T-2227-78
La Banque de Nouvelle-Écosse (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy—
Toronto, 13 et 14 novembre; Ottawa, 12 décembre
1979.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Dégrèvement pour impôt payé à l'étranger — La demanderesse
revendiquait un dégrèvement pour impôt payé au Royaume-
Uni du fait de l'entreprise qu'elle y exploitait — Appel contre
la nouvelle cotisation établie par le Ministre à l'égard de sa
déclaration d'impôt sur le revenu de 1972 — Il échet d'exami-
ner s'il y a lieu de calculer le montant du dégrèvement,
exprimé en monnaie canadienne, selon le taux de change ayant
cours à la date où l'impôt a été effectivement payé, ou selon le
taux qui avait cours à la date où l'impôt était dû — Appel
accueilli — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c.
63, art. 126(2)a),b),(7)a)(i) (modifié rétroactivement par S.C.
1973-74, c. 14, art. 39(2)) — Loi de 1967 sur la Convention
entre le Canada et le Royaume-Uni en matière d'impôt sur le
revenu, S.C. 1966-67, c. 75, Partie IV, art. 11, Annexe IV,
Art. 21.
Appel formé par la demanderesse contre la nouvelle cotisa-
tion de sa déclaration d'impôt sur le revenu de 1972. La
demanderesse exploitait une entreprise au Royaume-Uni où,
selon la Loi applicable à l'époque, elle était assujettie à l'impôt
en raison des opérations effectuées dans ce pays durant l'année
d'imposition 1972, mais n'était tenue de l'acquitter que qua-
torze mois après la fin de cette année. L'exercice financier de la
demanderesse prit fin le 31 octobre 1972 et l'impôt a été payé à
l'échéance, le lei janvier 1974. Conformément à la Loi, la
demanderesse avait constitué une provision pour impôts en
livres sterling. En attendant le paiement de l'impôt britannique,
elle avait le droit d'utiliser cette provision aux fins de ses
opérations commerciales au Royaume-Uni, à condition que la
somme demeurât toujours payable entièrement en livres ster
ling. Il échet uniquement d'examiner si le montant du dégrève-
ment auquel a droit la demanderesse, exprimé en monnaie
canadienne, doit se calculer selon le taux de change ayant cours
à la date où l'impôt a été payé, ou selon le taux ayant cours à la
date où l'impôt était dû. L'argument de la Couronne est le
suivant: puisque, selon la seule interprétation possible de l'arti-
cle 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'impôt doit
avoir été payé pour qu'il y ait lieu à dégrèvement pour impôt
étranger, que le contribuable n'a droit à aucun dégrèvement
avant le paiement et qu'il a seulement droit au dégrèvement
jusqu'à concurrence du montant effectivement payé, il s'ensuit
qu'afin d'appliquer la Loi conformément à son esprit, le taux de
change qui doit servir à la conversion du paiement en monnaie
canadienne est celui qui avait cours à la date de ce paiement.
La demanderesse soutient que devant le silence total de la Loi
sur la question de savoir quel taux de change doit servir à la
conversion en monnaie canadienne de l'impôt payé à l'étranger,
il y a lieu de recourir, conformément aux principes comptables
et commerciaux établis, à la même mesure, savoir le taux
moyen pondéré dans l'année, pour convertir en monnaie cana-
Bienne les profits, les dépenses, le revenu imposable et les
crédits d'impôt.
Arrêt: l'appel est accueilli. Que le droit au dégrèvement soit
né lorsque l'impôt du Royaume-Uni est devenu dû ou seulement
lors de son paiement effectif, le dégrèvement doit se calculer
sur la base de la conversion en monnaie canadienne du montant
de l'impôt payable en livres sterling d'après la moyenne pondé-
rée du taux de change de l'année d'imposition en question.
Cette décision est fondée sur les conclusions suivantes: la Loi
ainsi que les usages comptables exigent que la demanderesse
tienne ses livres selon la méthode de la comptabilité d'exercice;
les usages comptables ne s'appliquent pas seulement au calcul
des profits et pertes visés à l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le
revenu, mais aussi à toutes matières comptables sauf disposi
tions législatives contraires; normalement, les usages compta-
bles commandaient d'inscrire les impôts dus, mais non encore
payés au Royaume-Uni en 1972, dans les livres de la demande-
resse, pour cette année et jusqu'au paiement, selon le taux de
change moyen pondéré pour l'année 1972; aucune disposition
de la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige expressément que la
conversion en monnaie canadienne du crédit établi en livres
sterling se fasse sur la base du taux de change ayant cours à la
date du paiement effectif, de même une conversion faite selon
le taux de change moyen pondéré de l'année où l'impôt était dû
ne viole l'esprit ni de la Loi ni de l'une quelconque de ses
dispositions; il est plus logique et plus simple pour le contribua-
ble (en particulier pour une corporation qui doit rendre compte
à ses actionnaires) qui tient ses livres selon la méthode de la
comptabilité d'exercice de calculer sur la même base, dans ses
déclarations d'impôt et ses états financiers, tant les cotisations
fiscales et les crédits d'impôt que les profits et pertes avant
impôt; il est plus logique d'appliquer la même méthode aux
alinéas a) et b) de l'article 126(2), plutôt que d'avoir deux
méthodes différentes de calcul des crédits d'impôt dans le
même article; à l'exception de l'article 127(1), qui porte sur
certaines déductions provinciales relatives à l'impôt sur les
exploitations forestières, la déduction prévue à l'article
126(2)a) est la seule, de toutes les déductions autorisées par la
Loi de l'impôt sur le revenu, à s'appliquer à une année d'impo-
sition qui n'est pas nécessairement l'année du paiement du
montant en cause.
