T-3543-79
Jean-Paul Gagnon (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, 5 juin; Ottawa, 13 juin 1980.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Appel des cotisations du ministre du Revenu national dimi-
nuant les déductions réclamées par le demandeur — Il échet
d'examiner si les paiements du mari à son ex-épouse pour
acquitter des mensualités hypothécaires, conformément à un
jugement de divorce, constituent une .allocation» et sont en
conséquence déductibles — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, c. 63, art. 60b),c).
Conformément à un jugement de divorce, le demandeur versa
à son ex-épouse, à titre d'aliments, certaines sommes au titre
desquelles il réclama un crédit pour les années d'imposition
1974, 1975 et 1976. Dans ses cotisations le ministre du Revenu
national réduisit les déductions, refusant d'accorder les paie-
ments hypothécaires qui représentaient une partie totale du
montant que réclamait le demandeur pour chacune de ces
années. Le demandeur soutient qu'étant donné que le jugement
a expressément accordé ces montants à titre de pension alimen-
taire à la femme et aux enfants du mariage, elle n'était alors, en
droit, débitrice d'aucune obligation, une fois ceux-ci reçus, de
les imputer sur les hypothèques et les charges; ces sommes
étaient à son entière disposition. Il échet d'examiner si cette
portion des paiements qu'a effectués le mari est une allocation,
c.-à-d. une somme fixe, préétablie, à l'entière disposition du
bénéficiaire, et donc déductible.
Arrêt: l'appel est accueilli. Il ne fait aucun doute dans ce
cas-ci que les paiements n'aient été faits à intervalle régulier,
leur montant fixé, (malgré les variations prévues par le juge-
ment de divorce à cause des taux de taxes variables) ni qu'ils
n'aient été remis directement à l'ex-épouse elle-même. Le fait
qu'en fixant le montant du paiement il ait fallu calculer les
montants nécessaires au paiement des hypothèques et des char
ges grevant l'immeuble, lequel appartient maintenant à la
femme seule, indique que les sommes versées ont été mises à
son entière disposition même si on présume qu'elle les
emploiera au paiement des obligations qu'elles devraient servir
à acquitter, libérant par là l'ex-époux des créances dont il est
personnellement débiteur. Les paiements sont conformes en
tout aux dispositions de l'article 60b) et c) de la Loi de l'impôt
sur le revenu.
Distinction faite avec les arrêts: R. c. Pascoe [1976] 1 C.F.
372; Le procureur général du Canada c. Weaver [ 1976] I
C.F. 423; Roper c. Le ministre du Revenu national 77
DTC 5408; R. c. Fisch 78 DTC 6332.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
C. A. Blanchard pour le demandeur.
J. Côté pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Amyot, Lesage, Bernard, Drolet & Sirois,
Québec, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Dans cette instance, en appel
des cotisations d'impôt sur le revenu pour les
années 1974, 1975 et 1976, les faits ne sont pas
contestés: le demandeur a épousé le 29 décembre
1948 , Mary Edith Laughlin et, des enfants issus du
mariage, un seul est encore mineur. Le 29 mars
1972 le mariage a été dissous par jugement de
divorce dont voici la portion pertinente à l'espèce:
C) A titre de pension alimentaire, tant pour elle-même que
pour les enfants communs, le requérant consent à payer, et
l'intimée accepte de recevoir:
1. Un montant mensuel, payable d'avance le ler jour de
chaque mois, à la résidence de l'intimée, fixé à $300.00
canadiens.
2. A l'acquit de l'intimée, le requérant paiera les mensualités
échues, ou à échoir, relativement à l'immeuble qui devient la
propriété de l'intimée, l'obligation, relative auxdites mensua-
lités étant plus amplement décrite au contrat; le montant
desdites mensualités est actuellement de $360.00, et peut
varier tel que prévu audit contrat, mais représente le rem-
boursement, en capital et intérêts, des deux hypothèques y
décrites, ainsi que le remboursement, par mensualités, des
charges municipales et scolaires affectées audit immeuble,
payables le premier de chaque mois, directement à l'intimée,
et ce à partir du l er juin 1971.
