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A-224-80
Donald Wayne Wilson (Requérant) c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Le Dain et le juge suppléant MacKay—Toronto, 16 mai; Ottawa, 18 juin 1980.
Examen judiciaire Immigration Expulsion Demande tendant à la révision et à l'annulation d'une ordon- nance d'expulsion fondée sur la conclusion que le requérant faisait partie d'une catégorie de personnes non admissibles, conformément à l'al. 19(1)c) de la Loi sur l'immigration de 1976 Requérant déclaré coupable d'une infraction à l'étran- ger Infraction jugée équivalente à celle prévue par l'al. 320(1)c) du Code criminel et punissable d'une peine de dix ans d'emprisonnement Le requérant soutient que son infraction équivaut à celle prévue à l'al. 320(1)a) du Code Les infractions prévues aux al. 320(1)a) et c) sont-elles substan- tiellement différentes? Appel accueilli Loi sur l'immi- gration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 19(1)c), 27(2)a),d) Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, modifié par S.C. 1974- 75-76, c. 93, art. 31, 320(1)a),c) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande tendant à la révision et à l'annulation d'une ordon- nance d'expulsion. L'arbitre a ordonné l'expulsion du requérant parce que celui-ci tombait dans le champ d'application des alinéas 27(2)a) et d) de la Loi sur l'immigration de 1976, et se serait vu refuser l'autorisation de séjour du fait qu'il fait partie de la catégorie de personnes non admissibles prévue à l'alinéa 19(1)c). Le requérant avait été déclaré coupable d'infractions prévues au Code criminel et, aux États-Unis, de l'infraction d'émission d'un chèque sans provision contre le compte ban- caire de sa compagnie. L'arbitre a conclu que les dispositions correspondantes étaient celles de l'alinéa 320(1)c) du Code criminel, qui prévoit une infraction punissable d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement. Pour le requérant, ce sont plutôt celles de l'alinéa 320(1)a) du Code. Il s'agit de déterminer si les infractions décrites aux alinéas 320(1)a) et c) sont substantiellement différentes.
Arrêt: la demande fondée sur l'article 28 est accueillie. Les infractions décrites aux alinéas 320(1)a) et c) et les peines y afférentes sont substantiellement différentes. L'alinéa 320(1)a) fait état de faux semblant, lequel est défini comme une repré- sentation d'un fait présent ou passé, par des mots ou autrement. L'alinéa 320(1)c) mentionne une fausse déclaration par écrit. Si l'on peut dire qu'un chèque est une représentation par écrit, l'on ne saurait toutefois prétendre qu'il s'agit d'une déclaration par écrit au sens de l'alinéa 320(1)c). Cet alinéa vise une fausse déclaration par écrit faite en plus de l'émission d'un chèque sans provision et en vue d'obtenir l'acceptation de ce chèque. Comme c'est l'alinéa 320(1)a) qui décrit l'infraction pertinente et non l'alinéa 320(1)c), et comme l'alinéa 320(1)a) prévoit une peine maximale d'emprisonnement de deux ans plutôt que de dix ans, l'alinéa 19(1)c) n'est pas applicable. L'arbitre pouvait délivrer un avis d'interdiction de séjour ou une ordonnance
d'expulsion, conformément aux dispositions du paragraphe 32(6).
Distinction faite avec l'arrêt: R. c. Lyons [1939] 3 D.L.R.
625. Arrêt appliqué: R. c. Cohen (1912) 5 D.L.R. 437.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
S. I. Lovas pour le requérant. G. R. Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
S. I. Lovas, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 tendant à la révision et l'annulation d'une ordonnance d'expulsion rendue contre le requérant le 27 mars 1980. La partie pertinente de l'ordonnance est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] Par les présentes, j'ordonne votre expulsion parce que vous tombez dans le champ d'application des alinéas 27(2)a) et 27(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976. Vous êtes une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent, qui se verrait refuser l'autorisation de séjour du fait qu'elle fait partie de la catégorie de personnes non admissibles prévue à l'alinéa 19(1)c). Vous êtes une personne déclarée coupable d'une infraction commise à l'étranger, à savoir l'émission de chèques sans provision dans l'État de la Floride, aux États-Unis, infraction qui, si elle avait été commise au Canada, constituerait, aux termes de l'alinéa 320(1)c) du Code criminel, une escroquerie et serait punissable d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement.