Arrêts appliqués: Dominion Taxicab Association c. Le
ministre du Revenu national [1954] R.C.S. 82; Associated
Investors of Canada Ltd. c. Le ministre du Revenu natio
nal [1967] 2 R.C.E. 96; Canadian General Electric Co. c.
Le ministre du Revenu national [1962] R.C.S. 3. Arrêts
mentionnés: Le ministre du Revenu national c. John Col -
ford Contracting Co. Ltd. 60 DTC 1131; Greig (Inspector
of Taxes) c. Ashton [1956] 3 All E.R. 123; Interprovincial
Pipe Line Co. c. Le ministre du Revenu national [1968] 1
R.C.E. 25.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
S. E. Edwards, c.r. et J. L. McDougall pour
la demanderesse.
W. Lefebvre et J. Côté pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Fraser & Beatty, Toronto, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: La demanderesse interjette
appel d'une nouvelle cotisation, établie par le
Ministre, de son revenu imposable pour l'année
d'imposition 1972. L'appel porte sur un dégrève-
ment réclamé par le contribuable en vertu de
l'article 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le
revenu' pour impôt payé au Royaume-Uni du fait
de l'entreprise qu'il y exploitait à l'époque en
question.
Un exposé conjoint des faits a été versé au
dossier. Les deux parties ne contestent ni les points
de fait, ni le droit applicable au Royaume-Uni, ni
la somme totale payable en livres sterling à ce
gouvernement pour la période en cause, savoir
179,596 livres. Le seul point en litige devant la
présente Cour est de savoir si le montant du
dégrèvement auquel la demanderesse a droit, une
fois libellé en dollars canadiens, doit être calculé
selon le taux de change de l'époque du paiement de
l'impôt, soit le ler janvier 1974, ou d'après celui du
temps où l'impôt est devenu dû, soit l'année d'im-
position 1972.
La Loi du Royaume-Uni prévoyait alors (elle a
été modifiée depuis) que bien que la demanderesse
fût assujettie à l'impôt en raison des opérations
effectuées en ce pays durant l'année d'imposition
1972, l'impôt ne devenait exigible que quatorze
mois après la fin de cette année. L'exercice de la
Banque a pris fin le 31 octobre 1972, et l'impôt a
été par conséquent payé à l'échéance, soit le ler
janvier 1974, l'exception d'une somme relative-
ment petite, de l'ordre de 15,209 livres sterling, qui
avait été retenue à la source durant cette période,
relativement à l'intérêt sur certaines obligations du
gouvernement du Royaume-Uni.
S.C. 1970-71-72, c. 63 (tel qu'il a été modifié rétroactive-
ment par S.C. 1973-74, c. 14, art. 39(2)).
Les directives de la Banque d'Angleterre, qui,
selon la Loi, liaient la demanderesse, disposaient
aussi que, durant la période d'imposition, les ban-
ques étrangères devaient constituer une certaine
provision pour impôts en livres sterling. La deman-
deresse a donc, à la fin de son premier trimestre,
constitué la réserve en livres sterling ou en effets
payables en livres sterling qu'elle estimait suffi-
sante. Jusqu'au paiement effectif des impôts dus
au Royaume-Uni, elle était en droit d'utiliser la
réserve ainsi constituée pour ses opérations com-
merciales en ce pays, pourvu que la somme demeu-
rât toujours payable entièrement en livres sterling.
Aux fins d'imposition au Canada, les profits et
pertes en devises étrangères doivent évidemment
être convertis en monnaie canadienne. Étant donné
les fluctuations constantes du change, lorsque la
comptabilisation des profits et pertes pour une
période d'imposition donnée se fait selon la
méthode de la comptabilité d'exercice, il serait
impossible de convertir au fur et à mesure en
monnaie canadienne, d'après le taux de change
existant à l'époque, chaque opération qui inter-
vient. C'est donc non seulement un usage compta-
ble et une question de bon sens, mais aussi une
pratique entièrement acceptée et reconnue par la
défenderesse, que de recourir à un taux de change
moyen, connu sous le nom de moyenne pondérée
des taux existant à l'époque en question, pour la
conversion, à la fin de la période, des profits
réalisés et pertes subies en devises étrangères. En
l'espèce, il n'est pas discuté que, d'après le cours
du change moyen pondéré pour la période d'impo-
sition prenant fin le 31 octobre 1972, 2.52122
dollars canadiens valaient une livre sterling. Par
conséquent, si l'on adopte ce taux, le dégrèvement
pour 179,596 livres sterling s'élève à $452,794. Par
contre, si l'on retient le cours du change en vigueur
à la date de paiement, soit 2.3131 pour les 15,209
livres sterling retenues à la source et 2.2954 pour
le solde de l'impôt payé au Zef janvier 1974, le
crédit d'impôt qui en résulte serait seulement de
$412,514. La différence entre les deux calculs est
de $40,280.
La partie applicable de l'article 126 de la Loi de
l'impôt sur le revenu est ainsi conçue:
126... .
