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A-160-80
La Commission canadienne des droits de la per- sonne (Requérante)
c.
British American Bank Note Company (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, les juges Heald et Ryan—Ottawa, 11 septembre 1980.
Examen judiciaire Ordonnance par laquelle le tribunal des droits de la personne s'est déclaré incompétent pour con- naître des plaintes dont s'agit Le tribunal n'a pas instruit les plaintes ni cherché à savoir si elles étaient fondées La requérante soutient que la position prise par le tribunal équi- valait au rejet des plaintes Il échet d'examiner si ce rejet constitue une «décision ou ordonnance» au sens de l'art. 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale Demande rejetée Le tribunal n'a rendu aucune décision Le recours approprié consisterait en une requête en mandamus Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, art. 11, 41(1),(2) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28(1),(3).
Arrêts mentionnés: Le procureur général du Canada c. Cylien [1973] C.F. 1166; British Columbia Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F. 1194. Distinction faite avec l'arrêt: In re la Loi antidumping et in re Danmor Shoe Co. Ltd. [1974] 1 C.F. 22.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
F. Lemieux et P. S. Bonner pour la requérante.
John D. Richard, c.r. et L. H. Harnden pour l'intimée.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour la requé- rante.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'inti- mée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit en l'es- pèce d'une requête fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, et tendant à l'examen et à l'annulation de ce qui suit, aux termes de l'avis introductif:
[TRADUCTION] une ordonnance rendue le 26 février 1980 par un tribunal des droits de la personne, composé de R. Dale
Gibson, de Jane Banfield Haynes et de Robert Kerr, et signifiée à la requérante le 5 mars 1980, ordonnance par laquelle ce tribunal des droits de la personne s'est déclaré incompétent pour entendre les plaintes portées par Shirley Cooligan et Maureen McKenny contre l'intimée British American Bank Note Company pour acte discriminatoire en contravention de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
A l'ouverture de l'audition, la Cour s'est posé la question de savoir si cet agissement du tribunal des droits de la personne constituait une «décision ou ordonnance» soumise au contrôle judiciaire visé à l'article 28. A ce sujet, la Cour a entendu les avocats des deux parties, lesquels ont soumis des conclusions supplémentaires sur ce point particu- lier pour convenir que cet agissement constituait effectivement une «décision ou ordonnance» au sens de l'article 28.
Le dossier de l'affaire comprend la copie de l'acte constituant le tribunal habilité à instruire les plaintes susmentionnées et à décider s'il y a eu acte discriminatoire au sens de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, la transcription des débats devant le tribunal la requérante et l'intimée étaient toutes deux représentées par avocat, et une copie des motifs prononcés par le tribunal qui concluait que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'appliquaient pas à l'en- treprise de l'intimée et que de ce fait, le tribunal n'était pas compétent pour entendre les plaintes dont s'agit. On ne trouve cependant dans le dossier aucune ordonnance par laquelle le tribunal aurait rejeté les plaintes ou accordé les réparations pré- vues au paragraphe 41(2) de la Loi, et la Cour a été informée par les avocats des deux parties qu'aucune ordonnance n'avait été rendue en ce sens.
Il ressort de la minute des débats et des motifs prononcés par le tribunal que tout ce que celui-ci a fait, c'était de se réunir, de recueillir les informa- tions notamment sous forme d'un exposé conjoint des faits sur l'entreprise de l'intimée, et d'entendre les arguments sur la question de savoir si, à la lumière des faits connus, il était compétent pour instruire les plaintes dont s'agit. Il appert que le tribunal n'a à aucun moment instruit ces plaintes au fond ni n'a cherché à répondre à la question posée par l'article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, à savoir si ces plaintes étaient fondées. C'est ce qui ressort des premier et
dernier paragraphes des motifs prononcés par le président et l'un des membres du tribunal, para- graphes auxquels a souscrit le troisième membre du tribunal. Voici ces deux paragraphes:
Nous avons été choisis, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (Statuts du Canada, 1976-1977, ch. 33), pour constituer un tribunal des droits de la personne chargé d'examiner la plainte déposée devant la Commission par Shir- ley Cooligan et Maureen McKenny (pièce C-1 du dossier) contre la British American Bank Note Company Limited. Avant même que nous ayons entrepris l'étude du fond de la cause, le défendeur a contesté la compétence du tribunal, nous obligeant à résoudre une délicate question préalable de droit constitutionnel, qui constitue l'unique objet de la présente décision.
