A-224-80
Donald Wayne Wilson (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Le Dain et le juge
suppléant MacKay—Toronto, 16 mai; Ottawa, 18
juin 1980.
Examen judiciaire — Immigration — Expulsion —
Demande tendant à la révision et à l'annulation d'une ordon-
nance d'expulsion fondée sur la conclusion que le requérant
faisait partie d'une catégorie de personnes non admissibles,
conformément à l'al. 19(1)c) de la Loi sur l'immigration de
1976 — Requérant déclaré coupable d'une infraction à l'étran-
ger — Infraction jugée équivalente à celle prévue par l'al.
320(1)c) du Code criminel et punissable d'une peine de dix ans
d'emprisonnement — Le requérant soutient que son infraction
équivaut à celle prévue à l'al. 320(1)a) du Code — Les
infractions prévues aux al. 320(1)a) et c) sont-elles substan-
tiellement différentes? — Appel accueilli — Loi sur l'immi-
gration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 19(1)c), 27(2)a),d) —
Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, modifié par S.C. 1974-
75-76, c. 93, art. 31, 320(1)a),c) — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande tendant à la révision et à l'annulation d'une ordon-
nance d'expulsion. L'arbitre a ordonné l'expulsion du requérant
parce que celui-ci tombait dans le champ d'application des
alinéas 27(2)a) et d) de la Loi sur l'immigration de 1976, et se
serait vu refuser l'autorisation de séjour du fait qu'il fait partie
de la catégorie de personnes non admissibles prévue à l'alinéa
19(1)c). Le requérant avait été déclaré coupable d'infractions
prévues au Code criminel et, aux États-Unis, de l'infraction
d'émission d'un chèque sans provision contre le compte ban-
caire de sa compagnie. L'arbitre a conclu que les dispositions
correspondantes étaient celles de l'alinéa 320(1)c) du Code
criminel, qui prévoit une infraction punissable d'une peine
maximale de dix ans d'emprisonnement. Pour le requérant, ce
sont plutôt celles de l'alinéa 320(1)a) du Code. Il s'agit de
déterminer si les infractions décrites aux alinéas 320(1)a) et c)
sont substantiellement différentes.
Arrêt: la demande fondée sur l'article 28 est accueillie. Les
infractions décrites aux alinéas 320(1)a) et c) et les peines y
afférentes sont substantiellement différentes. L'alinéa 320(1)a)
fait état de faux semblant, lequel est défini comme une repré-
sentation d'un fait présent ou passé, par des mots ou autrement.
L'alinéa 320(1)c) mentionne une fausse déclaration par écrit.
Si l'on peut dire qu'un chèque est une représentation par écrit,
l'on ne saurait toutefois prétendre qu'il s'agit d'une déclaration
par écrit au sens de l'alinéa 320(1)c). Cet alinéa vise une fausse
déclaration par écrit faite en plus de l'émission d'un chèque
sans provision et en vue d'obtenir l'acceptation de ce chèque.
Comme c'est l'alinéa 320(1)a) qui décrit l'infraction pertinente
et non l'alinéa 320(1)c), et comme l'alinéa 320(1)a) prévoit une
peine maximale d'emprisonnement de deux ans plutôt que de
dix ans, l'alinéa 19(1)c) n'est pas applicable. L'arbitre pouvait
délivrer un avis d'interdiction de séjour ou une ordonnance
d'expulsion, conformément aux dispositions du paragraphe
32(6).
Distinction faite avec l'arrêt: R. c. Lyons [1939] 3 D.L.R.
625. Arrêt appliqué: R. c. Cohen (1912) 5 D.L.R. 437.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
S. I. Lovas pour le requérant.
G. R. Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
S. I. Lovas, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande fondée
sur l'article 28 tendant à la révision et l'annulation
d'une ordonnance d'expulsion rendue contre le
requérant le 27 mars 1980. La partie pertinente de
l'ordonnance est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] Par les présentes, j'ordonne votre expulsion
parce que vous tombez dans le champ d'application des alinéas
27(2)a) et 27(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976. Vous
êtes une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen
canadien ou un résident permanent, qui se verrait refuser
l'autorisation de séjour du fait qu'elle fait partie de la catégorie
de personnes non admissibles prévue à l'alinéa 19(1)c). Vous
êtes une personne déclarée coupable d'une infraction commise à
l'étranger, à savoir l'émission de chèques sans provision dans
l'État de la Floride, aux États-Unis, infraction qui, si elle avait
été commise au Canada, constituerait, aux termes de l'alinéa
320(1)c) du Code criminel, une escroquerie et serait punissable
d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement.