(2) Un contribuable qui résidait au Canada à une date
quelconque d'une année d'imposition et exploitait une entre-
prise, pendant cette année, dans un autre pays que le Canada,
peut déduire de l'impôt pour l'année, payable par ailleurs par
lui en vertu de la présente Partie, une somme ne dépassant pas
le moindre des montants suivants:
a) la partie du total de l'impôt sur le revenu tiré d'une
entreprise, qu'il a payé pour l'année, relativement à des
entreprises exploitées par lui dans ce pays-là, et son report
d'impôt étranger relatif à ce pays pour l'année et dont le
contribuable peut réclamer la déduction,
b) le montant déterminé en vertu du paragraphe (2.1) pour
l'année relativement à des entreprises exploitées par lui dans
ce pays-là, et
L'expression «impôt sur le revenu tiré d'une entre-
prise» est ainsi définie par l'article 126(7)a):
126... .
(7) Dans le présent article,
a) «impôt sur le revenu tiré d'une entreprise» payé par un
contribuable pour une année d'imposition relativement à des
entreprises exploitées par lui dans un pays autre que le
Canada (appelé dans le présent alinéa le «pays de l'entre-
prise») signifie la partie de tout impôt sur le revenu ou les
bénéfices payé par lui pour l'année au gouvernement d'un
autre pays que le Canada, d'une province, d'un État ou d'une
autre subdivision politique de ce pays-là,
(i) qui peut raisonnablement être considérée comme étant
un impôt frappant le revenu que le contribuable a tiré
d'une entreprise exploitée par lui dans le pays de l'entre-
prise, et
La Convention entre le Canada et le Royaume-
Uni en matière d'impôt sur le revenu («la Conven
tion») et le texte qui la ratifie, la Loi de 1967 sur
la Convention entre le Canada et le Royaume- Uni
en matière d'impôt sur le revenu 2 («Loi sur la
Convention»), se rapportent au litige dont je suis
saisi.
L'article 21 de la Convention est rédigé comme
suit:
ARTICLE 21.
(2) Sous réserve des dispositions de la Loi du Canada quant
à l'admission de l'impôt payable dans un territoire situé à
l'extérieur du Canada à titre de crédit à déduire de l'impôt
payable au Canada (sans nuire au principe général impliqué),
l'impôt du Royaume-Uni payable au titre de revenus provenant
de sources situées à l'intérieur du Royaume-Uni est déduit de
tout impôt canadien payable au titre de ces revenus. Lorsque
ces revenus sont un dividende payé avant le 6 avril 1966 par
une compagnie qui est résident du Royaume-Uni, la déduction
tient compte de tout impôt du Royaume-Uni sur le revenu se
rapportant à ce dividende.
2 S.C. 1966-67, c. 75, Partie IV.
L'article 11 de la Loi sur la Convention est ainsi
conçu:
11. (1) La Convention conclue entre le gouvernement du
Canada et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Breta-
gne et d'Irlande du Nord, reproduite à l'annexe IV, est ratifiée
et a force de loi au Canada tant que la Convention, selon ses
termes, sera en vigueur.
(2) En cas d'incompatibilité entre la présente Partie ou la
Convention et l'application de toute autre loi, la présente Partie
et la Convention l'emportent dans la mesure de cette
incompatibilité.
La discussion a tourné en grande partie autour
du mot «payé» dans l'expression «l'impôt sur le
revenu tiré d'une entreprise qu'il a payé» de l'arti-
cle 126(2)a) et dans l'expression «impôt sur le
revenu ou les bénéfices payé par lui» à l'article
126(7)a), par opposition au mot «payable» dans
l'expression «l'impôt du Royaume-Uni payable au
titre de ...» à l'Article 21 de la Convention.
A défaut de définition d'un mot par la Loi on
doit, à moins que le contexte s'y oppose, lui attri-
buer son sens général, et si le terme est d'usage
courant dans le domaine commercial ou financier
c'est ce sens courant qu'il faut retenir. (Voir
Dominion Taxicab Association c. M.R.N. 3 ) Nor-
malement, le mot «payable» ne signifie pas «payé».
Le Kohler's Dictionary for Accountants, 5e éd.,
définit le mot «payable» comme suit: [TRADUC-
TION] «adj. «Impayé qu'il soit exigible ou non. n.
Une créance; une dette qu'une personne doit à une
autre; compte ou billet à payer.» Normalement,
l'exigibilité d'un montant dépend d'une obligation
légale expresse, quoique non nécessairement immé-
diate. (Voir M.R.N. c. John Colford Contracting
Company Limited 4 pour une analyse semblable de
l'expression [TRADUCTION] «à recevoir».) Il va de
soi qu'ordinairement, un montant qui est payable
n'est pas payé, et réciproquement. La qualité de
«payable» précède toujours celle de «payé» dans le
temps.
L'avocat de la défenderesse soutient que, puis-
que l'article 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le
revenu dispose que les impôts doivent être «payés»
et que l'Article 21 de la Convention exige seule-
ment que les impôts du Royaume-Uni soient
«payables», le seul moyen d'éviter l'incompatibilité
et de réconcilier les deux textes est de décider que,
3 [1954] R.C.S. 82, la page 85.
4 60 DTC 1131, aux pages 1134 et 1135.
conformément à l'article 11(2) de la Loi sur la
Convention, cette dernière prévaut et que «payé»
dans l'article 126(2)a) signifie en fait «payable».