Vous êtes une personne autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent qui, le 25 février 1980, dans la province de l'Ontario, a été déclarée coupable d'infraction au Code crimi- nel, à savoir la possession illicite de marchandises d'une valeur ne dépassant pas $200 et la conduite d'un véhicule en état de facultés affaiblies.
En ce qui concerne le motif tiré de l'alinéa 27(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77,
c. 52', j'estime que c'est à bon droit que l'arbitre, sur le fondement de la preuve produite devant lui, a conclu que cet alinéa s'applique au requérant puisque cette preuve établit clairement que, le 25 février 1980, ce dernier a été déclaré coupable de deux infractions au Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, modifié par S.C. 1974-75-76, c. 93, art. 31, soit (1) la possession illicite de marchandises dont la valeur ne dépassait pas $200 et (2) la conduite d'un véhicule avec facultés affaiblies.
Cependant, en ce qui concerne le motif tiré de l'alinéa 27(2)a) de la Loi 2 , j'en suis arrivé à une conclusion différente. Voici ce que l'arbitre a affirmé à ce sujet (pages 29 et 30 de la transcription):
[TRADUCTION] En ce qui concerne l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur l'immigration et, en particulier, l'allégation que vous tombez sous le régime de cet alinéa parce que vous êtes une personne décrite à l'alinéa 19(1)c) de la Loi, j'ai pris en considération les faits suivants: à l'enquête, vous avez déclaré avoir en 1978, tiré un chèque de $176 sur le compte bancaire de votre compagnie, L & B Carpet Laying Service.
m. WILSON: Et un certain nombre de cents. Je ne me rappelle pas bien. C'était environ 80 cents.
L'ARBITRE: Vous avez donné ce chèque à une autre partie, en paiement total ou partiel d'un tapis que vous avez reçu. Dans ces circonstances, je suis d'avis que la condamnation de 1978, pour émission de chèque sans provision, équivaut à une con- damnation en vertu de l'alinéa 320(1)c) du Code criminel, lequel prévoit que commet une infraction, quiconque sciemment fait ou fait faire, directement ou indirectement, une fausse déclaration par écrit avec l'intention qu'on y ajoute foi, en ce qui regarde sa situation financière ou ses moyens ou sa capacité de payer, ou la situation financière, les moyens ou la capacité de payer de toute personne, maison de commerce ou corpora
' L'alinéa 27(2)d) est ainsi rédigé:
27....
(2) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en possession de renseignements indiquant qu'une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent,
d) a été déclarée coupable d'une infraction en vertu du Code criminel ou d'une infraction qui peut être punissable par voie de mise en accusation en vertu d'une loi du Parlement autre que le Code criminel ou la présente loi,
2 L'alinéa 27(2)a) est ainsi conçu:
27....
(2) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en possession de renseignements indiquant qu'une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent,
a) pourrait se voir refuser l'autorisation de séjour du fait qu'elle fait partie d'une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c).
tion dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle il agit, en vue d'obtenir, sous quelque forme que ce soit, à son avantage ou pour le bénéfice de cette personne, maison ou corporation. Suit une liste de six sous-alinéas dont le deuxième se rapporte au paiement d'une somme d'argent. Comme vous avez émis ce chèque en contrepartie du tapis reçu, je suis d'avis que, si l'infraction avait été commise au Canada, l'alinéa précité serait applicable. En application de cet alinéa, le paragraphe 320(3) prévoit ainsi la peine à prononcer: Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de dix ans, quiconque commet une infraction visée par l'alinéa (1)b), c) ou d). Comme j'ai établi l'équivalence entre l'émission d'un chèque sans provision et l'escroquerie, et, plus particulièrement, comme j'ai invoqué les dispositions de l'alinéa 320(1)c), je conclus que vous êtes une personne déclarée coupable d'une infraction qui constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à l'étranger, une infraction qui peut être punissable par voie d'acte d'accusa- tion, en vertu du Code criminel, d'une peine maximale d'au moins dix ans d'emprisonnement.