Conformément à ce jugement le demandeur
versa à son ex-épouse des aliments s'élevant à
$8,190 en 1974, à $8,400 en 1975 et à $8,400 en
1976.' Il réclama un crédit à ce titre dans ses
déclarations d'impôt pour ces années. Dans ses
cotisations le Ministre ramena les déductions
réclamées à $3,600 pour chaque année, soit $300
par mois, payables conformément à la clause C)1
du jugement mentionné auparavant.
' Le Ministre soutient que les pièces justificatives présentées
montrent des paiements de $7,690 en 1974 et de $8,500 en
1975. On pourra vérifier l'exactitude de ces montants au
moment de l'établissement de la nouvelle cotisation.
L'article 60b) et c) de la Loi de l'impôt sur le
revenu 2 , en litige, est ainsi conçu:
60. Peuvent être déduites lors du calcul du revenu d'un
contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes
qui sont appropriées:
b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en
vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus
par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à
titre de pension alimentaire ou autre allocation payable
périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire,
des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et
des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé,
en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un
accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à
qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a
été effectué et durant le reste de l'année;
c) toute somme payée au cours de l'année par le contribua-
ble, en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal com-
pétent, à titre d'allocation payable périodiquement pour sub-
venir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du
mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du
mariage, si le contribuable vivait séparé du conjoint à qui il
était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a été
effectué et durant le reste de l'année;
Le demandeur soutient que les paiements imposés
par le jugement ont été effectués à intervalles
réguliers, en des mensualités de $660 au début,
puis, plus tard, de $700, afin de pourvoir aux
besoins de son ex-épouse et des enfants du mariage
alors qu'il ne vivait plus avec elle par suite du
divorce et, donc, qu'ils respectent les exigences de
cet article et sont déductibles. La preuve littérale
révèle que deux hypothèques grevaient l'immeuble
ayant servi de domicile conjugal et, de par le
jugement de divorce, appartenant maintenant à la
femme. La première, de $15,000, grevait la pro-
priété en vertu d'un acte d'hypothèque dressé le 16
août 1960, lequel stipulait un intérêt de 7 1 / 4 %,
capital et intérêt étant remboursable en 240 men-
sualités de $117.59 chacune, à compter du 5
décembre 1960, le dernier versement échéant le 5
novembre 1980. La deuxième, en date du 26 avril
1968, de $9,000, un taux d'intérêt de 15%, était
remboursable, capital et intérêt, en 120 mensuali-
tés de $142.75, compter du 25 mai 1968, le
terme arrivant le 25 avril 1978.
Ces versements mensuels font un total de
$260.34 et la différence qu'il y a d'avec le $360
par mois, haussé subséquemment à $400, que paye
2 S.C. 1970-71-72, c. 63.
le demandeur à son ancienne épouse d'après le
jugement de divorce, s'explique sans doute possi-
blement par le paiement des charges scolaires et
municipales. Ce $360 par mois présumément per-
mettait de payer toutes ces dépenses au moment
du jugement, lequel prévoyait néanmoins qu'il
pouvait varier. Ledit jugement était fondé sur une
convention intervenue entre les parties en date du
15 décembre 1971, laquelle mettait fin au régime
légal de la communauté de biens existant entre
eux, le mariage ayant été conclu sans qu'aucun
contrat de mariage n'ait instauré un régime quel-
conque de séparation de biens; les stipulations
pertinentes de ladite convention ont été incorpo-
rées au jugement. La convention attribue le domi
cile conjugal, situé à Laval, à la femme et, en
contrepartie le mari, requérant en l'instance en
divorce, a accepté comme sa part pleine et entière
de la communauté une maison de campagne à
Magog (Québec) que décrit aussi le jugement.