I—Dans l'hypothèse où l'expression «impôt ...
payable» de la Convention l'emporte sur l'ex-
pression «impôt ... payé» de l'article 126(2)a)
de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Si, malgré les réserves faites au début de l'Arti-
cle 21(2) de la Convention, on conclut qu'en raison
de l'article 11(2) de la Loi sur la Convention,
l'expression «impôt ... payable» de la Convention
l'emporte sur l'expression «impôt ... payé» de l'ar-
ticle 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et
que par conséquent, dans le cas de l'impôt à verser
au Royaume-Uni, un droit au dégrèvement pour
impôt canadien est ouvert dès que l'impôt du
Royaume-Uni est dû et devient «payable» dans le
sens ordinaire du mot, il ne fait aucun doute que
l'appel doit être accueilli: le droit au dégrèvement
serait né à la fin de l'année d'imposition, c'est-à-
dire à la fin d'octobre 1972, et le taux de change
en vigueur au moment du paiement effectif n'au-
rait absolument rien à voir avec le calcul du
dégrèvement.
II—Dans l'hypothèse où l'expression «impôt ...
payable» dans la Convention a le sens d'«impôt
... payé» de l'article 126(2)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
Dans cette hypothèse, le problème devient beau-
coup plus compliqué. A l'examen du libellé de la
Convention, il semble que toute incompatibilité qui
pourrait exister entre «payé» et «payable» pourrait
se trouver bel et bien résolue en donnant le sens de
«payé» au passage de l'Article 21(2) de la Conven
tion où il est énoncé que «... l'impôt du Royaume-
Uni payable au titre de revenus provenant de
sources situées à l'intérieur du Royaume-Uni est
déduit de tout impôt canadien payable au titre de
ces revenus.» Une telle substitution ne dénaturerait
pas cet Article. Au contraire, il est possible d'affir-
mer que le mot «payable», tel qu'il y est utilisé,
pourrait facilement être pris dans le sens de «payé».
Le problème est presque identique à celui qui se
posait dans l'affaire Greig (Inspector of Taxes) c.
Ashton 5 , où le juge Harman a déclaré:
5 [1956] 3 All E.R. 123, à la page 125.
[TRADUCTION] La partie de la convention prévoyant le
dégrèvement pour double imposition avec les États-Unis figure
dans l'annexe du Double Taxation Relief (Taxes on Income)
(U.S.A.) Order, 1946 (S.R. & O. 1946 n° 1327) et son art.
XIII (2) prévoit que:
Sous réserve des dispositions ... qui peuvent être adoptées
au Royaume-Uni, l'impôt des États-Unis payable au titre de
revenus provenant de sources situées à l'intérieur des États-
Unis vient en déduction de tout impôt du Royaume-Uni
payable au titre de ces revenus.
Il faut reconnaître que «payable» dans un sens doit signifier
«payé»; autrement dit, on ne peut accorder le dégrèvement en
Angleterre pour l'impôt qui n'a pas été payé aux États-Unis.
Ainsi, toute personne qui, en ce qui a trait aux revenus prove-
nant de sources situées à l'intérieur des États-Unis (c'est-à-dire,
en l'espèce, du travail accompli par le contribuable aux États-
Unis), se trouve assujettie à l'impôt des États-Unis, a droit à un
dégrèvement de l'impôt du Royaume-Uni payable au titre de
ces revenus. [C'est moi qui souligne.]
Ainsi, il s'ensuivrait que, pour qu'un contribua-
ble ait droit au dégrèvement pour impôt étranger,
cet impôt doit être non seulement payable, mais
aussi avoir été effectivement payé au moment de la
réclamation de la déduction. On pourrait dire que
le dégrèvement découle en fait de la Loi de l'impôt
sur le revenu et non de la Convention, l'Article 21
de cette dernière ne faisant que préciser contre
quel impôt autrement payable le dégrèvement
s'applique.
Un expert cité comme témoin par l'avocat de la
demanderesse a déposé que la Banque tenait ses
livres et préparait ses rapports selon la méthode
d'exercice plutôt que selon la méthode de la comp-
tabilité de caisse et ce, non seulement du fait que
la Loi sur les banques' l'y oblige, mais aussi parce
que cela est conforme aux usages commerciaux et
comptables. Selon sa déposition, la méthode de la
comptabilité de caisse ne permettrait pas un appa-
riement convenable des coûts et des revenus pour
une telle société et serait en réalité de nature à
induire en erreur. Je partage cet avis, et l'avocat de
la défenderesse le partage également.
Le témoin a ajouté que, puisque la demande-
resse tient ses livres et prépare ses rapports pour
les actionnaires en monnaie canadienne, il est
nécessaire de convertir en monnaie canadienne ses
revenus, frais, impôts et profits étrangers afférents
à la période fiscale considérée, ainsi que ses actif et
passif à la fin de ladite période. Puisque l'impôt
sur le revenu du Royaume-Uni n'est exigible que
6 S.R.C. 1970, c. B-1.
quatorze mois après la fin de la période fiscale, il
est évident que le cours du change en vigueur au
moment du paiement est inconnu lors de la prépa-
ration des états financiers et même lors de la
production de la déclaration d'impôt et du paie-
ment de l'impôt canadien. Par conséquent, on ne
peut selon lui se servir du taux de change en
vigueur au moment du paiement alors que la date
de paiement n'est pas encore arrivée, et le seul
taux de change approprié pour une telle déclara-
tion de revenus est le taux de change moyen
pondéré pour la période fiscale. Il a déclaré en
outre que le fait de constituer la réserve pour
impôts du Royaume-Uni en livres sterling plutôt
qu'en dollars ou autres devises avait, de toute
évidence, pour conséquence de prévenir la perte
qui pourrait autrement survenir en raison de fluc
tuations dans le cours du change. Un cours défavo-
rable au moment du paiement entraînerait bien
entendu une perte, étant donné que le paiement de
l'impôt du Royaume-Uni doit être fait en livres
sterling.
