A-237-77
Canadian Industries Limited (Appelante)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain, le juge
suppléant Hyde—Montréal, 16 janvier; Ottawa,
28 mars 1980.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Contrat portant
licences d'incorporation et d'utilisation de données, d'inven-
tions et de techniques opératoires --Il échet d'examiner s'il
s'agit d'un contrat de services ou d'un contrat de vente — Il
échet d'examiner si le montant versé est imposable à titre de
bénéfice provenant de l'entreprise de l'appelante — Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 4.
Appel formé contre le jugement de la Division de première
instance qui a débouté l'appelante de son recours contre une
décision de la Commission de révision de l'impôt, laquelle avait
rejeté son appel contre une nouvelle cotisation d'impôt sur le
revenu pour l'année d'imposition 1967. L'appelante avait reçu
$378,000 du gouvernement des États-Unis d'Amérique en vertu
d'un contrat accordant à ce dernier licence d'incorporation et
d'utilisation de données, d'inventions et de techniques opératoi-
res de l'appelante, en vue de la fabrication du trinitrotoluène
(TNT) selon un procédé nouveau. Nulle fraction de cette
somme ne portait sur une catégorie particulière, mais l'appe-
lante prétend qu'il s'agissait d'un contrat de vente et non d'un
contrat de services et que, de ce fait, le revenu reçu n'était pas
un bénéfice provenant de son entreprise et à ce titre, imposable
en application de l'article 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel est rejeté. Il ressort de l'analyse de la jurispru
dence en la matière qu'il ne suffit pas que soit prévu un
paiement forfaitaire, versé indépendamment de l'utilisation
prévue du brevet, pour que ce paiement soit une recette en
capital. La licence en contrepartie de laquelle ce paiement est
reçu doit constituer une aliénation des droits afférents au
brevet. Le fait que le paiement forfaitaire ait été versé en
contrepartie d'une licence permettant l'utilisation de brevets et
de «techniques opératoires» ne renforce nullement la prétention
de l'appelante selon laquelle cette somme doit être considérée
comme une recette en capital. Bien que les brevets américains
soient de toute évidence des biens immobilisés, la licence, qui
est non exclusive, accordée pour un but précis (accordée au
gouvernement américain pour usage militaire non commercial)
et pour une durée limitée, ne peut être considérée comme une
aliénation des droits afférents à un brevet. En ce qui concerne
la licence permettant l'utilisation de «données de base» ou de
«techniques opératoires», il est clair, à la lumière de la jurispru
dence, que le fait qu'un paiement forfaitaire versé en contrepar-
tie de la divulgation de «techniques opératoires» soit sans rap
port avec l'importance de l'utilisation ne suffit pas pour en faire
une recette en capital. Quant à la preuve que le contrat de
licence est le seul du genre que l'appelante ait signé, il existe
une importante différence: bien que l'appelante ait peut-être été
tenue de signer cette entente avec le gouvernement des États-
Unis, l'entente qu'elle avait avec l'inventeur considérait la
conclusion d'accords de ce genre comme une forme d'affaires à
partager entre les deux parties. La question qui se pose est
celle-ci: ressort-il de la preuve que la perte par l'appelante de
ses débouchés pour le TNT militaire auprès du gouvernement
des États-Unis est directement attribuable à la signature du
contrat de licence? La Cour y répond par la négative. Il ressort
des éléments de preuve que le gouvernement des États-Unis a
finalement cessé d'acheter du TNT à l'appelante quoiqu'on ne
sache pas précisément quand cela s'est produit. La preuve ne
démontre toutefois pas que cette perte de son marché résulte
directement des contrats de licence qui ont été signés.
Distinction faite avec les arrêts: Evans Medical Supplies,
Ltd. c. Moriarty (H.M. Inspector of Taxes) 37 T.C. 540;
Wolf Electric Tools Ltd. c. Wilson (H.M. Inspector of
Taxes) 45 T.C. 326. Arrêts appliqués: Jeffrey (H.M. In
spector of Taxes) c. Rolls-Royce, Ltd. 40 T.C. 443;
Musker (H.M. Inspector of Taxes) c. English Electric Co.,
Ltd. 41 T.C. 556; Commissioners of Inland Revenue c.
Rustproof Metal Window Co., Ltd. 29 T.C. 243.
APPEL.
AVOCATS:
P. F. Vineberg, c.r. pour l'appelante.
W. Lefebvre et J. Côté pour l'intimée.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour l'appe-
lante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Le présent appel vise un
jugement de la Division de première instance
[[1977] 2 C.F. 644] déboutant l'appelante de son
pourvoi d'une décision de la Commission de révi-
sion de l'impôt. Celle-ci avait rejeté un appel d'une
nouvelle cotisation de l'impôt sur le revenu pour
l'année d'imposition 1967.
Le litige porte sur la nature d'une somme de
$378,000 que l'appelante a reçue du gouvernement
des États-Unis d'Amérique en vertu d'un contrat
accordant à ce dernier une licence lui permettant
d'utiliser des brevets et des «données de base» ou
des «techniques opératoires» en vue de la fabrica
tion, selon un nouveau procédé, du trinitrotoluène
(«TNT»).
L'appelante (ci-après nommée «CIL») s'occupait
depuis longtemps de la fabrication du TNT d'après
ce qu'on appelle le «procédé discontinu». L'incon-
vénient est que ce procédé présente des risques
d'incendie. Après que son usine de McMasterville
au Québec eut été détruite par le feu en 1958, CIL
commença à rechercher sur une méthode plus sûre
de fabrication du TNT. Elle découvrit qu'une
firme suédoise (ci-après nommée «Chematur»)
détenait les droits sur un nouveau procédé de
fabrication du TNT nommé «procédé continu»,
mais qu'elle n'avait pas encore d'usine où elle
l'utilisait. CIL et Chematur signèrent une entente,
sous forme de lettre, datée du 27 juin 1960 (ci-
après nommée «entente CIL-Chematur») qui per-
mettait à CIL d'utiliser le procédé continu. L'en-
tente prévoyait que CIL construirait la première
usine à utiliser le procédé continu et que les parties
se partageraient les droits tirés de tout octroi de
licence permettant à d'autres sociétés de construire
de semblables usines. Voici le texte de cette
entente:
[TRADUCTION] 1. Chematur s'engage à transmettre à C-I-L,
sur demande de C-I-L, tous les plans et données opératoires
concernant le procédé continu de nitration et de purification du
TNT, y compris les graphiques d'acheminement détaillés, les
dessins détaillés et les descriptions de l'équipement.
2. En contrepartie finale des données prévues précédemment,
C-I-L paiera à Chematur une somme égale au coût des services
techniques engagés pour fournir de telles données (y compris le
temps consacré à l'élaboration de rapports portant sur les
aspects techniques du procédé) de même qu'une somme addi-
tionnelle correspondant à 110% de ces coûts pour payer les frais
généraux. La somme totale ainsi payée sera déduite du prix de
l'équipement, conçu par Chematur, dont C-I-L pourra faire
l'acquisition de Chematur. Nous constatons que vous évaluez
que l'équipement servant à la nitration dont vous avez fait le
relevé dans votre lettre du 19 septembre 1958, mais possédant
un rendement plus élevé de 1400 liv./h., nous coûterait actuel-
lement approximativement 80,000 $CAN et que, sur une base
semblable, l'équipement servant à la purification nous coûterait
entre 15,000 $CAN et 20,000 $CAN.
3. Chematur accordera à C-I-L des licences irrévocables et non
exclusives pour tous droits de propriété industrielle au Canada
de même que toute technique opératoire concernant le procédé
continu de nitration et de purification du TNT. Ces licences
autoriseront également C-I-L à exporter ses produits dans tous
les pays sauf en Norvège.
