T-1094-79
La Reine (Demanderesse)
c.
Gordon A. Bryce (Défendeur)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, 17 juin et 12 août 1980.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Divorce — Accord par lequel le défendeur s'engage à faire
tous les paiements hypothécaires mensuels et d'autres paie-
ments — La moitié de ces paiements à effectuer au profit de
l'ex-femme — La Commission de révision de l'impôt a statué
que les paiements effectués par le défendeur pour l'année
d'imposition 1975 étaient déductibles — La question est de
savoir si les conditions requises par le jugement Pascoe pour
qu'il y ait déductibilité s'appliquent — Interprétation de l'art.
60.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu — Loi de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 56(1)b), 56.1, 60b), 60.1.
Il est fait appel de la décision par laquelle la Commission de
révision de l'impôt a statué que les paiements effectués par le
défendeur durant l'année d'imposition 1975 au profit de son
ex-femme étaient déductibles. En application du jugement con-
ditionnel de divorce prescrivant de transférer un duplex en
propriété indivise entre le défendeur et son ex-femme, ce der-
nier s'est engagé à acquitter toutes les mensualités hypothécai-
res, à payer les impôts fonciers, les taxes d'eau, les frais de
télédistribution et d'entretien. Ce jugement prescrivait aussi
que la moitié de ces paiements devait s'effectuer au profit de
son ex-femme. Le point litigieux porte sur l'interprétation qu'il
convient de donner à l'article 60.1 de la Loi de l'impôt sur le
revenu (promulgué le 13 mars 1975) à la lumière de la décision
Pascoe, qui ne traitait que l'alinéa 60b) de la Loi. La Couronne
fait valoir que les conditions requises par l'affaire Pascoe pour
qu'il y ait déductibilité s'appliquent aux montants payés en
application de l'article 60.1 et que, même si ces derniers
tombent dans les restrictions imposées par cette affaire, ils
n'étaient pas à l'entière disposition de l'ex-femme.
Arrêt: l'action est rejetée. L'arrêt, l'ordonnance, le jugement
ou l'accord écrit que mentionne l'article 60.1 sont «l'arrêt,
l'ordonnance ou le jugement rendus par un tribunal compétent
ou en vertu d'un accord écrit»; la référence de l'article 60.1 à
l'alinéa 60b) s'arrête là. Il ne lui emprunte pas les termes «à
titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodi-
quement pour subvenir aux besoins du ...»; sinon, pourquoi
comporterait-il des termes aussi précis que «prévoyant le verse-
ment périodique d'une certaine somme ... à son ancien con
joint ... ou au profit ... de cet ancien conjoint....» Si le
législateur avait eu l'intention de placer dans l'article 60.1 les
restrictions que, selon la Cour d'appel fédérale, il avait en tête
lorsqu'il a adopté l'article 60b), il lui eût été facile de le dire et
il l'aurait dit. Doit également être repoussé l'argument de la
Couronne selon lequel l'ex-femme n'avait pas la libre disposi
tion des sommes considérées. Il serait illogique de la part du
législateur d'une part de sanctionner un accord de pension
alimentaire stipulant que les paiements au profit de la ou des
personnes dont il faut subvenir aux besoins seront faits à des
tiers, et d'autre part d'exiger que ledit accord donne au bénéfi-
ciaire toute latitude pour leur affectation.
Arrêt analysé: R. c. Pascoe [ 1976] 1 C.F. 372. Arrêts
mentionnés: Gagnon c. La Reine [1981] 1 C.F. 249; Le
procureur général du Canada c. Weaver [1976] 1 C.F.
423.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Jeanne Watchuk pour la demanderesse.
Elko B. Kroon pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Elko B. Kroon, Vancouver nord, pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Le défendeur et son
ex-femme ont divorcé le 20 mars 1975. Le juge-
ment conditionnel de divorce, rendu par la Cour
suprême de la Colombie-Britannique, a entériné
un accord de pension alimentaire intervenu entre
les deux parties. Ce jugement et cet accord enjoi-
gnaient au défendeur de faire certains paiements
pour son ex-femme à titre de pension alimentaire.
Il les a faits. Pour son année d'imposition 1975, il a
réclamé une déduction de $1,256.20 que le minis-
tre du Revenu national lui a refusée.