Vous êtes une personne autre qu'un citoyen canadien ou un
résident permanent qui, le 25 février 1980, dans la province de
l'Ontario, a été déclarée coupable d'infraction au Code crimi-
nel, à savoir la possession illicite de marchandises d'une valeur
ne dépassant pas $200 et la conduite d'un véhicule en état de
facultés affaiblies.
En ce qui concerne le motif tiré de l'alinéa 27(2)d)
de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77,
c. 52', j'estime que c'est à bon droit que l'arbitre,
sur le fondement de la preuve produite devant lui,
a conclu que cet alinéa s'applique au requérant
puisque cette preuve établit clairement que, le 25
février 1980, ce dernier a été déclaré coupable de
deux infractions au Code criminel, S.R.C. 1970, c.
C-34, modifié par S.C. 1974-75-76, c. 93, art. 31,
soit (1) la possession illicite de marchandises dont
la valeur ne dépassait pas $200 et (2) la conduite
d'un véhicule avec facultés affaiblies.
Cependant, en ce qui concerne le motif tiré de
l'alinéa 27(2)a) de la Loi 2 , j'en suis arrivé à une
conclusion différente. Voici ce que l'arbitre a
affirmé à ce sujet (pages 29 et 30 de la
transcription):
[TRADUCTION] En ce qui concerne l'alinéa 27(2)a) de la Loi
sur l'immigration et, en particulier, l'allégation que vous
tombez sous le régime de cet alinéa parce que vous êtes une
personne décrite à l'alinéa 19(1)c) de la Loi, j'ai pris en
considération les faits suivants: à l'enquête, vous avez déclaré
avoir en 1978, tiré un chèque de $176 sur le compte bancaire de
votre compagnie, L & B Carpet Laying Service.
m. WILSON: Et un certain nombre de cents. Je ne me rappelle
pas bien. C'était environ 80 cents.
L'ARBITRE: Vous avez donné ce chèque à une autre partie, en
paiement total ou partiel d'un tapis que vous avez reçu. Dans
ces circonstances, je suis d'avis que la condamnation de 1978,
pour émission de chèque sans provision, équivaut à une con-
damnation en vertu de l'alinéa 320(1)c) du Code criminel,
lequel prévoit que commet une infraction, quiconque sciemment
fait ou fait faire, directement ou indirectement, une fausse
déclaration par écrit avec l'intention qu'on y ajoute foi, en ce
qui regarde sa situation financière ou ses moyens ou sa capacité
de payer, ou la situation financière, les moyens ou la capacité
de payer de toute personne, maison de commerce ou corpora
' L'alinéa 27(2)d) est ainsi rédigé:
27....
(2) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en
possession de renseignements indiquant qu'une personne se
trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un
résident permanent,
d) a été déclarée coupable d'une infraction en vertu du
Code criminel ou d'une infraction qui peut être punissable
par voie de mise en accusation en vertu d'une loi du
Parlement autre que le Code criminel ou la présente loi,
2 L'alinéa 27(2)a) est ainsi conçu:
27....
(2) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en
possession de renseignements indiquant qu'une personne se
trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un
résident permanent,
a) pourrait se voir refuser l'autorisation de séjour du fait
qu'elle fait partie d'une catégorie non admissible, autre
que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c).
tion dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle il agit, en vue
d'obtenir, sous quelque forme que ce soit, à son avantage ou
pour le bénéfice de cette personne, maison ou corporation. Suit
une liste de six sous-alinéas dont le deuxième se rapporte au
paiement d'une somme d'argent. Comme vous avez émis ce
chèque en contrepartie du tapis reçu, je suis d'avis que, si
l'infraction avait été commise au Canada, l'alinéa précité serait
applicable. En application de cet alinéa, le paragraphe 320(3)
prévoit ainsi la peine à prononcer: Est coupable d'un acte
criminel et passible d'un emprisonnement de dix ans, quiconque
commet une infraction visée par l'alinéa (1)b), c) ou d).
