T-5836-79
Bunker Ramo Corporation et Bunker-Ramo
(Canada) Ltd. (Demanderesses)
c.
TRW Inc., Renfrew Electronic Marketing Lim
ited et Westburne Industrial Enterprises Ltd.
(Défenderesses)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 13 et 27 mars 1980.
Pratique — Signification — Ordonnance de signification ex
juris de la notification de la déclaration — Requête de la
défenderesse en autorisation de contre-interroger l'auteur de
l'affidavit déposé à l'appui de la requête ex parte en significa
tion ex juris — 11 échet d'examiner si l'auteur de l'affidavit
peut être contre-interrogé — Il échet d'examiner si l'affaire
est close une fois la requête instruite et l'ordonnance rendue
Il échet d'examiner si le juge a le pouvoir discrétionnaire
d'autoriser le contre-interrogatoire — Règles 330, 332(5) de la
Cour fédérale.
Requête introduite au nom de la défenderesse TRW Inc. à la
suite d'une ordonnance de signification ex juris à la défende-
resse de la notification de la déclaration, ordonnance rendue sur
requête ex parte des demanderesses. Par cette requête, TRW
Inc. demande l'autorisation de contre-interroger l'auteur d'un
affidavit au sujet de certaines allégations qui y figurent, avec
pour ultime objectif l'annulation de l'ordonnance. Il y aurait
donc contestation de la compétence ratione materiae de la Cour
sur l'objet de la déclaration. Permission de contre-interroger
l'auteur de l'affidavit avait été demandée aux avocats des
demanderesses, qui l'ont refusée. La défenderesse sollicita alors
de l'Administrateur du bureau du greffe de la Cour à Toronto
un subpoena, lequel fut refusé par ce motif que la requête avait
été instruite, que l'ordonnance avait été rendue et que par
conséquent, l'affaire était close; le droit de contre-interroger
disparaît au terme de l'instance. La défenderesse fait valoir
qu'en cas de requête ex parte, l'instance n'arrive pas à son
terme tant que le droit de faire annuler l'ordonnance subsiste.
Arrêt: la requête est accueillie et la Cour ordonne que
l'auteur de l'affidavit se présente au contre-interrogatoire con-
sacré à celui-ci. Le droit d'ordonner un contre-interrogatoire
sur l'affidavit est confirmé par la jurisprudence de la Cour
d'appel, notamment les arrêts La province de Terre-Neuve c.
Churchill Falls (Labrador) Corp. Ltd. et Volckmar c. Krupp,
par ce motif que la requête en annulation de l'ordonnance
rendue ex parte constitue le prolongement de la même instance
et non une nouvelle instance distincte. La Règle 332(5) de la
Cour fédérale ne soumet pas le contre-interrogatoire à l'autori-
sation de la Cour, d'où il suit qu'une partie a elle-même le droit
de contre-interroger l'auteur d'un affidavit. Le pouvoir discré-
tionnaire de la Cour n'est pas en cause.
Arrêts approuvés: La province de Terre-Neuve c. Church-
ill Falls (Labrador) Corp. Ltd. 15 Nfld. & P.E.I.R. 77;
Volckmar c. Krupp [1958] O.W.N. 303. Arrêt critiqué:
Catholic Publishing Co. c. Wyman (1862-63) 11 W.R.
399.
REQUÊTE.
AVOCATS:
R. Gray, c.r. pour les demanderesses.
A. J. Lenczner et G. Clarke pour la défende-
resse TRW Inc.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour les demande-
resses.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour la
défenderesse TRW Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: La requête en cause,
soumise au nom de la TRW Inc., laquelle figure
dans l'intitulé de cause comme partie défenderesse,
est en conséquence d'une ordonnance en date du
13 décembre 1979 de signification ex juris de la
notification, à la défenderesse, TRW Inc., de la
déclaration en l'espèce, consécutivement à une
demande ex parte faite au nom des demanderesses.
La requête chercherait ultimement à faire réfor-
mer l'ordonnance de signification à la défende-
resse, TRW Inc., hors de la juridiction.
En vertu de la Règle 330, toute ordonnance ex
parte pourra être annulée. L'emploi du verbe
«peut» dans la Règle sous-entend un pouvoir dis-
crétionnaire. En conséquence la partie qui soumet
une requête à cette fin a la charge d'établir qu'elle
devrait être annulée.
