A-481-79
Gerald Morin (Demandeur) (Intimé)
c.
La Reine (Défenderesse) (Appelante)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, 29 avril et 2 mai
1980.
Fonction publique — Appel d'une décision de la Division de
première instance concluant à l'invalidité d'une déclaration
faite par le Sous-ministre sous le régime de l'art. 27 de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique portant que l'intimé
avait abandonné son poste — Le juge de première instance a
conclu que le pouvoir conféré par l'art. 27 n'avait pas été
régulièrement exercé, pour des motifs se rapportant à une des
trois conditions prévues par cet article, savoir l'opinion du
Sous-ministre que l'employé s'était absenté de son travail pour
des raisons qui n'étaient pas indépendantes de sa volonté — /1
échet de déterminer si le premier juge a rendu une décision
erronée — Appel accueilli — Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 27.
L'intimé était un employé du gouvernement fédéral lorsqu'il
fut mis fin à son emploi suivant l'article 27 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, le Sous-ministre ayant
déclaré qu'il avait abandonné son poste. Cet appel est dirigé
contre la décision de la Division de première instance concluant
à l'invalidité de la déclaration d'abandon de poste. L'article 27
autorise un sous-ministre à déclarer qu'un employé a aban-
donné son poste si l'employé s'en absente pendant une semaine
ou davantage, si le sous-chef est d'avis que les raisons de
l'absence sont indépendantes de la volonté de l'employé et si le
sous-chef a avisé par écrit la Commission que l'employé a
abandonné son poste. Le premier juge .a considéré que l'exis-
tence de la première et la dernière de ces trois conditions était
établie. Il a conclu que le Sous-ministre n'avait pas régulière-
ment exercé le pouvoir que lui confère l'article 27 pour des
motifs qui se rapportent à la deuxième condition, savoir l'opi-
nion du sous-chef que l'employé s'était absenté de son travail
pour des raisons qui n'étaient pas indépendantes de sa volonté.
Il échet de déterminer si la décision du premier juge est bien
fondée.
Arrêt: l'appel est accueilli. La décision du premier juge est
mal fondée car elle semble reposer sur des erreurs tant de droit
que d'appréciation des faits. Il ne se trouve rien dans la preuve
qui permette de dire que le Sous-ministre ait agi avec mauvaise
foi ou qui supporte l'affirmation que l'intimé était «rendu à
bout» et ne pouvait, à cause de cela, se rendre au travail. Le
premier juge semble avoir considéré que le Sous-ministre
exerça un pouvoir discrétionnaire en se faisant une opinion sur
les motifs de l'absence de l'employé. Cela est inexact: l'article
27 confère au Sous-ministre le pouvoir de déclarer qu'un
employé a abandonné son poste. L'opinion du Sous-ministre sur
les causes de l'absence de son subalterne est seulement une
condition préalable nécessaire à l'exercice de ce pouvoir. Les
pouvoirs administratifs doivent être exercés suivant une procé-
dure qui soit conforme à la loi et à la justice. La seule question
qu'avait à résoudre le juge de première instance était celle de
savoir si le Sous-ministre avait exercé son pouvoir conformé-
ment aux exigences de l'article 27 et des principes généraux du
droit administratif. L'intimé avait été prévenu de l'intention du
Sous-ministre d'exercer son pouvoir en vertu de l'article 27 et il
a été sommé d'indiquer les motifs de son absence. Si l'intimé a
choisi de ne pas répondre, il ne doit s'en prendre qu'à lui-même.
Le texte de l'article 27 n'exige pas que le Sous-ministre con-
naisse toutes les raisons de l'absence de son subordonné; et
aucun principe de droit ne permet d'assujettir l'exercice du
pouvoir du Sous-ministre à pareille condition. L'avocate de
l'intimé a prétendu que la preuve faite au procès ne révèle pas
de façon certaine que le Sous-ministre ait jamais transmis à la
Commission l'écrit que mentionne l'article 27. L'intimé deman-
dait à la Cour d'annuler la déclaration d'abandon. Pour réussir,
il devait établir soit que cette déclaration n'avait pas été faite
soit qu'elle n'avait pas été transmise conformément à la loi.
Cela n'a pas été prouvé.
APPEL.
