A-227-79
Osama Abdel Baky (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan, le juge
suppléant Smith—Vancouver, 23 et 25 octobre
1979.
Examen judiciaire — Immigration — Demande d'examen et
d'annulation d'une décision de la Commission d'appel de
l'immigration qui a rejeté la requête présentée par le requérant
en vue de la réouverture de son appel contre l'ordonnance
d'expulsion dont il était l'objet — Le requérant se proposait en
cas de réouverture de citer des témoins-experts pour témoigner
des graves conséquences qui l'attendaient s'il retournait dans
son pays natal, où il avait manqué à ses obligations militaires
— En affirmant qu'elle n'a jamais exercé et n'exercera pas sa
compétence d'équité par suite de la présentation d'une preuve
de ce genre, la Commission a manqué à son obligation d'exer-
cer sa compétence, manquement qui équivaut à une dénégation
pure et simple de sa propre compétence — Demande accueillie
— Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.). c. 10,
art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
P. Rankin pour le requérant.
H. Wruck pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rankin, Stone & McMurray, Vancouver,
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande pré-
sentée en vertu de l'article 28, visant à faire exami
ner et annuler une décision de la Commission
d'appel de l'immigration rendue le 26 octobre
1978, qui rejetait la requête, formulée par le
requérant, en vue de la réouverture de son appel
interjeté à l'encontre de l'ordonnance d'expulsion
prononcée contre lui le 5 décembre 1974. Le
requérant se proposait, si la réouverture lui avait
été accordée, d'assigner des témoins-experts devant
la Commission pour qu'ils témoignent sur les
graves conséquences de son retour en Égypte, son
pays natal. L'affidavit déposé à l'appui de sa
requête indique qu'au mois de décembre 1967, le
requérant a, alors qu'il combattait sous les dra-
peaux, déserté l'armée égyptienne. L'affidavit indi-
que également qu'aucune amnistie n'a été accor-
dée aux déserteurs et que la peine prévue en cas de
désertion est très sévère et que le requérant pour-
rait même être condamné à la peine de mort. Dans
ses motifs de rejet de la requête en réouverture
d'appel, la majorité des membres de la Commis
sion ont traité en ces termes de ces nouveaux
éléments de preuve que le requérant se proposait
d'apporter:
Que ce soit parce qu'il a déserté l'armée ou parce qu'il s'est
soustrait à la conscription, Baky s'est attiré des ennuis avec les
autorités égyptiennes pour avoir manqué à ses responsabilités
de citoyen. Les dépositions des témoins-experts porteraient sur
la gravité de ces ennuis. D'après la Commission, le fait qu'une
personne ait à affronter les conséquences d'un manquement à
son devoir de citoyen n'a jamais été considéré en soi comme un
motif d'admission au Canada, et le requérant ne fait pas
exception.
A notre avis, la Commission doit, lorsqu'elle est
saisie d'une requête semblable, examiner si les
nouveaux éléments de preuve que l'on se propose
d'apporter et qu'elle accepterait, sont de nature, en
raison de leur importance, à la convaincre de
reconsidérer sa décision initiale. Pour en venir à
une décision à cet égard, la Commission doit se
poser les questions suivantes: (1) Peut-elle, à la
lueur des normes canadiennes actuelles, tenir
compte de motifs de pitié ou de considérations
d'ordre humanitaire et, (2) dans l'affirmative,
est-ce que de tels motifs justifient l'octroi d'un
redressement spécial en vertu de l'article 15 de la
Loi sur la Commission d'appel de l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-3?'
Nous estimons en outre, compte tenu du passage
cité précédemment, que la Commission a éliminé -
toute possibilité que le traitement draconnien
décrit dans l'affidavit déposé en appui de la
requête puisse jamais être considéré comme un
motif suffisant pour justifier l'exercice par la Com
mission de sa compétence d'équité. En affirmant
carrément qu'elle n'a jamais exercé et n'exercera
pas, en l'espèce, sa compétence d'équité suite à la
présentation d'une telle preuve, la Commission a,
selon nous, manqué à son obligation d'exercer la
compétence que lui accorde la Loi. Ce manque-
' Comparer l'arrêt Toan Cong Vu c. Le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1973] C.F. 529.
ment équivaut à une dénégation pure et simple de
sa propre compétence.
Je suis donc d'avis d'accueillir la demande pré-
sentée en vertu de l'article 28, d'annuler la déci-
sion rendue par la Commission d'appel de l'immi-
gration le 26 octobre 1978 et de renvoyer l'affaire
à ladite Commission pour qu'elle réexamine la
requête en réouverture d'appel formulée par le
requérant et ce, d'une manière qui soit compatible
avec les présents motifs.
* *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Je souscris.
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