La Règle '307 prévoit les conditions d'octroi
d'une ordonnance de signification ex juris et son
contenu si elle est accordée.
Comme requis aussi, la requête était appuyée
d'un affidavit affirmant l'existence de ces condi
tions.
Comme moyen pour en arriver à ce que je crois
être l'objectif ultime de la défenderesse, celle-ci
demande l'autorisation de contre-interroger l'au-
teur de l'affidavit sur certaines des allégations qui
y sont faites.
Il s'agit là de ce que je considère comme un
prélude à une requête de la défenderesse en resci-
Sion de l'ordonnance de signification ex juris. A
mon avis une requête à cette fin doit être appuyée
par affidavit faisant preuve de ce pourquoi l'ordon-
nance devrait être révoquée. L'avocat de la requé-
rante partage mon opinion à ce sujet mais va plus
loin. Il admet que toutes les conditions nécessaires
à la requête ex parte de signification ex juris ont
été établies mais ajoute que s'il peut être démontré
que le déposant de l'affidavit sur lequel l'octroi de
l'ordonnance a été fondé était dans l'erreur cela
pourrait avoir un effet sur l'opportunité de son
octroi. En bref il prétend qu'il faudrait soumettre
les allégués, et que ceux-ci résistent, à l'épreuve du
contre-interrogatoire.
La requête de la défenderesse est quadruple.
Premièrement on conclut à ce que les demande-
resses présentent l'auteur de l'affidavit, aux temps
et lieu ultérieurement convenus, pour y être con-
tre-interrogé à son sujet.
Cette première demande, d'abord faite aux avo-
cats des demanderesses, fut refusée.
Les avocats de TRW Inc. sollicitèrent alors une
convocation de venir déposer, un subpoena, de
l'Administrateur du bureau du greffe de la Cour, à
Toronto, en Ontario, lequel fut refusé pour motif
que la requête avait été instruite, l'ordonnance
accordée et qu'il s'ensuivait que l'affaire était
close. C'est là bonne logique, selon la prémisse
originaire adoptée, aussi l'Administrateur n'a-t-il
pas été le seul à raisonner ainsi quoiqu'il n'existe,
que je sache, aucun précédent dans notre jurispru
dence à ce sujet.
Face à ces deux refus les avocats ont été forcés
d'avoir recours au premier moyen de la requête
présente, soit la demande d'autorisation de contre-
interroger l'auteur de l'affidavit.
Naturellement un défendeur, lorsqu'il se prévaut
d'une voie de droit que lui ouvre la Cour, doit
comparaître. A cette fin, comme deuxième moyen
de sa requête, tel qu'il apparaît aux alinéas 2 et 3
de l'avis de requête, on demande l'autorisation de
produire un acte de comparution conditionnelle
afin d'exciper de la compétence de la Cour.
Le texte de ces alinéas, tel qu'ils apparaissent
dans l'avis de requête, est susceptible de cette
interprétation. En ce cas la demande de l'ordon-
nance et la conclusion où l'on se prévaut des voies
de droit ouvertes devant la Cour seraient mutuelle-
ment incompatibles.
Cette interprétation des alinéas 2 et 3 de l'avis
de requête trouve sa confirmation dans l'affidavit
de Norman S. Rankin fourni à l'appui de la
requête, aux alinéas 3 et 4 de cet affidavit. A
l'alinéa 3, l'auteur jure qu'on excipera de la com-
pétence de la Cour, ratione materiae: celle que
soulève la déclaration.
Ainsi ce qui serait contesté serait la compétence
de la Cour, ratione materiae: celle alléguée dans la
déclaration à l'encontre de la défenderesse TRW
Inc., et non sa compétence ratione personae vis-à-
vis TRW Inc.
Si c'était le.cas, il serait normal de présumer que
la défenderesse aurait demandé l'autorisation, sur
le fondement de la Règle 401, de produire un acte
de comparution conditionnelle afin, d'une part, de
faire opposition à la signification de la notification
de la déclaration et, d'autre part, pour incompé-
tence vis-à-vis la défenderesse TRW Inc., ce qui
n'a pas été fait expressément.
