A-199-79
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Gaby Dupuis (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Lalande—Montréal, le 2 novembre;
Ottawa, le 27 novembre 1979.
Examen judiciaire — Assurance-chômage — L'intimée
reçut le même jour sa dernière paie et une augmentation
rétroactive, puis réclama les prestations d'assurance-chômage
— Le montant del prestations d'assurance-chômage était
fonction de la rémunération hebdomadaire des vingt dernières
semaines d'emploi de l'intimée — Dans le calcul de la rému-
nération hebdomadaire moyenne de l'intimée, l'augmentation
rétroactive de salaire a été répartie sur toutes les semaines
pour lesquelles cette augmentation avait été payée — La
Commission a demandé à l'intimée de rembourser un trop-
payé de $307 — L'intimée a demandé au ministre du Revenu
national de statuer sur la façon dont l'augmentation rétroac-
tive devait entrer en ligne de compte dans le calcul de sa
rémunération assurable — Le Ministre a conclu que cette
somme n'augmentait la rémunération assurable que pour la
période de paie à l'égard de laquelle l'intimée l'avait reçue —
Le juge-arbitre a cassé en appel la décision du Ministre et la
lui a renvoyée pour nouvel examen — Requête en examen et en
annulation contre cette décision du juge-arbitre — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 — Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48, art. 24,
33, 35, 75, 84 — Règlement sur l'assurance-chômage (percep-
tion des cotisations), DORS/74-86, art. 3(2).
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Roger Roy et Guy Laperrière pour le
requérant.
François Brière pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
François Brière, Montréal, pour l'intimée.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an-
nulation d'une décision prise par un juge-arbitre en
vertu de l'article 84 de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48. Par cette
décision, le juge-arbitre a fait droit à un appel de
l'intimée contre une décision du ministre du
Revenu national.
L'intimée a travaillé pour le même employeur
du 15 septembre 1975 au 17 mai 1976. Elle reçut
sa dernière paie le 22 mai 1976 et, en même temps,
une somme de $428.25 qui lui était due à titre
d'augmentation rétroactive de salaire. L'intimée
réclama alors les prestations d'assurance-chômage
auxquelles elle avait droit. Suivant les articles 24,
33 et 35 de la Loi, le montant de ces prestations
était fonction de la rémunération hebdomadaire
assurable moyenne au cours des vingt dernières
semaines d'emploi de l'intimée. La Commission
calcula alors que l'intimée avait droit à des presta-
tions hebdomadaires de $68. En faisant ce calcul,
la Commission avait pris pour acquis, semble-t-il,
que pour déterminer la rémunération hebdoma-
daire moyenne de l'intimée, il fallait répartir l'aug-
mentation rétroactive de salaire de $428.25 qui lui
avait été versée après la fin de son emploi sur
toutes les semaines de travail pour lesquelles cette
augmentation avait été payée. La Commission
versa donc ces prestations hebdomadaires de $68.
Le 15 février 1977, la Commission écrivait à
l'intimée et l'informait qu'un examen de son dos
sier avait révélé qu'on lui avait versé une somme de
$307 de plus que ce à quoi elle avait droit. La
Commission lui réclamait le remboursement de
cette somme et expliquait que l'on s'était trompé
en fixant à $68 plutôt qu'à $52 les prestations
hebdomadaires qui lui étaient dues.'
L'intimée aurait pu interjeter appel de cette
décision de la Commission devant le Conseil arbi-
tral (voir articles 57 et 94). Et la décision du
Conseil aurait elle-même été susceptible d'appel
devant le juge-arbitre. Si l'intimée s'était prévalue
de ce droit, le Conseil arbitral et, après lui, le
juge-arbitre auraient eu à décider si la Commis
sion s'était trompée en calculant comme elle l'avait
fait le montant des prestations hebdomadaires aux-
' Bien que le dossier soit silencieux sur ce point, il semble que
la Commission en soit arrivée à ce nouveau chiffre de $52 parce
qu'elle a calculé la rémunération assurable moyenne de l'inti-
mée à la lumière
a) de la règle contenue à l'article 3(2) du Règlement sur
l'assurance-chômage (perception des cotisations) par appli
cation duquel la somme de $428.25 reçue à titre d'augmenta-
tion rétroactive de salaire devait être entièrement imputée
sur la dernière semaine de travail de l'intimée; et
b) de la règle suivant laquelle le maximum de la rémunéra-
tion assurable d'un assuré, pour une semaine, ne peut excéder
le montant prescrit par la Loi qui, à ce moment-là, était,
paraît-il, deux cents dollars.
quelles l'intimée avait droit. L'intimée, cependant,
ne s'est pas prévalue de ce recours. Au lieu de cela,
elle a demandé au ministre du Revenu national de
statuer sur la façon dont on devait tenir compte de
l'augmentation rétroactive de salaire de $428.25
dans le calcul de sa rémunération assurable. Le
Ministre décida que, comme le prescrit l'article
3(2) du Règlement sur l'assurance-chômage (per-
ception des cotisations), DORS/74-86, cette
somme de $428.25 n'augmentait la rémunération
assurable de l'intimée que pour la période de paie
au cours de laquelle elle avait été payée. Non
satisfaite de cette réponse, l'intimée interjeta appel
devant le juge-arbitre qui cassa la décision du
Ministre et lui renvoya l'affaire pour qu'il la consi-
dère de nouveau. C'est cette décision du juge-arbi-
tre que le requérant attaque aujourd'hui.