AVOCATS:
J. M. Aubry et J. M. Mabbutt pour la (défen-
deresse) (appelante).
L. Caron pour le (demandeur) (intimé).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
(défenderesse) (appelante).
L. Caron, Québec, pour le (demandeur)
(intimé).
Voici les motifs du jugement prononcés en fran-
çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: L'intimé était employé au
ministère des Travaux publics à Ottawa lorsqu'on
le prévint, le 29 septembre 1975, que son emploi
avait pris fin suivant l'article 27 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
c. P-32,' le sous-ministre des Travaux publics
ayant déclaré, en la façon prévue à cet article, qu'il
avait abandonné son poste. Cet appel est dirigé
contre la décision de la Division de première ins
tance [[1979] 2 C.F. 642] qui a fait droit à une
' Le texte de cette disposition est le suivant:
27. Lorsqu'un employé s'absente de son poste pendant une
semaine ou davantage, sauf pour des raisons qui, de l'avis du
sous-chef, sont indépendantes de sa volonté, ou sauf en
conformité de ce qui est autorisé ou prévu par une loi du
Parlement ou sous son régime, le sous-chef peut, au moyen
d'un écrit approprié adressé à la Commission, déclarer que
l'employé a abandonné le poste qu'il occupait. Cet employé
cesse dès lors d'être un employé.
action intentée par l'intimé contre Sa Majesté et
déclaré que la déclaration du Sous-ministre à l'ef-
fet que l'intimé avait abandonné son poste était
invalide, que l'intimé occupait toujours son poste
et qu'il avait droit au salaire et aux autres avanta-
ges pécuniaires dont il avait été privé en consé-
quence de la déclaration du Sous-ministre.
C'est en 1970 que l'intimé a commencé à tra-
vailler pour le ministère des Travaux publics,
d'abord à Ottawa, puis à Montréal. Après quelque
temps, un climat d'hostilité se créa entre l'intimé
et son supérieur à Montréal, un monsieur Lauren-
deau. L'intimé croyait avoir raison de se plaindre
de Laurendeau et celui-ci, paraît-il, en voulait à
son subalterne. En 1975, la suite de rapports
défavorables faits par Laurendeau, le sous-minis-
tre des Travaux publics recommanda à la Commis
sion de la Fonction publique de congédier l'intimé
pour cause d'incompétence suivant l'article 31 de
la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
L'intimé appela de cette recommandation comme
le lui permettait le paragraphe 31(3) et le Comité
qui fut saisi de l'affaire fit droit à l'appel. A la
suite de cette décision favorable à l'intimé, les
autorités du Ministère décidèrent de le muter à
Ottawa. Le 30 juillet 1975, on lui écrivait pour lui
faire part de cette décision; quelques semaines plus
tard, il commençait son travail à Ottawa.
Le 17 septembre 1975, le supérieur immédiat de
l'intimé à Ottawa, un monsieur Légaré, lui écrivait
pour lui souligner qu'il s'était absenté de son tra
vail sans autorisation le 16 septembre et pour lui
demander de ne plus le faire à l'avenir.
Le 26 septembre, à la suite de nouvelles absen
ces non autorisées de l'intimé, monsieur Légaré lui
écrivait de nouveau dans le même sens.
Après le 29 septembre, l'intimé ne se présenta
plus au travail. Il voulait ainsi protester, semble-
t-il, contre sa mutation à Ottawa qu'il jugeait
illégale et injustifiée et, aussi, contre les tracasse-
ries dont il prétendait être la victime de la part de
ses supérieurs immédiats. Le 16 octobre, monsieur
Légaré lui écrivit pour lui dire qu'on ne pouvait
satisfaire le désir qu'il avait exprimé d'être affecté
de nouveau à un poste à Montréal, pour lui
demander les raisons de son absence depuis le 30
septembre et, enfin, pour le prévenir que s'il ne
revenait pas au travail avant le 23 octobre on
considérerait qu'il avait abandonné son emploi.
L'intimé ne donna aucune suite à cette lettre. Il ne
tenta pas d'expliquer son absence et ne retourna
pas au travail. Il télégraphia cependant au Sous-
ministre pour demander qu'on lui redonne son
poste à Montréal. Cela étant, le secrétaire général
du Ministère écrivit à l'intimé le 29 octobre pour
l'informer que le Sous-ministre avait, le même
jour, exercé le pouvoir que lui donne l'article 27 et
déclaré qu'il avait abandonné son poste.
