A-31-80
Jean-Marc Hamel (Appelant)
c.
Union Populaire et Henri Laberge (Intimés)
Cour d'appel, le juge Pratte et les juges suppléants
Hyde et Lalande—Montréal, 25 et 26 janvier
1980.
Brefs de prérogative — Mandamus — Élections — L'Union
Populaire, qui est l'intimée, a été radiée du registre des partis
politiques parce qu'elle ne produisait pas dans les délais les
renseignements requis par l'art. 13(7) de la Loi électorale du
Canada et que les renseignements produits étaient incomplets
— Appel contre la décision de la Division de première instance
qui a ordonné à l'appelant d'exercer sa discrétion en vertu de
l'art. 4(2) de la Loi et d'annuler, s'il le juge opportun, la
radiation de l'Union Populaire — Appel accueilli au motif que
rien ne révèle que l'appelant ait refusé d'exercer la discrétion
que lui confie l'art. 4(2) de la Loi — Loi électorale du Canada,
S.R.C. 1970 (1P1 Supp.), c. 14, art. 4(2), 13(1),(7),(8).
L'Union Populaire était un parti politique enregistré en vertu
du paragraphe 13(1) de la Loi électorale du Canada lorsque,
en décembre 1979, on ordonna la tenue d'élections générales
pour le 18 février 1980. L'appelant informa le chef de l'Union
Populaire de la nécessité de produire une déclaration confir-
mant ou mettant à jour les renseignements concernant son
parti, contenus au registre des partis politiques, au plus tard le
31 décembre 1979 (date du recensement), conformément au
paragraphe 13(7) de la Loi électorale du Canada. Bien que la
lettre adressée à l'appelant fût mise à la poste le 24 décembre
1979, elle ne fut livrée que le 2 janvier 1980. En conséquence,
l'appelant a informé le chef du parti qu'il avait radié l'Union
Populaire du registre des partis politiques du fait que les
renseignements ne lui étaient parvenus que le 2 janvier et qu'ils
étaient incomplets. Les intimés ont présenté une requête en
mandamus à la Division de première instance, alléguant que la
décision de l'appelant était injuste et d'autant plus abusive que
l'appelant possédait le pouvoir de prolonger le délai fixé. La
Division de première instance a accueilli la requête et ordonné à
l'appelant d'exercer la discrétion qui lui est confiée pour accor-
der un délai conformément au paragraphe 4(2) et d'annuler, s'il
le juge opportun, la radiation de l'Union Populaire.
Arrêt: l'appel est accueilli. La Cour présume que l'appelant
est assujetti au contrôle des tribunaux et que sa décision de
radier l'Union Populaire a été irrégulièrement prise parce que
l'un des deux motifs sur lesquels elle était basée (renseigne-
ments incomplets) n'avait aucune valeur juridique. L'appel est
accueilli par ce motif qu'une demande de mandamus ne peut
être accordée à moins qu'il ne soit prouvé que celui contre qui
elle est dirigée a fait défaut de remplir un devoir que la Loi lui
impose. Si cette preuve n'existe pas, la demande doit être
rejetée. Ici, le devoir que le premier juge a ordonné à l'appelant
d'exécuter, c'est celui de déterminer s'il ne serait pas opportun,
dans les circonstances, qu'il utilise le pouvoir que lui accorde le
paragraphe 4(2) de prolonger le délai prévu au paragraphe
13(7). Or il n'y a au dossier aucune preuve à l'effet que
l'appelant ait refusé d'exercer cette discrétion. Au contraire, si
le dossier révèle quelque chose à ce sujet, c'est que l'appelant a
exercé sa discrétion en vertu du paragraphe 4(2) en décidant de
ne pas prolonger le délai que les intimés auraient voulu voir
prolongé. La première partie du jugement doit donc être infir-
mée. La seconde partie du jugement, qui ordonne à l'appelant
d'annuler la radiation de l'Union Populaire, n'est peut-être pas
indépendante de la première. Dans ce cas, elle devrait égale-
ment être infirmée. Toutefois, si elle est indépendante de la
première, elle doit être cassée pour le même motif: elle ordonne
à l'appelant de remplir un devoir que, suivant le dossier, il n'a
jamais refusé d'exécuter.
APPEL.
AVOCATS:
G. Beaudoin, c.r. et M. Pharand pour
l'appelant.
G. Bertrand pour les intimés.
PROCUREURS:
Taché & Pharand, Hull, pour l'appelant.