Comme j'ai établi l'équivalence entre l'émission d'un chèque
sans provision et l'escroquerie, et, plus particulièrement, comme
j'ai invoqué les dispositions de l'alinéa 320(1)c), je conclus que
vous êtes une personne déclarée coupable d'une infraction qui
constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à l'étranger,
une infraction qui peut être punissable par voie d'acte d'accusa-
tion, en vertu du Code criminel, d'une peine maximale d'au
moins dix ans d'emprisonnement.
Vous n'avez pas convaincu le gouverneur en conseil que vous
vous êtes réhabilité et qu'au moins cinq ans se sont écoulés
depuis la date de l'expiration de la peine prononcée pour cette
infraction.
En conséquence, je conclus que vous êtes une personne décrite à
l'alinéa 19(1)c). En d'autres termes, par application de l'alinéa
27(2)a), vous pourriez vous voir refuser l'autorisation de séjour
du fait que vous faites partie de la catégorie de personnes non
admissibles visée à l'alinéa 19(1)c), puisque vous êtes une
personne qui a été déclarée coupable d'une infraction commise
à l'étranger qui constitue, une infraction qui peut être punissa-
ble, en vertu d'une loi du Parlement, d'une peine maximale d'au
moins dix ans d'emprisonnement.
Voici le libellé de l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur
l'immigration de 1976, auquel l'arbitre s'est
référé:
19. (1) Ne sont pas admissibles
c) les personnes qui ont été déclarées coupables d'une infrac
tion qui constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à
l'étranger, une infraction qui peut être punissable, en vertu
d'une loi du Parlement, d'une peine maximale d'au moins dix
ans d'emprisonnement, à l'exception de celles qui établissent
à la satisfaction du gouverneur en conseil qu'elles se sont
réhabilitées et que cinq ans au moins se sont écoulés depuis
l'expiration de leur peine;
La condamnation de 1978, sur laquelle l'arbitre
s'est fondé pour conclure que l'alinéa 19(1)c) était
applicable au requérant, a été prononcée aux
Etats-Unis pour émission d'un chèque sans provi
sion d'un montant de $176.80, sur une compagnie
connue sous la dénomination de L & B Carpet
Laying Service et dont le requérant était l'un des
deux propriétaires. De l'avis de l'arbitre, les dispo
sitions correspondantes sont celles de l'alinéa
320(1)c) du Code criminel. Pour l'avocat du
requérant, ce sont plutôt celles de l'alinéa 320(1)a)
du Code. L'article 320 est ainsi rédigé:
320. (1) Commet une infraction, quiconque,
a) par un faux semblant, soit directement, soit par l'intermé-
diaire d'un contrat obtenu par un faux semblant, obtient une
chose à l'égard de laquelle l'infraction de vol peut être
commise ou la fait livrer à une autre personne;
b) obtient du crédit par un faux semblant ou par fraude;
c) sciemment fait ou fait faire, directement ou indirectement,
une fausse déclaration par écrit avec l'intention qu'on y
ajoute foi, en ce qui regarde sa situation financière ou ses
moyens ou sa capacité de payer, ou la situation financière, les
moyens ou la capacité de payer de toute personne, maison de
commerce ou corporation dans laquelle il est intéressé ou
pour laquelle il agit, en vue d'obtenir, sous quelque forme que
ce soit, à son avantage ou pour le bénéfice de cette personne,
maison ou corporation,
(i) la livraison de biens meubles ou personnels,
(ii) le paiement d'une somme d'argent,
(iii) l'octroi d'un prêt,
(iv) l'ouverture d'un crédit,
(y) l'escompte d'une valeur à recevoir, ou
(vi) la création, l'acceptation, l'escompte ou l'endossement
d'une lettre de change, d'un chèque, d'une traite ou d'un
billet à ordre; ou
d) sachant qu'une fausse déclaration par écrit a été faite
concernant sa situation financière, ou ses moyens ou sa
capacité de payer, ou la situation financière, les moyens ou la
capacité de payer d'une autre personne, maison de commerce
ou corporation dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle
il agit, obtient sur la foi de cette déclaration, à son avantage
ou pour le bénéfice de cette personne, maison ou corporation,
une chose mentionnée aux sous-alinéas c)(i) à (vi).
