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A-678-79
La Commission canadienne des droits de la per- sonne (Appelante)
c.
Eldorado Nucléaire Limitée (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 13 et 25 juin 1980.
Pratique Parties Appel d'une ordonnance de la Divi sion de première instance interdisant à l'appelante de prendre quelque mesure que ce soit relativement à la décision de l'intimée concernant une plainte alléguant un acte discrimina- toire déposée devant elle par une ancienne employée La plaignante ne fut pas constituée partie, un avis de la procédure ne lui fut pas signifié ni comparut-elle à l'audition de la requête Il échet de déterminer si la Division de première instance a commis une erreur en rendant l'ordonnance attaquée sans aviser la plaignante Il est fait droit à l'appel La plaignante est une partie essentielle à ces procédures et aurait être constituée partie à ce titre Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, art. 7.
APPEL. AVOCATS:
R. Juriansz pour l'appelante.
D. Casey et D. Woods pour l'intimée.
G. Hunter pour Isabelle Cadieux.
PROCUREURS:
La Commission canadienne des droits de la personne, Ottawa, pour l'appelante.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'inti- mée.
Scott & Aylen, Ottawa, pour Isabelle Cadieux.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'un appel formé contre une ordonnance de la Division de première ins tance * interdisant à l'appelante, ses préposés, ses agents et ses employés [TRADUCTION] «de prendre quelque mesure que ce soit relativement à la déci- sion de l'intimée (appelante) datée du 4 avril 1979 concernant une plainte déposée devant l'intimée (appelante) par Isabelle Cadieux».
* [Note de l'arrêtiste: aucun motif écrit n'a été fourni.]
Voici les faits importants pour ce qui concerne le présent appel. Isabelle Cadieux, une ancienne employée de l'intimée, a déposé une plainte devant l'appelante le 24 octobre 1978 alléguant que l'inti- mée s'était rendue coupable d'un acte discrimina- toire prévu à l'article 7' de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, les motifs de distinction illicite étant, en l'espèce, son sexe et son âge. L'appelante accepta le rapport fait par l'enquêteur relativement à la plainte et, con- formément à l'article 37 de la Loi, nomma un conciliateur chargé d'essayer d'en arriver à un règlement entre la plaignante et l'intimée. La déci- sion fut rendue à une assemblée six des huit commissaires étaient présents. Rita Cadieux, vice- présidente de la Commission appelante comptait parmi les absents. La plaignante Isabelle Cadieux est cousine issue de germain du défunt mari de Rita Cadieux: elle est la fille du cousin de ce dernier.
A la suite de sa nomination, le conciliateur rencontra l'avocat de l'intimée ainsi que plusieurs de ses dirigeants et de ses employés. Il ressort des dépositions sous forme d'affidavit soumises à l'ap- pui de l'avis introductif d'instance en Division de première instance, qu'à l'assemblée, le conciliateur fit certains commentaires relativement au lien de parenté entre Rita Cadieux et Isabelle Cadieux et on allègue que ces commentaires auraient porté l'intimée à craindre des préjugés de la part des membres, dirigeants et employés de l'appelante. Il semble que les efforts de conciliation furent vains.
A la suite d'un échange de lettres entre les parties en l'espèce, l'intimée déposa et signifia l'avis introductif d'instance pour tenter d'obtenir un bref de prohibition, procédure qui aboutit à l'ordonnance, datée du 22 novembre 1979, dont il est fait appel.
Les deux seules parties à la procédure engagée par l'intimée au moyen de son avis introductif d'instance daté du 14 novembre 1979 étaient celles dont le nom figure dans l'intitulé de la présente cause. La plaignante Isabelle Cadieux ne fut pas
7. Constitue un acte discriminatoire le fait
a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu, ou
b) de défavoriser un employé,
directement ou indirectement, pour un motif de distinction
illicite.
constituée partie, un avis de la procédure ne lui fut pas signifié ni, évidemment, comparut-elle à l'au- dition de la requête devant la Division de première instance. Son avocat nous a avisé à l'audition du présent appel qu'elle n'a pris connaissance de l'or- donnance de la Division de première instance qu'assez longtemps après qu'elle fut rendue. Sur demande présentée à cette Cour, une ordonnance fut rendue lui permettant d'intervenir et d'être entendue dans cet appel. Son avocat a effective- ment comparu à l'audition de l'appel et a présenté des observations en son nom. Puisqu'elle n'a pas comparu dans la procédure en Division de pre- mière instance ni participé à celle-ci, aucune dépo- sition sous forme d'affidavit ne fut déposée en son nom.