J'accepte cette déclaration et la déposition de
l'expert selon laquelle, puisque la Banque a adopté
la méthode de la comptabilité d'exercice plutôt que
celle de la comptabilité de caisse, les usages comp-
tables et commerciaux commanderaient en l'es-
pèce de porter aux livres de la demanderesse l'im-
pôt à verser au Royaume-Uni, pour une année
fiscale donnée, selon le taux de change moyen
pondéré en vigueur pendant ladite année fiscale.
J'admets aussi que cela représente fidèlement la
situation à la fin de cette période, surtout que la
provision pour impôts était constituée en livres
sterling et n'était pas susceptible de varier.
Il est bien établi que lorsqu'on calcule, en vertu
de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu, les
profits et pertes d'une entreprise, il faut, sauf
disposition contraire expresse de la Loi, se fonder
sur les usages du commerce, et que la question
constitue en dernier lieu une question de droit
devant la Cour, le témoignage des experts n'étant
en aucun cas déterminant. (Voir Associated Inves
tors of Canada Limited c. M.R.N. 7 et Canadian
General Electric Company c. M.R.N. 8 )
7 [1967] 2. R.C.É. 96, la page 101.
B [1962] R.C.S. 3, aux pages 12à 15.
Toutefois, je n'accepte pas la thèse de l'avocat
de la défenderesse, selon laquelle les principes
comptables et commerciaux généralement admis
doivent s'appliquer uniquement au calcul des pro
fits et pertes ainsi que des revenus et dépenses
avant d'arriver au revenu imposable et ne sont
applicables à aucun stade ultérieur, tel qu'au
moment où l'on établit et déclare des crédits pour
impôt étranger à déduire du revenu imposable. Les
usages et les principes comptables et commerciaux
s'appliquent à toutes questions de comptabilité
commerciale et fiscale sauf disposition contraire de
la loi fiscale. En traitant de questions financières
et commerciales dans tout texte législatif, notam-
ment une loi fiscale, le législateur est légalement
présumé connaître les principes financiers et com-
merciaux se rattachant à l'objet visé par la législa-
tion. La Loi se rapporte à des questions commer-
ciales et financières et s'adresse au grand public. Il
s'ensuit que lorsque rien n'indique expressément
que l'on ait entendu déroger aux usages, ou que
lorsque l'objet de la loi peut être atteint sans qu'il
soit indispensable de recourir à une telle déroga-
tion, les usages ainsi que les principes et la termi-
nologie comptables et commerciaux généralement
admis doivent être censés s'appliquer.
Étant donné le libellé particulier de l'article
126(2), même si j'acceptais la déposition de l'ex-
pert de la demanderesse telle qu'elle est énoncée
plus haut, l'affaire n'en serait pas pour autant
résolue. D'après la Couronne, puisqu'on ne peut
interpréter l'article 126(2)a) que comme exigeant
que l'impôt ait été payé pour qu'il y ait lieu à
dégrèvement pour impôt étranger, que le contri-
buable n'a droit à aucun crédit avant ce paiement
et qu'il a seulement droit à un dégrèvement pour le
montant réellement payé, il s'ensuit nécessaire-
ment que pour donner effet à la Loi, selon son
esprit et son objet, le taux à retenir lors de la
conversion de ce paiement en dollars canadiens est
celui du moment du paiement.
D'autre part, l'avocat de la demanderesse a
invoqué plusieurs arguments convaincants à l'ap-
pui de son interprétation. Ils sont fondés sur le
concept que, même si le droit à un dégrèvement ne
naît qu'après paiement de l'impôt étranger, l'arti-
de 126, ainsi que la Loi de l'impôt sur le revenu
en général, laissent totalement non résolue la ques
tion du taux de change applicable lors de la con
version en dollars canadiens de l'impôt étranger
payé. Devant le silence total de la Loi sur la
question, il n'y aurait donc aucune raison de ne pas
appliquer les principes comptables et commerciaux
ordinaires, qui exigent normalement que, dans
toute année d'imposition, tout l'actif et le passif
soit évalué selon la même mesure: lorsque le taux
moyen pondéré dans l'année est adopté et suivi à la
fois par le contribuable et le fisc pour la conversion
en dollars canadiens des profits et dépenses et du
revenu imposable dans toute période d'imposition
donnée, il est simplement normal, raisonnable et
logique d'utiliser la même mesure pour la conver
sion des crédits applicables à la même période,
étant donné que ces crédits sont nés du montant de
l'impôt accumulé durant la même période. L'avo-
cat soutient en outre que cette façon d'aborder le
problème est non seulement normale, raisonnable
et logique, mais aussi équitable pour les deux
parties. Par contre, l'adoption du taux de change
de la date de paiement plutôt que celui de l'époque
où l'impôt étranger est devenu dû et a donné lieu à
la constitution d'une provision assujettirait le con-
tribuable à une double imposition, dans la mesure
où le gouvernement canadien n'a pas accordé de
crédit pour l'impôt du Royaume-Uni payé alors
que, comme en l'espèce, le cours du change était
défavorable au contribuable au moment du paie-
ment. Ceci irait à l'encontre de la Convention, qui,
dans son préambule, énonce expressément que les
parties désirent «conclure une Convention tendant
à éviter la double imposition ...».