Si c'est la compétence matérielle qui est entre-
prise, il n'y a aucune raison pratique de demander
l'autorisation de produire un acte de comparution
conditionnelle. Le déclinatoire n'est pas soulevé
alors. Ceci est accepté.
Si c'est de la compétence personnelle, et non
matérielle, dont on excipe, alors des considérations
différentes peuvent fort bien s'appliquer s'il n'est
pas approprié de recourir à la Règle 401, alinéa b),
comme il semble que ce soit le cas d'après le libellé
de l'avis de requête.
Les troisième et quatrième conclusions sont
alternatives, soit: (1) l'annulation de l'ordonnance
de signification ex juris; soit: (2) l'annulation de la
signification, à la défenderesse TRW Inc., de la
notification de la déclaration.
Sur le fondement des précédentes remarques,
qui en substance ont été plaidées à l'instruction de
la requête, j'ai statué que la demande d'autorisa-
tion de dépôt d'un acte de comparution condition-
nelle, pour exciper du déclinatoire, ne pouvait se
concilier avec la demande d'autorisation d'un con-
tre-interrogatoire portant sur l'affidavit servant de
fondement à l'ordonnance de signification.
J'ai d'ailleurs dit alors que les recours subsidiai-
res étaient prématurés et insuffisamment fondés
par la preuve administrée par affidavit.
J'ai, naïvement, suggéré de retirer les conclu
sions des alinéas 2, 3, 4 et 5 de la requête et de
consacrer l'audience uniquement à l'instruction de
la conclusion demandant la présence de l'auteur de
l'affidavit pour le soumettre à un contre-interroga-
toire. Il devint alors manifeste que le motif d'une
telle conclusion était de justifier l'obtention d'une
ordonnance de radiation de l'ordonnance de signi
fication ex juris.
Je suis d'avis qu'une requête, présentée avant ou
après que la cause est en état, en annulation d'une
signification, parce qu'effectuée à mauvais droit,
ne peut être interprétée comme une renonciation à
quelque vice de la signification et en conséquence
comme un acquiescement de la compétence juri-
dictionnelle par le fait de comparaître. C'est là, je
crois, la common law. La Règle 401 est déclara-
toire de celle-ci sans en être une codification
exhaustive.
Si c'est là ce qu'on cherche à atteindre par les
alinéas 2 et 3 de la notification de la requête, et si
cet objectif est compatible avec les alinéas 3 et 4
de l'affidavit d'appui, on aurait pu éviter de se
donner tant de mal en invoquant carrément l'ali-
néa b) de la Règle 401.
Ainsi je me retrouve maintenant en face du
noeud de l'affaire qui est tout simplement:
[TRADUCTION] Y a-t-il de la jurisprudence autorisant d'ordon-
ner à l'auteur d'un affidavit fondant une ordonnance de signifi
cation ex juris de se soumettre à un contre-interrogatoire
portant sur cet affidavit?
Dans Volckmar c. Krupp [1958] O.W.N. 303 le
demandeur obtint l'autorisation de faire une signi
fication au défendeur hors de la juridiction sur le
fondement de son affidavit à lui demandeur. Le
défendeur qui demandait l'annulation de l'ordon-
nance concluait à une ordonnance de contre-inter-
rogatoire du demandeur au sujet de son affidavit,
ce qui amena l'ordonnance du Master autorisant le
contre-interrogatoire attendu que [TRADUCTION]
«il était admis que l'affidavit en question servirait
à fonder l'ordonnance du master entreprise». (Il
n'y a aucun aveu semblable dans la présente
demande.) Il s'ensuivait qu'il s'agissait d'un affida
vit destiné à servir à la requête et, de prime abord,
le défendeur était en droit de contre-interroger
là-dessus.
On disait dans la demande ex parte dont résulta
l'ordonnance qu'il n'existait aucune possibilité de
contre-interroger.
On a cité Holmested pour soutenir qu'une fois
qu'on a statué en l'instance en laquelle l'affidavit a
été produit tout droit à un contre-interrogatoire
s'évanouit, ainsi que l'affaire The Catholic Pub
lishing Co. c. Wyman (1862-63) 11 W.R. 399, où
le vice-chancelier Wood affirme que le droit de
contre-interroger disparaît au terme de l'instance.