Bertrand, Otis & Grenier, Québec, pour les
intimés.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran-
çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: L'appelant est directeur géné-
ral des élections et ses fonctions sont définies par
la Loi électorale du Canada, S.R.C. 1970 (ler
Supp.), c. 14. Le paragraphe 13(1) de cette Loi lui
impose l'obligation de tenir un registre des partis
politiques. Les partis dont les noms sont inscrits
sur ce registre sont les seuls qui bénéficient des
privilèges que la Loi électorale du Canada recon-
naît aux partis politiques. Suivant le paragraphe
13(8), l'appelant a le pouvoir, en certaines circons-
tances, de radier du registre le nom d'un parti qui
y est enregistré. C'est la décision prise par l'appe-
lant le 2 janvier 1980 de radier du registre le nom
de l'intimée l'Union Populaire, un parti politique
que dirige l'autre intimé Henri Laberge, qui a
donné lieu à ce litige.
L'Union Populaire était un parti politique enre-
gistré en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi
électorale du Canada lorsque, en décembre 1979,
on ordonna la tenue d'élections générales pour le
18 février 1980. Le 14 décembre 1979, l'appelant
écrivit à M. Laberge, le chef de l'Union Populaire,
une lettre dont il suffit de citer le premier
paragraphe:
Je me permets de vous rappeler qu'en vertu du paragraphe
13(7) de la Loi électorale du Canada, le Chef de chaque parti
enregistré doit, à une élection générale, produire au Directeur
général des élections une déclaration confirmant ou mettant à
jour les renseignements concernant son parti, contenus au
Registre des partis politiques. Cette déclaration doit être pro-
duite au plus tard à la date du recensement, c'est-à-dire au plus
tard le 31 décembre 1979 à l'élection en cours.
Le texte du paragraphe 13(7) auquel réfère
cette lettre est le suivant:
13....
(7) A une élection générale, tout parti enregistré qui a été
enregistré avant cette élection doit, au plus tard à la date de
l'énumération, produire au directeur général des élections une
déclaration écrite signée par le chef du parti
a) confirmant ou mettant à jour les renseignements contenus
dans la demande d'enregistrement du parti; et
b) désignant des représentants, si le chef tient à désigner des
représentants pour parrainer les candidats à l'élection.'
La sanction de l'obligation qu'impose cette dis
position est exprimée par l'alinéa 13(8)a):
13....
(8) Lors d'une élection générale, le directeur général des
élections peut,
a) à compter du quarante-huitième jour qui précède le jour
du scrutin, radier du registre un parti enregistré
(i) qui n'était pas représenté à la Chambre des communes
la veille de la dissolution du Parlement juste avant l'élec-
tion, et
(ii) qui ne s'est pas conformé aux dispositions du paragra-
phe (7);
Revenons-en maintenant aux faits qui ont donné
lieu au litige.
Pour comprendre l'expression «date de l'énumération» utili
sée dans cette disposition, il faut lire la définition de cette
expression que donne l'article 2 et, aussi, se référer au paragra-
phe 18(1). Voici le texte de ces dispositions:
2. Dans la présente loi
«date de l'énumération» désigne, relativement à une élection
qui a lieu dans une circonscription, la date à laquelle on
commence à dresser les listes préliminaires des électeurs en
vue de cette élection;
18. (I) Le président d'élection doit, à compter du lundi
quarante-neuvième jour avant le jour du scrutin, faire dresser
dans et pour sa circonscription, et conformément à la pré-
sente loi, des listes préliminaires de toutes les personnes
habiles à voter dans les sections urbaines et rurales qui y sont
comprises.
Il est constant que le jour fixé pour le scrutin est le 18 février
1980 et que le «quarante-neuvième jour avant» ce jour-là était
le 31 décembre 1979.
Le 24 décembre 1979, l'intimé Laberge mettait
à la poste à Montréal une lettre adressée à l'appe-
lant, lettre qui, suivant l'avocat des intimés, conte-
nait tous les renseignements exigés par le paragra-
phe 13(7). Cette lettre mit du temps à parvenir à
son destinataire à Ottawa. Elle ne lui fut livrée que
le 2 janvier. Il est probable que ce retard est
partiellement attribuable au fait que le bureau de
l'appelant fut fermé à compter de trois heures et
demie le 31 décembre jusqu'au matin du 2 janvier.
Si, le 31 décembre 1979, le bureau de l'appelant
était demeuré ouvert jusqu'à dix heures du soir,
comme il l'est habituellement en période électo-
rale, il est probable que la lettre de M. Laberge
serait arrivée à destination dans la soirée du 31
décembre. Quoiqu'il en soit, cette lettre ne parvint
à l'appelant que le 2 janvier, plus d'une journée
après l'expiration du délai fixé.