Les conventions en matière d'impôt étranger
visent généralement à éviter la double imposition
du contribuable qui est imposé dans son pays
d'origine pour son revenu gagné à l'étranger et qui
est en même temps imposé à l'étranger pour les
activités commerciales qu'il y exerce. (Voir
Simon's Taxes, 3° éd., volume F, alinéa F1.252 et
aussi Wheatcroft, The Law of Income Tax,
Surtax and Profits Tax, article 1-735.) Le même
principe s'applique à la Convention dans l'affaire
qui nous concerne. A ce sujet, voir Interprovincial
Pipe Line Company c. M.R.N. 9 , où le président
Jackett, tel était alors son titre, s'est penché sur
l'ancien article 41, qui est maintenant l'article 126
de la présente Loi; voir aussi A. R. A. Scace, The
Income Tax Law of Canada, 3° éd., à la page 668
et ce que dit, dans 1971 Canadian Tax Journal,
volume 19, page 89, James Scott Peterson sur le
«Canada's Foreign Tax Credit System».
Toutefois, il convient de souligner que même si
l'interprétation de l'article 126(2)a) de la Loi que
défend l'avocat du Ministre devant la Cour doit
être adoptée, la Loi elle-même n'entraînerait pas
de ce fait la double imposition: dans un cas comme
celui qui nous intéresse, le contribuable qui désire
éviter la possibilité d'une double imposition en
raison d'un cours du change défavorable quatorze
mois après la fin de la période d'imposition en
question, peut tout simplement payer l'impôt du
Royaume-Uni durant ou à la fin de la période
d'imposition elle-même et ne pas attendre l'expira-
tion de ces quatorze mois. Rien dans la Loi n'em-
pêche d'agir ainsi. L'argument selon lequel il serait
parfaitement insensé pour une banque de ne pas
profiter de la disponibilité de cet argent durant les
quatorze mois est sans aucun doute un argument
très solide, et en fait incontestable sur le plan
pratique, mais il n'en reste pas moins que la double
imposition ne provient pas de la loi fiscale, mais
uniquement de la décision commerciale du con-
tribuable qui choisit de prendre le risque de subir
les conséquences financières d'un moindre dégrève-
ment après l'échéance de ces quatorze mois en
contrepartie de l'avantage réel, important et
indéniable que constitue l'emploi, durant cette
période, des avoirs réservés au paiement des impôts
du Royaume-Uni. Il s'ensuit que même si on
devait conclure à l'adoption du taux en vigueur au
moment du paiement, cette conclusion ne signi-
fierait pas que la double imposition découle de la
loi fiscale elle-même, puisque l'inconvénient fiscal
serait entièrement le résultat du libre choix du
contribuable. Par conséquent, je suis d'avis de
rejeter l'argument fondé sur la double imposition
de la demanderesse.
Un autre argument veut que si l'on doit retenir
l'interprétation de la défenderesse, il faut alors
conclure qu'il existe deux taux au sein de l'article
126, puisque le montant à déterminer en vertu de
9 [1968] 1 R.C.É. 25, à la page 30.
l'article 126(2)b) par opposition à l'article
126(2)a), doit se rapporter aux montants, déter-
minés selon la méthode de la comptabilité d'exer-
cice, relatifs à des entreprises exploitées par le
contribuable durant la période en question, dans le
pays étranger concerné. Bien entendu, lors de la
conversion de ces montants en dollars canadiens, le
taux de change moyen pondéré alors en vigueur
entrerait en jeu. L'interprétation que donne la
défenderesse de l'article 126(2)a) aboutirait à un
taux tout à fait différent, c'est-à-dire à celui en
vigueur au moment du paiement, qui est bien
entendu le taux fixe déterminé ce même jour selon
la méthode de caisse. A mon avis, il ne s'agit pas
d'un argument décisif, mais il influe bien, dans une
certaine mesure, sur le litige.
La demanderesse a soulevé une objection analo
gue à la précédente et selon laquelle si l'on retient
le taux de change de la date de paiement de
l'impôt étranger, il faut conclure que l'article
126(2)a) impose formellement la présentation
d'une déclaration modifiée toutes les fois que le
contribuable est en droit de payer l'impôt étranger
à une date ultérieure. Le contribuable canadien ne
peut que réclamer le dégrèvement d'après le taux
en vigueur au moment de la production de sa
déclaration d'impôt puisqu'il n'a aucune idée de ce
que pourra être plusieurs mois après le taux de
change, puisque ce dernier fluctue constamment.
Si les deux taux étaient identiques, ce serait par
pure coïncidence.
Cette objection est résolue et est, à mon avis, bel
et bien réglée si le droit au dégrèvement pour
impôt étranger ne prend naissance qu'au moment
du paiement réel de l'impôt, puisque aucun crédit
pour cet impôt ne peut être légalement réclamé
avant ce moment, et le contribuable serait par
conséquent tenu de produire une déclaration modi-
fiée lors du paiement réel de l'impôt étranger. Par
contre, s'il payait l'impôt étranger avant la produc
tion de sa déclaration au Canada, il pourrait alors
réclamer le dégrèvement selon le taux en vigueur
au moment du paiement.
