T-4707-80
Taiwan Footwear Manufacturers Association,
Universal Shoe Manufacturing Co. Ltd., Lee Yee
Enterprise Co. Ltd., Elite Enterprise Co. Ltd.,
Tailung Plastic Industrial Co. Ltd., Pou Chen
Corp., Chung Hoo Industrial Co. Ltd., Shuenn
Yng Industrial Co. Ltd., et Kai Tai Enterprise Co.
Ltd. (Requérantes)
c.
Le tribunal antidumping (Intimé)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 14 octobre 1980.
Brefs de prérogative — Certiorari — La Cour d'appel a
ordonné au Tribunal antidumping de communiquer à l'avocat
des appelantes tout renseignement confidentiel reçu par le
Tribunal et d'informer l'avocat de toute réunion à huis-clos du
Tribunal avec d'autres personnes — Le Tribunal a refusé au
conseiller économique des requérantes l'autorisation d'exami-
ner certains renseignements confidentiels, et a refusé de fournir
à l'avocat des requérantes un compte rendu des réunions
tenues dans le cadre de l'enquête — Requête en certiorari
tendant à l'annulation des ordonnances du Tribunal —
Requête rejetée — La Cour ne doit pas exercer son pouvoir
discrétionnaire de délivrer un bref de certiorari si le requérant
peut se prévaloir d'autres voies de recours — Une demande
d'ordonnance de justification présentée devant la Cour d'appel
conformément à la Règle 355(4), est la voie de recours appro-
priée — Règles 337(5), 355(4) de la Cour fédérale — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 Supp.), c. 10, art. 18.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Ian A. Blue pour les requérantes.
E. Sojonky pour l'intimé.
PROCUREURS:
Cassels, Brock, Toronto, pour les requérantes.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par ordonnance du 19
septembre 1980, [[1981] 1 C.F. 574] le juge
Mahoney a rejeté la requête datée du 4 septembre
1980 que les requérantes avaient introduite en vue
d'obtenir une ordonnance dont je résume ici les
principaux points:
1. communiquer à l'avocat des requérantes tout renseignement
confidentiel reçu par le Tribunal, sur engagement de l'avocat
des requérantes de préserver la confidentialité de ces
renseignements;
2. informer l'avocat des requérantes de toute réunion à huis-
clos du Tribunal avec d'autres personnes et lui permettre d'y
participer, sur engagement de sa part à respecter le caractère
confidentiel de ces réunions.
Sur appel devant la Cour d'appel contre la
décision du juge Mahoney, celle-ci a accueilli l'ap-
pel * et a ordonné au Tribunal antidumping:
1. de communiquer à l'avocat des appelantes tout renseigne-
ment confidentiel reçu par le Tribunal, à condition que l'avocat
des appelantes s'engage, d'une manière jugée satisfaisante par
le Tribunal, à préserver la confidentialité de ces renseigne-
ments;
2. d'informer l'avocat des appelantes de toute réunion à huis-
clos du Tribunal avec d'autres personnes et lui permettre d'y
participer (sous réserve d'un engagement semblable quant à la
confidentialité de ces réunions).
De nouveau, je me suis permis de résumer l'es-
sentiel de l'ordonnance.
Le Tribunal a refusé au conseiller économique
de l'avocat des requérantes l'autorisation d'exami-
ner certains renseignements confidentiels commu-
niqués à ce dernier. Le Tribunal a, en outre, refusé
de fournir à l'avocat des requérantes un compte
rendu des visites faites par ses membres aux usines
et aux installations de fabricants et d'importateurs,
dans le cadre de l'enquête menée par lui.
Les requérantes sollicitent en l'espèce une
ordonnance ayant le caractère d'un bref de certio-
rari et portant l'annulation des ordonnances anté-
rieurement rendues par le Tribunal, au motif prin-
cipalement que ces refus contreviennent à
l'ordonnance rendue le 26 septembre 1980 par la
Cour d'appel entre les mêmes parties.
Les requérantes allèguent en outre comme motif
que le fait d'avoir refusé au conseiller économique
de leur avocat l'autorisation d'examiner certains
renseignements confidentiels constitue une viola
tion des principes de justice naturelle et d'équité
procédurale.
