A-233-79
Sharon Anne Calder, Stephen Woodcock, Phyllis
Westhaver, Betty D. Godfrey, Richard West,
James E. Connors, Leighton Mousseau, Michael
Hughes, Namen Somerton, Mike Lelacheur,
Wendy Blenkhorn, Kathleen Tupper, Sylvia Weir,
Brent Molyneaux, Helen Wallace, Alexander
Ross, Esther Chesnutt, Gerald Conway, Margaret
Rogers, Judy Fobin, Harry Brightman, Gary
Tanner, Charles Cruikshank, Ethel Cunningham,
William Leadley, John Zinck, Jane Fillis, Cathe-
rine Barrett, Roderick MacEachern, Ezek J.
Essein, Carol G. Tattrie, Marjorie Falconer,
Robert Sugg, Leonard Ashe, Donald W. Cooke et
Margaret Bennett (Requérants)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Le Dain et le juge
suppléant Kelly—Halifax, le 6 novembre; Ottawa,
le 17 décembre 1979.
Examen judiciaire — Assurance-chômage — Demande
d'examen et d'annulation de la décision de l'arbitre qui a
rejeté un appel contre une décision de la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada — Prestations de
prolongation reçues au cours de la période de prolongation des
prestations autorisée par l'art. 166(2) des Règlements sur
l'assurance-chômage — Erreur commise dans l'emploi des
données statistiques appliquées au calcul de la période de
prolongation des prestations — Les requérants étaient infor
més qu'ils devaient rembourser le trop-perçu conformément-à
l'art. 57 de la Loi — Il échet d'examiner si l'art. 166(2) des
Règlements est ultra vires du fait qu'il n'était pas autorisé par
l'art. 58u) de la Loi — Il échet d'examiner si l'art. 57 de la Loi
s'appliquait dans les cas mêmes où la Commission, par sa
propre faute, a négligé d'appliquer les dispositions de l'art. 37
— Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art.
28 — Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
c. 48, art. 37(2)b)(ii), 49(1), 57(1), 58u) — Règlements sur
l'assurance-chômage, DORS/71-324, art. 166(2).
Demande fondée sur l'article 28 en vue de l'examen et de
l'annulation de la décision rendue en application de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage par un arbitre qui a rejeté
l'appel formé contre une décision du Conseil arbitral, lequel
avait rejeté l'appel contre la décision de la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada. Les requérants avaient
reçu des prestations de prolongation au cours de la période de
prolongation des prestations conformément au calcul prévu par
l'article 37 ancien de la Loi. Aux fins de ce calcul, le paragra-
phe 166(2) des Règlements sur l'assurance-chômage autorise
la Commission à appliquer les données statistiques fournies par
Statistique Canada. S'étant aperçu que des données statistiques
erronées avaient servi à ce calcul, la Commission a informé les
requérants qu'ils devaient rembourser le trop-perçu conformé-
ment à l'article 57 de la Loi. Les requérants soutiennent, en
premier lieu, que le paragraphe 166(2) des Règlements était
ultra vires du fait qu'il n'était pas autorisé par l'alinéa 58u) de
la Loi et, en second lieu, que l'article 57 de la Loi ne s'appli-
quait pas dans les cas où, par sa propre faute, la Commission a
négligé d'appliquer les dispositions de l'article 37.
Arrêt: la requête est rejetée. La Commission n'a pas négligé
d'exercer le pouvoir de réglementation qu'elle tient de l'alinéa
58u), car certaines questions d'importance ont été laissées au
jugement de Statistique Canada. Cet article prévoit que la
Commission fixe la période pour laquelle la moyenne des taux
de chômage doit être établie aux fins de l'article 37, mais ne
l'habilite pas à prescrire la façon de déterminer ces taux
eux-mêmes. En laissant cette tâche à Statistique Canada, la
Commission n'a pas délégué son pouvoir de réglementation ni
converti celui-ci en un pouvoir discrétionnaire de décision; elle
n'a fait qu'adopter pour ses propres fins administratives les
données statistiques fournies par un autre organisme. Le légis-
lateur a indiqué qu'il assujettissait certains droits des prestatai-
res aux taux de chômage déterminés par Statistique Canada.