L'avocat de la défenderesse n'a pu invoquer
qu'un autre article de la Loi de l'impôt sur le
revenu, savoir l'article 127(1) portant sur les
déductions relatives à l'impôt sur les opérations
forestières, où une déduction, qui n'est accordée
qu'après paiement d'un montant, doit être faite
pour une année d'imposition qui n'est pas nécessai-
rement l'année du paiement de la somme ouvrant
droit à déduction. Dans un tel cas toutefois, puis-
que c'est le gouvernement d'une province qui
accorde la déduction en dollars canadiens, il n'est
bien entendu pas question de taux de change et
une situation comme celle qui nous intéresse en
l'espèce ne se présentera jamais. Dans tous les
autres articles portant déduction après paiement
de tout montant, cette déduction est appliquée
uniquement à l'impôt de l'année d'imposition où
intervient effectivement le paiement (voir l'article
20(1)aa) relatif aux frais d'aménagement de par
terres et l'article 20(1)bb) relatif aux honoraires
d'un conseiller juridique pour la vente d'une valeur
mobilière). Le fait qu'il existe peu ou pas de
dispositions analogues dans la loi n'affecte en rien
l'interprétation d'un article, sauf que cela incite
l'autorité qui interprète le texte à y apporter une
attention particulière et, dans la mesure du possi
ble, à maintenir l'uniformité de la Loi, à moins que
le contexte ne s'y oppose.
Il convient de souligner un autre aspect de la
présente affaire. Étant donné le libellé particulier
des dispositions procédurales de la Loi, il semble
que la demanderesse n'ait aucun droit à la déduc-
tion si le dégrèvement ne pouvait être réclamé
avant le paiement réel de l'impôt étranger: une
corporation doit produire sa déclaration dans les
six mois qui suivent la fin de l'année (voir l'article
150(1)a)); le Ministre doit, «avec toute la diligence
possible», fixer l'impôt (voir l'article 152(1)); un
contribuable n'a donc que quatre-vingt-dix jours
pour s'opposer à la cotisation (voir l'article 165).
Normalement, toute cette procédure prendra
moins de quatorze mois. Si le droit de réclamer
une déduction dépend du paiement et si le contri-
buable n'a pas payé l'impôt du Royaume-Uni, il ne
pourra la réclamer dans sa déclaration ou, s'il le
fait, s'opposer à la cotisation qui la rejetterait. La
cotisation deviendrait alors irrévocable et lierait le
contribuable, puisqu'il n'existe que deux cas prévus
par la Loi où la cotisation qui est devenue irrévo-
cable peut de droit être modifiée par le contribua-
ble, savoir l'article 152(6) relatif au report d'une
perte subie pour une année qui suit immédiate-
ment l'année d'imposition en question et l'article
49(4) portant sur le report en amont d'une perte
en capital à l'occasion de l'exercice d'une option.
Il s'ensuit que si le crédit d'impôt ne peut être
légalement réclamé dans la déclaration avant le
paiement de l'impôt étranger ou au moins avant
l'expiration des quatre-vingt-dix jours prévus pour
l'article 165, le droit au dégrèvement pourrait bien
être irrémédiablement éteint, à moins que le
Ministre ne choisisse d'établir une nouvelle cotisa-
tion du contribuable, ce qui a été fait en l'espèce.
Cette thèse permettrait de trancher sans diffi
culté la question de savoir si on peut réclamer un
dégrèvement pour impôt étranger avant le règle-
ment de ce dernier. Toutefois, si, comme je l'ai
supposé dans cette partie de mes motifs, le libellé
de la Convention ne touche pas celui de l'article
126(2)a) et si le droit au dégrèvement ne prend
naissance qu'au moment du paiement effectif de
l'impôt étranger, on ne saurait alors se prévaloir
d'une lacune dans les dispositions procédurales de
la Loi de l'impôt sur le revenu pour annihiler le
droit formel et fondamental au dégrèvement pour
impôt étranger.
Si le droit au dégrèvement est subordonné au
paiement de l'impôt étranger, alors, jusqu'à ce
paiement, peu importe quelle est la méthode de
calcul d'un crédit inexistant; lorsque vient le temps
de payer l'impôt étranger, la période de quatre-
vingt-dix jours sera expirée et l'anomalie procédu-
rale dont il est fait mention ci-haut aura pris effet,
quelle que soit à ce moment la méthode de calcul
du dégrèvement. Par conséquent, cette thèse ne
sert nullement la demanderesse, quoiqu'elle
démontre clairement qu'une modification de la Loi
qui permettrait de modifier une déclaration en
pareilles circonstances s'impose.
En supposant que l'impôt étranger doive être
payé et non simplement payable pour que naisse le
droit au dégrèvement, j'en arrive aux conclusions
suivantes à partir de tout ce qui précède:
1. La Loi ainsi que les usages comptables exi
gent que la demanderesse tienne ses livres selon
la méthode de la comptabilité d'exercice, et c'est
ce qu'elle a fait pour l'année en question.
2. Les usages comptables ne s'appliquent pas
seulement au calcul des profits et pertes en vertu
de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu,
mais aussi à toutes questions comptables, sauf
dispositions législatives contraires.
