T-4940-77
L'Association unie des compagnons et apprentis
de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie
des États-Unis et du Canada, section locale 170,
pour son propre compte et pour le compte des
employés dont les rémunérations sont en cause
(Appelante) (Requérante)
c.
Le Directeur nommé en vertu de la Loi anti-infla
tion (Intimé) (Intimé)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, 7 et 18 juillet 1978.
Brefs de prérogative — Mandamus — Anti-inflation — La
Commission de lutte contre l'inflation a soumis au Directeur
la convention collective de la requérante, qui formait avec
d'autres le régime de rémunération de l'ensemble du secteur en
cause, après que la requérante eut désapprouvé les conclusions
de la Commission — Le Directeur a conclu qu'il n'avait pas
compétence pour connaître de l'affaire, que la requérante
n'avait pas qualité pour désapprouver la décision de la Com
mission, et que celle-ci n'était pas tenue de lui soumettre
l'affaire — Le Tribunal d'appel en matière d'inflation a jugé
que la décision du Directeur n'était pas une ordonnance au
sens des art. 20, 21 ou 22 de la Loi anti-inflation — II échet
d'examiner s'il y a lieu à mandamus enjoignant au Directeur
de connaître de l'affaire à lui soumise — Loi anti-inflation,
S.C. 1974-75-76, c. 75, art. 2, 12(1),(1.2), 17(1), 20, 21, 22, 38
— Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art.
18, 28 — Indicateurs anti-inflation, DORS/76-1, tels que
modifiés.
La Commission de lutte contre l'inflation considérait la
convention collective de la requérante comme relevant, avec
plusieurs autres, du régime de rémunération de l'ensemble du
secteur du bâtiment. La requérante ayant manifesté sa désap-
probation pour la conclusion de la Commission, celle-ci a
soumis uniquement la convention collective de la requérante au
Directeur, lequel a conclu qu'il n'avait pas compétence en
l'espèce, que la requérante n'avait pas qualité pour désapprou-
ver l'avis de la Commission et que celle-ci n'était pas tenue de
lui soumettre l'affaire. Après ajournement sine die, la requête
initiale a été introduite de nouveau pour audition, l'appel porté
par la requérante devant le Tribunal d'appel en matière d'infla-
tion ayant été rejeté par celui-ci qui a conclu que le Directeur
n'avait pas rendu une ordonnance au sens des articles 20, 21 ou
22 de la Loi anti-inflation. La requérante ne conclut qu'à un
bref de mandamus contre le Directeur.
Arrêt: la requête est accueillie. C'est à la Commission de
lutte contre l'inflation, et non pas au Directeur, que la Loi
confie la responsabilité d'établir si un requérant, telle la requé-
rante en l'espèce, est une partie visée au paragraphe (1.2). Si la
conclusion de la Commission est affirmative, elle est tenue de
soumettre l'affaire à l'examen du Directeur. La Loi ne prévoit
bulle disposition qui autorise le Directeur à infirmer ou à
modifier cette conclusion. Le paragraphe 17(1) fait obligation
au Directeur, une fois saisi de l'affaire, de procéder aux enquê-
tes conformément aux pouvoirs d'enquête que lui donne la Loi,
afin d'établir s'il y a eu ou s'il y aurait vraisemblablement
contravention aux Indicateurs anti-inflation. Le refus du
Directeur de s'acquitter de cette obligation ne constituait pas
une décision ou ordonnance au sens de l'article 38 de la Loi. Sa
lettre ne participe pas d'une compétence que lui attribue la Loi.
Il appartient à la Commission, et non pas au Directeur, de
déterminer qui a qualité pour manifester sa désapprobation. La
section locale n° 170, l'une des nombreuses sections locales qui
ont négocié chacune sa propre convention collective, est un
«syndicat» au sens de la définition de l'article 2. Nulle disposi
tion de la Loi n'impose ni n'autorise l'interprétation selon
laquelle les conditions prévues au paragraphe 12(1.2) n'au-
raient été remplies que si la majorité de ces sections locales
avaient manifesté leur désapprobation à la Commission de lutte
contre l'inflation. La définition du mot «groupe» figurant à
l'article 38 des Indicateurs ne saurait modifier la formulation
précise de la définition de «syndicat» qui figure à l'article 2 de
la Loi elle-même.
REQUÊTE.
AVOCATS:
M. Short et P. McMurray pour l'appelante
(requérante).
W. Scarth et M. Cuerrier pour l'intimé
(intimé).
PROCUREURS:
Short & Co., Vancouver, pour l'appelante
(requérante).
Robert Cousineau, Ottawa, pour l'intimé
(intimé).
Ce gui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE COLLF:R: La requête initiale a été
portée la première fois, le 6 février 1978, devant le
juge Gibson. Le 21 février 1978, le juge Gibson a
rendu une ordonnance sursoyant sine die à l'audi-
tion de la requête, avec motifs écrits.
Ces motifs sont joints aux présents motifs à titre
d'annexe A. Je fais miennes les conclusions de fait
du juge Gibson.
Il y a lieu de consigner un seul fait nouveau:
l'appel formé par la section locale n° 170 devant le
Tribunal d'appel en matière d'inflation a été rejeté
le 15 juin 1978. Cette instance a jugé que la lettre
en date du 21 octobre 1977 du Directeur n'équiva-
lait pas à une ordonnance au sens des articles 20,
21 ou 22 de la Loi anti-inflation.' A la suite du
jugement du Tribunal d'appel en matière d'infla-
tion, la requête initiale a été introduite de nouveau
pour audition.
L'avocat de la requérante m'a informé qu'il
limitait le recours à un bref de mandamus contre
le Directeur.