L'arbitre n'a pas commis une erreur de droit en ne concluant
pas à l'inapplicabilité de l'article 57 de la Loi au cas de
paiement excessif résultant d'une erreur d'ordinateur commise
par la Commission dans l'application de l'article 37 ancien. On
ne saurait soutenir que l'article 57 porte implicitement sur la
révision d'une décision relative à une demande de prestations
d'assurance-chômage et qu'il n'y a en l'espèce aucune décision
à réviser, puisqu'il s'agit seulement d'une erreur d'exécution
dans le traitement des données reçues de Statistique Canada.
Distinction faite avec l'arrêt: Langford c. La Commission
de l'emploi et de l'immigration [1979] 2 C.F. 693.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Edna Chambers, Andrew Pavey et Archie
Kaiser pour les requérants.
Martin C. Ward pour l'intimé.
PROCUREURS:
Dalhousie Legal Aid Service, Halifax, pour
les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit d'une demande au
titre de l'article 28 réclamant l'examen et l'annula-
tion de la décision rendue par un arbitre en vertu
de l'article 95 de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage, par laquelle fut rejeté l'appel d'une déci-
sion d'un conseil arbitral qui avait déjà rejeté
l'appel d'une décision de la Commission de l'em-
ploi et de l'immigration du Canada.
Les requérants font partie d'un nombre bien
plus grand de prestataires d'assurance-chômage
(évalué à plus de 5,000) dans la province de la
Nouvelle-Ecosse à qui la Commission a réclamé le
remboursement de prestations d'assurance-chô-
mage qui leur ont été versées au cours d'une
période de prolongation par suite d'une erreur de
la Commission dans l'application des taux en ques
tion. Il a été convenu à l'audition devant l'arbitre
que le cas de la requérante Sharon Anne Calder
serait tenu pour représentatif et que la décision
prise dans son cas s'appliquerait aux autres requé-
rants. Les requérants soulèvent des points de droit
qui leur sont communs à tous. Les faits ne sont pas
litigieux. Ceux concernant le cas de Sharon Anne
Calder (ci-après appelée «la requérante») indiquent
la nature générale de la décision de la Commission
dans ces cas.
La requérante a été employée en qualité de
professeur suppléant par l'Halifax Board of School
Commissioners du 10 février 1976 au 28 juillet
1976, époque de sa mise à pied en raison d'une
pénurie de travail. La requérante a alors demandé
à bénéficier de l'assurance-chômage. Depuis. la
date de sa mise à pied jusqu'en juin 1977, elle a
reçu des prestations bimensuelles s'élevant à $202.
Le 29 juin 1978, elle a reçu de la Commission la
lettre suivante qui lui faisait savoir qu'elle n'avait
pas droit aux prestations qu'elle avait reçues à
compter du 1" mai 1977 jusqu'au 11 juin 1977:
[TRADUCTION] Nous avons le regret de vous informer qu'une
erreur a été commise relativement à votre demande de presta-
tions d'assurance-chômage. En raison de cette erreur, nous vous
avons versé des prestations plus longtemps qu'il n'aurait fallu
entre avril et septembre de l'année dernière.
L'erreur a été causée par une application erronée des taux de
chômage relatifs à la région où vous résidiez. La durée pendant
laquelle vous aviez droit aux prestations dépend en partie de ces
taux.
Nous avons l'obligation légale de récupérer le trop-perçu.
Nous vous serions très obligés de bien vouloir entrer en rapport
avec votre bureau local d'assurance-chômage afin d'organiser
une entrevue pour discuter de votre cas.
Nous regrettons vivement cette erreur. Grâce à votre coopé-
ration, nous ferons tout notre possible afin d'en limiter pour
vous les inconvénients. Veuillez apporter avec vous tous les
relevés d'emploi que vous n'avez pas utilisés pour établir une
demande car ceux-ci peuvent avoir une incidence sur le mon-
tant du trop-perçu.
Nous agissons conformément à l'ancien article 37 et à l'ac-
tuel article 57 de la Loi sur l'assurance-chômage. Nous vous
soulignons que toute décision portant remboursement du trop-
perçu est sujette à appel. Par conséquent, dès que nous vous
aurons communiqué le montant du trop-perçu, vous pourrez
faire appel devant un conseil arbitral conformément à l'article
94 de la Loi. Vous pourrez si vous le souhaitez en discuter
lorsque vous entrerez en rapport avec notre bureau.