Ce même 2 janvier, l'appelant envoya le télé-
gramme suivant à M. Laberge:
La déclaration requise au paragraphe (7) article 13 Loi électo-
rale du Canada n'a pas été produite par parti Union Populaire
à la date limite statutaire. Ce parti a conséquemment été radié
du registre des partis politiques conformément au paragraphe
(8) article 13 Loi électorale.
Le même jour, l'appelant adressa à M. Laberge
une lettre dont il convient de citer les deux para-
graphes suivants:
Comme je l'ai mentionné dans le télégramme, votre déclara-
tion n'a pas été produite à la date limite statutaire, soit le lundi,
31 décembre 1979. Le document ne m'est parvenu qu'aujour-
d'hui, 2 janvier 1980. De plus, la déclaration est incomplète
puisqu'elle n'est pas accompagnée d'une déclaration par écrit
signée par le nouveau vérificateur de votre parti.
En conséquence, le parti Union Populaire a été radié du
Régistre des partis politiques et perd donc tous ses droits et
privilèges comme parti enregistré, y compris le droit de parrai-
ner des candidats à l'élection en cours.
Il ressort donc de cette lettre, qui est confirmée
à cet égard par l'affidavit souscrit par l'appelant,
que sa décision de radier l'Union Populaire a été
prise pour deux motifs: parce que les renseigne-
ments qu'on lui avait envoyés ne lui étaient parve
nus que le 2 janvier et parce que ces renseigne-
ments lui apparaissaient être incomplets.
C'est cette décision de l'appelant qui a incité les
intimés à présenter une requête en mandamus à la
Division de première instance. Cette requête, qui
est appuyée d'un affidavit souscrit par M.
Laberge, récite d'abord les faits que je viens de
rappeler; elle allègue ensuite que la décision de
l'appelant est injuste, illégale, déraisonnable et
d'autant plus abusive que l'appelant possédait, en
vertu du paragraphe 4(2) de la Loi, 2 le pouvoir de
prolonger le délai fixé pour la production des
renseignements requis par le paragraphe 13(7); la
requête conclut ensuite de la façon suivante:
PAR CES MOTIFS, PLAISE À LA COUR:
ACCUEILLIR la présente requête;
ORDONNER au directeur général des élections, l'intimé en
cette cause;
a) d'extensionner le délai pour présenter les renseigne-
ments requis au 14 janvier 1980;
b) de reconnaître l'UNION POPULAIRE comme parti poli-
tique enregistré;
La Division de première instance a accueilli
cette requête et prononcé l'ordonnance suivante*:
La requête est accueillie en partie et un bref de mandamus doit
être émis ordonnant au Directeur Général des élections d'exer-
cer la discrétion qui lui est conférée par les dispositions de
l'article 4(2) de la Loi Électorale du Canada quant à l'opportu-
nité d'accorder un délai pour la déclaration reçue le 2 janvier de
l'Union Populaire et d'accorder la permission de compléter les
informations requises, et, s'il se doit, d'annuler la radiation de
l'Union Populaire et de l'enregistrer comme parti politique aux
fins de ladite Loi .... 3
C'est cette décision qui fait l'objet de cet appel. 4
Au soutien du pourvoi, les avocats de l'appelant
ont fait valoir que le jugement attaqué devait être
infirmé pour trois motifs principaux, savoir:
2 Le texte de cette disposition est le suivant:
4....
(2) Lorsque, au cours d'une élection, il appert au directeur
général des élections que, par suite d'une erreur, d'un calcul
erroné, d'une urgence ou d'une circonstance exceptionnelle
ou imprévue, une des dispositions de la présente loi ne
concorde pas avec les exigences de la situation, le directeur
général des élections peut, au moyen d'instructions générales
ou particulières, prolonger le délai imparti pour faire tout
acte, augmenter le nombre d'officiers d'élection ou de
bureaux de scrutin ou autrement adapter une des dispositions
de la présente loi à la réalisation de son objet, dans la mesure
où il le juge nécessaire pour faire face aux exigences de la
situation.
* [Non publié—Éd.]
3 Les avocats des parties ont convenu à l'audience que dans
cette ordonnance l'expression «s'il se doit» (qui signifie «s'il le
faut») était utilisée dans le sens de «s'il le juge opportun».