C'est, bien entendu, le demandeur qui était per-
sonnellement débiteur des versements hypothécai-
res, chacun de ceux-ci comportant une part de
capital, la dette devant être entièrement acquittée,
dans le cas de la deuxième hypothèque, le 25 avril
1978 et, dans le cas de la première, le 5 novembre
1980. Les deux hypothèques grevaient toujours la
propriété lors des années d'imposition en cause
toutefois et, comme celle-ci avait été transportée à
la femme par la dissolution de la communauté
consécutivement au divorce, la part de capital
contenue dans les paiements que commença à
verser le demandeur, à compter de cette date, à la
femme, conformément au jugement, profitait à
celle-ci.
Le témoignage du demandeur a révélé un autre
fait, alors ignoré: la deuxième hypothèque, de
$9,000, avait servi à lui procurer des fonds pour
son affaire. Sa femme intervint à l'acte, consentant
au prêt. Plus tard, avant le divorce, l'affaire fut
liquidée et n'entra pas dans le partage de la com-
munauté. Le litige juridique en l'espèce en est un
dont la Cour a fréquemment été saisie et, à moins
que les faits n'autorisent un distinguo, le deman-
deur ne peut avoir gain de cause vu l'arrêt de la
Cour d'appel dans l'affaire La Reine c. Pascoe 3 .
Le contribuable défendeur avait dans cette espèce
versé certaines sommes à son ex-épouse pour les
frais médicaux et de scolarité de leurs enfants
conformément à une convention de séparation puis
d'un jugement, révocable, de divorce, paiements
que rejeta le Ministre parce qu'ils ne constituaient
pas des aliments, n'étant pas des versements fixes,
payables à intervalles réguliers. En prononçant
l'arrêt de la Cour d'appel, le juge Pratte dit, à la
page 374:
Selon nous, une allocation est une somme d'argent limitée et
déterminée à l'avance, versée afin de permettre à celui qui la
reçoit de faire face à certains types de dépenses; sa quotité est
établie à l'avance et celui qui la touche en a la libre disposition,
sans comptes à rendre à personne. Un versement effectué pour
satisfaire à une obligation d'indemniser ou de rembourser quel-
qu'un ou de le défrayer de dépenses réellement engagées n'est
pas une allocation; il ne s'agit pas en effet d'une somme
susceptible d'être affectée par celui qui la touche, à sa discré-
tion, à certains types de dépenses.
Dans cette espèce toutefois les faits différaient en
quelque sorte en ce que le paiement n'était pas
stipulé par la convention de séparation et le juge-
ment révocable de divorce comme devant être fait
à intervalles fixes, prédéterminés. Rien n'était dit
au sujet du moment où le paiement des dépenses
devrait être fait. Cette affaire fut suivie comme
jurisprudence établie dans l'affaire Le procureur
général du Canada c. Weaver 4 , le juge Urie étant
dissident. Dans cette dernière espèce, conformé-
ment à une convention écrite de séparation, le
contribuable avait payé les notes de commodités et
les mensualités hypothécaires au profit de la
femme. Dans son opinion dissidente le juge Urie
pensait que les versements hypothécaires se carac-
térisaient par le fait qu'ils étaient effectués à inter-
valles réguliers et que, même si la convention n'en
précisait pas le montant, les stipulations de l'hypo-
thèque y étaient par implication incorporées. On
avait fait valoir que la portion des versements
mensuels correspondant aux charges variait de
moment en moment et qu'en conséquence ceux-ci
n'étaient pas une «somme d'argent limitée et déter-
minée à l'avance», selon les termes de l'arrêt
Pascoe. Le juge Urie n'était pas d'accord: ce mon-
tant avait été établi à l'avance pour un certain
intervalle de temps, probablement un an, et était
3 [1976] 1 C.F. 372.