Si l'on interprète restrictivement l'ordonnance
de la Cour d'appel, il s'ensuit que seul l'avocat des
requérantes peut être autorisé à examiner les ren-
seignements confidentiels fournis par le Tribunal
et, en ce qui concerne les réunions de ce dernier
* [Aucun motif écrit du jugement n'a été fourni—l'arrêtiste.l
avec d'autres personnes, que l'avocat des requéran-
tes ne jouit que du droit d'être avisé de la tenue de
ces réunions et d'y assister, et non du droit d'exiger
du Tribunal un compte rendu des réunions passées
ou actuelles.
Par contre, toute interprétation plus large de
cette ordonnance équivaut à une modification de
sa teneur. Par exemple, ce serait étendre la portée
de l'expression «avocat» s'il fallait y inclure les
consultants et les conseillers de l'avocat des requé-
rantes; de même, ce serait étendre la portée du
libellé de l'ordonnance s'il fallait y lire une obliga
tion de fournir un compte rendu des réunions.
A mon avis, si je lisais dans l'ordonnance de la
Cour des mots qui n'y sont pas, j'en modifierais la
teneur et cela, je ne peux le faire.
Ainsi que j'en ai soufflé mot au cours des plai-
doiries, s'il y a, dans l'ordonnance, des passages
ambigus exigeant une clarification ou si l'ordon-
nance, telle que prononcée, ne réflète pas exacte-
ment le jugement de la Cour, on peut chercher à la
faire modifier en présentant à la Cour d'appel une
requête demandant un nouvel examen des termes
du prononcé, conformément à la Règle 337(5).
Le Tribunal s'est sans doute fondé sur son inter-
prétation des termes de l'ordonnance de la Cour
d'appel pour refuser de communiquer au conseiller
économique de l'avocat les renseignements confi-
dentiels qu'il désirait examiner.
Si cette ordonnance reflète fidèlement le juge-
ment de la Cour d'appel (dans le cas contraire, le
remède prévu à la Règle 337(5) s'imposerait), je
ne peux conclure que les décisions du Tribunal,
prises en stricte conformité avec cette ordonnance,
sont contraires aux principes de justice naturelle et
d'équité procédurale, car cela reviendrait à décla-
rer que la Cour d'appel s'est trompée et qu'elle
n'aurait pas dû rendre une décision semblable. En
effet, je ne puis conclure en ce sens, car cela
signifierait en quelque sorte que je siège en appel
d'une décision de la Cour d'appel puisque le vérita-
ble sens à donner à l'ordonnance de la Cour d'ap-
pel constitue le pivot de la décision à prendre en
l'espèce.
En outre, toute cour peut prendre les mesures
nécessaires en vue d'assurer l'application de ses
ordonnances. Si l'avocat des requérantes est con-
vaincu que les décisions du Tribunal constituent
une violation flagrante de l'ordonnance de la Cour
d'appel, il serait alors en droit de demander la
signification à l'intimé d'une ordonnance de justifi
cation, conformément à la Règle 355(4). Or, je
Comprends pourquoi l'avocat hésite à recourir à ce
moyen car la Cour d'appel devrait alors, dans un
premier temps, préciser la portée de son ordon-
nance.
En vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, la Division
de première instance a compétence exclusive en
première instance pour émettte un bref de certio-
rari, et tout redressement de la nature de celui-ci,
contre tout tribunal fédéral.
Toutefois, un bref de certiorari constitue un bref
de prérogative (comme tout redressement de la
nature de celui-ci) et la délivrance d'un tel bref
relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Or,
selon une règle fondamentale en cette matière, la
Cour ne doit pas exercer sa discrétion si le requé-
rant peut se prévaloir d'autres voies de recours.
Pour ces motifs, j'estime, dans les circonstances
de l'espèce, ne pas avoir la compétence nécessaire
pour examiner cette affaire quant au fond, compte
tenu plus spécialement du fait que les requérantes
peuvent se prévaloir d'autres voies de recours
devant la Cour d'appel qui demeure, selon moi, la
seule capable de préciser les termes de sa propre
ordonnance et, le cas échéant, d'en corriger toute
ambiguïté. D'ailleurs, s'il n'existe aucune ambi-
guïté dans l'ordonnance de la Cour d'appel, je
serais certes très mal venu de conclure qu'elle
aurait dû employer d'autres termes et c'est exacte-
ment ce que je ferais si j'accordais aux requérantes
le redressement sollicité.
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