4 Les intimés ont, en la façon prescrite, indiqué leur intention
de demander eux aussi la modification du jugement attaqué. Ils
voulaient obtenir un jugement conforme aux conclusions de leur
requête. L'avocat des intimés a cependant déclaré à l'audience
que ses clients se désistaient de leur appel incident.
(1) le directeur général des élections n'est pas
soumis au contrôle des tribunaux, mais relève du
Parlement seulement;
(2) la décision de l'appelant de radier l'Union
Populaire a été légalement prise; et
(3) le recours en mandamus qu'ont exercé les
intimés n'est pas le recours approprié.
Cette affaire, que nous avons entendue à quel-
ques jours d'avis étant donné son caractère urgent,
soulève des problèmes importants et difficiles.
Malgré cela, il faut que nous nous prononcions
tout de suite puisque, autrement, nous ne pour-
rions, vu nos engagements antérieurs, rendre juge-
ment avant plusieurs semaines, c'est-à-dire à un
moment où notre jugement serait dépourvu d'effet
pratique. Cela explique que, ayant dû travailler
rapidement, je ne puisse aujourd'hui faire état ni
discuter comme je l'aurais voulu les argumenta-
tions étoffées qui nous ont été présentées par Mes
Beaudoin et Pharand, d'une part, et Me Bertrand,
d'autre part. En étant cependant arrivé à la con
clusion ferme que l'appel doit être accueilli, je
veux tout simplement dire brièvement pourquoi.
Le temps ne me permet pas de faire plus.
Pour les fins de la discussion, je veux prendre
pour acquis que, contrairement à ce qu'a prétendu
Me Beaudoin, le directeur général des élections est
assujetti au contrôle des tribunaux. Qu'on me com-
prenne bien: je prends cela pour acquis, mais ne
veux exprimer aucune opinion sur ce point extrê-
mement difficile et important. Je veux également
prendre pour acquis que, comme l'a soutenu Me
Bertrand, la décision de l'appelant de radier
l'Union Populaire a été irrégulièrement prise. Je
n'ai aucune difficulté à faire cette supposition.
Non pas que j'accepte tous les arguments de Me
Bertrand à ce sujet. Nous ne pouvons, en une
pareille affaire, nous prononcer, comme il nous y a
invités, sur le caractère juste ou injuste de la
décision de l'appelant. Que cette décision nous
apparaisse opportune ou inopportune importe peu
dès lors qu'elle a été légalement prise. Je ne crois
pas, non plus, que Me Bertrand ait eu raison de
prétendre que l'appelant était tenu, avant de radier
l'Union Populaire, de donner aux intimés une
chance de s'expliquer. L'appelant, à mon sens,
n'avait pas pareille obligation. Si j'avais à décider
de la régularité de la décision prise par l'appelant,
je dirais cependant que, à mon avis, Me Bertrand a
raison de dire que cette décision était irrégulière
parce que l'un des deux motifs sur lesquels elle
était basée n'avait aucune valeur juridique. Il me
semble en effet que, contrairement à ce qu'a cru
l'appelant, les intimés lui ont fait parvenir tous les
renseignements exigés par le paragraphe 13(7) et
qu'ils n'étaient pas tenus, suivant ce paragraphe,
de lui faire parvenir la déclaration écrite du vérifi-
cateur du parti à laquelle réfère la dernière partie
du paragraphe 13(1). Suivant le paragraphe 13(7),
les intimés devaient mettre à jour «les renseigne-
ments contenus dans la demande d'enregistrement
du parti»; ces renseignements sont ceux qu'énumè-
rent les alinéas a) à h) du paragraphe 13(1); 5 la
déclaration du vérificateur ne figure pas parmi ces
renseignements. Je prends donc pour acquis que la
décision prise par l'appelant de radier l'Union
Populaire était irrégulière en ce qu'il s'agissait
d'une décision discrétionnaire qui était fondée, en
partie, sur un motif juridiquement non valable.
Même si je fais ces suppositions, toutes favo-
rables aux intimés, j'en viens à la conclusion que la
décision de la Division de première instance doit
être cassée.
Cette décision ordonne deux choses à l'appelant,
savoir:
a) d'exercer sa discrétion en vertu du paragra-
phe 4(2); et
b) d'annuler, s'il le juge opportun, la radiation
dé l'Union Populaire.