Le défendeur en a appelé de ce refus devant la
Commission de révision de l'impôt. Le président
adjoint a accueilli son appel et jugé que les paie-
ments qu'il a effectués sont déductibles.' La
demanderesse interjette maintenant appel contre
cette décision.
En l'espèce, le vrai point litigieux porte sur
l'interprétation qu'il convient de donner à l'article
60.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, à la
lumière du jugement bien connu La Reine c.
Pascoe. 2
Le 13 mars 1975, furent promulgués les deux
nouveaux articles jumelés 60.1 et 56.1. Ils se trou-
' [1978] C.T.C. 3144.
2 [1976] I C.F. 372 (C.A.F.).
vent dans les S.C. 1974-75-76, c. 26 (voir l'article
31 et l'article 28).
Au moment de leur adoption, l'affaire Pascoe se
trouvait encore devant cette Cour. En l'occurrence,
les années d'imposition en cause étaient 1969 et
1971. Les articles 56.1 et 60.1 ne s'appliquant pas,
la Cour d'appel fédérale ne les a pas considérés.
Dans l'affaire Pascoe, le point litigieux portait sur
la déductibilité de certains montants que le contri-
buable avait payés à son ex-femme. Le jugement
conditionnel de divorce ordonnait au mari de payer
tous les frais médicaux, dentaires et d'hospitalisa-
tion de la femme et des enfants, ainsi que toutes
les dépenses relatives à l'éducation de ces derniers.
Pascoe a voulu déduire ces montants en vertu de
l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu',
dont voici le libellé:
Sous-section e
Déductions lors du calcul du revenu
60. Peuvent être déduites lors du calcul du revenu d'un
contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes
qui sont appropriées:
b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en
vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus
par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à
titre de pension alimentaire ou autre allocation payable
périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire,
des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et
des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé,
en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un
accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à
qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a
été effectué et durant le reste de l'année;
La Cour d'appel a donné de l'alinéa 60b), aupa-
ravant l'alinéa 11(1)1), une interprétation qualifiée
de restrictive. A la page 374, la Cour déclare:
A notre avis, ni les sommes versées par l'intimé pour l'éduca-
tion de ses enfants ni celles versées à titre de frais médicaux ne
sont déductibles.
Tout d'abord, nous sommes d'avis que le versement de ces
sommes ne constitue pas le versement d'une allocation au sens
de l'article 11(1)1). Selon nous, une allocation est une somme
d'argent limitée et déterminée à l'avance, versée afin de per-
mettre à celui qui la reçoit de faire face à certains types de
dépenses; sa quotité est établie à l'avance et celui qui la touche
en a la libre disposition, sans comptes à rendre à personne. Un
versement effectué pour satisfaire à une obligation d'indemni-
ser ou de rembourser quelqu'un ou de le défrayer de dépenses
3 S.R.C. 1952, c. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63 (la
«nouvelle» Loi).
réellement engagées n'est pas une allocation; il ne s'agit pas en
effet d'une somme susceptible d'être affectée par celui qui la
touche, à sa discrétion, à certains types de dépenses.
De plus, même si l'acquittement des dépenses en cause
pouvait être considéré comme le versement d'une allocation, il
ne s'agit pas, selon nous, d'une allocation «payable périodique-
ment», comme l'exige l'article 11(1)l). Ni l'acte de séparation
de corps ni le jugement conditionnel ne prévoient le versement
de ces sommes à intervalles fixes. Ils ne font même pas mention
du moment où se feront les versements. Il importe peu que les
sommes versées pour l'éducation des enfants l'aient en fait
peut-être été périodiquement, car la périodicité exigée par la
Loi a rapport à la manière dont l'allocation est payable et non à
la façon dont elle est effectivement versée.
Je passe maintenant aux faits de la présente
cause. Le jugement conditionnel de divorce pres-
crit de transférer en propriété indivise entre le
défendeur et son ex-femme, un duplex sis dans la
municipalité de Matsqui (Colombie-Britannique).
Le défendeur s'engage:
[TRADUCTION] ... à faire tous les paiements hypothécaires
lorsqu'ils sont exigibles et à ne grever le duplex d'aucune autre
charge. Il s'engage aussi à l'entretenir à ses frais et à payer en
temps voulu tous les impôts fonciers, les taxes d'égout, les taxes
d'eau et les frais de télédistribution. Mme Bryce ne se voit
imputer aucune de ces dépenses, car M. Bryce la met à couvert.