Le 31 juillet 1978, la Commission a transmis à
la requérante un «Avis d'inadmissibilité» qui décla-
rait, en partie:
[TRADUCTION] Après examen de votre récente demande,
nous constatons que vous n'aviez pas droit aux prestations qui
vous ont été versées du Zef mai 1977 au 11 juin 1977. En
conséquence, la Commission a décidé qu'il y a eu, dans votre
cas, un trop-perçu de prestations.
Cette décision fait suite à l'erreur commise par la Commis
sion dans l'application du taux de chômage relatif à la région
où vous résidiez. La durée pendant laquelle vous aviez droit aux
prestations dépend en partie de ce taux.
La Commission est tenue de récupérer ce trop-perçu. Nous
vous communiquerons sous peu le montant exact que vous
devrez rembourser. Vous pourrez alors discuter des conditions
d'un paiement échelonné avec la Commission, si vous ne l'avez
pas déjà fait.
Au bas de cet avis étaient imprimés les
mots [TRADUCTION] «Conformément - à l'ancien
article 37 et à l'actuel article 57 de la Loi de 1971
sur l'assurance-chômage.»
Par lettre de la Commission portant la même
date, la requérante a été informée en ces termes du
montant du trop-perçu:
[TRADUCTION] Un examen de votre demande révèle que
vous avez reçu en prestations d'assurance-chômage un montant
de $606 auquel vous n'aviez pas effectivement droit.
Ces prestations vous ont été versées par suite d'une erreur
commise par la Commission dans l'application du taux de
chômage relatif à la région où vous résidiez.
Les semaines pour lesquelles le trop-perçu heb-
domadaire de $101 était réclamé s'étalaient de la
treizième à la dix-huitième semaine inclusivement
de prestations de prolongation.
En l'espèce, le droit aux prestations de prolonga
tion est assujetti aux dispositions de l'article 37 de
la Loi, tel qu'il existait avant d'être abrogé le 11
septembre 1977 par l'article 41 de la Loi régissant
l'emploi et l'immigration, S.C. 1976-77, c. 54. En
vertu de l'article 73 de cette dernière Loi, l'ancien
article 37 demeure applicable à une période de
prolongation des prestations découlant d'une
période initiale de prestations établie avant l'abro-
gation. L'ancien article 37 de la Loi est ainsi
libellé:
37. (1) Lorsque,
a) à la fin du complément d'une période initiale de presta-
tions d'un prestataire de la deuxième catégorie qui ne bénéfi-
cie d'aucune période de prolongation des prestations aux
termes de l'article 34, ou
b) à la fin de la période de prolongation des prestations de
tout autre prestataire qui est prévue à l'article 34,
le taux de chômage, dans la région où le prestataire réside
(appelé au présent article «taux régional.), dépasse quatre pour
cent et que le taux national de chômage (appelé au présent
article «taux national«) est inférieur de plus d'un pour cent aux
taux régional, il doit être accordé au prestataire, s'il réside au
Canada, une période de prolongation des prestations ne dépas-
sant pas dix-huit semaines consécutives. Les prestations doivent
être servies pour toute semaine de chômage qui tombe dans
cette période et les articles 35 et 36 s'y appliquent.
(2) Lorsqu'en vertu du paragraphe (1) il est accordé à un
prestataire une période de prolongation des prestations, cette
période de prolongation des prestations se termine,
a) soit à celui des deux moments suivants qui est antérieur à
l'autre:
(i) la fin de la semaine qui suit une semaine au cours de
laquelle ou bien l'écart entre le taux national et le taux
régional est passé à un pour cent ou moins, ou bien le taux
régional est passé à quatre pour cent ou moins,
(ii) la fin de la sixième semaine de cette période de
prolongation des prestations si le taux national est infé-
rieur de deux pour cent au plus au taux régional,
b) soit, si cette période de prolongation ne se termine pas aux
termes de l'alinéa a), à celui des deux moments suivants qui
est antérieur à l'autre:
(i) la fin de la semaine qui suit une semaine au cours de
laquelle ou bien l'écart entre le taux national et le taux
régional est passé à deux pour cent ou mains, ou bien le
taux régional est passé à quatre pour cent ou moins,
(ii) la fin de la douzième semaine de cette période de
prolongation des prestations si le taux national est infé-
rieur de trois pour cent au plus au taux régional,
c) soit, si cette période de prolongation ne se termine pas aux
termes de l'alinéa a) ou de l'alinéa b), à celui des deux
moments suivants qui est antérieur à l'autre:
(i) la fin de la semaine qui suit une semaine au cours de
laquelle ou bien l'écart entre le taux national et le taux
régional est passé à trois pour cent ou moins, ou bien le
taux régional est passé à quatre pour cent ou moins,
(ii) la fin de la dix-huitième semaine de cette période de
prolongation des prestations.