(2) Quiconque commet une infraction visée par l'alinéa (1)a)
a) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprison-
nement de dix ans, si le bien obtenu est un titre testamentaire
ou si la valeur de ce qui est obtenu dépasse deux cents
dollars; ou
b) est coupable
(i) d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de
deux ans, ou
(ii) d'une infraction punissable sur déclaration sommaire
de culpabilité,
si la valeur de ce qui est obtenu ne dépasse pas deux cents
dollars.
(3) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un empri-
sonnement de dix ans, quiconque commet une infraction visée
par l'alinéa (1)b), c) ou d).
(4) Lorsque, dans des procédures prévues par l'alinéa (1)a),
il est démontré que le prévenu a obtenu une chose au moyen
d'un chèque qui, sur présentation au paiement dans un délai
raisonnable, a subi un refus de paiement pour le motif qu'il n'y
avait pas de provision ou de provision suffisante en dépôt au
crédit du prévenu à la banque ou autre institution sur laquelle
le chèque a été tiré, il doit être présumé que la chose a été
obtenue par un faux semblant, sauf si la preuve établit, à la
satisfaction de la cour, que lorsque le prévenu a émis le chèque
il avait des motifs raisonnables de croire que ce chèque serait
honoré lors de la présentation au paiement dans un délai
raisonnable après son émission.
(5) Au présent article, «chèque» comprend, en plus du sens
ordinaire qu'on prête à ce terme, une lettre de change tirée sur
toute institution où il est de pratique commerciale d'honorer les
lettres de change de tout genre, tirées sur elle par ses déposants.
A mon avis, c'est à tort que l'arbitre a conclu à une
équivalence avec l'alinéa 320(1)c). Ainsi que l'a
soutenu l'avocat du requérant, c'est plutôt l'alinéa
320(1)a) qui est équivalent et il ressort du para-
graphe 320(4) que les poursuites pour émission de
chèques sans provision doivent être intentées en
vertu dudit alinéa 320(1)a). En outre, l'examen
des jugements rendus en matière criminelle montre
qu'au cours des années, d'innombrables poursuites
ont été engagées en vertu de l'alinéa 320(1)a) et
des dispositions antérieures équivalentes pour
émission de chèques sans provision. Par contre, je
n'ai pu trouver aucune poursuite semblable fondée
sur l'alinéa 320(1)c) et les dispositions antérieures
équivalentes. A mon avis, il faut, pour trancher le
présent litige, tenir compte de trois décisions signi-
ficatives. La première a été rendue par la Cour
d'appel de la Saskatchewan dans l'affaire Rex c.
Lyons 3 . Pour avoir demandé et reçu de l'assistance
de l'État, l'intimé, dans cette espèce, était pour-
suivi sous quatre chefs d'accusation différents.
D'après le premier chef, il avait fait une fausse
déclaration par écrit, en violation des dispositions
de l'alinéa 407(2)a), devenu l'actuel alinéa
320(1)c). D'après le deuxième chef, il avait obtenu
des marchandises par un faux semblant, en viola
tion de l'article 405, devenu l'actuel alinéa
320(1)a). Les deux autres chefs d'accusation fai-
saient état de vols de différentes quantités de
fourrage et de foin et n'ont aucun intérêt en l'es-
pèce. En ce qui concerne les deux chefs d'accusa-
tion fondés sur l'alinéa 407(2)a) et l'article 405, le
juge de première instance a demandé au jury de
rendre un verdict d'acquittement. L'appel de la
Couronne a été accueilli et un nouveau procès
ordonné sur ces chefs d'accusation. Examinant la
nature de l'infraction envisagée à l'alinéa
407(2)a), le juge en chef Turgeon s'est ainsi
exprimé à la page 627:
3 [1939] 3 D.L.R. 625.
[TRADUCTION] Les termes de la loi sont très larges. Est visée
toute fausse déclaration faite par écrit «dans le but de procurer,
d'une manière quelconque ... la livraison de biens personnels,
le paiement d'argent, l'obtention d'un prêt ou d'un crédit, etc.«
Dans cette espèce, la déclaration écrite était une
déclaration réglementaire où l'intimé avait fait des
affirmations détaillées relativement à l'insuffisance
de ses ressources matérielles et à son incapacité à
s'assurer et à assurer à sa famille le nécessaire. Il
est également intéressant de remarquer que l'arrêt
Lyons (précité) est la première décision rapportée
relative au paragraphe 407(2) du Code criminel.