Son ex-femme s'engage à:
[TRADUCTION] ... s'abstenir de réclamer au requérant (l'in-
timé de la requête reconventionnelle) une pension alimentaire
mensuelle en sus du paiement de la moitié des mensualités
hypothécaires, des impôts fonciers, des taxes d'eau, des frais de
télédistribution et de l'entretien dudit duplex, dont il s'acquitte
à son profit.
En 1975, le défendeur a payé les sommes
suivantes:
Hypothèque $2,148.00
Impôt foncier 655.99
Taxes d'eau et taxes d'égout 151.50
Télédistribution 59.40
3,014.89
La moitié de ces paiements ont été effectués au
profit de son ex-femme. Les parties ont convenu
que, pour l'année d'imposition 1975, si le défen-
deur a droit à une déduction, elle sera de
$1,256.20.
Je reviens au jugement Pascoe. Si, dans la pré-
sente espèce, on écarte les articles 60.1 et 56.1 et
l'on ne retient que l'alinéa 60b), les paiements que
le défendeur Bryce a effectués au profit de sa
femme ne seront pas déductibles. A mon avis, il
s'agit bien des sommes limitées et déterminées à
l'avance, mais payables à des tiers et non pas à son
ex-femme. La femme n'en a pas, comme le juge-
ment Pascoe le requiert, «... la libre disposition,
sans comptes à rendre à personne». Les sommes ne
sont pas «... susceptible[s] d'être affectée[s] par
celui qui [les] touche, à sa discrétion, à certains
types de dépenses».
Au cours des plaidoiries, l'avocat de la Cou-
ronne a admis que la présente affaire répond au
critère de «périodicité» que le jugement Pascoe
énonce. Le paragraphe 5 de l'accord de pension
alimentaire, que le jugement conditionnel de
divorce entérine, prescrit le paiement de mensuali-
tés pour l'hypothèque, les impôts fonciers, les taxes
d'eau, la télédistribution et l'entretien.
La question qui se pose alors est la suivante:
quel effet convient-il de donner aux adjonctions
apportées en 1975 la Loi de l'impôt sur le
revenu?
L'article 60.1 est rédigé comme suit:
31. (1) Ladite loi est modifiée par l'insertion, immédiatement
après l'article 60, de l'article suivant:
«60.1 Quand, après le 6 mai 1974, il est intervenu un arrêt,
une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé à
l'alinéa 60b) ou c) ou une modification y relative, prévoyant
le versement périodique d'une certaine somme, par le contri-
buable, à son conjoint, à son ancien conjoint ou aux enfants
du mariage confiés à la garde du conjoint ou ancien conjoint,
ou au profit de ce conjoint, de cet ancien conjoint ou de ces
enfants, cette somme est réputée avoir été payée au conjoint
ou à l'ancien conjoint et reçue par lui si le contribuable vivait
séparé du conjoint ou de l'ancien conjoint à la date de la
réception du versement et a continué à vivre séparé de lui
jusqu'à la fin de l'année où le paiement a été reçu.»
(2) Le présent article s'applique aux sommes payées après le
6 mai 1974.
Je reproduis également l'alinéa 56(1)b), tel qu'il
était libellé lors de l'entrée en vigueur de la nou-
velle Loi, et tel qu'il était à l'époque considérée
dans la présente action, ainsi que l'article 56.1 et
la disposition qui l'édicte:
Sous-section d
Autres sources de revenu
56. (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3, sont
à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition,
b) toute somme reçue dans l'année par le contribuable, en
vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus
par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à
titre de pension alimentaire ou autre allocation payable
périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire,
des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et
des enfants issus du mariage, si le bénéficiaire vivait séparé
en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un
accord écrit de séparation du conjoint ou de l'ex-conjoint
tenu de faire le paiement, à la date où le paiement a été reçu
et durant le reste de l'année;
28. (1) Ladite loi est en outre modifiée par l'insertion,
immédiatement après l'article 56, de l'article suivant:
«56.1 Quand, après le 6 mai 1974, il est intervenu un arrêt,
une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé à
l'alinéa 56(1)b) ou c) ou une modification y relative, pré-
voyant le versement périodique d'une certaine somme, par le
conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable, soit à ce der-
nier, soit au profit de ce dernier ou des enfants du mariage
confiés à la garde du contribuable, cette somme est réputée
avoir été payée au contribuable et reçue par lui s'il vivait
séparé du conjoint ou de l'ancien conjoint à la date du
versement de cette somme et ont continué à vivre séparé du
conjoint ou de l'ancien conjoint à la date de versement de
cette somme et ont continué à vivre séparés de lui jusqu'à la
fin de l'année où le montant a été payé.»