On verra, d'après la disposition ci-dessus, que la
période de prolongation des prestations à laquelle
un prestataire avait droit conformément à l'article
37 dépendait du «taux régional» de chômage et de
la différence entre ce taux et le «taux national» de
chômage à une époque donnée. Dans l'application
de l'article 37 de la Loi, la Commission utilisait les
taux moyens mensuels régional et national de chô-
mage fournis par Statistique Canada. Ce faisant,
la Commission agissait conformément au paragra-
phe 166(2) des Règlements sur l'assurance-chô-
mage qui, dans son texte de l'époque (DORS/71-
324), était libellé en ces termes:
166. ...
(2) Aux fins de l'article 37 de la Loi, «taux national de
chômage» et «taux régional de chômage» à un moment donné
s'entendent de la moyenne des taux mensuels national ou
régional non désaisonnalisés de chômage, déterminée par Sta-
tistique Canada pour la plus récente période de douze mois qui
précède la date pour laquelle ces taux sont disponibles.
Cette disposition réglementaire est censée avoir
été établie en vertu de l'alinéa 58u) de la Loi, dont
le texte avant d'être abrogé le 11 septembre 1977
par l'article 49(2) de la Loi régissant l'emploi et
l'immigration, S.C. 1976-77, c. 54, était le suivant:
58. La Commission peut, avec l'approbation du gouverneur
en conseil, établir des règlements
u) établissant la moyenne des taux de chômage aux fins du
service des prestations de prolongation et prescrivant la
manière de faire le calcul de cette moyenne;
Dans l'argumentation qu'elle a présenté devant
le Conseil arbitral et qui fut versée au dossier, la
Commission a expliqué la nature de l'erreur com-
mise dans l'application des données fournies par
Statistique Canada. Au sujet des taux régional et
national de chômage spécifiés au paragraphe
166(2) des Règlements, la Commission a déclaré:
[TRADUCTION] Ces taux sont établis mensuellement pour
chacune des 16 régions décrites à l'annexe B des Règlements
(voir pièces 3 et 4).
Chaque mois, la Commission reçoit de Statistique Canada
une série de taux de chômage. Ces taux sont immédiatement
codés et transmis aux divers centres de paie où ils sont utilisés
jusqu'à leur mise à jour par des taux plus récents.
Par suite d'erreurs de codage, les ordinateurs des centres de
paie régionaux ont été alimentés de données erronées avec pour
résultat que les périodes de prestations qui auraient dû prendre
fin à une certaine date se sont prolongées au-delà des limites
fixées par la Loi. -
Il est résulté de ces erreurs quatre situations différentes:
a) contrairement aux dispositions de l'article 37(1) de la Loi,
des prestations de prolongation pour une région ont été
versées alors que l'écart entre le taux national et le taux
régional était égal à un pour cent;
b) contrairement aux dispositions de l'article 37(2)a)(1) de
la Loi, des périodes de prolongation des prestations pour une
région qui auraient dû se terminer à la fin de la semaine
suivant la semaine au cours de laquelle l'écart entre le taux
national et le taux régional était devenu égal à un pour cent
se sont poursuivies;
c) contrairement aux dispositions de l'article 37(2)b)(ii) de
la Loi, des prestations de prolongation pour une région ont
été versées après la douzième semaine alors que la différence
entre le taux national et le taux régional était égal à trois
pour cent;
d) contrairement aux dispositions de l'article 37(2)c)(i) de la
Loi, des périodes de prolongation des prestations pour une
région qui avaient été accordées au moins douze semaines
auparavant et qui auraient dû se terminer à la fin de la
semaine suivant la semaine au cours de laquelle l'écart entre
le taux national et le taux régional était devenu égal à trois
pour cent se sont poursuivies;
L'erreur, dans le cas de la requérante, tombe
dans la catégorie c). Il s'agit donc d'une erreur
dans l'application du sous-alinéa 37(2)b)(ii) de la
Loi. En effet, la période de prolongation des pres-
tations aurait dû expirer à la fin de la douzième
semaine puisque l'écart entre le taux régional et le
taux national ne dépassait pas alors trois pour
cent.
