'instruction de l'affaire Manitoba Fisheries,
serviront de formule pour déterminer l'indemnisa-
tion à payer dans les affaires qui me sont soumises
et dans beaucoup d'autres affaires en instance
devant cette Cour à la suite de la même loi que
celle qui a été étudiée dans cet arrêt. A toutes fins
utiles, les parties ont apparemment lié leur sort à
l'issue de l'affaire Manitoba Fisheries comme si
elles y étaient aussi parties.
Il faut aussi souligner que mon interprétation de
l'arrêt Manitoba Fisheries ne liera que les parties
aux présentes affaires, tandis qu'un éclaircisse-
ment de ce même arrêt par la Cour suprême
réglerait la question de façon définitive pour tous
les intéressés.
Ce n'est qu'à cause de l'insistance des avocats de
toutes les parties que j'ai consenti à me prononcer
sur la question à ce moment des procédures. Espé-
rons que ma décision ne donnera pas lieu à d'au-
tres contestations et qu'aucune des parties qui ont
demandé à la présente Cour de se prononcer n'ira
se plaindre plus tard d'avoir frappé à la mauvaise
porte.
Il est intéressant de noter que même si la Cour
suprême a adopté le principe posé par la Chambre
des Lords dans l'affaire Central Control Board
(Liquor Traffic) c. Cannon Brewery Company,
Limited 2 , principe voulant que si les conséquences
d'une loi équivalent à une expropriation, il faut
présumer, à moins de dispositions contraires de la
loi, que le législateur a entendu qu'il y ait indemni-
sation de la perte, elle n'a par contre pas suivi la
règle établie dans la même affaire sur la façon de
déterminer ou de calculer l'indemnité. Dans les
deux affaires, les Cours ont jugé que les disposi
tions des lois d'expropriation en vigueur ne s'appli-
quaient pas spécifiquement aux affaires dont elles
étaient saisies. Dans l'affaire anglaise, la loi perti-
nente était la Lands Clauses Act et dans l'affaire
Manitoba Fisheries c'était la Loi sur l'expropria-
tion telle qu'elle était au lef mai 1969. La Cham-
bre des Lords a statué que la méthode de fixation
de l'indemnité prévue à la Lands Clauses Act
s'appliquait parce que la Loi [TRADUCTION] «ne
l'écartait ni expressément ni implicitement». D'au-
tre part, la Cour suprême a choisi de ne pas
appliquer la méthode définie par la Loi sur l'ex-
propriation parce que la Loi ne couvre pas expres-
sément la situation. Elle a établi la formule que
j'ai citée au début et qui servira très probablement
de règle dans les affaires où les entreprises sont
2 [1919] A.C. (C.L.) 744.
touchées de façon semblable par l'action du gou-
vernement mais ne sont pas assujetties aux disposi
tions de la Loi sur l'expropriation.
La formule fait mention de la juste valeur mar-
chande de l'entreprise en activité moins la valeur
du reliquat d'actif. D'où il suit que, en ce qui
concerne ce dernier, la Cour voulait aussi dire la
juste valeur marchande du reliquat, puisque,
comme dans les affaires qui me sont soumises, ce
reliquat n'ayant plus aucune utilité pour son pro-
priétaire, l'expression ne peut vouloir dire la
«valeur» réelle de l'actif «pour le propriétaire».
Dans la dernière phrase de l'extrait précité des
motifs de la Cour, où il est fait mention de l'intérêt
de 5% comme indemnité pour la perte de l'utilité
de l'actif, l'expression «juste valeur marchande ...
déterminée de la manière susmentionnée» est
employée. La Cour ne parle pas ici de la «juste
valeur marchande d'une entreprise en activité»,
mais de la juste valeur marchande «déterminée de
la manière susmentionnée»: la seule méthode
d'évaluation expressément mentionnée est celle qui
consiste à déduire la valeur du reliquat d'actif de
la valeur de l'entreprise en activité. La Cour faisait
donc sans doute référence au résultat de cette
opération.
De plus, cette interprétation me paraît plus logi-
que et plus équitable. Elle me semble plus con-
forme au principe général prévalant en matière
d'expropriation depuis nombre d'années, selon
lequel l'exproprié a droit, jusqu'à ce qu'il soit
effectivement indemnisé, aux intérêts à titre d'in-
demnité pour la perte de jouissance de l'actif que
le montant de l'indemnité due est censé remplacer.
En l'espèce, la valeur du reliquat d'actif est
demeurée entre les mains de l'expropriée et, bien
qu'il ne fût plus possible d'en jouir par l'utilisation
de l'actif, elle pouvait être réalisée par la vente du
reliquat. Je ne vois pas pourquoi il devrait être
payé de l'intérêt sur cette valeur. Il peut y avoir
des cas où il y aura forcément un délai avant qu'on
soit susceptible d'obtenir la juste valeur mar-
chande d'actifs par leur vente alors que ces actifs
ne sont plus d'aucune utilité à l'exproprié, mais la
question qui m'est soumise du commun accord des
parties ne porte pas sur cet aspect.