Pour la solution du présent litige, il faut à mon
avis examiner en deuxième lieu l'arrêt Rex c.
Cohen 4 . Dans cette espèce, il a été décidé que, la
Couronne ne peut, vers la fin du procès, modifier
une accusation d'infraction portée en vertu de
l'article 405 du Code (cet article est devenu le
présent alinéa 320(1)a)) pour obtention de somme
d'argent par un faux semblant, suivie d'une mise
en accusation prononcée par le jury d'accusation,
en une accusation d'avoir obtenu du crédit par un
faux semblant, fondée sur l'article 405A (l'actuel
alinéa 320(1)b)), puisque les deux infractions ne
sont pas substantiellement de même nature.
Bien que l'arrêt Cohen (précité) examine si les
infractions prévues par les dispositions qui sont
devenues les alinéas 320(1)a) et b) sont substan-
tiellement différentes, alors qu'il s'agit en l'espèce
de déterminer si les infractions décrites aux alinéas
320(1)a) et c) sont substantiellement différentes,
le raisonnement adopté par les juges qui ont rendu
les motifs du jugement précité est, à mon avis,
instructif. Dans son analyse des deux infractions,
le juge d'appel Maclaren affirme ce qui suit à la
page 442:
[TRADUCTION] Même s'ils traitent tous deux de faux sem-
blant, les art. 405 et 405A sont différents. Le premier se
rapporte exclusivement à l'obtention de somme d'argent, de
biens meubles, etc., de choses «qui [peuvent] faire l'objet d'un
vol«, et le second exclusivement au crédit; dans le premier cas,
la peine peut être de trois ans d'emprisonnement; dans le
second, elle est d'au maximum un an; le premier est une
adaptation de l'art. 86 de l'English Larceny Act, le second
dérive de l'art. 13 de l'English Debtors Act de 1869 (32 & 33
Vict. chap. 62).
Si la modification avait été simplement la substitution d'un
autre bien susceptible d'être volé, tel que la substitution de
4 (1912) 5 D.L.R. 437—Cour d'appel de l'Ontario.
billets à ordre ou d'autres valeurs mobilières, aux «cinq mille
dollars», la transaction restant la même que celle révélée au
cours de l'examen préliminaire, j'aurais estimé que, pour
reprendre les termes du juge Wurtele, la modification pouvait
être admise.
Le juge d'appel Meredith s'exprime ainsi à la page
443:
[TRADUCTION] En l'espèce, le problème est cependant tout à
fait différent. Il s'agit de savoir si la loi permet de changer une
accusation d'obtention de somme d'argent en une accusation
d'obtention de crédit par de faux semblant et, à mon avis, il
faut pour résoudre ce problème déterminer si les deux accusa
tions se rapportent à une infraction du même genre. Si l'accusa-
tion est relative à l'obtention d'une chose susceptible d'être
volée au sens de l'art. 405 du Code criminel, on pourrait sans
doute la changer en accusation relative à l'obtention d'une
autre chose de même nature; bien entendu, ce serait autre chose
d'établir s'il est opportun de faire un tel changement. Mais
même s'il est très large, ce pouvoir de modification ne peut
permettre de modifier une infraction d'une certaine nature en
infraction d'une autre nature ....
Quant au juge d'appel Magee, il déclare à la page
445:
[TRADUCTION] Il s'agit d'une modification de fond telle que
l'infraction faisant l'objet de l'accusation a été considérée, dans
l'arrêt Regina c. Boyd, comme non punissable par voie de
l'accusation que le jury d'accusation a retenue. En conséquence,
le jury n'a pas autorisé une accusation semblable. C'est une
infraction qui est prévue par des dispositions subséquentes de la
loi et qui n'est pas punie de la même peine.