4 [1976] 1 C.F. 423.
donc conforme aux prescriptions de l'article. Que
les versements ne soient pas faits directement à la
femme mais à la société hypothécaire était sans
conséquence mais, comme le domicile conjugal
appartenait conjointement et au mari et à la
femme, le bénéfice de la portion principale des
paiements hypothécaires profitait également aux
deux. Il n'accordait donc que la déduction de la
moitié de la portion principale des paiements hypo-
thécaires faits par le mari au cours de l'année en
question. L'arrêt, lui, rejette ces déductions mais,
en l'espèce qui nous occupe, les faits sont substan-
tiellement différents en ce que la maison appar-
tient à la femme, en conséquence de la dissolution
de la communauté, de sorte que tout paiement de
l'hypothèque au cours des années d'imposition en
cause, que ce soit au titre du capital ou de l'intérêt,
profite à elle seule et, de plus, le montant en a été
fixé et déterminé à l'avance par le jugement, soit
$360 à compter de sa date, avec possibilité ulté-
rieure de variation advenant modification des men-
sualités, comme ce fut le cas, en conséquence des
changements apportés aux charges municipales et
scolaires. Les paiements ont été faits à la femme,
non pas au créancier hypothécaire, ni aux autorités
municipales ou scolaires, et la partie du jugement
qui s'y rapporte énonce clairement dans le préam-
bule qu'il s'agit d'aliments destinés autant à la
femme qu'aux enfants.
Dans l'affaire Roper c. M.R.N.S, le juge Mar-
ceau lui aussi se conforma à regret à l'arrêt Pascoe
de la Cour d'appel. Le mari avait versé à sa femme
une somme substantielle en sus de la pension
alimentaire comme l'exigeait l'ordonnance judi-
ciaire, laquelle demandait aussi qu'il paie les
impenses de la maison et les frais de scolarité des
enfants. Il versait ces dernières sommes directe-
ment aux créanciers plutôt qu'à la femme, aussi la
déduction fut-elle refusée. Il aurait procédé ainsi
parce que son ex-épouse était d'après lui incapable
de gérer adéquatement ses affaires. A la page
5411, le juge Marceau dit:
L'ordonnance en conformité de laquelle les paiements ont été
faits ne laissait aucun choix: les paiements devaient être faits
directement aux créanciers et non à l'épouse. De plus, les
paiements, aussi bien ceux qui avaient trait aux frais d'éduca-
tion qu'à l'entretien de la maison, n'étaient sûrement pas fixes,
déterminés à l'avance et effectués périodiquement ... .
5 77 DTC 5408.
Aucun de ces motifs ne s'applique à l'espèce en
cause.
Dans l'espèce La Reine c. Fisch 6 , le juge Collier
était saisi d'une convention, antérieure au divorce,
qui, en sus des versements annuels qui y étaient
spécifiés, stipulait que le mari paierait directement
aux écoles concernées les frais de scolarité des
enfants. Le juge Collier, se conformant à l'arrêt
Pascoe, dit à la page 6335:
[TRADUCTION] En l'espèce, les dépenses relatives à l'éduca-
tion acquittées par le défendeur constituent une somme limitée,
déterminée à l'avance, en vue de permettre à la mère de
défrayer les frais de scolarité. Les fonds ont été groupés et
limités à cette fin particulière, mais l'ex-épouse n'a pas reçu
toute latitude pour en disposer. Il s'agit en fait du rembourse-
ment des dépenses que la femme a encourues pour l'éducation
des enfants. Ce paiement n'entre pas dans le cadre des directi
ves du jugement Pascoe.
Mais il ajoute:
[TRADUCTION] J'accueille l'appel avec un certain regret.
L'acte en question a été dressé longtemps avant que soient
connues les restrictions imposées par le jugement Pascoe à
l'alinéa 60b). Si le défendeur s'était simplement engagé à payer
à son ex-épouse une somme fixe supérieure au montant bimen-
suel de $533.34 (basée sur une estimation arbitraire des dépen-
ses relatives à l'éducation), il n'y aurait eu aucun problème
fiscal. En l'espèce, il ressort de la preuve que l'ex-épouse du
défendeur a souffert de désordres émotifs et psychiatriques, ce
qui est fort triste, d'où la crainte qu'elle fasse preuve d'irrespon-
sabilité en matière financière et aussi le désir du père de voir les
enfants élevés et instruits dans une école privée. Cela explique
les dispositions particulières prises en matière de dépenses.