Vous n'avez pas convaincu le gouverneur en conseil que vous vous êtes réhabilité et qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la date de l'expiration de la peine prononcée pour cette infraction.
En conséquence, je conclus que vous êtes une personne décrite à l'alinéa 19(1)c). En d'autres termes, par application de l'alinéa 27(2)a), vous pourriez vous voir refuser l'autorisation de séjour du fait que vous faites partie de la catégorie de personnes non admissibles visée à l'alinéa 19(1)c), puisque vous êtes une personne qui a été déclarée coupable d'une infraction commise à l'étranger qui constitue, une infraction qui peut être punissa- ble, en vertu d'une loi du Parlement, d'une peine maximale d'au moins dix ans d'emprisonnement.
Voici le libellé de l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur l'immigration de 1976, auquel l'arbitre s'est référé:
19. (1) Ne sont pas admissibles
c) les personnes qui ont été déclarées coupables d'une infrac tion qui constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à l'étranger, une infraction qui peut être punissable, en vertu d'une loi du Parlement, d'une peine maximale d'au moins dix ans d'emprisonnement, à l'exception de celles qui établissent à la satisfaction du gouverneur en conseil qu'elles se sont réhabilitées et que cinq ans au moins se sont écoulés depuis l'expiration de leur peine;
La condamnation de 1978, sur laquelle l'arbitre s'est fondé pour conclure que l'alinéa 19(1)c) était applicable au requérant, a été prononcée aux Etats-Unis pour émission d'un chèque sans provi sion d'un montant de $176.80, sur une compagnie connue sous la dénomination de L & B Carpet Laying Service et dont le requérant était l'un des deux propriétaires. De l'avis de l'arbitre, les dispo sitions correspondantes sont celles de l'alinéa
320(1)c) du Code criminel. Pour l'avocat du requérant, ce sont plutôt celles de l'alinéa 320(1)a) du Code. L'article 320 est ainsi rédigé:
320. (1) Commet une infraction, quiconque,
a) par un faux semblant, soit directement, soit par l'intermé- diaire d'un contrat obtenu par un faux semblant, obtient une chose à l'égard de laquelle l'infraction de vol peut être commise ou la fait livrer à une autre personne;
b) obtient du crédit par un faux semblant ou par fraude;
c) sciemment fait ou fait faire, directement ou indirectement, une fausse déclaration par écrit avec l'intention qu'on y ajoute foi, en ce qui regarde sa situation financière ou ses moyens ou sa capacité de payer, ou la situation financière, les moyens ou la capacité de payer de toute personne, maison de commerce ou corporation dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle il agit, en vue d'obtenir, sous quelque forme que ce soit, à son avantage ou pour le bénéfice de cette personne, maison ou corporation,
(i) la livraison de biens meubles ou personnels,
(ii) le paiement d'une somme d'argent,
(iii) l'octroi d'un prêt,
(iv) l'ouverture d'un crédit,
(y) l'escompte d'une valeur à recevoir, ou
(vi) la création, l'acceptation, l'escompte ou l'endossement
d'une lettre de change, d'un chèque, d'une traite ou d'un
billet à ordre; ou
d) sachant qu'une fausse déclaration par écrit a été faite concernant sa situation financière, ou ses moyens ou sa capacité de payer, ou la situation financière, les moyens ou la capacité de payer d'une autre personne, maison de commerce ou corporation dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle il agit, obtient sur la foi de cette déclaration, à son avantage ou pour le bénéfice de cette personne, maison ou corporation, une chose mentionnée aux sous-alinéas c)(i) à (vi).