Le réexamen des demandes des requérants et le
calcul du montant auquel ces derniers n'avaient
pas droit ont été effectués par la Commission
conformément au paragraphe 57(1) de la Loi que
voici:
57. (1) Nonobstant l'article 102 mais sous réserve du para-
graphe (6), la Commission peut, à tout moment, dans les
trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été
payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute
demande au sujet de ces prestations et, si elle décide qu'une
personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquel-
les elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice
desquelles elle n'était pas admissible ou n'a pas reçu la somme
d'argent pour laquelle elle remplissait les conditions requises et
au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission doit
calculer_ la somme payée ou payable, selon le cas, et notifier sa
[décision iau prestataire.
Le paragraphe 49(1) de la Loi prévoit en ces
termes l'obligation pour un prestataire de rem-
bourser le trop-perçu:
49. (1) Lorsqu'une personne a touché des prestations en
vertu de la présente loi ou de l'ancienne loi au titre d'une
période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des presta-
tions ou a touché des prestations auxquelles elle n'est pas
admissible, elle est tenue de rembourser la somme versée par la
Commission à cet égard.
L'article 175 des Règlements autorise en ces
termes la Commission à déclarer, dans certains
cas, qu'un montant qui lui est dû en vertu de
l'article 49 de la Loi ne l'est désormais plus:
175. (1) Tout montant dû en vertu des articles 47, 49, 51 et
52 de la Loi, peut être déclaré par la Commission comme
n'étant plus dû lorsque
a) la somme totale due n'excède pas cinq dollars, et qu'il n'y
a pas de période de prestations en cours;
b) le prestataire est décédé;
c) le prestataire est un failli réhabilité;
d) le prestataire est un failli non réhabilité, mais qu'un
dernier dividende a été reçu et que le syndic a été libéré; ou
que,
e) la Commission estime que, eu égard à toutes circons-
tances,
(i) ce montant est irrécouvrable, ou
(ii) le remboursement de ce montant imposerait au presta-
taire une privation injustifiable.
(2) Lorsque la Commission, déclare, en vertu du paragraphe
(1), qu'un montant n'est pas dû, ce montant doit être défalqué.
Les requérants soutiennent que l'arbitre a
commis une erreur de droit en rejetant l'appel de
la décision du Conseil arbitral. Ils invoquent à cet
égard deux moyens que l'on peut résumer comme
suit:
1. Le paragraphe 166(2) des Règlements est
ultra vires car il n'a pas été autorisé par l'alinéa
58u) de la Loi;
2. L'article 57 de la Loi est inapplicable dans
les cas où la Commission a négligé d'appliquer,
suite à sa propre erreur et sans faute du presta-
taire, les dispositions de l'article 37 de la Loi
concernant l'expiration d'une période de prolon
gation des prestations.
A mon sens, ce premier moyen porte que, dans
la mesure où la décision prise par la Commission
en vertu de l'article 57 de la Loi était basée sur les
taux de chômage fournis par Statistique Canada
conformément au paragraphe 166(2) des Règle-
ments, elle était de ce fait entachée de nullité
puisque fondée sur une disposition ultra vires. Les
répercussions possibles sur le droit initial à une
période de prolongation des prestations si le para-
graphe 166(2) était jugé ultra vires n'ont pas été
débattues à l'audition et n'ont pas à être examinées
en l'espèce. L'argument invoqué à l'égard du para-
graphe 166(2) est qu'il ne constituait pas un exer-
cice valable du pouvoir de réglementation conféré
par l'ancien alinéa 58u) de la Loi. Il est soutenu
qu'en établissant le paragraphe 166(2), la Com
mission a dérogé aux dispositions de l'alinéa 58u)
en ce qu'elle n'a pas prescrit la manière d'établir la
moyenne des taux de chômage régional et national
mais a plutôt laissé cela à la discrétion de Statisti-
que Canada. Ainsi établi, le paragraphe 166(2)
constituait, a-t-on dit, une sous-délégation non
autorisée du pouvoir réglementaire ou la conver
sion d'un pouvoir réglementaire en un pouvoir
d'exercer une discrétion dans des cas particuliers,
ce qui est contraire aux principes énoncés dans des
causes telles que Ville de Verdun c. Sun Oil Com
pany Ltd. [1952] 1 R.C.S. 222; Le procureur
général du Canada c. Brent [1956] R.C.S. 318; et
Brant Dairy Co. Ltd. c. Milk Commission of
Ontario [1973] R.C.S. 131.