3. Normalement, les usages comptables com-
manderaient d'inscrire les impôts impayés au
Royaume-Uni, qui devinrent dus en 1972, dans
les livres de la demanderesse pour cette année
et, jusqu'au paiement, selon le taux de change
moyen pondéré pour l'année 1972.
4. Aucune disposition de la Loi de l'impôt sur
le revenu n'exige expressément que la conversion
en dollars canadiens du crédit libellé en livres
sterling se fasse d'après le taux de change de
l'époque du paiement effectif, et une conversion
faite selon le taux de change moyen pondéré de
l'année où l'impôt étranger est devenu dû n'irait
pas à l'encontre de l'économie de la Loi ou de
l'une quelconque de ses dispositions.
5. Il n'y aurait pas double imposition si le taux
de change de l'époque du paiement était
appliqué.
6. Ni l'une ni l'autre des deux méthodes de
calcul ne désavantage l'une ou l'autre des parties
ou n'est plus susceptible de porter atteinte à
leurs intérêts, étant donné que le taux de change
peut varier aussi bien dans un sens que dans
l'autre.
7. La demanderesse ne peut invoquer l'anomalie
procédurale qui paraît exclure la réclamation du
dégrèvement pour impôt étranger payé après
l'expiration de la période de quatre-vingt-dix
jours prévue pour former opposition contre la
cotisation.
8. Les motifs suivants, quoiqu'ils ne soient pas
péremptoires, seraient de nature à favoriser
l'adoption du taux de change moyen pondéré de
l'année fiscale en question:
a) Il est plus logique et plus simple pour le
contribuable (en particulier pour une corpora
tion qui doit rendre compte à ses actionnaires)
qui tient ses livres selon la méthode de la
comptabilité d'exercice de calculer sur la
même base, dans ses déclarations d'impôt et
ses états financiers, tant les cotisations fiscales
et les crédits d'impôt que les profits et pertes
avant impôt.
b) Il est plus logique d'appliquer la même
méthode aux alinéas a) et b) de l'article
126(2), plutôt que d'avoir deux méthodes dif-
férentes de calcul des crédits d'impôt dans le
même article.
c) A l'exception de l'article 127(1), qui porte
sur certaines déductions provinciales relatives
à l'impôt sur les exploitations forestières, la
déduction prévue à l'article 126(2)a) est la
seule dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui
doive être faite pour une année d'imposition
qui n'est pas nécessairement l'année du paie-
ment du montant concerné.
9. Lorsque l'article 126(2)a) est pris isolément,
en faisant abstraction des usages comptables et
de tous autres facteurs, il peut sembler plus
naturel de calculer le montant de l'impôt en
dollars canadiens suivant le taux de change de la
date de paiement, bien que rien dans l'article ne
l'exige réellement.
En dépit du motif 9 ci-dessus, pour les motifs 1,
2, 3, 4 et 8, je suis d'avis que la conversion en
dollars canadiens doit se faire d'après le taux de
change moyen pondéré de la période d'imposition
en question.
Au cas où ce serait à tort que j'ai jugé que ce
principe s'applique à tous les cas de dégrèvement
pour impôt étranger, je tiens à ajouter que, en
l'espèce, puisque la loi du Royaume-Uni exige la
mise en réserve, en livres sterling, de l'impôt
durant l'année d'imposition où il devient dû, il y a
lieu, en tout état de cause, de retenir le taux de
change moyen pondéré.
III—Conclusion
Dès lors, que le droit au dégrèvement soit né
lorsque l'impôt du Royaume-Uni est devenu dû ou
seulement lors de son paiement effectif, le dégrève-
ment doit être calculé en convertissant en dollars
canadiens le montant de l'impôt payable en livres
sterling d'après la moyenne pondérée du taux de
change de l'année d'imposition en question.
Puisque la solution du litige n'exige pas que je
tranche la question du moment où est né le droit
au dégrèvement pour impôts du Royaume-Uni, je
m'abstiendrai de statuer sur ce point.
Néanmoins, j'aimerais souligner qu'il y aurait
lieu de légiférer pour éclaircir sur ce point soit la
Loi de l'impôt sur le revenu soit la Loi de 1967 sur
la Convention entre le Canada et le Royaume-Uni
en matière d'impôt sur le revenu, ou même ces
deux textes, et ce pour les raisons suivantes:
1. Deux lois fiscales portant sur le même sujet
ne doivent pas manifestement se contredire et le
contribuable, pour établir ses droits, ne devrait pas
être forcé de recourir à la jurisprudence alors
qu'une modification à l'un ou à l'autre texte pour-
rait facilement clarifier la situation.
2. Si, comme l'a soutenu le ministre du Revenu
national devant la Cour, le droit au dégrèvement
pour impôts du Royaume-Uni ne prend naissance
qu'au moment du paiement dudit impôt, la loi
devrait le dire expressément. Dans ce cas, on de-
vrait remédier à l'anomalie procédurale qui prive
le contribuable qui se prévaut du dégrèvement du
droit de produire une déclaration modifiée après
l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours.
Dans une telle éventualité, le Ministre devrait
aussi percevoir le plein montant de l'impôt cana-
dien, en attendant le paiement de l'impôt du
Royaume-Uni. Or, cela ne semble pas être le cas
pour l'instant.
Par ces motifs, l'appel sera accueilli avec dépens
et la cotisation au titre de l'année 1972 renvoyée
au Ministre pour une nouvelle cotisation.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.