4. Si C-I-L construit la première usine de TNT et débute les
opérations en utilisant le procédé Chematur, alors les condi
tions suivantes s'appliqueront:
a) Les licences accordées à C-I-L conformément au paragraphe
3 seront exemptes de redevance.
b) Chematur accordera des licences non exclusives et exemptes
de redevance concernant le procédé et tout brevet pertinent à
Imperial Chemical Industries Limited, Grande-Bretagne, à
African Explosives and Chemical Industries Limited, Afri-
que du Sud, à Imperial Chemical Industries of Australia and
New Zealand Ltd., et à Imperial Chemical Industries (India)
Limited, sur demande, pour l'utilisation dudit procédé dans
leurs pays respectifs.
c) C-I-L et Chematur se partageront également les droits payés
pour toute usine utilisant ce procédé qui sera construite
ultérieurement sur le continent nord-américain par d'autres
compagnies que C-I-L. Le montant de chaque droit sera fixé,
après entente, par Chematur et C-I-L qui prendront en
considération les avantages du procédé. C-I-L négociera
elle-même les ententes au sujet des licences et fournira au
détenteur de licence tous les dessins et les données opératoi-
res de sa propre usine (sauf, cependant, l'opération du
NITROPEL). Le détenteur de licence aura le droit, soit de
construire lui-même sa propre usine en se basant sur les
données obtenues de C-I-L, ou d'avoir recours aux services
de Chematur moyennant paiement du coût des services tech
niques offerts par Chematur et d'une somme additionnelle
correspondant à 110% de ces coûts pour payer les frais
généraux. Le détenteur de licence pourra acquérir l'équipe-
ment nécessaire de Chematur ou de tout fournisseur de son
choix. Sur demande, C-I-L, moyennant un droit supplémen-
taire, formera des opérateurs pour le détenteur de licence.
d) En contrepartie finale des droits accordés précédemment,
C-I-L fournira à Chematur un jeu complet des épures et des
données opérationnelles concernant l'usine complétée (sauf,
cependant, l'opération du NITROPEL) et lui accordera le droit
d'utiliser cette usine à titre de référence.
5. Si la première usine de TNT à débuter ses opérations en
utilisant le procédé de Chematur n'en n'était pas une construite
par C-I-L, alors C-I-L paiera à Chematur, en sus du montant
mentionné précédemment au paragraphe 2 et en considération
de l'octroi des licences prévu au paragraphe 3, une redevance
globale et définitive basée sur le rendement calculée d'après les
taux d'efficacité obtenus lors d'un essai. Une telle redevance
sera fixée à $250 pour chaque kilogramme de toluène requis, en
deçà de 495 kilogrammes, pour la production de 1,000 kilo-
grammes de TNT raffiné, plus $250 pour chaque kilogramme
d'acide nitrique requis, en deçà de 1,150 kilogrammes, pour la
production de 1,000 kilogrammes de TNT raffiné. Les taux
d'efficacité mentionnés seront fixés en tenant compte de la
production de TNT raffiné possédant un point de congélation
minimum de 80.2° C, pouvant résister à l'épreuve d'Abel 20
minutes à 160° F et utilisant le procédé de purification au
sellite.
Après avoir poussé plus loin les recherches et
mises au point à partir des informations obtenues
de Chematur, CIL réussit en 1962 construire à
McMasterville, au Québec, la première usine de
TNT utilisant le procédé continu. En 1965, une
deuxième usine utilisant le même procédé fut cons-
truite par CIL à Valleyfield toujours au Québec.
Presque toute la production de l'usine Valleyfield
était du TNT destiné à une utilisation militaire. Le
gouvernement des États-Unis était en fait le seul
client de CIL. Les ventes par CIL de TNT au
gouvernement canadien à des fins militaires
étaient négligeables. Le gouvernement des États-
Unis possédait plusieurs usines utilisant le procédé
discontinu qui avaient été construites aux environs
de 1940, mais il rencontrait des difficultés quant à
leur exploitation. CIL était la seule société à qui il
achetait des quantités supplémentaires de TNT.
Vers 1966, soit environ un an après la mise sur
pied de l'usine de Valleyfield, le gouvernement des
Etats-Unis fit des démarches auprès de CIL pour
obtenir le droit d'utiliser le procédé continu dans
des usines qu'il construirait lui-même. Depuis
quelque temps déjà il cherchait une meilleure
méthode de fabrication du TNT. Dans son témoi-
gnage, M. A. S. Donohoe, directeur des ventes de
CIL, a laissé entendre que sa société ne pouvait
que consentir. Comme il l'a dit lui-même: [TRA-
DUCTION] «On ne résiste pas à l'oncle Sam.»
En 1967, CIL signa des contrats permettant au
gouvernement des Etats-Unis, avec son assistance,
de construire des usines de TNT utilisant le pro-
cédé continu. Deux contrats furent passés. Celui
qui nous intéresse aux fins du présent appel s'inti-
tule [TRADUCTION] «contrat de sous-licence por-
tant sur le brevet et les données» (ci-après appelé
«contrat de licence». Ce contrat entre CIL et le
gouvernement des États-Unis fut passé le 30 juin
1967. Il visait à accorder au gouvernement des
États-Unis le droit d'utiliser certains brevets amé-
ricains portant sur le procédé continu et dont
Chematur avait le contrôle et les «techniques opé-
ratoires» concernant le procédé que CIL avait
mises au point et dont elle prétendait être proprié-
taire. Le deuxième contrat (ci-après nommé «con-
trat de services») fut conclu le même jour entre
CIL et le premier contractant du gouvernement
des États-Unis, une société que l'on peut désigner
sous le nom de «Hercules». Il prévoyait que CIL
fournirait à Hercules de l'assistance, sous forme de
renseignements et de services, en vue de la cons
truction des premières usines de fabrication en
continu de TNT pour le gouvernement des États-
Unis. Le contrat de services est désigné dans le
contrat de licence sous le nom de «sous-contrat n°
397». La somme que CIL a reçue en vertu du
contrat de services a été considérée comme un
revenu aux fins de l'impôt et n'est pas contestée
dans le présent appel. La somme en litige est celle
qui a été payée en vertu du contrat de licence.
L'engagement par CIL de transmettre des «techni-
ques opératoires» est néanmoins visé dans une
certaine mesure par les deux accords. CIL est
désignée dans le contrat de licence sous le nom de
«contractant» et les États-Unis d'Amérique, sous le
nom de «gouvernement». L'article 1 du contrat de
licence prévoit notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] ARTICLE 1. OCTROI DE LICENCE
a) Le contractant accepte par les présentes d'accorder et de
céder au gouvernement ainsi qu'à ses agents, représentants et
employés dans l'exercice de leurs fonctions une licence irrévoca-
ble non exclusive pour l'utilisation par ou pour le gouvernement
des États-Unis d'Amérique, à des fins gouvernementales (non
commerciales) seulement, de toutes les données ou d'une partie
quelconque:
provenant du contractant avant la date de signature de
la présente licence, y compris toutes données dont le contrac-
tant se prétend propriétaire, pertinentes audit procédé de fabri
cation continue du TNT développé par le contractant avant la
date effective du présent contrat et dudit contrat n° 397; et
de toutes les données qui peuvent être développées par le
contractant en vertu des termes dudit contrat n° 397 pour la
construction d'une usine rencontrant les exigences du gouverne-
ment d'au moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, ledit
TNT devant être d'une qualité répondant aux spécifications
gouvernementales;
ladite licence s'étend aux données à livrer aux temps et lieu
fixés par le gouvernement et comprend, mais non limitative-
ment:
(I) Copies de toutes les publications, rapports, mémoires,
documents et autres écrits ayant trait, en tout ou en partie aux
plans, à la construction, au fonctionnement et à l'entretien du
procédé de fabrication continue du TNT, des appareils et de
l'usine.
(2) Dessins des plans suffisamment détaillés pour permettre
la construction et le fonctionnement d'une usine mettant en
application le procédé de fabrication continue du TNT du
contractant.
(3) Données décrivant graduellement la marche à suivre
pour le fonctionnement et l'entretien desdites usines, les règles
de sécurité et les risques latents, les surplus de matériel et
d'opération, les conditions du procédé et les mesures spécifiques
au procédé, les résultats des tests d'efficacité effectués par le
contractant, les problèmes de fonctionnement révélés par l'ex-
périence ou prévus par le contractant, les liens dangereux qui
existent particulièrement entre l'équipement, les dessins des
appareils de contrôle et de l'instrumentation et les caractéristi-
ques de l'élimination des déchets.
(4) Renseignements établissant les caractéristiques des plans
dudit procédé et de l'équipement qui sont dangereuses et les
quantités et les concentrations nécessaires de substances dange-
reuses, y compris les moyens d'augmenter la capacité des unités
en modifiant le rendement de l'équipement et les concentrations
et les quantités de substance.
