T-2685-80
Société de perception et d'administration Ultimex
Limitée et Jacques Lanctôt (Demandeurs)
c.
La Reine et Bernard Leblanc (Défendeurs)
et
Substitut du procureur général de la province de
Québec du district de Hull (Mis-en-cause)
Division de première instance, le juge Marceau—
Ottawa, 17 et 18 juin 1980.
Pratique — Requête en radiation de plaidoiries — Demande
du défendeur Leblanc en radiation de la déclaration et en rejet
de l'action conformément à la Règle 419 au motif que la Cour
n'a pas compétence en l'espèce — Demande des deux défen-
deurs en radiation des plaidoiries du fait que la déclaration ne
révèle aucune cause d'action — Les demandeurs poursuivent
en dommages-intérêts sur le fondement qu'un acte d'accusa-
tion criminelle aurait été levé de mauvaise foi contre un tiers à
l'égard d'un crime qui aurait été commis contre eux et qu'ils
n'auraient pas été consultés avant que ne soient portées les
accusations — Demandes accueillies — Règle 419 de la Cour
fédérale.
DEMANDES.
AVOCATS:
J. E. Allard pour les demandeurs.
J. C. Ruelland, c.r. pour les défendeurs.
PROCUREURS:
J. E. Allard, Hull (Québec), pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran-
çais par
LE JUGE MARCEAU: Deux requêtes en radiation
de la déclaration et en rejet d'action en vertu de la
Règle 419 ont été présentées par les défendeurs.
L'une, qui concerne le défendeur Leblanc, fait
valoir que cette Cour n'a pas juridiction pour
connaître du recours invoqué; l'autre, présentée
par les deux défendeurs, soutient que de toute
façon, la déclaration ne révèle aucune cause d'ac-
tion susceptible de donner ouverture aux conclu
sions recherchées.
L'action au départ ne manque pas d'étonner, car
les demandeurs poursuivent en dommages Sa
Majesté la Reine et un agent de la Gendarmerie
royale du Canada, sous prétexte qu'un acte d'accu-
sation criminelle aurait été levé sans raison, mali-
cieusement et de mauvaise foi, contre un tiers.
Leur recours viendrait, si je comprends bien, du
fait que le crime présumé, pour lequel les procédu-
res criminelles sont toujours pendantes, aurait été
commis contre eux, et qu'ils n'auraient pas été
consultés avant que le tiers ne soit traduit en
justice.
Il est évident que les deux requêtes sont claire-
ment fondées. D'une part, la Cour n'a pas compé-
tence pour ce qui est de l'individu défendeur, car la
demande formulée contre lui personnellement n'est
pas fondée sur une «loi fédérale existante» (une
décision récente sur cette question est celle de
Bosada c. La Reine [1979] 2 C.F. 335, confirmée
par la Cour d'appel [1980] 2 C.F. 744). D'autre
part et surtout, l'action manifestement ne peut
tenir contre aucun des défendeurs. Il en est ainsi:
d'abord, parce que la victime d'un acte criminel
n'a pas à donner son consentement ni à être con-
sultée avant qu'un acte d'accusation ne soit porté
contre l'auteur présumé; ensuite, parce que le
recours civil auquel peut donner lieu un abus de
poursuite criminelle appartient d'abord à celui qui
a été accusé sans raison; enfin, parce qu'il ne
saurait être question de prétendre à abus de pour-
suites criminelles avant que les procédures crimi-
nelles auxquelles ces poursuites ont donné lieu se
soient soldées en un acquittement.
ORDONNANCE
Les requêtes en radiation de la déclaration sont
maintenues et l'action est rejetée à l'égard des
deux défendeurs avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.