(2) Quiconque commet une infraction visée par l'alinéa (1)a)
a) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprison- nement de dix ans, si le bien obtenu est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est obtenu dépasse deux cents dollars; ou
b) est coupable
(i) d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans, ou
(ii) d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité,
si la valeur de ce qui est obtenu ne dépasse pas deux cents dollars.
(3) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un empri- sonnement de dix ans, quiconque commet une infraction visée par l'alinéa (1)b), c) ou d).
(4) Lorsque, dans des procédures prévues par l'alinéa (1)a), il est démontré que le prévenu a obtenu une chose au moyen d'un chèque qui, sur présentation au paiement dans un délai raisonnable, a subi un refus de paiement pour le motif qu'il n'y avait pas de provision ou de provision suffisante en dépôt au crédit du prévenu à la banque ou autre institution sur laquelle le chèque a été tiré, il doit être présumé que la chose a été obtenue par un faux semblant, sauf si la preuve établit, à la
satisfaction de la cour, que lorsque le prévenu a émis le chèque il avait des motifs raisonnables de croire que ce chèque serait honoré lors de la présentation au paiement dans un délai raisonnable après son émission.
(5) Au présent article, «chèque» comprend, en plus du sens ordinaire qu'on prête à ce terme, une lettre de change tirée sur toute institution il est de pratique commerciale d'honorer les lettres de change de tout genre, tirées sur elle par ses déposants.
A mon avis, c'est à tort que l'arbitre a conclu à une équivalence avec l'alinéa 320(1)c). Ainsi que l'a soutenu l'avocat du requérant, c'est plutôt l'alinéa 320(1)a) qui est équivalent et il ressort du para- graphe 320(4) que les poursuites pour émission de chèques sans provision doivent être intentées en vertu dudit alinéa 320(1)a). En outre, l'examen des jugements rendus en matière criminelle montre qu'au cours des années, d'innombrables poursuites ont été engagées en vertu de l'alinéa 320(1)a) et des dispositions antérieures équivalentes pour émission de chèques sans provision. Par contre, je n'ai pu trouver aucune poursuite semblable fondée sur l'alinéa 320(1)c) et les dispositions antérieures équivalentes. A mon avis, il faut, pour trancher le présent litige, tenir compte de trois décisions signi- ficatives. La première a été rendue par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'affaire Rex c. Lyons 3 . Pour avoir demandé et reçu de l'assistance de l'État, l'intimé, dans cette espèce, était pour- suivi sous quatre chefs d'accusation différents. D'après le premier chef, il avait fait une fausse déclaration par écrit, en violation des dispositions de l'alinéa 407(2)a), devenu l'actuel alinéa 320(1)c). D'après le deuxième chef, il avait obtenu des marchandises par un faux semblant, en viola tion de l'article 405, devenu l'actuel alinéa 320(1)a). Les deux autres chefs d'accusation fai- saient état de vols de différentes quantités de fourrage et de foin et n'ont aucun intérêt en l'es- pèce. En ce qui concerne les deux chefs d'accusa- tion fondés sur l'alinéa 407(2)a) et l'article 405, le juge de première instance a demandé au jury de rendre un verdict d'acquittement. L'appel de la Couronne a été accueilli et un nouveau procès ordonné sur ces chefs d'accusation. Examinant la nature de l'infraction envisagée à l'alinéa 407(2)a), le juge en chef Turgeon s'est ainsi exprimé à la page 627:
3 [1939] 3 D.L.R. 625.
[TRADUCTION] Les termes de la loi sont très larges. Est visée toute fausse déclaration faite par écrit «dans le but de procurer, d'une manière quelconque ... la livraison de biens personnels, le paiement d'argent, l'obtention d'un prêt ou d'un crédit, etc.«
Dans cette espèce, la déclaration écrite était une déclaration réglementaire l'intimé avait fait des affirmations détaillées relativement à l'insuffisance de ses ressources matérielles et à son incapacité à s'assurer et à assurer à sa famille le nécessaire. Il est également intéressant de remarquer que l'arrêt Lyons (précité) est la première décision rapportée relative au paragraphe 407(2) du Code criminel.