C'est certainement le raisonnement que suivit
M. Preston lorsqu'il refusa la convocation, le
subpoena.
Toutefois on dit que dans le cas d'une requête ex
parte l'instance n'arrive pas à son terme tant que
le droit de faire annuler l'ordonnance demeure.
L'ordonnance de contre-interroger au sujet de
l'affidavit fut donc accordée.
En appel je juge Wells, en la qualité qu'il avait
alors, la confirma.
Dans La province de Terre-Neuve c. Churchill
Falls (Labrador) Corp. Ltd. (1977) 13 Nfld. &
P.E.I.R. and 29 A.P.R. 421 la demanderesse obtint
une ordonnance ex parte de signification d'un bref
d'assignation hors de la juridiction sur significa
tion de laquelle la défenderesse, l'Hydro-Québec,
demanda une ordonnance exigeant la présence et
le contre-interrogatoire du déposant de l'affidavit
fourni en justification de la requête de la
demanderesse.
Le juge Goodridge instruisit l'affaire le 26 jan-
vier 1977 et statua que là défenderesse n'avait pas
droit de contre-interroger le déposant une fois
close l'instance où l'on avait utilisé l'affidavit mais
qu'il pourrait y avoir contre-interrogatoire portant
sur cet affidavit si, et uniquement si, il servait en
une instance subséquente en annulation de
l'ordonnance.
Il dit ceci aux pages 431 et 432:
[TRADUCTION] Examinant maintenant l'item n° 2, la codé-
fenderesse voudrait contre-interroger M. Hickman au sujet de
son affidavit sur le fondement de l'Ordonnance XXXIV,
Règle 1. C'est là chose facile à juger. Voici la règle:
1. Lorsque est en cause quelque requête, pétition ou assigna
tion, on peut fournir un affidavit comme preuve mais la cour,
ou le juge, sont autorisés, sur demande de l'une des parties en
cause, à ordonner à l'auteur de l'affidavit de se, présenter
pour subir un contre-interrogatoire.
L'affidavit de M. Hickman a été fourni pour appuyer une
demande ex parte de signification hors de la juridiction. La
demande fut instruite, l'ordonnance accordée, et la cause
entendue.
La codéfenderesse demande maintenant l'annulation de cette
ordonnance. C'est là une nouvelle requête, une nouvelle ins
tance, non la continuation de la demande originelle.
Lors de son instruction, la codéfenderesse pourra, et proba-
blement devra, offrir comme preuve un affidavit démontrant
pourquoi l'ordonnance doit être réformée. Le déposant de l'affi-
davit pourra être contre-interrogé. En réplique à la demande, la
demanderesse pourra avoir recours à un nouvel affidavit, ou à
plusieurs, et se prévaloir du premier affidavit, ou l'ignorer, à
son choix, mais le déposant de tout affidavit qu'invoquera la
demanderesse pourra être contre-interrogé.
Comme la demande d'annulation de l'ordonnance n'a pas
encore été intentée et comme j'ignore en cet état de la cause si
oui ou non la demanderesse entend se prévaloir de l'affidavit de
M. Hickman pour s'opposer à la requête, je ne puis, en cet état
de la cause, rendre l'ordonnance, demandée, d'interroger M.
Hickman au sujet de son affidavit.
Dans Strauss c. Goldschmidt (1891-92) 8 T.L.R. 239, la
Cour, qui rejetait la demande de contre-interrogatoire, a dit
qu'elle pourrait rendre une telle ordonnance lorsque nécessaire.
Toutefois en cette espèce les défendeurs notifièrent qu'ils s'ap-
puyeraient sur un affidavit antérieur pour fonder leur demande
d'annulation de l'ordonnance de signification ex juris et le
déposant devint par ce fait sujet au contre-interrogatoire.
Il ne fait aucun doute qu'un déposant peut être contre-inter-
rogé si son affidavit sert à appuyer une demande, ou à y faire
opposition, mais non autrement.