Il semble que l'intimé présenta d'abord un grief
contre cette décision du Sous-ministre. Ce grief
ayant été rejeté, il intenta, contre l'appelante, le 5
décembre 1977, l'action à laquelle a fait droit le
jugement de première instance. Dans sa déclara-
tion, l'intimé affirmait avoir été, depuis le début de
son emploi, la victime d'injustices, de tracasseries,
d'actes fautifs et malicieux de la part des préposés
de l'appelante; il alléguait spécialement que sa
mutation de Montréal à Ottawa était injustifiée,
illégale et nulle et qu'il était, en conséquence,
toujours titulaire de son poste à Montréal; il allé-
guait encore que, après sa mutation, il avait conti-
nué à être victime de tracasseries, d'injustices et de
mesures disciplinaires illégales; il disait, enfin, que
tous ces actes illégaux lui avaient causé un préju-
dice considérable dont il avait droit d'être indem-
nisé. Il concluait en demandant l'annulation de sa
mutation à Ottawa ainsi que de «tout instrument
qui pourrait être contraire aux droits du deman-
deur ... ou entraver le retour du demandeur dans
son poste au ministère des Travaux publics à
Montréal», et en demandant que l'appelante soit
condamnée à le réintégrer dans ses fonctions et à
l'indemniser du préjudice subi.
La Division de première instance a fait droit à
cette action. Son jugement se lit comme suit [à la
page 650]:
... je déclare que la déclaration d'abandon de poste n'a pas été
validement faite et que depuis le 30 septembre 1975 le deman-
deur n'a pas cessé d'occuper son poste, qu'il l'occupe toujours et
qu'il a droit à tous les salaires, augmentations de salaires et
bénéfices marginaux comme s'il n'y avait jamais eu de prétendu
abandon de poste, ainsi qu'à l'intérêt sur ces montants à partir
de la date où chacun était dû.
Si les parties ne peuvent s'entendre sur le montant des
salaires, augmentations de salaires, bénéfices marginaux et
dommages auxquels le demandeur a droit avec intérêts, la Cour
pourra en établir le montant.
L'action est accueillie avec dépens.
Deux remarques préliminaires viennent d'abord
à l'esprit. La première, c'est qu'il est étonnant que
le premier juge, qui était saisi d'une action visant
principalement à faire déclarer illégale la décision
des autorités de muter l'intimé de Montréal à
Ottawa, ne se soit aucunement prononcé sur ce
point mais ait seulement statué sur la légalité
d'une déclaration d'abandon de poste qui n'était
même pas alléguée expressément dans la déclara-
tion. La seconde observation que suggère le juge-
ment concerne le refus du juge de statuer immé-
diatement sur le montant dû à l'intimé. Lorsque la
Division de première instance est saisie d'une
demande en dommages-intérêts, le juge doit, en
rendant jugement, (sauf dans les cas prévus à la
Règle 480 et ceux où les parties consentent expres-
sément à ce qu'il agisse autrement) se prononcer
non seulement sur la responsabilité du défendeur
mais aussi sur le montant des dommages-intérêts
dus; le juge ne peut pas décider seulement une
partie du litige que les parties lui ont soumis.
J'ajoute tout de suite que ces deux irrégularités
sont de peu de conséquence en l'espèce. En effet,
seul l'intimé aurait intérêt à s'en plaindre et son
avocate nous a expressément déclaré à l'audience
être entièrement satisfaite de la décision du pre
mier juge qui n'avait pas, suivant elle, à fixer le
quantum des dommages-intérêts et qui avait juste-
ment interprété son action comme étant dirigée
principalement, sinon uniquement, contre la décla-
ration d'abandon de poste du 29 octobre 1975.
Le premier juge a-t-il eu raison de décider que le
Sous-ministre avait irrégulièrement exercé le pou-
voir que lui confère l'article 27 et que, en consé-
quence, l'intimé n'avait pas perdu son emploi suite
à la déclaration d'abandon de poste du 29 octobre
1975? C'est donc la question essentielle que sou-
lève cet appel.