Pour la solution du présent litige, il faut à mon avis examiner en deuxième lieu l'arrêt Rex c. Cohen 4 . Dans cette espèce, il a été décidé que, la Couronne ne peut, vers la fin du procès, modifier une accusation d'infraction portée en vertu de l'article 405 du Code (cet article est devenu le présent alinéa 320(1)a)) pour obtention de somme d'argent par un faux semblant, suivie d'une mise en accusation prononcée par le jury d'accusation, en une accusation d'avoir obtenu du crédit par un faux semblant, fondée sur l'article 405A (l'actuel alinéa 320(1)b)), puisque les deux infractions ne sont pas substantiellement de même nature.
Bien que l'arrêt Cohen (précité) examine si les infractions prévues par les dispositions qui sont devenues les alinéas 320(1)a) et b) sont substan- tiellement différentes, alors qu'il s'agit en l'espèce de déterminer si les infractions décrites aux alinéas 320(1)a) et c) sont substantiellement différentes, le raisonnement adopté par les juges qui ont rendu les motifs du jugement précité est, à mon avis, instructif. Dans son analyse des deux infractions, le juge d'appel Maclaren affirme ce qui suit à la page 442:
[TRADUCTION] Même s'ils traitent tous deux de faux sem- blant, les art. 405 et 405A sont différents. Le premier se rapporte exclusivement à l'obtention de somme d'argent, de biens meubles, etc., de choses «qui [peuvent] faire l'objet d'un vol«, et le second exclusivement au crédit; dans le premier cas, la peine peut être de trois ans d'emprisonnement; dans le second, elle est d'au maximum un an; le premier est une adaptation de l'art. 86 de l'English Larceny Act, le second dérive de l'art. 13 de l'English Debtors Act de 1869 (32 & 33 Vict. chap. 62).
Si la modification avait été simplement la substitution d'un autre bien susceptible d'être volé, tel que la substitution de
4 (1912) 5 D.L.R. 437—Cour d'appel de l'Ontario.
billets à ordre ou d'autres valeurs mobilières, aux «cinq mille dollars», la transaction restant la même que celle révélée au cours de l'examen préliminaire, j'aurais estimé que, pour reprendre les termes du juge Wurtele, la modification pouvait être admise.
Le juge d'appel Meredith s'exprime ainsi à la page 443:
[TRADUCTION] En l'espèce, le problème est cependant tout à fait différent. Il s'agit de savoir si la loi permet de changer une accusation d'obtention de somme d'argent en une accusation d'obtention de crédit par de faux semblant et, à mon avis, il faut pour résoudre ce problème déterminer si les deux accusa tions se rapportent à une infraction du même genre. Si l'accusa- tion est relative à l'obtention d'une chose susceptible d'être volée au sens de l'art. 405 du Code criminel, on pourrait sans doute la changer en accusation relative à l'obtention d'une autre chose de même nature; bien entendu, ce serait autre chose d'établir s'il est opportun de faire un tel changement. Mais même s'il est très large, ce pouvoir de modification ne peut permettre de modifier une infraction d'une certaine nature en infraction d'une autre nature ....
Quant au juge d'appel Magee, il déclare à la page 445:
[TRADUCTION] Il s'agit d'une modification de fond telle que l'infraction faisant l'objet de l'accusation a été considérée, dans l'arrêt Regina c. Boyd, comme non punissable par voie de l'accusation que le jury d'accusation a retenue. En conséquence, le jury n'a pas autorisé une accusation semblable. C'est une infraction qui est prévue par des dispositions subséquentes de la loi et qui n'est pas punie de la même peine.