Si l'intérêt pour une période donnée devait s'ap-
pliquer à la totalité de la juste valeur marchande
d'une entreprise en activité, sans tenir compte de la
valeur du reliquat d'actif, l'indemnité se trouverait
nécessairement à porter pour partie sur la perte
des bénéfices de l'ensemble de l'entreprise. Une
juste indemnité pour ce qui en réalité serait la
perte des bénéfices nets de toute une entreprise
devrait nécessairement comporter une décision sur
ce qui est la juste période à prendre en compte; il
ne suffirait pas de retenir le délai séparant la date
où le droit d'être indemnisé a pris naissance et la
date du jugement. De toute façon, la juste valeur
marchande de tous les actifs d'une entreprise en
activité à une date donnée, du fait qu'elle inclut la
valeur de l'achalandage, comporte nécessairement
une appréciation de la valeur à cette date, pour un
acheteur averti, des profits et des pertes futurs
susceptibles d'être retirés d'une telle entreprise. On
ne pourrait équitablement faire porter des intérêts
à cette somme sans tenir compte de la valeur des
actifs de l'entreprise qui resteraient entre les mains
du vendeur.
J'en conclus donc que, dans l'affaire Manitoba
Fisheries, la Cour suprême du Canada a voulu que
les 5% soient calculés sur la différence entre la
juste valeur marchande de l'entreprise en activité
au 1" mai 1969 et la juste valeur marchande à
cette date du reliquat d'actif resté entre les mains
de l'appelante. L'intérêt devait être ainsi calculé
jusqu'au 3 octobre 1978, soit la date du jugement
de la Cour suprême. Selon l'accord intervenu entre
les parties, cette formule s'appliquera aux deux
présentes affaires et la somme portera intérêt à 5%
depuis cette dernière date jusqu'à celle du
paiement.
Dans l'affaire Canadian Fish Producers dont je
suis saisi, il y a eu entente entre les parties selon
laquelle la juste valeur marchande, au 1°r mai
1969, de l'entreprise en activité de la demande-
resse était de $285,000. Il reste cependant, dans
cette affaire, un autre point à trancher par la
Cour. Les parties se sont accordées pour établir la
valeur du reliquat d'actif à la date ci-dessus à
$169,000 en dollars de 1969 et à $185,000 en
dollars de 1980, cause de la dépréciation de la
valeur du dollar depuis 1969. Elles n'ont cependant
pas pu s'entendre sur celui des deux montants qui
devait s'appliquer.
La monnaie ne peut être une mesure de la valeur
réelle et elle ne représente la valeur qu'en autant
qu'elle peut être échangée contre d'autres biens.
Lorsque la valeur réelle d'une indemnité pour
dommages doit être exprimée en argent à un
moment donné par une mesure ou une monnaie
comme le dollar et lorsque la valeur de la monnaie
a changé entre temps, il me semble raisonnable, en
principe du moins, de prendre, dans le cas où il y a
eu variation de la valeur de la monnaie, le nombre
de dollars qui exprime la valeur à la date du
jugement plutôt que celui de l'époque où le dom-
mage s'est effectivement produit. Du reste, cette
solution s'impose si l'on prend en compte l'infla-
tion persistante et apparemment irréversible que
l'on connaît depuis quelques dizaines d'années. Je
ne connais cependant aucun tribunal qui ait jus-
qu'à maintenant appliqué ce principe. Au con-
traire, à ma connaissance, il est d'usage constant
d'exiger que les dettes ou obligations antérieures
de quelque nature soient réglées par le nombre
d'unités de la monnaie qui exprimait la dette ou
l'obligation au moment où elle a pris naissance,
mais jamais d'après la valeur réelle de la monnaie
à l'époque du paiement.
Cette coutume peut se justifier par toutes sortes
de raisons d'ordre pratique et commercial, notam-
ment par les difficultés évidentes que susciterait
dans les transactions commerciales et le règlement
des dettes et autres obligations la prise en compte
des fluctuations locales de la valeur de la monnaie.
De plus, les tribunaux permettent d'ajouter l'in-
térêt dans bien des cas pour indemniser de la perte
de jouissance de l'argent dû depuis un certain
temps. Il serait injuste et illogique de calculer cet
intérêt sur un nombre de dollars déterminé selon la
valeur de ceux-ci à une date postérieure à celle où
la dette ou l'obligation a pris naissance.
De toute façon, je ne crois pas que le problème
se pose en l'espèce, puisque la demanderesse a eu
la jouissance du reliquat d'actif depuis le début et
qu'en réalité ce reliquat constitue une réduction
des dommages causés à l'entreprise depuis cette
date. La valeur- marchande à un moment donné
doit forcément prendre en compte toute réduction
de valeur consécutive à la cessation des opérations
ou à la difficulté de disposer du reliquat d'actif,
puisque ce sont là des facteurs qu'un acheteur et
un vendeur avisés auraient pris en considération au
moment de la vente. C'est cette valeur, présumé-
ment ajustée de la sorte, qui est restée entre les
mains de la demanderesse depuis le Z ef mai 1969.
Dans ces circonstances, il me semble évident
qu'il faut calculer la valeur du reliquat d'actif au
ler mai 1969 en dollars canadiens de cette date.
C'est la somme de $169,000 qui sera retenue,
plutôt que celle de $185,000, qui exprime la valeur
en dollars de 1980.
Il y aura jugement dans les deux présentes
affaires conformément aux présents motifs et,
selon l'entente intervenue entre les parties, les
demanderesses auront droit à leurs dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.