Avant d'examiner le bien-fondé de cet argu
ment, il convient de souligner que la validité du
paragraphe 166(2) des Règlements a été étudiée
par cette Cour dans l'affaire Langford c. La Com
mission de l'emploi et de l'immigration [1979] 2
C.F. 693, Montréal, 21 septembre 1979. Dans
cette affaire, il a été soutenu que le paragraphe
166(2) était nul parce qu'il donnait aux expres
sions «taux national de chômage» et «taux régional
de chômage» un sens incompatible avec les défini-
tions de «taux national de chômage», «taux natio
nal moyen de chômage» et «taux de chômage» que
l'on trouve aux alinéas s) et w) du paragraphe 2(1)
de la Loi. Or, cet argument a été rejeté et le
paragraphe 166(2) a été tenu pour avoir été vala-
blement établi dans l'exercice du pouvoir conféré
par l'alinéa 58u) de la Loi. Puisque le moyen
invoqué en l'espèce en contestation de la validité
du paragraphe 166(2) n'a pas eu à être examiné
dans Langford, la présente Cour n'est donc pas
empêchée, par le jugement qui y fut rendu, d'exa-
miner ici ce moyen.
La clarté de l'alinéa 58u) de la Loi, tel que
libellé à l'époque de l'adoption du paragraphe
166(2) des Règlements, laisse certainement à dési-
rer, mais le but de l'alinéa paraît bien avoir été de
conférer l'autorité nécessaire pour réglementer le
calcul du taux moyen de chômage dont il faut se
servir dans l'application de l'article 37 de la Loi.
L'alinéa traduit l'intention du législateur de voir
appliquer, dans le cadre de l'article 37, les taux
moyens de chômage et de voir la Commission
établir, par règlement, le procédé d'établissement
de ces taux moyens. La Commission a exercé son
pouvoir en disposant au paragraphe 166(2) des
Règlements que, pour les fins de l'ancien article 37
de la Loi, «taux national de chômage» et «taux
régional de chômage» à un moment donné s'enten-
dent de «la moyenne des taux mensuels national ou
régional non désaisonnalisés de chômage, détermi-
née par Statistique Canada pour la plus récente
période de douze mois qui précède la date pour
laquelle ces taux sont disponibles.» A mon avis, il
s'agit là d'un règlement portant sur la moyenne à
utiliser et la manière de la déterminer. La détermi-
nation des taux mensuels de chômage ainsi que de
la moyenne pour une période de douze mois est
une opération statistique confiée, à bon droit, à
Statistique Canada, établie conformément à la Loi
sur la statistique, S.C. 1970-71-72, c. 15. L'article
3 de cette Loi donne la descripti ,- n ci-après des
tâches qui incombent à cet organisme:
3....
a) recueillir, compiler, analyser, dépouiller et publier des
renseignements statistiques sur les activités commerciales,
industrielles, financières, sociales, économiques et générales
et sur l'état de la population;
b) collaborer avec les départements de l'État à la collecte, à
la compilation et à la publication de renseignements statisti-
ques, y compris les statistiques établies d'après les opérations
de ces départements;
e) faire le recensement de la population du Canada et le
recensement agricole du Canada de la manière prévue à la
présente loi;
d) veiller à prévenir le double emploi dans les renseigne-
ments recueillis par les départements de l'État; et,
e) d'une façon générale, favoriser et mettre au point des
statistiques sociales et économiques intégrées concernant le
Canada tout entier et chacune de ses provinces, et coordon-
ner des projets pour l'intégration de telles statistiques.