Dans l'espèce en cause non seulement les paie-
ments ont-ils été faits à l'épouse, mais il s'agit
aussi de sommes préétablies, fixées par le juge-
ment qui homologua la convention. La Cour d'ap-
pel a, dans un arrêt non motivé, confirmé le juge-
ment Fisch. Bien que dans celui-ci une somme fixe
ait été payable au titre des versements hypothécai-
res et des charges, le juge Collier a fait ce distin-
guo: «Si le défendeur s'était simplement engagé à
payer à son ex-épouse une somme fixe supérieure
au montant bimensuel de $533.34 (basée sur une
estimation arbitraire des dépenses relatives à l'édu-
cation), il n'y aurait eu aucun problème fiscal». Ce
qui paraîtrait contredire ses dires précédents, soit
qu'en dépit de ce que les dépenses d'éducation
aient correspondu à une somme fixe préétablie,
l'argent était destiné et restreint à cette fin parti-
culière, et n'était pas à la disposition de l'ex-épouse
pour qu'elle l'emploie à sa guise, mais constituait
6 78 DTC 6332.
plutôt un remboursement des frais qu'elle avait
engagés pour l'éducation des enfants et donc
échappait aux directives de l'arrêt Pascoe. Certai-
nement voulait-on en l'espèce que l'ex-épouse
emploie les paiements à acquitter les mensualités
des deux hypothèques et des charges scolaires et
municipales. Le fait qu'ils aient fait l'objet de
légères variations, qu'avait prévues le jugement, en
conséquence des taux variables de taxation, n'em-
pêche pas de les considérer comme des montants
d'argent préétablis aux termes de l'arrêt Pascoe.
Toute somme accordée à titre d'aliment peut, bien
entendu, être éventuellement modifiée en fonction
des besoins du créancier alimentaire ou de la capa-
cité de payer du débiteur, lesquels peuvent changer
avec le temps. Les enfants finissent par atteindre
l'âge de la majorité et par devenir indépendants,
l'ex-épouse peut trouver un emploi et n'avoir plus
besoin d'une pension aussi considérable ou, à l'in-
verse, le mari peut subir des revers financiers, ou
une diminution de revenu, qui l'empêcheront de
continuer les paiements prévus par l'accord ou le
jugement. Ils peuvent alors être modifiés par
ordonnance judiciaire. Que cela puisse avoir lieu
n'interdit pas de les considérer comme fixes et
préétablis pour les années d'imposition en cause et
durant lesquelles ils ont été faits, en exécution de
l'ordonnance de divorce. Le fait qu'à échéance
donc l'une des hypothèques ait été remboursée, et
l'autre presque, est sans conséquence pour les
années d'imposition 1974, 1975 et 1976 en cause
devant la Cour et ne donne à l'ex-mari que le droit
de demander la révision du jugement pour n'avoir
plus à effectuer ces paiements ou pour les faire
réduire au montant des charges seulement. De
même, comme on l'a soutenu, rien n'empêchait la
femme de vendre la maison devenue sienne par la
dissolution de la communauté. Dans un tel cas
aussi, présumément, le mari aurait pu demander
que la Cour le libère de ladite portion de l'aliment.
Toutefois tant qu'elle vit dans la maison, avec les
enfants, mineurs et majeurs, et que ces paiements
sont toujours dus aux créanciers hypothécaires, le
jugement oblige le mari à continuer à les verser.
Mais elle a l'obligation au moins tacite de les
employer au paiement des créanciers hypothécai-
res et des charges puisque si elle ne le fait pas ils
peuvent alors se retourner contre l'ex-mari vu sa
qualité de débiteur personnel des prêts. Si cela se
produisait, il disposerait alors d'un recours contre
elle, pour n'avoir pas fait les paiements pour les-
quels l'argent a été fourni. On a donc fait valoir
qu'elle n'avait pas la libre disposition de l'usage de
cette partie des paiements qu'il lui avait faits.