TOUTEFOIS, rien dans le présent article la) ou ailleurs dans
ce contrat ne doit être interprété comme accordant une licence
au gouvernement des États-Unis ou à d'autres en vertu de
brevets ou de demandes de brevets de tout pays autre que les
États-Unis d'Amérique.
b) Le contractant accepte en outre par les présentes d'accor-
der et de céder au gouvernement représenté par le Secretary of
the Army, une licence irrévocable, non exclusive et personnelle
en vertu de tous brevets américains et demandes de brevet du
contractant basés sur des inventions dont le contractant est
propriétaire ou a le contrôle ou à l'égard desquelles le contrac-
tant a le droit, à la date d'entrée en vigueur de la licence,
d'accorder des licences ou sur des inventions dont le contractant
deviendra propriétaire ou aura le contrôle ou à l'égard desquel-
les le contractant acquerra le droit d'accorder des licences pour
une période de dix (10) ans à compter de la date dudit contrat
n° 397, qui forment une partie intégrante du procédé faisant
l'objet dudit contrat n° 397 comme il existait à la date d'entrée
en vigueur dudit contrat n° 397 et avec les modifications qu'il a
subies pour rencontrer les exigences du gouvernement d'au
moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, de façon que le
gouvernement mette en pratique, à des fins gouvernementales
(non commerciales) seulement, ou permette que d'autres met-
tent en pratique pour le gouvernement dans ce but seulement,
une ou toutes les inventions portant sur l'utilisation de métho-
des, la fabrication, l'utilisation et l'élimination de produits et la
vente de toute usine ou partie d'usine conformément à la loi;
lesdits brevets et demandes de brevets comprennent les
suivants:
(1) Le brevet américain n° 3,034,867 délivré le 15 mai 1962
à Erik Samuelson pour la fabrication continue du trinitroto-
luène;
(2) Le brevet américain n° 3,087,971 délivré le 30 avril 1963
à Erik Samuelson pour sa méthode de fabrication du
trinitrotoluène;
(3) Le brevet américain n° 3,087,973 délivré le 30 avril 1963
à Erik Samuelson pour la fabrication continue du trinitroto-
luène;
(4) Le brevet américain n° 3,204,000 délivré le 31 août 1965
à Erik Samuelson pour la fabrication du nitrotoluène.
c) Le contractant accepte en outre de fournir au gouverne-
ment des copies de demandes de brevets américains basés sur
des inventions ou des perfectionnements dont il est propriétaire
ou a le contrôle relativement à la fabrication continue du TNT,
pour une période de dix (10) ans à compter de la date d'entrée
en vigueur dudit contrat n° 397.
d) Conformément aux dispositions dudit contrat n° 397, le
contractant fournira au gouvernement ou au contractant de son
choix, toute l'assistance technique, que ce soit en personnel ou
autrement, nécessaire pour modifier les plans des équipements
actuels du contractant servant au procédé de fabrication conti
nue du TNT de façon à concevoir une usine capable de
produire au moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, la
qualité et le degré dudit TNT devant être conforme aux
spécifications gouvernementales.
e) A tout moment et, le cas échéant, durant les heures
normales de bureau, par l'entremise d'un agent autorisé ou
d'agents autorisés, le gouvernement aura le droit d'inspecter les
usines de fabrication continue de TNT du contractant en vue de
constater des améliorations d'exploitation dudit procédé, et le
contractant accepte de les révéler. Le contractant s'engage en
outre à communiquer ces données et à en permettre l'utilisation
par les usines du gouvernement. De même, le gouvernement
s'engage à tenir à la disposition du contractant les données dont
il est propriétaire ou a le contrôle en ce qui concerne des
améliorations semblables réalisées dans les usines du gouverne-
ment. Cette clause est valable pour une période de dix (10) ans
à compter de la date d'entrée en vigueur du présent contrat.
g) A l'expiration d'un délai de dix (10) ans à compter de la
date d'entrée en vigueur du présent contrat, le gouvernement
aura la faculté de disposer librement, de toute usine ou installa
tion construite conformément aux plans et données fournis par
le contractant en vertu dudit contrat n° 397 et de divulguer ces
plans et données à toute personne, y compris aux acquéreurs de
ces usines ou installations. Au cas où le gouvernement décide-
rait de céder toute usine ou installation avant la fin de cette
période de dix (10) ans, le contractant aura un droit de
préemption. Si l'acquéreur est autre que le contractant, il devra
s'obliger contractuellement à n'utiliser ces plans et données
qu'au sein des locaux achetés, pour des fins gouvernementales
(non commerciales) seulement et à ne pas divulguer à quicon-
que lesdites données et ce, pour le reste de ladite période de dix
(10) ans, à moins que le contractant accepte, à des conditions
raisonnables, d'accorder une licence permettant le fonctionne-
ment de l'usine pour des fins commerciales.
h) Le contractant s'engage à marquer d'une restriction
d'usage et de diffusion tous les documents et données relatifs
aux appareils, procédés ou pièces produits à frais personnels et
fournis en vertu dudit contrat n° 397. Le gouvernement et le
contractant de son choix observeront ces restrictions pour une
période de dix (10) ans à compter de la date d'entrée en vigueur
du présent contrat et dudit contrat n° 397, POURVU que ces
restrictions ne s'appliquent pas aux données du domaine public
ou à celles autrement mises à la disposition du gouvernement
sans réserve.
Les modalités de paiement sont prévues à
l'article 4:
ARTICLE 4. PAIEMENT
En contrepartie de la présente licence, le gouvernement, sous
réserve de la disponibilité des fonds, devra payer au contractant
une somme totale de six cent mille dollars ($600,000) pour
l'incorporation et l'utilisation desdites données, techniques opé-
ratoires et inventions dans la construction et l'utilisation par le
gouvernement d'usines ou d'équipements pour ledit procédé de
fabrication continue, ledit paiement total de six cent mille
dollars ($600,000) devant s'effectuer de la façon suivante: La
moitié eh) à la date d'entrée en vigueur du contrat n° 397; et
l'autre moitié ('h) sur acceptation des données spécifiquement
exigées audit contrat n° 397. La somme totale arrêtée constitue
un paiement complet pour la réception et l'utilisation desdites
données, conformément aux termes du présent contrat et le
gouvernement ne sera pas obligé de payer pour les usines et
équipements supplémentaires.
De l'accord des parties, la somme arrêtée a été
plus tard portée à $650,000. Par lettre datée du 9
août 1967, CIL et Chematur convinrent de répar-
tir cette somme comme suit:
[TRADUCTION] Nous nous référons à l'entente intervenue
entre nos sociétés, en date du 27 juin 1960, relativement à
l'acquisition par nous de droits afférents à votre procédé con-
tinu de fabrication du TNT, et à notre récente correspondance
au sujet de notre vente au gouvernement des États-Unis de
droits attachés à ce procédé.
La présente lettre sert à constater que, compte tenu de la
nature des techniques opératoires à fournir au gouvernement
des t.-U. et malgré les termes de la clause 4c), de notre entente
du 27 juin 1960, nos deux sociétés sont convenues de se
partager comme suit le prix reçu du gouvernement américain.
Chematur recevra $300,000 et C-I-L conservera $350,000 de la
somme de $650,000.
M. Harley Prime, directeur d'un groupe d'ingé-
nierie et des recherches sur les explosifs chez CIL,
a déposé qu'en ce qui concerne la recherche et la
mise au point en vue de la construction de la
première usine de fabrication en continu de TNT,
la contribution de CIL a été de 80%, et celle de
Chematur de 20%.
En vertu du contrat de licence et de celui de
services, le gouvernement des États-Unis a procédé
immédiatement, avec l'assistance de CIL, à la mise
sur pied de trois usines de fabrication en continu.
En fin de compte, vingt usines de ce genre furent
construites, et au moment de l'audition en 1974
devant la Commission de révision de l'impôt, qua-
torze d'entre elles fonctionnaient déjà et six étaient
en voie d'achèvement.
Le gouvernement des États-Unis cessa finale-
ment d'acheter du TNT à CIL. La preuve ne
révèle pas le moment précis où ceci s'est produit.
Au moment de l'audition devant la Commission de
révision de l'impôt, CIL avait cessé définitivement
de vendre du TNT au gouvernement des États-
Unis. A cette époque, l'usine de Valleyfield produi-
sait divers produits. Elle ne produisait que de
petites quantités de TNT militaire pour le gouver-
nement canadien; ce dernier avait du reste placé
des restrictions sur la vente à d'autres que lui par
CIL de TNT militaire. A partir des éléments de
preuve, il est toutefois possible de conclure que,
pendant quelque temps encore après la signature
du contrat de licence, CIL a continué de vendre du
TNT militaire au gouvernement des États-Unis.