L'alinéa 2(1)s) de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage traduit l'intention du législateur de
faire des taux de chômage déterminés par Statisti-
que Canada un outil servant à l'administration de
la Loi. Voici le libellé de cet alinéa:
2. (1) Dans la présente loi,
s) «taux national de chômage» désigne le taux de chômage
pour l'ensemble du Canada déterminé par Statistique
Canada et «taux national moyen de chômage» désigne la
moyenne annuelle des taux nationaux mensuels de chômage;
Les requérants soutiennent que la détermination
d'un taux moyen de chômage implique plusieurs
questions de discrétion ou de jugement qui
devraient être contrôlées par la Commission et non
laissées à la décision de Statistique Canada. Au
cours des plaidoiries, deux points ont été mis en
relief: d'une part, l'absence d'une définition du
chômage ou du critère permettant de déterminer
qui fait effectivement partie de la population
active et, d'autre part, l'absence de toute directive
concernant «l'arrondissement» des pourcentages
utilisés pour déterminer les moyennes. A cet égard,
les méthodes employées ont, selon l'avocat des
requérants, une incidence considérable sur les taux
moyens de chômage, tels qu'appliqués au titre de
l'ancien article 37 de la Loi.
Des questions d'une certaine importance peu-
vent bien avoir été laissées au jugement de Statisti-
que Canada mais, à mon avis, cela ne peut vouloir
dire que la Commission n'a pas exercé le pouvoir
de réglementation que lui conférait l'alinéa 58u).
La Commission avait, au titre de cet alinéa, essen-
tiellement le pouvoir de fixer la période pour
laquelle la moyenne des taux de chômage doit être
établie aux fins de l'article 37. C'est ce que la
Commission a fait au paragraphe 166(2) des
Règlements en prescrivant que la période sera «la
plus récente période de douze mois qui précède la
date pour laquelle ces taux sont disponibles.» La
Commission n'avait pas le pouvoir de prescrire la
façon de déterminer les taux eux-mêmes. Cette
tâche, qui relève de la statistique, elle l'a laissée à
Statistique Canada et, en ce faisant, je suis d'avis
qu'elle n'a pas délégué son pouvoir réglementaire
ni converti ce dernier en un pouvoir discrétionnaire
de décision, ce qui aurait été contraire aux princi-
pes reconnus dans les causes précitées, mais qu'elle
a plutôt adopté pour ses propres fins administrati-
ves l'information statistique fournie par une autre
institution. Comme je l'ai dit, elle était justifiée de
le faire, non seulement par les termes de la Loi sur
la statistique, mais par les termes de l'alinéa
2(1)s) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage.
Autrement dit, dans la mesure où il était de l'in-
tention du Parlement de faire dépendre des taux de
chômage certains droits des prestataires, il a indi-
qué que les taux de chômage déterminés par Sta-
tistique Canada pouvaient servir à cet égard. La
détermination de ces taux ne relève ni du pouvoir
réglementaire ni du pouvoir de statuer au titre de
la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, de sorte
qu'on ne peut dire qu'elle implique, lorsqu'elle est
effectuée par Statistique Canada, une délégation
nulle de l'un ou l'autre pouvoir. Pour ces motifs,
j'estime sans fondement la contestation, par les
requérants, de la validité du paragraphe 166(2)
des Règlements.
Examinons maintenant le second moyen invoqué
contre la décision de l'arbitre, à savoir qu'il aurait
commis une erreur de droit en n'ayant pas conclu à
l'inapplicabilité de l'article 57 de la Loi à un cas de
paiement de l'indu résultant d'une erreur d'ordina-
teur commise par la Commission dans le cadre de
l'application de l'ancien article 37. Deux argu
ments ont été avancés à l'appui de cette thèse. Le
premier est que l'article 57 envisage implicitement
le réexamen d'une décision relative à une demande
de prestations d'assurance-chômage et qu'il n'y a,
en l'espèce, aucune décision à réexaminer puisqu'il
n'est simplement question que d'une erreur d'exé-
cution dans le traitement des données reçues de
Statistique Canada. A mon avis, cet argument est
sans fondement. En effet, le pouvoir conféré par
l'article 57 n'est pas limité au réexamen de déci-
sions en tant que telles car il habilite à examiner
de nouveau «toute demande» au sujet de laquelle
des prestations ont été versées ou auraient dû
l'être. Les périodes de prestations sont établies ou
prolongées et les prestations sont versées ou refu
sées à la suite d'une demande et pendant toute la
période de prestations, le bénéficiaire est appelé
prestataire, comme l'indiquent les articles 20 et
suivants de la. Loi. Le réexamen d'une demande
entraîne le réexamen du droit aux prestations.