L'article 27 prévoit qu'un fonctionnaire perd son
poste et cesse d'être employé lorsque sont réunies
les trois conditions suivantes:
(1) l'employé s'est absenté de son travail pen
dant une semaine ou davantage;
(2) le sous-chef est d'avis que les raisons de cette
absence ne sont pas indépendantes de la volonté
de l'employé; et
(3) le sous-chef a adressé à la Commission un
écrit où il déclare que l'employé a abandonné le
poste qu'il occupait.
Le premier juge devait déterminer si, en l'es-
pèce, ces trois conditions étaient réunies. Il ressort
des motifs qu'il a donnés à l'appui de sa décision
qu'il a considéré que l'existence de la première et
de la dernière des trois conditions était établie. Il a
jugé que l'intimé s'était absenté de son travail
pendant plus d'une semaine et que le Sous-ministre
avait fait parvenir à la Commission la déclaration
écrite qu'exige l'article 27. Si, malgré cela, il a
conclu que l'intimé n'avait pas perdu son poste,
c'est pour des motifs qui se rapportent à la deu-
xième condition mentionnée par l'article 27, savoir
l'opinion du sous-chef que l'employé s'absente de
son travail pour des raisons qui ne sont pas indé-
pendantes de sa volonté. Il est difficile de résumer
les motifs du jugement attaqué. Tels que je les
comprends, ces motifs sont, en substance, contenus
dans les propositions suivantes que, pour la plu-
part, j'extrais tout simplement des motifs du juge-
ment du premier juge:
1. «Le point en litige se résume à déterminer si
les faits établis ... permettaient au sous-minis-
tre des Travaux publics d'exercer, avec justice,
équité et raisonnabilité la discrétion que l'article
27 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, c. P-32, lui donne de
juger si les raisons de l'absence du demandeur
étaient ou non indépendantes de sa volonté ...».
2. «... le Sous-ministre ne peut recourir à cet
article [l'article 27] s'il ne connaît pas toutes les
raisons qui ont causé l'absence de l'employé ... .
Si le Sous-ministre exerce sa discrétion sans
connaître toutes les raisons de l'absence, l'on ne
peut prétendre que cette discrétion ait été exer-
cée d'une manière juste, équitable et raison-
nable.»
3. En l'espèce, le Sous-ministre a fondé son
opinion sur les renseignements que lui avaient
communiqués ses subalternes qui étaient les
supérieurs immédiats de l'intimé. «... le Sous-
ministre n'a pas cru bon de s'enquérir lui-même
auprès du demandeur des raisons de son
absence. Si le Sous-ministre ne prend pas de
renseignements auprès de l'employé aussi bien
qu'auprès de ses supérieurs, il me répugne de
croire qu'il soit habilité et qu'il soit en état
d'exercer sa discrétion d'une façon juste, équita-
ble et raisonnable ...».
4. La preuve révèle que le demandeur, en consé-
quence des tracasseries dont il a été la victime,
était «rendu à bout» et que, en conséquence, son
absence ne dépendait pas de sa volonté. Le
Sous-ministre ne connaissait pas tous ces faits
et, en conséquence, il ne pouvait exercer valable-
ment la discrétion que lui confère l'article 27.
5. On aurait eu recours à l'article 27 comme à
un «stratagème» pour se débarrasser de l'intimé
après avoir tenté sans succès de le congédier
pour incompétence.
C'est en se fondant sur ces considérations que le
premier juge conclut que le Sous-ministre n'a pas,
en l'espèce, régulièrement exercé le pouvoir que lui
confère l'article 27.
Cette décision me paraît mal fondée. Elle
repose, à mon sens, sur des erreurs tant de droit
que d'appréciation des faits.
D'abord, l'appréciation des faits. Je ne vois rien
dans la preuve qui permette de dire que le Sous-
ministre ait ici agi avec mauvaise foi comme le
suggère le mot «stratagème» utilisé par le premier
juge. Je ne trouve rien dans la preuve, non plus,
qui supporte l'affirmation que l'intimé avait été
victime de tant d'injustices et de tracasseries qu'il
était «rendu à bout» et ne pouvait, à cause de cela,
se rendre au travail. Les constatations du premier
juge à ce sujet me paraissent inexactes; à mon avis,
la preuve révèle clairement que c'est volontaire-
ment et en guise de protestation, principalement
contre sa mutation de Montréal à Ottawa, que
l'intimé ne s'est pas rendu à son travail.