Une ordonnance du genre de celle rendue par la Division de première instance en l'espèce gst évi- demment de nature discrétionnaire et une cour d'appel ne la modifiera pas à moins que le juge saisi de la requête n'ait procédé d'après un principe erroné ou n'ait commis une erreur de droit ou une erreur relative à la compétence. En l'espèce, nous sommes tous d'avis que la Division de première instance a commis une erreur en rendant l'ordon- nance attaquée sans en donner avis à la plaignante Isabelle Cadieux et sans lui permettre de présenter des éléments de preuve à l'appui de sa position et d'être entendue relativement à la demande.
Dans son exposé des faits et du droit, l'avocat de l'intimée dit:
[TRADUCTION] I I. Le juge de première instance n'a pas statué sur la question de l'opportunité de signifier à la plai- gnante les documents déposés à l'appui de la demande de bref de prohibition étant donné que l'avocat du commissaire a déclaré qu'il comparaissait au nom de la plaignante en même temps qu'au nom de la Commission.
12. La plaignante ne fut témoin d'aucun des faits sur lesquels se fondait l'intimée au moment du dépôt des documents à l'appui de sa demande de bref de prohibition.
13. Le redressement demandé dans la demande de bref de prohibition visait uniquement l'appelante et non la plaignante. Par conséquent, la plaignante n'était pas une partie aux procé- dures visée aux Règles 3I9(3) et 321(1).
Nous ne sommes pas d'accord avec ces préten- tions. Selon nous, la plaignante est une partie essentielle à ces procédures et aurait être cons- tituée partie à ce titre, un avis introductif d'ins- tance attrait lui être signifié et, par conséquent, il aurait lui être reconnu le droit de comparaître
si elle le désirait, de déposer ses propres déposi= tions sous forme d'affidavit, de contre-interroger les auteurs des affidavits déposés par les autres parties et d'être entendue. Qu'elle soit une partie essentielle est démontré par le fait qu'à titre de plaignante, elle se voit nier en ce moment, si l'ordonnance de la Division de première instance est confirmée, la possibilité d'obtenir un jugement favorable relativement à sa plainte. Elle est la seule personne qui ait un intérêt personnel et vital dans l'issue de la plainte.
Il est vrai que l'appelante est manifestement intéressée à protéger les droits de M"e Cadieux, en conformité avec la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais il est également vrai qu'il est tout à fait concevable que les dépositions sous forme d'affidavit qu'elle aurait pu déposer à l'ap- pui de la position de la Commission, le contre- interrogatoire qu'elle aurait pu faire des auteurs des affidavits déposés par les autres parties à l'appui de leurs positions respectives et les observa tions de son avocat auraient pu suffire à pousser le savant juge saisi de la requête à exercer différem- ment sa discrétion relativement à l'ordonnance. Il s'ensuit, d'après nous, qu'Isabelle Cadieux n'ayant pas été constituée partie, avec tous les droits que cela comporte, la Division de première instance n'aurait pas rendre l'ordonnance attaquée ni aucune autre ordonnance.
Étant donné le jugement que nous entendons rendre, il ne serait pas approprié que nous nous prononcions sur le fond de l'appel.
Par conséquent, l'appel sera accueilli, l'ordon- nance de la Division de première instance, rejetée et l'affaire, renvoyée à la Division de première instance. Il sera enjoint à celle-ci de ne pas donner suite à l'avis introductif d'instance de l'intimée avant qu'Isabelle Cadieux n'en ait reçu significa tion, avec les documents déposés à l'appui, en conformité avec les Règles, et de lui reconnaître les autres droits prévus par les Règles à cet égard. Ni l'une ni l'autre des parties en l'espèce n'aura droit aux frais de cet appel mais Isabelle Cadieux aura droit à ses frais taxés afférents au présent appel, quelle que soit l'issue de la cause.
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