CIL prétend que, du fait de la passation du contrat
de licence et de l'exécution des obligations qu'il lui
imposait, elle a perdu complètement ses débouchés
pour le TNT auprès du gouvernement des
Etats-Unis.
Jusqu'à l'audition, l'entente avec le gouverne-
ment des États-Unis était la seule du genre prévu à
l'entente CIL-Chematur en vue de l'établissement
d'usines de fabrication en continu de TNT que
CIL eût signée.
Le point en litige dans le présent appel est de
savoir si la somme de $378,000 ($350,000 en
monnaie américaine) que CIL a reçue pour sa part
du paiement effectué en vertu du contrat de
licence est une recette en capital. La Commission
de révision de l'impôt et la Division de première
instance ont décidé qu'il s'agissait d'un revenu.
L'appelante prétend que la somme reçue est une
recette en capital du fait qu'elle a été payée en
contrepartie de la cession par la société d'une
partie de ses capitaux fixes. Il est allégué que le
paiement effectué en vertu du contrat de licence
était un paiement définitif global n'ayant aucun
rapport avec l'utilisation des brevets et des préten-
dues «données de base» ou «techniques opératoires»
brevetées, et qu'en outre, du fait du contrat de
licence, CIL a totalement perdu le marché pour le
TNT militaire que représentait le gouvernement
des États-Unis. L'intimée prétend que l'entente
intervenue entre CIL et Chematur considérait les
transactions du genre de celle qui nous intéresse
comme des affaires d'où seraient tirés des revenus,
que la licence permettant l'utilisation des brevets
et des «techniques opératoires» avait un caractère
non exclusif permettant à l'appelante de conclure
d'autres marchés semblables aux États-Unis. Tou-
jours selon l'intimée, rien n'indique que l'appelante
ait perdu ses débouchés auprès du gouvernement
des Etats-Unis du fait de la passation du contrat
de licence avec ce dernier.
Plusieurs arrêts ont été invoqués, mais l'accent a
été mis particulièrement sur quatre d'entre eux,
savoir: Evans Medical Supplies, Ltd. c. Moriarty
(H.M. Inspector of Taxes) 37 T.C. 540, Jeffrey
(H.M. Inspector of Taxes) c. Rolls-Royce, Ltd. 40
T.C. 443, Musker (H.M. Inspector of Taxes) c.
English Electric Co., Ltd. 41 T.C. 556, et Wolf
Electric Tools Ltd. c. Wilson (H.M. Inspector of
Taxes) 45 T.C. 326. L'appelante prétend que la
somme reçue en vertu du contrat de licence est de
la même nature que les paiements forfaitaires qui
ont été considérés dans les arrêts Evans Medical
Supplies et dans Wolf Electric comme étant une
recette en capital. L'intimée soutient qu'il s'agit
d'un revenu, comme il a été décidé au sujet de
paiements forfaitaires dans les arrêts Rolls-Royce
et English Electric. Il importe donc d'analyser ces
arrêts.
Dans Evans Medical Supplies et dans Wolf
Electric, il s'agissait de contrats par lesquels des
sociétés s'étaient engagées à révéler des procédés
secrets et des «techniques opératoires» et à fournir
l'assistance nécessaire à d'autres sociétés en vue de
permettre à celles-ci d'oeuvrer dans le même
domaine qu'elles, ce qui entraîna une perte totale
de leur marché dans les pays en question. Cette
conséquence est l'aspect de ces arrêts sur lequel a
insisté l'appelante. Il semble que, dans les arrêts
Rolls-Royce et English Electric, la Chambre des
Lords ait également considéré comme distinctif cet
élément de l'arrêt Evans Medical Supplies. Il
s'agissait, dans ces arrêts, de contrats par lesquels
des sociétés avaient cédé à des gouvernements et à
d'autres sociétés leurs «techniques opératoires» en
contrepartie de paiements forfaitaires et ce, quelle
que soit l'importance de l'utilisation de ces techni
ques opératoires. Il a été décidé qu'en agissant
ainsi, elles n'avaient perdu aucun débouché. Au
contraire, grâce à ces contrats, il leur avait été
possible d'exercer leurs activités dans des pays où
elles n'auraient pas pu le faire autrement.
Puisque l'appelante s'est appuyée sur l'arrêt
Evans Medical Supplies, il importe d'examiner
plus soigneusement les faits de cette affaire et les
diverses opinions exprimées dans la Chambre des
Lords. Le gouvernement de la Birmanie ayant
décidé que le pays devait avoir sa propre industrie
pharmaceutique, il chercha à obtenir l'assistance
d'une société pharmaceutique bien établie. Evans
Medical Supplies Ltd. était tout indiquée, puis-
qu'elle avait un marché mondial et même une
entreprise en Birmanie exploitée par un intermé-
diaire. Encouragée par son gouvernement et dési-
rant tirer le meilleur parti de la situation, elle
conclut avec le gouvernement birman une entente
par laquelle elle acceptait de révéler ses procédés
secrets et d'aider à mettre sur pied une industrie
pharmaceutique. En contrepartie, la société reçut
ce que l'entente désignait comme une [TRADUC-
TION] «somme en capital» de £100,000. Du fait de
la conclusion de cette entente, la société perdit tout
son marché en Birmanie. C'est le seul cas où la
société en question ait révélé ses procédés secrets
pour permettre à une autre société de lui faire
concurrence. Les opinions furent partagées dans la
Chambre des Lords. Deux membres de la Cham-
bre, vicomte Simonds et lord Tucker, décidèrent
qu'il s'agissait d'un capital. Par contre, d'après
lord Denning et lord Keith of Avonholme, il s'agis-
sait d'un revenu. Le cinquième membre, lord
Morton of Henryton, statua qu'il s'agissait d'un
capital dans la mesure où la somme en cause avait
été tirée de la révélation de procédés secrets, et que
l'affaire devrait être renvoyée afin que soit établie
la mesure dans laquelle cette somme provenait
d'une telle révélation. La société obtint gain de
cause en appel pour le plein montant parce que
lord Denning, tout en considérant la somme
comme étant un revenu, décida que celle-ci n'avait
pas été reçue dans le cadre des affaires existantes
de la société et que, par conséquent, elle ne pouvait
pas être prise en compte dans l'évaluation de ces
affaires pour l'année d'imposition considérée.
Aussi doit-on constater qu'il n'y a pas eu majorité
au sein de la Chambre des Lords pour conclure
que la totalité de la somme était un capital.
Vicomte Simonds, avec qui lord Tucker s'est dit
d'accord, a adopté le critère énoncé par le lord
juge Bankes dans British Dyestuffs Corporation
(Blackley), Ltd. c. Commissioners of Inland Reve
nue 12 T.C. 586, la page 596. Voici ce qu'il a
déclaré:
[TRADUCTION] ... on peut se demander si l'opération est une
cession par la société d'une partie de ses biens pour un prix de
vente ou s'il s'agit d'une méthode commerciale par laquelle la
société acquiert cette somme d'argent comme une partie des
profits tirés de ce commerce.
Vicomte Simonds a assimilé les procédés secrets
à un brevet et a décidé qu'ils constituaient un bien
immobilisé et que la société s'était [TRADUCTION]
«départie de sa propriété pour un prix de vente.»
Quant à la nature d'un procédé secret, il a renvoyé
à la décision de la Cour d'appel dans Handley
Page c. Butterworth (H.M. Inspector of Taxes) 19
T.C. 328. Dans cette affaire, où il s'agissait du
dédommagement versé après la guerre par le gou-
vernement pour l'utilisation de procédés secrets
que l'inventeur avait été obligé de révéler, le lord
juge Romer, après avoir décrit la position du titu-
laire de brevet, a déclaré aux pages 359 et 360:
[TRADUCTION] Le propriétaire d'un procédé secret tel que
celui que détenait M. Handley Page, se trouve dans une
situation fort semblable; il ne détient pas un monopole de droit,
il en détient un de fait—un monopole de fait qui vient de sa
possession de la connaissance secrète du procédé qu'il utilise.