La défenderesse admet que les paiements ont été
faits afin de pourvoir aux besoins de la femme et
des enfants mais conteste qu'ils l'aient été à titre
de pension alimentaire, en dépit du libellé du
jugement; elle s'appuie pour ce dire exclusivement
sur l'arrêt Pascoe et la jurisprudence qui en a
découlé.
L'avocat du demandeur soutient qu'étant donné
que le jugement a expressément accordé ces mon-
tants à titre de pension alimentaire à la femme et
aux enfants, elle n'était alors, en droit, débitrice
d'aucune obligation, une fois ceux-ci reçus, de les
imputer sur les hypothèques et les charges, mais
devait bien entendu en subir les conséquences dans
le cas contraire. On a soutenu que le jugement, qui
incorporait la convention intervenue entre les par
ties à cet effet, en fixant le montant à payer, ne
faisait que calculer la somme nécessaire pour cou-
vrir ces paiements. Cet argument n'est pas dénué
de valeur juridique. La Cour est, bien entendu, liée
par l'interprétation fort stricte de l'arrêt Pascoe,
interprétation qu'au moins un juge de la Cour
d'appel n'a pas voulu suivre dans l'arrêt Weaver et
à laquelle ne se conformèrent qu'à regret le juge
Marceau dans l'affaire Roper et le juge Collier
dans l'affaire Fisch; les faits dans ces dernières
affaires, comme dans l'arrêt Pascoe lui-même
d'ailleurs, sont suffisamment différents de ceux de
l'espèce, où la déductibilité paraît beaucoup plus
fondée, pour justifier de l'en distinguer. Il ne fait
aucun doute dans ce cas-ci, comme déjà dit, que
les paiements ne soient faits à intervalle régulier,
leur montant fixé, ni qu'ils n'aient été remis direc-
tement à l'ex-épouse elle-même; le jugement même
dit expressément que les deux genres de paiement
sont à titre` de pension alimentaire pour elle et les
enfants. Le fait qu'en fixant le montant du paie-
ment il ait fallu calculer les montants nécessaires
au paiement des hypothèques et des charges gre-
vant l'immeuble, lequel, il faut le souligner, appar-
tient maintenant à la femme seule, me paraît
indiquer que les sommes versées ont été mises à
son entière disposition même si on présume qu'elle
les emploiera au paiement des obligations qu'elles
devaient servir à acquitter, libérant par là l'ex-
époux des créances dont il est personnellement
débiteur. Si elle décidait de ne pas ainsi agir elle
en supporterait les conséquences: elle pourrait
perdre son immeuble ou bien les créanciers agi-
raient contre l'ex-époux qui alors déduirait certai-
nement toute somme qu'il aurait eu à payer des
paiements subséquents de la pension alimentaire,
invoquant la compensation.
A la lecture de l'article 60b) et c) de la Loi de
l'impôt sur le revenu (précitée), il apparaît que les
paiements sont conformes en tout aux dispositions
de cet article, contrairement au cas Pascoe et aux
affaires subséquentes qui étaient d'une nature dif-
férente, les frais médicaux et d'éducation ne pou-
vant être établis à l'avance, surtout les premiers, et
n'étant pas payables à intervalles réguliers.
Pour les motifs ci-dessus, donc, j'accueille l'ap-
pel formé contre les cotisations relatives aux
années 1974, 1975 et 1976 et les renvoie au Minis-
tre pour qu'il en établisse de nouvelles en prenant
pour base qu'est accordée la déduction des paie-
ments faits à l'ex-épouse suivant la clause C)2 du
jugement de divorce, en sus des $3,600 autorisés
chaque année à titre de paiements suivant la clause
C)1, au lieu du $3,600 seul, accordé pour chacune
desdites années, le tout avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.