La même question se posa à nouveau, et à
nouveau le juge Goodridge en fut saisi, dans La
province de Terre-Neuve c. Churchill Falls
(Labrador) Corp. Ltd. (1978) 16 Nfld. & P.E.I.R.
and 42 A.P.R. 460, le 12 mai 1977. Voici ce qu'il
dit aux pages 471 et 472:
[TRADUCTION] Selon l'Ordonnance XXXIV, Règle 1, dans
le cas d'une requête, on peut fournir en preuve un affidavit et la
cour peut ordonner que le déposant se présente pour être
contre-interrogé.
La compétence personnelle d'ordonner de se présenter à cet
effet est limitée aux déposants qui ont fourni un affidavit
comme preuve à l'appui d'une requête. Elle ne s'étend pas à
ceux qui ont fourni un affidavit comme preuve d'une demande
antérieure, ex parte ou autre.
J'ai conscience de ne pas me conformer à la décision en
l'affaire Volckmar c. Krupp [1958] O.W.N. 303, où on a
autorisé un contre-interrogatoire relatif à un affidavit fourni à
l'appui d'une demande ex parte lors d'une requête en annula-
tion de celle-ci. En cette espèce, comme dans Strauss c.
Goldschmidt (1891-92) 8 T.L.R. 239, il a été reconnu que le
premier affidavit servirait à appuyer l'ordonnance que veut
faire annuler la requête.
Dans l'affaire Volckmar toutefois, la Cour alla plus loin que
dans l'affaire Strauss et affirma que dans le cas d'une demande
ex parte l'instance n'est pas arrivée à son terme tant que le droit
de faire réformer l'ordonnance n'est pas éteint.
Je ne puis étendre ce raisonnement aux règles de notre
juridiction où la compétence de requérir la présence du dépo-
sant se limite à ceux dont les affidavits ont servi pour la requête
dont la Cour est saisie.
La demande ex parte et la requête en annulation sont deux
instances distinctes. Bien que les mêmes principes s'appliquent
à la décision à rendre dans chaque cas, la seconde est une
nouvelle affaire et non la continuation de la première.
La codéfenderesse peut toujours prétendre que, selon le
premier affidavit, ou selon les faits qu'il rapporte, l'ordonnance
n'aurait pas dû être rendue. Si on se sert de cet affidavit, ou de
tout autre, pour faire opposition à la requête, le déposant
pourra alors être contre-interrogé. Il appartiendra à la Cour
d'en décider; elle a un pouvoir discrétionnaire à ce sujet,
observation que j'ai, comme je l'ai dit, malheureusement omise
lorsque j'ai rendu la première ordonnance.
Le juge Goodridge différencie les affaires
Volckmar c. Krupp et Strauss c. Goldschmidt
(auxquelles lui aussi avait fait référence) parce que
[TRADUCTION] «il a été reconnu que le premier
affidavit servirait à appuyer l'ordonnance que veut
faire annuler la requête».
J'ai déjà dit qu'aucun aveu de ce genre n'est
envisagé en l'espèce.
Mais le juge Goodridge n'a pas reconnu fondé
l'affirmation faite dans Volckmar c. Krupp [à la
page 304] que [TRADUCTION] «Dans le cas d'une
demande ex parte, l'instance n'est pas arrivée à
son terme tant que le droit que prévoit la Règle
217 [en notre espèce la Règle 401 de la Cour
fédérale] de faire réformer l'ordonnance n'est pas
éteint». [La parenthèse insérée est de moi.]
Au contraire il dit, je le répète ici pour bien le
souligner:
[TRADUCTION] La demande ex parte et la requête en annu-
lation sont deux instances distinctes. Bien que les mêmes princi-
pes s'appliquent à la décision à rendre dans chaque cas, la
seconde est une nouvelle affaire et non la continuation de la
première.
La décision du juge Goodridge (celle rapportée
à 16 Nfld. & P.E.I.R. and 42 A.P.R. 460 et non
celle rapportée en 13 Nfld. & P.E.I.R. and 29
A.P.R. 421 comme le dit erronément le sommaire
de l'arrêt de la Cour d'appel) fit l'objet d'un appel.
L'arrêt de la Cour d'appel fut rendu le 3 mars
1978 et est publié dans (1978) 15 Nfld. & P.E.I.R.
and 38 A.P.R. 77.