Cette connaissance secrète constitue son bien immobilisé, tout
comme le monopole que confère le brevet constitue le bien
immobilisé du titulaire du brevet, et, comme pour le brevet, il
peut utiliser ce bien immobilisé de l'une ou l'autre des façons
suivantes ou même des deux: il peut lui-même utiliser le
procédé secret ou il peut—ce qui se fait très rarement à cause
des risques évidents que cela présente—accorder une licence
permettant à une tierce personne d'utiliser le procédé secret,
tout en prévoyant que cette tierce partie ne pourra divulguer à
d'autres son procédé. Aussi bien les profits qu'il tire de l'utilisa-
tion personnelle du procédé secret que les redevances qu'il
obtient du détenteur de licence, seront des profits ou gains
annuels au sens de l'annexe D. Mais, s'il vend son procédé
secret ou, comme en l'espèce, s'il cède son quasi-monopole en le
rendant public, alors j'estime que, dans l'un ou l'autre cas,
l'argent qu'il reçoit en paiement constitue un capital. En l'es-
pèce, sur invitation du gouvernement, il a divulgué son secret,
avec pour conséquence que son bien immobilisé a cessé d'exis-
ter. A mon avis, le paiement en question lui a été versé pour la
cession de son bien immobilisé et constitue, entre ses mains, de
l'argent en capital non imposable en vertu de l'annexe D ou de
toute autre annexe.
Lord Morton of Henryton, qui a décidé que le
paiement forfaitaire était un capital dans la
mesure où il provenait de la divulgation des procé-
dés secrets de la société, a adopté le raisonnement
des juges de la Cour d'appel, raisonnement qui a
fait mention de la façon dont le lord juge Romer a
décrit dans Handley Page la nature des procédés
secrets. Les juges de la Cour d'appel avaient
décidé que le fait que la divulgation n'était pas une
divulgation au public comme dans Handley Page,
ne l'empêchait pas d'être une cession d'une partie
importante des actifs de la société.
Lord Denning a statué qu'il ne s'agissait pas
d'une vente de procédés secrets, puisque la société
avait conservé le droit d'utiliser elle-même les pro-
cédés, mais qu'il s'agissait plutôt d'une convention
de transfert de «techniques opératoires». Selon lui,
les «techniques opératoires» ne sauraient être ven-
dues comme un bien immobilisé pour une somme
en capital; elles ne peuvent qu'être utilisées par
une société ou enseignées à d'autres moyennant
rétribution. Admettant qu'il pourrait y avoir vente
de procédés secrets moyennant une somme d'ar-
gent qui serait un capital, il a déclaré à la page
589: [TRADUCTION] «Même lorsqu'une compagnie
détient des procédés secrets, la divulgation de
`techniques opératoires' se distingue de la vente de
l'achalandage ou d'un procédé secret parce qu'une
telle vente implique que le vendeur ne peut plus se
prévaloir de la connaissance spéciale dont il s'est
départi: voir Trego c. Hunt, [1896] A.C. 7, aux
pages 24 et 25; elle peut donc être considérée avec
raison comme la vente d'un actif immobilisé: voir
Handley Page c. Butterworth, 19 T.C. 328. Mais
celui qui divulgue des `techniques opératoires' con
serve toujours le droit de les utiliser lui-même,
comme c'était le cas ici.»
Lord Keith of Avonholme a décidé que tout
tendait à étayer la conclusion des Commissaires
selon laquelle la société faisait le commerce des
«techniques opératoires».
Les observations ultérieures de la Chambre des
Lords sur la décision Evans Medical Supplies sont
importantes en ce qu'elles dégagent les traits dis-
tinctifs de cette affaire. Dans l'arrêt Rolls-Royce,
où la Chambre des Lords a statué que les paie-
ments forfaitaires reçus en contrepartie de la
divulgation de «techniques opératoires» étaient des
revenus, le vicomte Simonds, se référant à l'arrêt
Evans Medical Supplies, a déclaré aux pages 490
et 491 qu'on avait conclu dans cette affaire que la
somme en capital avait été versée pour la commu
nication de procédés secrets, communication [TRA-
DUCTION] «ayant entraîné pour la société la perte
totale de son marché birman», qu'on devait insister
sur le fait que l'opération était une opération
isolée, et qu'on avait assimilé les procédés secrets
aux brevets. Il a ajouté: [TRADUCTION] «La déci-
sion n'a pas établi ou prétendu établir le principe
que toutes les fois qu'une société divulgue à une
tierce partie ce qu'on appelle les `techniques opéra-
toires' et reçoit en contrepartie ce qu'on nomme
une somme forfaitaire, cette somme constitue,
pour fins d'impôt, une recette en capital. Les faits
d'une affaire, comme à mon avis ceux de celle qui
nous intéresse, peuvent conduire à la conclusion
contraire.» Lord Reid a déclaré à la page 492 que
les caractéristiques de l'arrêt Evans Medical Sup
plies résidaient dans le fait que la société avait
perdu son marché birman, que la valeur des procé-
dés secrets avait beaucoup diminué à la suite de
leur divulgation au gouvernement de la Birmanie,
et qu'il n'y avait eu qu'une seule opération alors
que dans l'arrêt Rolls-Royce, il y en avait eu
plusieurs dans le cadre d'une politique définie.
Lord Radcliffe a déclaré à la page 495: [TRADUC-
TION] «Ce dont ont fait cas les opinions majoritai-
res dans cette affaire, c'est le fait que la société ait
vendu au gouvernement birman un procédé secret
dont dépendait le succès de son entreprise en Bir-
manie, et qu'elle a effectivement cédé tout son
marché birman. Agir ainsi revenait à céder une
partie de ses biens immobilisés, et l'argent reçu en
contrepartie ne constituait pas une recette d'ex-
ploitation. Cette affaire a été considérée compara
ble à l'arrêt Handley Page c. Butterworth, 19 T.C.
328 dans laquelle, le propriétaire d'un procédé
secret avait anéanti son bien en le rendant public».
Lord Morris of Borth -y-Gest, se référant à l'arrêt
Evans Medical Supplies à la page 497, a souligné
qu'il n'y avait eu qu'une seule opération et non
plusieurs comme dans l'arrêt Rolls-Royce, et que
la divulgation de connaissances s'était effectuée au
détriment de l'entreprise de la société en Birmanie.
Lord Guest a dit à la page 498 qu'il considérait
l'affaire Evans Medical Supplies comme [TRA-
DUCTION] «une affaire très spéciale où il a été
statué sur le fondement des circonstances de l'es-
pèce». Il a déclaré que la divulgation par la société
de ses procédés secrets, qui n'avaient jamais été
révélés à quiconque auparavant, [TRADUCTION] «a
entraîné l'arrêt graduel de son commerce en gros
en Birmanie», et que la société [TRADUCTION] «a
cédé un actif qui était la source, ou l'une des
sources, de ses revenus.» D'après lui, il y avait eu
réalisation d'une partie considérable de la valeur
en capital des procédés secrets par suite d'une
vente [TRADUCTION] «définitive».
L'arrêt Evans Medical Supplies a aussi été
commenté par la Chambre des Lords dans l'affaire
English Electric, où une fois de plus il a été décidé
à l'unanimité que la société faisait le commerce
des «techniques opératoires» et que les paiements
forfaitaires reçus constituaient un revenu. Il a été
décidé qu'on devait appliquer l'arrêt Rolls-Royce
à cette affaire. Lord Donovan, à l'avis duquel lord
Reid s'est rangé, a déclaré à la page 588, à propos
de l'arrêt Evans Medical Supplies: [TRADUCTION]
«A cet égard, ce qui distingue l'arrêt Evans Medi
cal Supplies, Ltd. c. Moriarty, ce sont, à mon avis,
les circonstances de l'opération qui a consisté de
fait en la cession graduelle par la société de son
entreprise de Birmanie. Lorsqu'on vend une entre-
prise ou qu'on y renonce graduellement, et qu'une
partie de la contrepartie est une somme globale
pour la divulgation de procédés secrets permettant
à l'acquéreur de l'entreprise de continuer l'exploi-
tation de celle-ci, il est bien possible que cette
somme globale doive être considérée comme fai-
sant simplement partie de la contrepartie globale
de la vente et être par conséquent tenue pour du
capital.»
Dans l'arrêt Wolf Electric, sur lequel s'appuie
également l'appelante, la société, s'occupant de la
fabrication d'outils mécaniques en Angleterre et
ayant un commerce d'exportation important, ven-
dait en Inde des outils par l'entremise d'une
agence autonome lorsque, pour des raisons de poli-
tique gouvernementale semblables à celles de l'ar-
rêt Evans Medical Supplies, on la força à mettre
sur pied en Inde des installations de fabrication.