Appliquant la jurisprudence précitée à la présente espèce, j'ai conclu que, tout comme pour les ali- néas 320(1)a) et b), les infractions décrites dans les alinéas 320(1)a) et c) sont substantiellement différentes. Il en est de même des peines. L'alinéa 320(1)a) prévoit, comme peine maximum, un emprisonnement de deux ans (lorsque, comme en l'espèce, la valeur obtenue ne dépasse pas deux cents dollars ($200)). L'alinéa 320(1)c) prévoit comme peine maximale un emprisonnement de dix ans. Comme je l'ai dit plus haut, j'ai pu seulement trouver, comme accusations faites conformément à l'alinéa 320(1)c) ou aux dispositions qui l'ont pré- cédé, des cas de déclarations longues et détaillées par écrit, portant sur des questions financières relatives à l'obtention d'assistance gouvernemen- tale ou de prêts bancaires'.
5 Voir: Rex c. Cohen (1916) 25 D.L.R. 510.
L'alinéa 320(1)a) fait état de faux semblant. Le paragraphe 319(1) définit celui-ci comme «... une représentation d'un fait présent ou passé, par des mots ou autrement ...». L'alinéa 320(1)c) men- tionne «... une fausse déclaration par écrit ...».
Dans certaines circonstances, on peut définir un chèque sans provision suffisante comme une repré- sentation du fait que le tireur du chèque a une provision suffisante en dépôt à son crédit à la banque sur laquelle le chèque a été tiré pour permettre à la banque de verser au bénéficiaire le montant inscrit sur le chèque. A mon avis, si l'on peut dire qu'un tel chèque est une représentation par écrit, l'on ne saurait toutefois prétendre qu'il s'agit d'une déclaration par écrit au sens de l'ali- néa 320(1)c). Je m'exprime ainsi parce que, si l'on isole les passages de l'alinéa 320(1)c) qui sont applicables en l'espèce, cet alinéa deviendrait: «... une fausse déclaration par écrit ... en ce qui regarde ... la capacité de payer ... de toute ... corporation dans laquelle il est intéressé ... en vue d'obtenir ... à son avantage ... (vi) ... l'accepta- tion ... d'un chèque ... ;». Lu de cette manière, il est évident que l'alinéa 320(1)c) vise une fausse déclaration par écrit faite en plus de l'émission d'un chèque sans provision et en vue d'obtenir l'acceptation de ce chèque.
En conséquence, comme c'est l'alinéa 320(1)a) qui décrit l'infraction pertinente et non l'alinéa 320(1)c), et comme dans les circonstances de l'es- pèce, l'alinéa 320(1)a) prévoit une peine maximale d'emprisonnement de deux ans plutôt que de dix ans, l'alinéa 19(1)c) n'est pas applicable et c'est à tort que l'arbitre a conclu qu'il y avait lieu de l'appliquer. A partir de cette conclusion, l'arbitre a décidé que, conformément au paragraphe 32(6), il n'était pas habilité à délivrer un avis d'interdiction de séjour 6 . Lorsqu'il a été décidé que l'alinéa
6 Le paragraphe 32(6) de la Loi sur l'immigration de 1976 est ainsi rédigé:
32. ...
(6) L'arbitre, après avoir conclu que la personne faisant l'objet d'une enquête est visée par le paragraphe 27(2), doit, sous réserve des paragraphes 45(1) et 47(3), en prononcer l'expulsion; cependant, dans le cas d'une personne non visée aux alinéas 19(1)c), d), e), J) ou g) ou 27(2)c), h) ou i), l'arbitre doit émettre un avis d'interdiction de séjour fixant à ladite personne un délai pour quitter le Canada, s'il est convaincu
a) qu'une ordonnance d'expulsion ne devrait pas être rendue eu égard aux circonstances de l'espèce; et
b) que ladite personne quittera le Canada dans le délai imparti.
19(1)c) n'est pas applicable en l'espèce, l'arbitre peut délivrer un avis d'interdiction de séjour ou une ordonnance d'expulsion, conformément aux dispositions du paragraphe 32(6) (précité). En conséquence, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais l'ordonnance d'expulsion et je renverrais l'affaire devant l'arbitre pour qu'il statue à nouveau, conformément aux dispositions du paragraphe 32(6) (précité) sur le point de savoir s'il y a lieu de délivrer une ordonnance d'expulsion ou un avis d'interdiction de séjour.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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