Dans ses motifs le juge Gushue, de la Cour
d'appel, cite l'ordonnance du juge Goodridge et
ajoute, comme référence: (voir 13 Nfld. &
P.E.I.R., 29 A.P.R. 421). Cette référence, qui est
entre parenthèses, aurait été insérée par l'arrêtiste,
non par le juge Gushue. (Je suppose que la réfé-
rence aurait dû être: 16 Nfld. & P.E.I.R. and 42
A.P.R. 460.)
Le juge Goodridge connut de la première affaire
le 7 janvier 1977 et rendit jugement le 26 janvier.
Il instruisit la nouvelle demande le 11 mars et
prononça jugement le 12 mai.
L'appel fut entendu le 28 octobre et l'arrêt
rendu le 3 mars 1978.
Il y a confusion parce que l'arrêt de la Cour
d'appel est publié dans 15 Nfld. & P.E.I.R. and 38
A.P.R. 77 alors que le deuxième jugement du juge
Goodridge l'est lui dans 16 Nfld. & P.E.I.R. and
42 A.P.R. 460, un recueil ultérieur. La seule expli
cation que je puisse avancer serait que le jugement
du juge Goodridge portant sur la demande renou-
velée n'a été publié qu'après que l'arrêt de la Cour
d'appel ait été rendu, lequel aurait déjà été publié
alors.
Le juge Gushue rendit l'arrêt au nom de la Cour
d'appel, unanime. Voici ce qu'il dit aux pages 83 et
84:
[TRADUCTION] Avant d'en venir aux principaux moyens
d'appel (quoique ce qui suit en soit un), il faut se demander si
l'éminent juge du fond aurait dû permettre à l'avocat de
l'Hydro-Québec de contre-interroger le procureur général, M.
Hickman, au sujet de l'affidavit dont il était saisi, et sur le
fondement duquel le juge en chef avait rendu son ordonnance
ex parte. L'avocat fait valoir les dispositions de l'Ordonnance
34, Règle 1, qui déclare:
Lorsque est en cause quelque requête, pétition ou assigna
tion, on peut fournir un affidavit comme preuve mais la cour,
ou le juge, sont autorisés, sur demande de l'une des parties en
cause, à ordonner à l'auteur de l'affidavit de se présenter
pour subir un contre-interrogatoire.
L'éminent juge de première instance a jugé que la règle ne
s'appliquait pas et, à mon avis, c'était, techniquement, à bon
droit. L'Ordonnance 34, et en particulier cette règle, concerne
l'emploi d'affidavits comme preuve, devant la cour ou en cham-
bre du conseil, en procédure contradictoire et non dans le cas
des demandes ex parte. Toutefois j'ajouterais que l'éminent
juge conservait toujours le pouvoir d'ordonner un contre-inter-
rogatoire. Comme il s'agit d'une procédure de révision d'une
ordonnance octroyée ex parte, ce qui n'allait pas de soi, la
requérante ayant la charge d'établir qu'elle y a droit, je ne
doute pas qu'à son instruction le juge saisi détienne le pouvoir
d'ordonner un contre-interrogatoire relativement à tout affida
vit dont on se serait au préalable prévalu en l'espèce s'il est
suffisamment convaincu que de bonnes raisons militent en ce
sens.
Une requête en annulation constitue une procédure de révi-
sion d'une ordonnance rendue ex parte qui élargit le droit
ordinaire de révision car elle la prévoit avant que le défendeur
ne comparaisse. Il est peut-être plus habituel que le juge qui a
accordé l'ordonnance ex parte en premier lieu instruise la
requête en radiation selon la procédure contradictoire (quoique
rien n'interdise que ce soit un autre qui le fasse) et, à mon avis,
il exerce toujours son pouvoir discrétionnaire, en fonction de la
preuve que lui administre les deux parties, pour qu'il confirme,
ou non, l'ordonnance en cause. Il ne s'agit donc pas d'un appel
mais d'une réouverture ou d'une révision de la première
demande et, à mon avis, le juge peut ordonner le contre-interro-
gatoire s'il l'estime nécessaire.