Une société fut donc constituée dans ce pays, à
laquelle Wolf Electric s'engagea à fournir les ren-
seignements secrets nécessaires à la fabrication de
certains outils. Elle accorda en outre à la société
indienne le droit exclusif, pour une période déter-
minée, de fabriquer ces outils en Inde. En contre-
partie de la divulgation des renseignements concer
nés, Wolf Electric avait droit à 45% des actions de
la société indienne. Il s'agissait de savoir si la
valeur de ces actions était une recette en capital ou
un revenu. Le juge Pennycuick de la Chancery
Division of the High Court décida que c'était une
recette en capital. D'après lui, ce qui s'était pro-
duit, c'était un changement dans l'activité lucra
tive de la société: elle avait échangé son achalan-
dage en Inde contre les actions de la société
indienne. Il déclara que c'est dans l'arrêt Evans
Medical Supplies plutôt que dans les arrêts Rolls-
Royce ou English Electric qu'il fallait chercher la
solution à donner à l'affaire en question. Citant les
paroles de vicomte Radcliffe dans l'arrêt English
Electric, il déclara à la page 340 que l'obligation
de fournir des renseignements constituait l'un des
éléments [TRADUCTION] «d'une entente globale en
vertu de laquelle, à l'égard d'outils donnés, la
société se trouvait à céder son commerce en Inde.»
Pour conclure, il fit remarquer que, dans les arrêts
Rolls-Royce et English Electric, les sociétés
n'avaient pas au préalable d'achalandage dans les
pays où elles avaient passé des accords pour céder
leurs «techniques opératoires», et que l'achalan-
dage préexistant en Inde dans l'arrêt Wolf Electric
constituait le facteur déterminant pour en arriver à
la conclusion que l'opération était une recette en
capital.
Quant à la clause d'exclusivité de l'entente, le
juge Pennycuick n'a pas précisé son importance.
Toutefois, l'intérêt de la distinction entre une
licence non exclusive et une licence exclusive a été
mis en relief dans l'arrêt Murray (H.M. Inspector
of Taxes) c. Imperial Chemical Industries Ltd. 44
T.C. 175, où le point en litige était la nature pour
fins d'impôt, d'une somme forfaitaire versée en
vertu d'une convention de «non-concurrence» qui a
été jugée comme accessoire aux licences portant
sur les brevets. La Cour a décidé qu'il s'agissait
d'une recette en capital. Les licences avaient été
accordées pour la durée des brevets. Ces licences
ainsi que la convention de «non-concurrence» ont
été jugées valoir cession des droits afférents aux
brevets pour une somme forfaitaire ne dépendant
pas de leur utilisation dans les pays en question.
En Cour d'appel, lord Denning, M.R., a discuté de
l'importance de divers types d'opérations sur les
brevets entraînant le versement d'une somme for-
faitaire. L'intimée cite ce passage à l'appui de sa
prétention selon laquelle, en l'espèce, le caractère
non exclusif de la licence fait que l'opération ne
constitue pas une recette en capital. Je cite seule-
ment une partie de cet extrait des motifs de lord
Denning, qui commence à la page 211. Après avoir
fait ressortir la distinction entre les droits accordés
en vertu d'une licence ordinaire ou non exclusive,
d'une licence «unique» et d'une licence exclusive,
dont la licence assortie d'une clause de «non-con
currence» n'est qu'une forme particulière, ainsi que
les divers types de paiements que le titulaire de
droits afférents au brevet peut recevoir, lord Den-
ning, M.R., a déclaré à la page 212:
[TRADUCTION] Si, et dans la mesure où, il cède ses droits
afférents au brevet simplement pour une somme forfaitaire, qui
est fixée en fonction de l'importance de l'utilisation prévue,
normalement, elle constitue un revenu pour le bénéficiaire (voir
le jugement de lord Greene, M.R., dans Nethersole c. Withers
(1948) 28 T.C. 501, la page 512; lord Simon de la Chambre
des Lords y a souscrit à la page 518). Mais, s'il les cède pour
une somme forfaitaire qui n'est pas fixée en tenant compte de
l'utilisation prévue, elle constitue normalement une recette en
capital (tel est le cas du paiement de £25,000 dans l'arrêt
British Salmson). Il en va autrement lorsqu'un homme ne se
départit pas des droits que lui confère un brevet, mais les
conserve et accorde une licence non exclusive. Il ne cède pas
alors un bien immobilisé. Au contraire, il le conserve et le fait
fructifier. Dans ces cas, une somme forfaitaire peut constituer
un revenu (voir Commissioners of Inland Revenue c. Rustproof
Metal Window Co. Ltd. (1947) 29 T.C. 243, aux pages 270 et
271, où lord Greene, M.R., souligne qu'il s'agissait en l'espèce
d'une licence non exclusive). De même, une somme forfaitaire
versée en contrepartie de la divulgation de «techniques opératoi-
res» peut constituer un revenu. Le propriétaire ne cède pas son
bien immobilisé, il ne fait que l'utiliser.
En l'espèce, il s'agit clairement d'une somme
forfaitaire qui n'a pas été fixée en fonction de
l'utilisation. Elle a été versée en vertu d'une licence
non exclusive permettant l'utilisation d'une inven
tion et de «techniques opératoires». L'appelante a
prétendu que, d'après une jurisprudence bien éta-
blie, un paiement de ce genre devait être considéré
comme une recette en capital. Je ne pense pas que
la jurisprudence permette d'être aussi catégorique,
comme le montre le jugement rendu par lord
Denning dans l'affaire Imperial Chemical que j'ai
citée. Dans l'affaire Constantinesco c. Le Roi 11
T.C. 730, dans laquelle le paiement d'une somme
forfaitaire effectué postérieurement à l'utilisation
d'un brevet a été jugé constituer un revenu, le juge
Rowlatt a déclaré: [TRADUCTION] «Supposons
qu'on dise avant l'utilisation: `Payez £25,000'—ou
toute somme dont les parties sont convenues—'et
utilisez-le autant que vous voudrez, pour un temps
déterminé ou pendant la durée tout entière du
brevet.' Il s'agirait clairement d'une somme forfai-
taire. Il ne s'agirait pas d'une cession du brevet,
puisque d'autres pourraient l'utiliser aussi, mais, à
mon avis, il s'agirait manifestement d'une somme
en capital.» Dans Desoutter Bros. Ltd. c. J. E.
Hanger & Co., Ltd. [1936] 1 All E.R. 535, s'ap-
puyant sur cette déclaration, le juge MacKinnon a
décidé qu'un paiement forfaitaire versé à titre
d'acompte pour une licence permettant l'utilisation
d'un brevet, sans limite quant à l'importance de
cette utilisation, constituait une recette en capital.
Rien n'indiquait qu'il s'agissait d'une licence
exclusive, et, à cet égard, on n'a pas fait état de la
distinction entre une licence non exclusive et une
licence exclusive. Ces opinions judiciaires corrobo-
rent certainement la prétention de l'appelante.
Dans l'arrêt British Salmson Aero Engines, Ltd. c.
Commissioners of Inland Revenue 22 T.C. 29, la
Cour d'appel a statué qu'un paiement forfaitaire
ne dépendant pas de l'importance de l'utilisation
versé en contrepartie d'une licence exclusive per-
mettant l'utilisation d'un brevet était une recette
en capital. Se fondant sur ce qu'a déclaré le lord
juge Greer dans l'arrêt Mills c. Jones (H.M.
Inspector of Taxes) 14 T.C. 769, au sujet d'un
paiement forfaitaire de redevances, la Couronne
avait fait valoir que tout paiement versé en vertu
d'une licence permettant l'utilisation d'un brevet,
qu'il soit forfaitaire ou non, qu'il dépende de l'uti-
lisation ou non, constituait un revenu. Le juge
Finlay, de la Cour du banc du Roi, a déclaré que
ce qu'avait dit le lord juge Greer dans l'arrêt Mills
c. Jones semblait jeter le doute sur l'opinion inci-
dente contenue dans l'arrêt Constantinesco, mais
qu'il se sentait lié par l'arrêt Desoutter. A la Cour
d'appel, Sir William Greene, M.R., dit que le juge
Finlay en était arrivé à la bonne conclusion, mais,
dans ses propres motifs, il insista sur le caractère
exclusif de la licence accordée et sur l'importance
de la distinction entre une licence non exclusive et
une licence exclusive (voir pages 39 et 40 et 46 et
47). Il déclara que le lord juge Greer, dans ses
remarques dans l'affaire Mills c. Jones, avait
expressément écarté le cas d'une licence exclusive.