En conséquence de quoi, nous concluons que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'appli- quent pas aux activités du défendeur et que la Commission n'a pas la compétence voulue pour statuer sur la plainte.
Voilà à n'en pas douter une question dont le tribunal était en droit de se préoccuper et au sujet de laquelle il était en droit d'entendre des témoi- gnages et de tirer sa propre conclusion. S'il s'esti- mait incompétent, il pourrait refuser de procéder à l'enquête. C'est ce qui se serait effectivement passé. Cependant, le tribunal ne tient pas de la loi le pouvoir de trancher cette question; à cet égard, son avis n'a pas autorité de la chose jugée et ne lie personne. Il ne lie certainement pas le tribunal lui-même, qui peut le rapporter à n'importe quel moment, que ce soit ou non à la lumière de faits nouveaux. Si cet avis est erroné, la Division de première instance de la Cour de céans, saisie d'une requête en mandamus, peut trancher la question et ordonner au tribunal d'exercer sa compétence. Si, par contre, cet avis est judicieux, la requête en mandamus succombera. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'une requête en mandamus est le seul recours défaut de réussir à persuader le tribunal de chan- ger d'avis) ouvert à la partie qui pâtit de la position prise par le tribunal et qui essaie de l'obliger à procéder à l'instruction. Si en revanche, le tribunal' concluait à une compétence qu'il n'avait pas, une requête en prohibition aurait été le recours ouvert à l'intimée.
Les avocats font valoir, à mes yeux, que ces recours sont exclus par le paragraphe 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale des cas il y a une «décision ou ordonnance» soumise au contrôle judi-
ciaire visé par le paragraphe 28 (1) et que la position prise par le tribunal équivalait en fait, sinon formellement, à un rejet des plaintes dont s'agit, ce rejet constituant une «décision ou ordon- nance» au sens du paragraphe 28(1).
Je ne pense pas que le fait pour le tribunal de conclure à sa propre incompétence équivaille à un rejet des plaintes dont s'agit. Selon le paragraphe 41(1)' de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le pouvoir qu'a le tribunal de rejeter une plainte ne se fait jour qu'au moment il la trouve non fondée, à l'issue de son enquête. On ne saurait, en l'espèce, présumer à la légère que le tribunal entendait exercer ce pouvoir et l'a effectivement exercé, alors qu'il ne s'était même pas penché sur le fond de ces plaintes. Une telle présomption serait d'autant moins justifiée que le tribunal n'a rendu aucune ordonnance et qu'il était fondé à conclure à sa propre incompétence et à ne rien faire au sujet des plaintes dont s'agit.
Les avocats ont été invités à se reporter, ce qu'ils ont fait, à deux décisions antérieures de la Cour de céans, à savoir Le procureur général du Canada c. Cylien 2 et British Columbia Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail', les- quelles obligent, à mon avis, à conclure que la requête en l'espèce doit succomber. Ces avocats ont encore cité plusieurs autres jurisprudences, dont In re la Loi antidumping et in re Danmor Shoe Co. Ltd. 4 , Richard c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publiques, Canadian Air Line Employees' Association c. Wardair Canada (1975) Ltd. 6 et Latif c. La Com mission canadienne des droits de la personne'. L'arrêt Danmor ne me paraît pas soutenir la thèse des avocats de la requérante, et, à mon avis, aucun des autres arrêts ne peut être rapproché à l'affaire en instance étant donné soit que dans chaque cas, il y a eu règlement équivalant à une «décision ou ordonnance» au sens du paragraphe 28(1) soit que
' 41. (1) A l'issue de son enquête, le tribunal rejette la plainte qu'il juge non fondée.
2 [1973] C.F. 1166.
3 [1973] C.F. 1194.
4 [1974] 1 C.F. 22.
5 [1978] 2 C.F. 344.
6 [1979] 2 C.F. 91.
7 [1980] 1 C.F. 687.
les dispositions légales conférant le pouvoir de décision sont différentes de celles de la Loi cana- dienne sur les droits de la personne qui s'appli- quent à un tribunal des droits de la personne.
On pourrait se demander ce que la Cour pour- rait infirmer, cette requête eût-elle été recevable et accueillie. La Cour ne saurait infirmer un avis et en l'espèce, il n'y a pas eu d'ordonnance statuant sur les plaintes dont s'agit.
Par ces motifs, j'estime que ce que la requérante conteste par cette requête n'est pas une «décision ou ordonnance» au sens du paragraphe 28(1) et que cette requête doit être rejetée.
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LE JUGE HEALD y a souscrit.
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LE JUGE RYAN y a souscrit.
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