A mon avis, le juge Gushue, de la Cour d'appel,
rejette la conclusion du juge Goodridge, contraire
à celle de l'affaire Volckmar c. Krupp, voulant que
la demande ex parte et la requête en annulation
constituent deux instances séparées, la requête en
annulation ne serait pas une nouvelle instance mais
plutôt rouvrirait la première, lorsqu'il dit:
... l'éminent juge conservait toujours le pouvoir d'ordonner un
contre-interrogatoire
et lorsqu'il ajoute:
Une requête en annulation constitue une procédure de révi-
sion d'une ordonnance rendue ex parte qui élargit le droit
ordinaire de révision car elle la prévoit avant que le défendeur
ne comparaisse
et
Il ne s'agit donc pas d'un appel mais d'une réouverture ou d'une
révision de la première demande ....
Si je comprends bien les dires du juge Gushue,
de la Cour d'appel, il adopte le raisonnement tenu
dans Volckmar c. Krupp, la demande de rescision
de l'ordonnance octroyée ex parte constitue un
prolongement de la même instance, non une nou-
velle instance distincte.
J'en conclus donc que l'arrêt du juge Gushue et
l'affaire Volckmar c. Krupp font jurisprudence et
autorisent d'ordonner un contre-interrogatoire por-
tant sur l'affidavit fourni à l'appui d'une ordon-
nance ex parte de signification hors de la juridic-
tion lors d'une demande subséquente de rescision
de cette ordonnance. Dans sa demande actuelle la
défenderesse, TRW Inc., conclut à l'annulation de
l'ordonnance mais son instruction est prématurée
si un contre-interrogatoire portant sur l'affidavit
est ordonné.
Ainsi je statue que la jurisprudence autorise
d'ordonner un contre-interrogatoire portant sur un
affidavit.
Ayant statué en ce sens, la question qui se pose
ensuite est de savoir si je détiens en la matière un
pouvoir discrétionnaire.
Dans l'affaire La province de Terre-Neuve c.
Churchill Falls (Labrador) Corp. Ltd. le juge
Gushue, de la Cour d'appel, a dit que le juge
Goodridge détenait un tel pouvoir et que c'est à
bon droit qu'il l'avait exercé.
La Règle terre-neuvienne sur laquelle se fondait
la demande d'autorisation de contre-interroger
était l'Ordonnance 34, Règle 1, citée dans l'extrait
des motifs du juge Gushue, eux-mêmes déjà cités;
elle est répété ici pour plus de commodité:
Lorsque est en cause quelque requête, pétition ou assignation,
on peut fournir un affidavit comme preuve mais la cour, ou le
juge, sont autorisés, sur demande de l'une des parties en cause,
à ordonner à l'auteur de l'affidavit de se présenter pour subir
un contre-interrogatoire.
La Règle correspondante de la Cour fédérale est
la Règle 332(5) que voici:
Règle 332... .
(5) Toute personne ayant fait un affidavit qui a été déposé
peut être requise de comparaître devant un protonotaire, ou
devant toute autre personne spécialement nommée par un
protonotaire ou par la Cour, ou désignée à cette fin du consen-
tement des parties, pour être contre-interrogée au sujet de son
affidavit; et cette personne peut être contrainte à comparaître
par subpoena (Règle 333). La partie qui demande un tel
contre-interrogatoire doit donner à ce sujet, à la partie opposée,
un préavis de 2 jours francs.
Selon la Règle terre-neuvienne une partie peut
obtenir, sur demande, présentée à la Cour, l'auto-
risation de contre-interroger. La nécessité d'obte-
nir une autorisation implique un pouvoir discré-
tionnaire, de l'accorder ou non.
La Règle 332(5) de la Cour fédérale, elle, ne
parle pas d'autorisation, d'où il suit que les parties
ont de droit celui de contre-interroger l'auteur de
l'affidavit. Il s'ensuit qu'aucune question de pou-
voir discrétionnaire dévolu à la Cour n'est en
cause.
En conséquence il est ordonné qu'on présente
James R. Stokes pour qu'il subisse un contre-inter-
rogatoire portant sur son affidavit fait le 7 décem-
bre 1979 et fourni pour justifier l'ordonnance ex
parte de signification à la défenderesse, TRW Inc.,
hors de la juridiction, octroyée le 13 décembre
1979, aux temps et lieu dont conviendront les
demanderesses et la défenderesse TRW Inc.
Il serait inopportun d'accorder les dépens, que
ce soit à la demanderesse ou à la défenderesse,
TRW Inc., en cet état de la cause.
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