A mon avis, il ressort clairement des motifs de la
Cour d'appel dans l'arrêt British Salmson que
l'affaire a été jugée de la façon dont elle l'a été
parce qu'il s'agissait d'une licence exclusive. Dans
l'arrêt Commissioners of Inland Revenue c. Rust
proof Metal Window Co., Ltd. 29 T.C. 243, la
Cour d'appel a décidé qu'une somme forfaitaire
versée indépendamment de l'importance de l'utili-
sation, en contrepartie d'une licence non exclusive,
constituait un revenu. La Cour a insisté sur le fait
qu'il s'agissait d'une licence non exclusive accordée
pour un but et une durée déterminés. Le juge
Atkinson de la Cour du banc du Roi avait rejeté
l'argument selon lequel le paiement était un revenu
parce qu'il s'agissait d'une licence non exclusive. Il
avait fait état de l'affaire Desoutter et de ce qu'a
déclaré lord Greene, M.R., en Cour d'appel, dans
l'affaire Nethersole c. Withers 28 T.C. 501 dans
laquelle, selon lui, lord Greene avait manifesté son
approbation de l'affaire Desoutter et, au sujet de
l'arrêt British Salrnson, avait déclaré à la page
512: [TRADUCTION] «En ce qui concerne la Cour,
cette décision pose clairement qu'un paiement for-
faitaire reçu en contrepartie de l'octroi d'une
licence permettant l'utilisation d'un brevet pendant
un certain nombre d'années peut, selon les circons-
tances, et notamment selon les conditions de l'en-
tente en vertu de laquelle, la licence est accordée,
être une recette en capital plutôt qu'un revenu. Si
la somme forfaitaire est fixée en fonction de l'im-
portance de l'utilisation, à mon avis, elle constitue
normalement un revenu pour le bénéficiaire. Si elle
ne l'est pas et si rien dans l'affaire ne permet de
dire qu'il s'agit d'un revenu, à mon avis, elle doit
être considérée comme un capital.» Dans l'arrêt
rendu par la Cour d'appel dans Rustproof Metal,
lord Greene, M.R., a rejeté la proposition selon
laquelle une somme forfaitaire versée indépendam-
ment de l'importance de l'utilisation pour une
licence permettant l'utilisation d'un brevet est for-
cément une recette en capital. Il a refusé d'admet-
tre que ce qui a été dit dans Nethersole visait à
approuver une telle proposition, mais il a néan-
moins fait la remarque suivante à propos de la
dernière phrase de l'extrait cité ci-dessus [à la
page 268]: [TRADUCTION] «Tout ce que j'ai à dire
à propos de ce passage, c'est que sa dernière
phrase favorise trop la qualification de capital.
Celle-ci contient toutefois cette importante réserve:
`si rien dans l'affaire ne permet de dire qu'il s'agit
d'un revenu'.» Aux pages 270 et 271, il a énoncé ce
qui semble avoir été les principaux motifs pour
qualifier la somme en cause de revenu: [TRADUC-
TION] «La licence est une licence non exclusive et
le droit de la société d'exploiter le brevet par
l'octroi d'autres licences reste donc intact. La
licence est accordée pour un but précis seulement,
savoir permettre au détenteur de licence d'exécuter
un contrat donné. Le droit que la société confère
consiste en l'utilisation de l'invention pour pro-
duire un certain nombre de châssis, jusqu'à con
currence de 75,000; il ne s'agit donc même pas
d'un droit d'utilisation de l'invention pour la pro
duction d'un nombre illimité de châssis. La durée
de validité de la licence est limitée au temps requis
pour l'application du procédé au nombre de châssis
prévu par le contrat. A mon avis, une recette de ce
genre ne constitue en rien, dans les circonstances,
une recette en capital.» Dans l'affaire Nethersole,
où la Cour en est arrivée à la conclusion que ce qui
était en jeu équivalait à une vente ou une cession
de droit d'auteur, le vicomte Simon, à la Chambre
des Lords, se référant aux arrêts Constantinesco,
Mills c. Jones, Desoutter et British Salmson, a
déclaré souscrire à l'affirmation de lord Greene,
M.R., dans Nethersole, selon laquelle «un paie-
ment forfaitaire reçu en contrepartie de l'octroi
d'une licence permettant l'utilisation d'un brevet
pendant un certain nombre d'années peut, selon les
circonstances, et notamment selon les conditions
de l'entente en vertu de laquelle la licence est
accordée, être une recette en capital plutôt qu'un
revenu». A mon avis, rien dans les propos du
vicomte Simon dans Nethersole ne porte atteinte à
l'importance de la distinction sur laquelle a insisté
lord Greene dans Rustproof Metal, soit la distinc
tion entre une licence exclusive et une licence non
exclusive. Au contraire, ce qui a été mis en relief
dans Nethersole, c'est qu'il s'agissait d'une cession
de biens. Dans l'arrêt Evans Medical Supplies, le
juge Upjohn en Chancery Division et, en Cour
d'appel, lord Evershed, M.R., ainsi que le lord juge
Romer, ont fait état de la déclaration de lord
Greene, M.R., dans Nethersole. Le juge Upjohn a
refusé d'admettre la distinction entre une licence
exclusive et une licence non exclusive comme étant
le critère pour déterminer si un paiement forfai-
taire est une recette en capital ou un revenu. Il a
déclaré qu'une telle proposition allait à l'encontre
tant de ce qui avait été dit dans Nethersole par
lord Greene, M.R., et approuvé par le vicomte
Simon dans la même affaire, que de la décision
dans Desoutter. Lord Evershed, M.R., en Cour
d'appel, a déclaré à la page 562: [TRADUCTION]
«Je ne pense pas qu'on puisse réfuter l'argument de
M. Senter en faisant valoir que la société n'a pas
cédé ses données à l'autre partie totalement et de
façon à ne plus pouvoir s'en servir nulle part dans
le monde. Les affaires portant sur les brevets, par
exemple l'affaire Margerison c. Tyresoles, Ltd. 25
T.C. 59, montrent que pour faire échec à une
demande tendant à faire qualifier l'argent reçu de
recette en capital, il ne suffit pas d'établir que
seuls des droits limités et non exclusifs ont été
accordés.» Je comprends mal pourquoi on a invo-
qué l'arrêt Tyresoles, puisqu'il semble s'agir d'une
affaire où un paiement forfaitaire avait été effec-
tué en vertu d'un engagement par lequel la société
acceptait de limiter ses activités dans le domaine
prévu par l'entente. C'est une forme de convention
de «non-concurrence». A la page 68 de ses motifs
de jugement, le juge Wrottesley a déclaré: [TRA-
DUCTION] «Il semble bien que ce qu'a fait la
société, c'est d'accorder au garagiste un droit
exclusif que les tribunaux feront respecter et qui
privera dans la mesure prévue, la société de l'exer-
cice des droits qu'en vertu de la loi le brevet lui
confère». Se référant à la déclaration de lord
Greene dans British Salmson, il a en outre déclaré
à la page 70: [TRADUCTION] «Il s'est appuyé sur
deux éléments qui distinguent l'affaire Salmson
... de celles dans lesquelles l'octroi portait tout
simplement sur le droit d'utiliser un brevet. Le
premier élément est que, en vertu de l'entente, la
société française, titulaire du brevet, s'était enga
gée à ne pas exercer dans l'Empire britannique les
droits dont l'investissait le brevet. Comme l'a souli-
gné le Maître des rôles, ceci différait sensiblement
d'un simple droit d'utilisation. Cet engagement
permettait à la société anglaise d'empêcher la
société française d'exercer ses droits sur ce terri-
toire. Or je trouve que cela se rapproche de la
présente affaire. Le garagiste pouvait, dans la
mesure stipulée, empêcher la société d'exercer sur
le territoire visé à l'entente les droits que lui
conférait le brevet. La société avait cédé une partie
de son capital.» Dans Evans Medical Supplies, le
lord juge Romer de la Cour d'appel a décidé que,
si la société n'avait, à proprement parler, vendu
aucun bien, du fait de la divulgation des procédés
secrets au gouvernement de la Birmanie, elle avait
cependant supporté une diminution de leur valeur.