(2) Le présent article s'applique aux sommes payées après le
6 mai 1974.
Je m'empresse de faire remarquer que l'article
60.1 ne prévoit pas en toutes lettres une déduction.
Il s'oppose en cela à l'alinéa 60b), mais il fait
partie de la sous-section e: «Déductions lors du
calcul du revenu».
Les mêmes commentaires valent pour l'alinéa
56(1)b) et l'article 56.1. Ce dernier ne prévoit pas
expressément que les sommes seront incluses dans
le calcul du revenu du contribuable à qui ou au
profit de qui elles ont été payées, mais il fait partie
de la sous-section d: «Autres sources de revenu».
L'intention du législateur qui semble ressortir de
la lecture de l'ensemble de la Loi, y compris les
articles adoptés en 1975, est la suivante: la pension
alimentaire, les paiements d'entretien ou les allo
cations qui sont conformes à la Loi sont déduc-
tibles par le conjoint ou l'ex-conjoint payeur; d'au-
tre part, le bénéficiaire ou celui au profit de qui ils
sont effectués, est imposé sur lesdites sommes.
En l'espèce, quel est l'effet de l'article 60.1?
J'estime que cet article et l'article 56.1 sont mal
rédigés, mais il est de mon devoir de tenter de les
interpréter.
La Couronne soutient qu'en vertu de l'article
60.1, les conditions requises par le jugement
Pascoe pour qu'il y ait déductibilité, s'appliquent
également aux sommes payées à un conjoint ou
aux enfants ou à leur profit: les sommes doivent
être limitées et déterminées d'avance, mais alors
que le jugement ou l'accord peut autoriser leur
versement à des tiers au profit du conjoint, de
l'ex-conjoint ou des enfants, il faut que celui au
profit de qui elles sont versées en ait la libre
disposition; en d'autres termes, même si M. Bryce
a fait au profit de son ex-femme les paiements au
créancier hypothécaire et autres tiers que l'accord
de séparation prescrit, il faut, pour qu'il puisse les
déduire, que celle-ci ait eu toute liberté de décider
de leur affectation.
En bref, l'argument de la Couronne revient donc
à dire: «... l'arrêt, l'ordonnance, le jugement ou
l'accord écrit visé à l'alinéa 60(1)b) ...» qui est
intervenu après le 6 mai 1974 doit revêtir les
caractères indiqués dans Pascoe; l'allocation doit
porter sur des sommes limitées et déterminées à
l'avance, dont le bénéficiaire ou la personne au
profit de qui elles sont versées a la libre disposi
tion; le jugement ou l'accord doit aussi prévoir
qu'elles seront payées à des intervalles fixes. Selon
elle, l'article 60.1 a comme seul effet de rendre
l'allocation déductible si, au lieu d'être versée
directement au conjoint, à l'ex-conjoint ou aux
enfants, elle est payée à des tiers à leur profit.
Je n'interprète pas ainsi les articles adoptés en
1975. J'estime à la fois illogique et injustifié d'at-
tribuer à l'article 60.1 les restrictions de Pascoe.
A mon avis, l'arrêt, l'ordonnance, le jugement
ou l'accord écrit que mentionne l'article 60.1 sont
«... l'arrêt, l'ordonnance ou le jugement rendus
par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord
écrit . ..» des quatre premières lignes de l'alinéa
60b). La référence de l'article 60.1 à l'alinéa 60b)
s'arrête là. Il ne lui emprunte pas, comme la
Couronne le prétend, les termes «... à titre de
pension alimentaire ou autre allocation payable
périodiquement pour subvenir aux besoins du ...»;
sinon, pourquoi comporterait-il des termes aussi
précis que «prévoyant le versement périodique
d'une certaine somme ... à son ancien conjoint ...
ou au profit ... de cet ancien conjoint ....» [C'est
moi qui souligne.]
L'alinéa 60b) traite des sommes payées, à titre
de pension alimentaire ou autre allocation d'entre-
tien, au bénéficiaire, aux enfants issus du mariage
ou aux deux. Selon moi, l'article 60.1 traite des
montants stipulés dans un jugement de divorce,
une ordonnance, un jugement (rendus par un tri
bunal compétent) ou un accord écrit, et périodi-
quement versés au conjoint, à l'ex-conjoint ou aux
enfants issus du mariage ou à leur profit.