Telle est la situation qui s'est présentée en l'espèce
lorsque l'on a voulu déterminer si, compte tenu des
taux de chômage applicables, des prestations
aurait dû être versées au-delà d'une certaine date.
Le deuxième argument invoqué contre l'applica-
tion de l'article 57 est basé sur la définition du mot
«inadmissible» au paragraphe 16(1) de la Loi, dont
le texte, à l'époque où l'article 37 était encore en
vigueur, se lisait comme suit:
16. (1) Dans la présente Partie,
a) «inadmissible» signifie inadmissible en vertu de l'un ou
l'autre des articles 23, 25, 29, 33, 36, 44, 45, 46, 54 ou 55 ou
en vertu d'un règlement;
Il est soutenu qu'en raison de cette définition,
l'expression «n'était pas admissible» à l'article 57
devrait être limitée aux cas spécifiés à l'alinéa
16(1)a), dans lesquels il est prévu que, dans certai-
nes circonstances, un prestataire «n'[est] pas
admissible» aux prestations. Selon ce que j'en com-
prends, on semble dire en fait que puisque l'expres-
sion «inadmissible» est considérée comme l'équiva-
lent de l'expression «n'[est] pas admissible»
employée dans les articles spécifiés à l'alinéa
16(1)a), la définition de l'expression «inadmissible»
dans cet article devrait donc être considérée
comme une définition de l'expression «n'[est] pas
admissible». A l'appui de cet argument, référence
est également faite au paragraphe 26(8) de la Loi
d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, dont voici le
libellé:
26....
(8) Lorsqu'un mot est défini, les autres parties du discours et
les formes grammaticales du même mot ont des sens
correspondants.
Je ne puis accepter cet argument. Dans son
acception simple, l'expression «n'était pas admissi
ble» employée à l'article 57 couvre nettement le cas
d'une personne à qui on a versé des prestations de
prolongation au-delà du délai d'expiration de sa
période de prolongation des prestations fixé aux
termes de l'article 37. Je ne puis comprendre
comment l'on peut faire abstraction de cette
acception en s'appuyant sur la définition d'une
autre expression, à savoir «inadmissible», qui est
vraisemblablement destinée à s'appliquer aux dis
positions comprises dans la Partie II de la Loi,
telles que le paragraphe 27(2), l'ancien alinéa
36(3)b), le paragraphe 38(5) et l'article 54, dans
lesquelles cette expression ou une forme de celle-ci,
au sens du paragraphe 26(8) de la Loi d'interpré-
tation, est utilisée. Cette dernière règle s'applique
naturellement au sens à donner à l'expression
«rendre inadmissible» employée à l'article 54. Mais
à mon avis, l'expression «n'[est] pas admissible»
n'est ni une autre partie du discours ni une autre
forme grammaticale du mot «inadmissible» au sens
de cette règle. Les mots «autres ... formes gram-
maticales du même mot» au paragraphe 26(8) se
reportent, selon moi, à des modifications de la
forme d'un mot particulier résultant de l'inflexion
ou de la déclinaison et non à des mots différents
qui peuvent avoir le même sens ou un sens
équivalent.
On a beaucoup insisté, au cours des plaidoiries,
sur les inconvénients causés aux individus par les
mesures prises par la Commission au titre de
l'article 57. L'anxiété compréhensible manifestée à
cet égard ne peut toutefois justifier une interpréta-
tion de l'expression précise «n'[est] pas admis
sible», qui empêcherait son application à un cas
dans lequel, par erreur, des prestations ont été
versées à un prestataire alors que celui-ci ou celle-
ci, aux termes des dispositions applicables, n'y
avait pas droit. Tout remède à ces inconvénients
doit être cherché ailleurs, notamment à l'article
175 (précité) des Règlements.
Pour ces motifs, je rejette la demande déposée
au titre de l'article 28.
* *
LE JUGE URIE y a souscrit.
■ ■ *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY y a souscrit.
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