5 Le paragraphe 13(1) est le suivant:
13. (I) Le directeur général des élections doit tenir un
registre des partis politiques où, sous réserve des dispositions
du présent article, il doit enregistrer tout parti politique qui
lui produit une demande d'enregistrement signée par le chef
du parti, énonçant:
a) le nom intégral du parti;
b) le nom du parti ou, s'il en est, l'abréviation du nom du
parti qui doit figurer sur les documents d'élection;
e) le nom et l'adresse du chef du parti;
d) l'adresse du bureau du parti où sont conservées les archi
ves et où les communications peuvent être adressées;
e) les nom et adresse des dirigeants du parti;
J) les nom et adresse de la personne nommée vérificateur du
parti;
g) les nom et adresse de l'agent principal du parti; et
h) les nom, adresse, occupation et signature de cent électeurs
membres du parti;
ainsi qu'une déclaration par écrit signée par la personne visée à
l'alinéa J) affirmant qu'elle accepte sa nomination comme
vérificateur du parti.
Il me paraît clair que le premier juge ne pouvait
pas, dans les circonstances, ordonner à l'appelant
d'exercer sa discrétion en vertu du paragraphe
4(2). Une demande de mandamus ne peut être
accordée à moins qu'il ne soit prouvé que celui
contre qui elle est dirigée a fait défaut de remplir
un devoir que la Loi lui impose. Si cette preuve
n'existe pas, la demande doit être rejetée. Ici, le
devoir que le premier juge a ordonné à l'appelant
d'exécuter, c'est celui de déterminer s'il ne serait
pas opportun, dans les circonstances, qu'il utilise le
pouvoir que lui accorde le paragraphe 4(2) de
proroger le délai prévu au paragraphe 13(7). Or, il
n'y a au dossier aucune preuve à l'effet que l'appe-
lant ait refusé d'exercer cette discrétion. Au con-
traire, si le dossier révèle quelque chose à ce sujet,
c'est que l'appelant a exercé sa discrétion en vertu
du paragraphe 4(2) en décidant de ne pas proroger
le délai que les intimés auraient voulu voir pro
longé. La première partie du jugement doit donc
être infirmée pour le motif très simple que le
dossier ne révèle pas que l'appelant ait jamais
refusé ou omis de faire ce que le jugement lui
ordonne.
La seconde partie du jugement, qui ordonne à
l'appelant d'annuler la radiation de l'Union Popu-
laire, n'est peut-être pas indépendante de la pre-
mière. Peut-être le juge a-t-il voulu dire que c'est
seulement dans le cas où l'appelant déciderait
d'utiliser son pouvoir en vertu du paragraphe 4(2)
et de proroger le délai fixé par le paragraphe 13(7)
qu'il devait considérer l'opportunité d'annuler la
radiation de l'Union Populaire. Si tel est le sens du
jugement, la validité de la seconde partie dépen-
drait entièrement de la première et celle-ci devant
être infirmée pour les motifs que j'ai dits, il en
résulterait que la seconde devrait l'être aussi. Mais
cette seconde partie de la décision est peut-être
indépendante de la première et doit peut-être être
interprétée comme étant, tout simplement, un
ordre donné à l'appelant de reconsidérer sa déci-
sion étant donné que celle-ci a été irrégulièrement
prise.
Disons ici que même si on juge la décision de
l'appelant irrégulière pour le motif que j'ai dit, il
n'en résulte pas que l'appelant ait eu le devoir de
modifier sa décision. Il pouvait, en effet, décider de
maintenir la radiation pour le seul motif que les
renseignements exigés lui étaient parvenus en
retard. Cela est certain. Le seul devoir que pouvait
avoir l'appelant en conséquence du fait que sa
décision avait été irrégulièrement prononcée était
celui de reconsidérer cette décision et de détermi-
ner si, oui ou non, il la maintiendrait. Or, ce
devoir, l'appelant l'a peut-être exécuté. Nous n'en
savons rien. Si la seconde partie du jugement
attaqué est indépendante de la première, elle doit
cependant être cassée pour le même motif: elle
ordonne à l'appelant de remplir un devoir que,
suivant le dossier, celui-ci n'a jamais refusé
d'exécuter.
Pour ces motifs, je ferais droit à l'appel, je
casserais le jugement de la Division de première
instance et je rejetterais sans frais, la requête en
mandamus présentée par les intimés.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
* * *
Voici les motifs du jugement prononcés en fran-
çais à l'audience par
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord
avec M. le juge Pratte mais je ne veux exprimer
aucune opinion sur la question de savoir si les
intimés avaient fait parvenir à l'appelant tous les
renseignements exigés par le paragraphe (7) de
l'article 13 de la Loi électorale du Canada.
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