Il existe d'autres différences entre l'alinéa 60b)
et l'article 60.1. Dans le premier, les sommes
payées pour subvenir aux besoins des enfants issus
du mariage sont déductibles, même si ces enfants
ne sont pas confiés à la garde de l'ex-conjoint.
Dans le dernier, toute somme payée au profit des
enfants n'est réputée l'avoir été au conjoint ou à
l'ex-conjoint que si celui-ci en a la garde. Dans
l'alinéa 60b), le payeur doit vivre séparé de son
conjoint ou ex-conjoint en vertu d'un divorce,
d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de
séparation. L'article 60.1, lui, se contente de dire
que le payeur doit vivre séparé de son conjoint ou
de son ex-conjoint.
Si le législateur avait eu l'intention de placer
dans l'article 60.1 les restrictions que, selon la
Cour d'appel fédérale, il avait en tête lorsqu'il a
adopté l'alinéa 60b), il lui eût été facile de le dire
et, à mon avis, il l'aurait dit.
Je vais maintenant m'écarter légèrement du
sujet.
La Couronne prétend, en se fondant sur le juge-
ment Pascoe, que les paiements hypothécaires et
autres faits en l'espèce ne sont pas, aux termes de
l'accord de pension alimentaire entériné, «des
sommes limitées et déterminées à l'avance». Je
n'accepte pas cet argument. Les parties les ont
limitées et déterminées à l'avance sans difficulté.
Les mensualités versées pour l'hypothèque ont été
à tout moment déterminables à l'avance. A mon
avis, les mêmes commentaires valent pour le paie-
ment de l'impôt foncier, des taxes d'eau et d'égout
et de la télédistribution. Le contribuable défendeur
n'a pas réclamé la déduction des frais d'entretien
du duplex. Pour un raisonnement analogue, voir
Gagnon c. La Reine" et les motifs, dissidents sur
° [1981] 1 C.F. 249. Le juge Walsh a seulement traité des
alinéas 60b) et c). Apparemment, l'article 60.1 n'avait pas été
invoqué.
les faits, du juge Urie dans Le procureur général
du Canada c. Weavers.
Je passe maintenant à l'argument final de la
Couronne, à savoir: même si les paiements de
Bryce sont, aux termes de l'accord de pension
alimentaire entériné, des sommes limitées et déter-
minées d'avance, payables sur une base périodique,
elles ne sont pas, ainsi que le prévoit le jugement
Pascoe, assorties du droit pour Mme Bryce d'en
faire ce qu'elle veut.
Je n'accepte pas cette interprétation de l'article
60.1.
Je ne peux pas concevoir que le législateur ait
voulu que des sommes payées à des tiers au profit
du conjoint, de l'ex-conjoint ou des enfants issus
du mariage ne soient réputées payables à ces per-
sonnes que si le document spécifie qu'elles peuvent
à tout moment ordonner que les paiements soient
faits à d'autres personnes ou à elles-mêmes ou
pour des fins autres que celles stipulées dans le
document. Il serait, me semble-t-il, illogique de la
part du législateur d'une part de sanctionner un
accord de pension alimentaire stipulant que les
paiements au profit de la ou des personnes dont il
faut subvenir aux besoins seront faits à des tiers, et
d'autre part d'exiger que ledit accord donne au
bénéficiaire toute latitude pour leur affectation.
Pour tous ces motifs, je rejette l'action de la
demanderesse et je confirme le jugement du prési-
dent adjoint. Je confirme également sa décision de
renvoyer la cotisation au ministre du Revenu
national, l'obligeant à accorder au défendeur une
déduction de $1,256.20 sur son revenu pour son
année d'imposition 1975.
Je présume qu'en l'espèce le montant de l'impôt
en litige ne dépasse pas $2,500 et donc que le
paragraphe 178(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu et le jugement La Reine c. Creamer
[1977] 2 C.F. 195 s'appliquent. Si les avocats sont
d'accord, qu'ils veuillent bien en aviser le greffe et
j'insérerai dans le jugement les dispositions relati
ves aux dépens qui s'imposent.
5 [1976] 1 C.F. 423, aux pp. 433 à 435.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.