Il a cité la déclaration faite par lord Greene, M.R.,
dans Nethersole selon laquelle, si le bien [TRA-
DUCTION] «est diminué d'une façon permanente
ou est touché d'une façon préjudiciable, cela veut
dire que le propriétaire a cédé la partie de ses biens
immobilisés qu'il représentait, ce qui n'est pas la
même chose que de le faire valoir». Dans Evans
Medical Supplies, la Chambre des Lords n'a pas
fait état de la distinction, en ce qui concerne un
paiement forfaitaire versé pour une licence per-
mettant l'utilisation d'un brevet, entre licence non
exclusive et licence exclusive. Elle n'en a pas fait
état non plus dans Rolls-Royce et dans English
Electric. Il y a cependant les propos tenus par lord
Denning dans Imperial Chemical relativement à
cette distinction. J'en ai cité plus haut une partie.
Les lords juges Davies et Russell de la Cour
d'appel ont décidé que, étant donné la nature des
licences dans cette affaire, qui étaient des licences
exclusives pour la durée de validité des brevets
assorties de conventions de «non-concurrence», il y
avait eu cession par la société d'une partie de ses
biens immobilisés. Les juges de la Cour d'appel
ont, à l'unanimité, donné raison au juge Cross de
la Chancery Division qui, dans ses motifs de juge-
ment, a déclaré à la page 205: [TRADUCTION]
«Mais tous les contrats en question portaient au
fond cession par I.C.I. de tous ses droits dans les
brevets pour les différents pays que protégeaient
les conventions de `non-concurrence'.»
Il ressort de cette analyse qu'il ne suffit pas que
soit prévu un paiement forfaitaire, versé indépen-
damment de l'importance de l'utilisation prévue du
brevet, pour que ce paiement soit une recette en
capital. La licence en contrepartie de laquelle ce
paiement est reçu doit constituer une aliénation
des droits afférents au brevet. Cette notion d'alié-
nation d'un bien immobilisé forme l'élément essen-
tiel du critère énoncé par le lord juge Bankes dans
British Dyestuffs, critère qui a été adopté dans
plusieurs arrêts. L'opinion exprimée dans Rust
proof Metal repose sur ce critère et il ressort du
jugement prononcé par lord Denning dans Imperi
al Chemical Industries qu'il a prévalu devant la
Cour d'appel. Ce critère va ouvertement à l'encon-
tre de l'opinion exprimée par lord Evershed, M.R.,
dans Evans Medical Supplies, qui semble considé-
rer l'octroi d'une licence non exclusive comme
entraînant une diminution suffisante de l'actif
immobilisé pour qu'un paiement forfaitaire non
relié à l'importance de l'utilisation soit une recette
en capital. Mais ce qu'il a dit et ce qu'a déclaré le
lord juge Romer dans cette affaire ne peuvent pas
être séparés des faits propres à l'affaire et, en
particulier, de ce qu'étaient les répercussions fina
les de l'entente sur les affaires de la société en
Birmanie.
En me fondant sur ces arrêts, j'estime donc que,
en l'espèce, le fait que le paiement forfaitaire ait
été versé en contrepartie d'une licence permettant
l'utilisation de brevets et de «techniques opératoi-
res» ne renforce nullement la prétention de l'appe-
lante selon laquelle la somme doit être considérée
comme une recette en capital. Bien que les brevets
américains soient de toute évidence des biens
immobilisés, la licence, qui est non exclusive,
accordée pour un but précis (accordée au gouver-
nement américain pour usage militaire non com
mercial) et pour une durée limitée, ne peut être
considérée, compte tenu de la jurisprudence,
comme une aliénation des droits afférents à un
brevet. Le droit, prévu au contrat de licence, de
vendre toute usine construite en vertu de la licence
et de divulguer les plans et données opératoires
fournis conformément au contrat de services ne
semble pas changer quoi que ce soit à la nature de
la licence permettant l'utilisation des brevets amé-
ricains. De plus, je tiens à faire remarquer que les
droits afférents à ces brevets ne sont pas à propre-
ment parler la propriété de l'appelante. CIL a été
investie du droit d'accorder des licences en vertu
de ces brevets par les titulaires de ces derniers, afin
qu'elle négocie ainsi qu'il est prévu à l'alinéa 4c)
de l'entente intervenue entre CIL et Chematur, les
ententes au sujet des licences devant permettre la
mise sur pied d'usines de fabrication en continu de
TNT sur le continent nord-américain. Ce qui a été
accordé à CIL par cette entente, c'est une licence
non exclusive en vertu de tout brevet canadien. Il
ressort du dossier que Chematur était le proprié-
taire ou détenteur des droits afférents aux quatre
brevets américains visés à l'article 1, alinéa b) du
contrat de licence.
En ce qui concerne la licence permettant l'utili-
sation de «données de base» ou de «techniques
opératoires», il est clair, à la lumière des arrêts
Rolls-Royce et English Electric, que le fait qu'un
paiement forfaitaire versé en contrepartie de la
divulgation de «techniques opératoires» soit sans
rapport avec l'importance de l'utilisation ne suffit
pas pour en faire une recette en capital. En der-
nière analyse, le seul moyen de l'appelante est que
sa cause reflète essentiellement les traits distinctifs
de l'arrêt Evans Medical Supplies—c'est-à-dire
que les «techniques opératoires» avaient un carac-
tère secret, que l'accord en vertu duquel elles ont
été cédées était une opération isolée et que, du fait
de cette cession l'appelante a perdu une partie
importante de son marché. Je suis disposé à consi-
dérer les «techniques opératoires» de l'appelante
comme l'équivalent, à toutes fins utiles, des «procé-
dés secrets» dans les arrêts Evans Medical Sup
plies et Wolf Electric, mais cela ne leur donne rien
d'autre que le caractère d'un bien immobilisé ana
logue aux droits attachés aux brevets. Quant à la
preuve que le contrat de licence est le seul du
genre que CIL ait signé, je pense qu'il existe une
importante différence: bien que CIL ait peut-être
été tenue de signer cette entente par le gouverne-
ment des États-Unis, l'entente CIL-Chematur con-
sidérait la conclusion d'accords de ce genre comme
une forme d'affaires à partager entre les deux
parties. De tels accords entraient dans le cadre
d'une- politique définie, pour reprendre la distinc
tion des arrêts Rolls-Royce et English Electric. Je
pense qu'on arrive maintenant à la question essen-
tielle: ressort-il de la preuve que la perte par CIL
de ses débouchés pour le TNT militaire auprès du
gouvernement des États-Unis est directement
attribuable à la signature du contrat de licence?
J'estime que non. Il ressort des éléments de preuve
que le gouvernement des États-Unis a finalement
cessé d'acheter du TNT à CIL, quoiqu'on ne sache
pas précisément quand cela s'est produit. La
preuve ne démontre toutefois pas que cette perte
de son marché résulte directement des contrats de
licence qui ont été signés. Ces contrats n'ont pas,
comme dans Evans Medical Supplies et Wolf
Electric, permis à quelqu'un de fabriquer un pro-
duit qu'il ne fabriquait pas auparavant. Le gouver-
nement des États-Unis achetait du TNT à CIL
alors qu'il avait ses propres usines utilisant le
«procédé discontinu». Rien n'indique qu'il n'aurait
pas pu augmenter sa propre production et cesser
d'acheter à CIL. Rien non plus dans les éléments
de preuve ne permet de croire qu'il n'aurait pas pu
continuer d'acheter du TNT à CIL après la signa
ture des contrats de licence lui permettant de
construire des usines de fabrication de TNT en
continu. Il n'a pas été établi que l'entente qui a
donné lieu aux contrats de licence et au versement
forfaitaire convenu prévoyait que le gouvernement
des États-Unis cesserait d'acheter du TNT à CIL.
Par ces motifs, je ne pense pas qu'on puisse appli-
quer l'arrêt Evans Medical Supplies en l'espèce,
en admettant qu'il s'applique encore, en dépit de la
façon dont sa portée a été restreinte par des déci-
sions judiciaires ultérieures, au montant forfaitaire
versé en contrepartie de la divulgation de «techni-
ques opératoires». Étant donné les faits de l'espèce,
je ne vois aucune raison pour ne pas appliquer les
principes posés par les arrêts Rolls-Royce et Eng-
lish Electric relativement à la nature d'une divul-
gation de «techniques opératoires» et décider que la
somme reçue était un revenu plutôt qu'une recette
en capital. Par conséquent, j'estime qu'il y a lieu
de rejeter l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE PRATTE: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je souscris.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.