J'en viens maintenant au droit.
Le premier juge semble avoir considéré que le
Sous-ministre exerça un pouvoir discrétionnaire en
se faisant une opinion sur les motifs de l'absence
de l'employé. Cela est inexact, l'article 27 confère
au Sous-ministre le pouvoir de déclarer qu'un
employé a abandonné son poste. L'opinion du
Sous-ministre sur les causes de l'absence de son
subalterne est seulement une condition préalable
nécessaire à l'exercice de ce pouvoir.
Le premier juge fonda principalement sa déci-
sion semble-t-il, sur le principe qu'un pouvoir dis-
crétionnaire doit être exercé de façon juste et
équitable. Ce principe, dans la mesure où il existe,
signifie seulement que les pouvoirs administratifs
doivent être exercés d'une façon, c'est-à-dire sui-
vant une procédure, qui soit conforme à la loi et à
la justice; il ne signifie pas qu'un pouvoir adminis-
tratif est irrégulièrement exercé pour le seul motif
que son exercice a pour résultat de créer une
situation que le juge trouve injuste. La seule ques
tion qu'avait à résoudre le juge de première ins
tance était donc celle de savoir si le Sous-ministre
avait exercé son pouvoir conformément aux exi-
gences de l'article 27 et des principes généraux du
droit administratif.
Le premier juge a considéré, semble-t-il, que le
Sous-ministre ne pouvait exercer le pouvoir de
l'article 27 sans s'être informé préalablement
auprès de son employé des causes de son absence.
Il n'est pas nécessaire de discuter ici le bien ou le
mal-fondé de cette proposition. Car, en l'espèce,
l'intimé a été prévenu de l'intention du Sous-minis-
tre d'exercer son pouvoir en vertu de l'article 27 et
il a été sommé, par la lettre que monsieur Légaré
lui a adressée le 16 octobre, d'indiquer les motifs
de son absence. Si l'intimé a choisi de ne pas
répondre à cette lettre parce qu'il contestait l'auto-
rité de son signataire, il ne doit s'en prendre qu'à
lui-même et son silence ne peut certainement inva-
lider l'action, par ailleurs légalement entreprise, du
Sous-ministre.
Enfin, le texte de l'article 27 n'exige pas que le
Sous-ministre, avant de pouvoir exercer valable-
ment son pouvoir, connaisse toutes les raisons de
l'absence de son subordonné. Et je ne connais
aucun principe de droit qui permette d'assujettir
l'exercice du pouvoir du Sous-ministre à pareille
condition. S'il en était autrement, l'employé pour-
rait toujours, en cachant à ses supérieurs les motifs
de son absence, empêcher qu'on ne mette fin à son
emploi en vertu de l'article 27.
Les motifs du premier juge m'apparaissent donc
mal fondés.
L'avocate de l'intimé a cependant invoqué un
autre moyen qui, à son avis, justifierait le juge-
ment de la Division de première instance, savoir
que la preuve faite au procès ne révèle pas de façon
certaine que le Sous-ministre ait jamais transmis'à
la Commission l'écrit que mentionne l'article 27.
Si cet écrit n'a pas été transmis à la Commission, a
soutenu l'avocate de l'intimé, le Sous-ministre n'a
pas exercé valablement son pouvoir et il s'ensuit
que le jugement attaqué est bien fondé.
Cet argument ne me convainc pas. L'intimé, par
son action, demandait à la Cour d'annuler la dé-
claration d'abandon de poste faite en vertu de
l'article 27. Pour réussir, il devait établir soit que
cette déclaration n'avait pas été faite soit qu'elle
n'avait pas été transmise conformément à la loi.
Cela n'a pas été prouvé. Le seul fait que l'on ne
sache pas si l'écrit dont parle l'article 27 a été
transmis à la Commission n'autorise pas à con-
clure que cet écrit n'a pas été ainsi transmis.
Pour ces motifs, je ferais droit à l'appel avec
dépens, je casserais le jugement attaqué et je
rejetterais l'action de l'intimé avec dépens.
* * *
LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.