Appliquant la jurisprudence précitée à la présente
espèce, j'ai conclu que, tout comme pour les ali-
néas 320(1)a) et b), les infractions décrites dans
les alinéas 320(1)a) et c) sont substantiellement
différentes. Il en est de même des peines. L'alinéa
320(1)a) prévoit, comme peine maximum, un
emprisonnement de deux ans (lorsque, comme en
l'espèce, la valeur obtenue ne dépasse pas deux
cents dollars ($200)). L'alinéa 320(1)c) prévoit
comme peine maximale un emprisonnement de dix
ans. Comme je l'ai dit plus haut, j'ai pu seulement
trouver, comme accusations faites conformément à
l'alinéa 320(1)c) ou aux dispositions qui l'ont pré-
cédé, des cas de déclarations longues et détaillées
par écrit, portant sur des questions financières
relatives à l'obtention d'assistance gouvernemen-
tale ou de prêts bancaires'.
5 Voir: Rex c. Cohen (1916) 25 D.L.R. 510.
L'alinéa 320(1)a) fait état de faux semblant. Le
paragraphe 319(1) définit celui-ci comme «... une
représentation d'un fait présent ou passé, par des
mots ou autrement ...». L'alinéa 320(1)c) men-
tionne «... une fausse déclaration par écrit ...».
Dans certaines circonstances, on peut définir un
chèque sans provision suffisante comme une repré-
sentation du fait que le tireur du chèque a une
provision suffisante en dépôt à son crédit à la
banque sur laquelle le chèque a été tiré pour
permettre à la banque de verser au bénéficiaire le
montant inscrit sur le chèque. A mon avis, si l'on
peut dire qu'un tel chèque est une représentation
par écrit, l'on ne saurait toutefois prétendre qu'il
s'agit d'une déclaration par écrit au sens de l'ali-
néa 320(1)c). Je m'exprime ainsi parce que, si l'on
isole les passages de l'alinéa 320(1)c) qui sont
applicables en l'espèce, cet alinéa deviendrait: «...
une fausse déclaration par écrit ... en ce qui
regarde ... la capacité de payer ... de toute ...
corporation dans laquelle il est intéressé ... en vue
d'obtenir ... à son avantage ... (vi) ... l'accepta-
tion ... d'un chèque ... ;». Lu de cette manière, il
est évident que l'alinéa 320(1)c) vise une fausse
déclaration par écrit faite en plus de l'émission
d'un chèque sans provision et en vue d'obtenir
l'acceptation de ce chèque.
En conséquence, comme c'est l'alinéa 320(1)a)
qui décrit l'infraction pertinente et non l'alinéa
320(1)c), et comme dans les circonstances de l'es-
pèce, l'alinéa 320(1)a) prévoit une peine maximale
d'emprisonnement de deux ans plutôt que de dix
ans, l'alinéa 19(1)c) n'est pas applicable et c'est à
tort que l'arbitre a conclu qu'il y avait lieu de
l'appliquer. A partir de cette conclusion, l'arbitre a
décidé que, conformément au paragraphe 32(6), il
n'était pas habilité à délivrer un avis d'interdiction
de séjour 6 . Lorsqu'il a été décidé que l'alinéa
6 Le paragraphe 32(6) de la Loi sur l'immigration de 1976
est ainsi rédigé:
32. ...
(6) L'arbitre, après avoir conclu que la personne faisant
l'objet d'une enquête est visée par le paragraphe 27(2), doit,
sous réserve des paragraphes 45(1) et 47(3), en prononcer
l'expulsion; cependant, dans le cas d'une personne non visée
aux alinéas 19(1)c), d), e), J) ou g) ou 27(2)c), h) ou i),
l'arbitre doit émettre un avis d'interdiction de séjour fixant à
ladite personne un délai pour quitter le Canada, s'il est
convaincu
a) qu'une ordonnance d'expulsion ne devrait pas être
rendue eu égard aux circonstances de l'espèce; et
b) que ladite personne quittera le Canada dans le délai
imparti.
19(1)c) n'est pas applicable en l'espèce, l'arbitre
peut délivrer un avis d'interdiction de séjour ou
une ordonnance d'expulsion, conformément aux
dispositions du paragraphe 32(6) (précité). En
conséquence, j'accueillerais la demande fondée sur
l'article 28, j'annulerais l'ordonnance d'expulsion
et je renverrais l'affaire devant l'arbitre pour qu'il
statue à nouveau, conformément aux dispositions
du paragraphe 32(6) (précité) sur le point de
savoir s'il y a lieu de délivrer une ordonnance
d'expulsion ou un avis d'interdiction de séjour.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.