Le pourvoi doit, à mon avis, être accueilli.
A ma connaissance, les seules décisions du
ministre du Revenu national qui puissent être por-
tées en appel devant le juge-arbitre sont celles qui
ont été prises en vertu de l'article 75 de la Loi. La
seule disposition de la Loi qui permet à un juge-
arbitre de siéger en appel d'une décision du Minis-
tre est, en effet, l'article 84(1) dont le texte suit:
84. (1) La Commission ou une personne que concerne le
règlement d'une question par le Ministre ou une décision sur
appel au Ministre, en vertu de l'article 75, peut, dans les
quatre-vingt-dix jours de la communication du règlement ou de
la décision ou dans le délai supplémentaire que peut accorder le
juge-arbitre sur demande à lui présentée dans ces quatre-vingt-
dix jours, interjeter appel devant le juge-arbitre de la manière
prescrite.
Quant à l'article 75, il précise de la façon sui-
vante les matières sur lesquelles le Ministre est
habilité à prononcer des décisions qui seront sus-
ceptibles d'appel devant le juge-arbitre:
75. (1) Lorsque se pose, en vertu de la présente loi, la
question de savoir si une personne doit verser une cotisation
ouvrière ou patronale ou quel devrait être le montant d'une telle
cotisation, au cours d'une année,
a) la personne intéressée peut, au plus tard le trente avril de
l'année suivante, demander au Ministre de régler la question;
ou
b) le Ministre peut, de sa propre initiative, régler la question
à n'importe quel moment.
(2) Lorsque le Ministre a évalué une somme payable par un
employeur en vertu de la présente loi, l'employeur peut, dans
les quatre-vingt-dix jours de la date d'expédition par la poste de
l'avis d'évaluation, demander au Ministre de reconsidérer l'éva-
luation, quant à la question de savoir s'il y a matière à
évaluation ou quel devrait être le montant de l'évaluation.
(3) Lorsque se pose, au sujet d'une demande de prestations
faite en vertu de la présente loi, la question de savoir
a) si une personne exerce ou a exercé un emploi assurable,
ou
b) si une personne est l'employeur d'un assuré,
il est loisible à la Commission, à tout moment, et à cette
personne ou à l'employeur ou à la personne présentée comme
étant l'employeur de cette personne, dars les quatre-vingt-dix
jours qui suivent le moment où la décision de la Commission
leur est notifiée, de demander au Ministre de régler la question.
Quelle était donc la question que l'intimée a
soumise au Ministre et à laquelle celui-ci a donné
une réponse dont l'intimée a interjeté appel devant
le juge-arbitre? Cette question, à mon avis, était
celle de savoir comment la rémunération assurable
de l'intimée devait être calculée pour les fins des
articles 24, 33 et 35 de la Loi (c'est-à-dire, dans le
but de déterminer le montant des prestations aux-
quelles l'intimée avait droit). C'est là une question
que le Ministre n'était pas autorisé à décider en
vertu de l'article 75 et qui, à cause de cela, ne
pouvait donc pas être soumise au juge-arbitre en
vertu de l'article 84. Le juge-arbitre aurait donc
dû rejeter l'appel pour défaut de compétence.
Même si mon interprétation de la question sou-
mise au Ministre n'était pas la bonne et si cette
question se rapportait au calcul du montant des
cotisations dues, cela n'aiderait pas l'intimée. En
effet, en pareil cas, la décision du Ministre serait
bien fondée et la décision du juge-arbitre devrait
être cassée parce qu'il est évident, comme l'a d'ail-
leurs reconnu l'avocat de l'intimée, que le calcul du
montant des cotisations doit être fait conformé-
ment au Règlement sur l'assurance-chômage
(perception des cotisations) et que, en l'espèce, le
Ministre devait faire ce calcul en appliquant l'arti-
cle 3(2) de ce règlement.
Pour ces motifs, je ferais droit à la demande, je
casserais la décision attaquée et renverrais l'affaire
au juge-arbitre pour qu'il la décide en prenant
pour acquis que:
1. le juge-arbitre n'a pas la compétence d'entendre
un appel d'une décision du ministre du Revenu
national précisant la façon dont doit être calculée
la rémunération assurable d'un assuré pour les fins
des articles 24, 33 et 35; et
2. en calculant le montant des cotisations dues en
vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage,
le ministre du Revenu national doit tenir compte
de la rémunération assurable calculée à la lumière
du Règlement sur l'assurance-chômage (percep-
tion des cotisations) et sans égard aux articles 172
et 173 du Règlement sur l'assurance-chômage,
DORS/ 71-324.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Je souscris au
jugement de M. le juge Pratte et comme lui je suis
d'opinion que le Ministre n'était pas autorisé à
décider le montant des prestations auxquelles l'in-
timée avait droit.
A mon avis la Commission aurait commis une
erreur en calculant la rémunération assurable
moyenne à la lumière de la règle de l'article 3(2)
du Règlement dont l'objet est la perception des
cotisations. C'est la règle de l'article 173(3) du
Règlement sur l'assurance-chômage qui s'appli-
querait en l'occurrence où il s'agit de répartir de la
rémunération reçue au moment de la cessation
d'emploi en même temps que la dernière paie
régulière, afin de fixer le montant des prestations.
Cette règle se lit:
173... .
(3) La rémunération payable à un prestataire en échange de
ses services doit être répartie sur la période pendant laquelle ces
services ont été fournis.
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