A la clôture des plaidoyers, j'ai informé les
parties que le recours demandé serait accordé et
les motifs ultérieurement donnés. Voici ces motifs.
Selon l'avocat du Directeur, la lettre en date
du 21 octobre 1977 était une «décision ou ordon-
nancez et qu'à ce titre, elle n'était assujettie ni à
l'examen judiciaire de la Division de première
instance de la Cour ni à celui de la Cour fédérale
d'appel, tel que cet examen est prévu à l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10. On pourrait simplifier en disant que
selon cet avocat, la décision du Directeur aux
termes de laquelle la requérante [TRADUCTION]
«... n'avait pas qualité de partie pour désapprou-
ver l'avis de la Commission de lutte contre l'infla-
tion ...» est une «décision ou ordonnance» qui ne
peut être contestée devant aucun tribunal.
A mon avis, la lettre en date du 21 octobre 1977
n'est pas une «décision ou ordonnance» au sens de
l'article 38 de la Loi. Les décisions ou ordonnances
visées à cet article sont celles que le Directeur rend
en application des articles 20, 21 ou 22.
A mon avis, nulle disposition de la Loi anti-
inflation n'habilite le Directeur, ni
a) à établir si une personne ou un organisme, tel la
requérante en l'espèce, est une partie ayant les
droits prévus au paragraphe 12(1.2), ni
b) à infirmer une décision de la Commission, aux
termes de laquelle une personne ou un organisme,
tel la requérante en l'espèce, est une partie ayant
les droits prévus au paragraphe 12(1.2).
L'article 12 de la Loi définit les attributions de
la Commission de lutte contre l'inflation. Je cite
l'alinéa 12(1)d.1) et une partie du paragraphe
12(1.2):
' S.C. 1974-75-76, c. 75, modifié par S.C. 1974-75-76, c. 98.
2 Voir l'article 38 de la Loi, cité dans les motifs prononcés
par le juge Gibson à la page 172à l'annexe A ci-inclus.
12. (1) La Commission
d.1) soumet immédiatement l'affaire à l'examen du Direc-
teur au cas où, ayant avisé les parties intéressées à la suite
des consultations et négociations prévues à l'alinéa c) que le
mouvement des prix, profits, rémunérations ou dividendes
distinct de celui qui est spécifié dans l'avis ne serait pas
conforme, selon la Commission, aux indicateurs ni justifié
par ailleurs, une partie visée au paragraphe (1.2) l'informe
par écrit qu'elle désapprouve cet avis; et
(1.2) Aux fins de l'alinéa (1)d.1), peuvent manifester à la
Commission leur désapprobation d'un avis et ont qualité pour
lui demander de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur ...
(ii) le syndicat représentant les émployés dont les rémuné-
rations [sont en cause] ou, en l'absence de syndicat, le
délégué des employés; ...
A mon avis, c'est à la Commission de lutte
contre l'inflation, et non pas au Directeur, que la
Loi confie la responsabilité d'établir si un requé-
rant, telle la requérante en l'espèce, est une partie
visée au paragraphe (1.2). Si la conclusion de la
Commission est affirmative, elle est tenue de sou-
mettre l'affaire à l'examen du Directeur.
La Commission de lutte contre l'inflation peut
conclure à tort qu'une partie est bien celle visée au
paragraphe (1.2). Cependant je ne trouve dans la
Loi nulle disposition qui autorise le Directeur à
infirmer ou à modifier cette conclusion.
Selon l'avocat de l'intimé, il découle du paragra-
phe 17(1) de la Loi qu'avant de procéder aux
enquêtes nécessaires, le Directeur doit s'assurer au
préalable que la soi-disant «partie lésée» est bien
celle visée au paragraphe 12(1.2). Je cite le para-
graphe 17(1):
17. (1) Dans les cas où la Commission soumet une affaire
au Directeur, conformément aux alinéas 12(1)d) ou d.1), ou
dans les cas où le gouverneur en conseil informe celui-ci qu'il a
des motifs raisonnables de croire qu'un fournisseur, un
employeur ou une personne, autre qu'un employé, liée par les
indicateurs, contreviennent ou ont contrevenu aux indicateurs
ou qu'ils le feront vraisemblablement, le Directeur doit user des
pouvoirs que lui confère la présente loi pour procéder aux
enquêtes qu'il juge nécessaires pour établir les faits imputés aux
personnes visées. [C'est moi qui souligne.]
Les mots invoqués à l'appui de cette thèse sont
les suivants:
... le Directeur doit user des pouvoirs que lui confère la
présente loi pour procéder aux enquêtes ...
L'avocat de l'intimé fait valoir que cette disposi
tion confère au Directeur le pouvoir d'établir s'il a
compétence en ce qui concerne le plaignant et si
celui-ci a qualité pour manifester sa désapproba-
tion. Je ne saurais souscrire à une telle interpréta-
tion du paragraphe 17(1).
Ce paragraphe fait tout simplement obligation
au Directeur, une fois saisi d'une affaire, de procé-
der aux enquêtes conformément aux pouvoirs d'en-
quête que lui donne la Loi, afin d'établir s'il y a eu
ou s'il y aurait vraisemblablement contravention
aux Indicateurs.
En l'espèce, le Directeur, par sa lettre en date du
21 octobre 1977, s'est lancé dans l'entreprise
hasardeuse de déterminer la compétence qui coiffe
la sienne propre. A mes yeux, la Loi ne l'y autori-
se pas. 3
Il appert qu'en l'espèce, le Directeur était tenu
de procéder aux enquêtes prévues au paragraphe
17(1). Il s'y est refusé. Ainsi que je l'ai dit, son
refus ne constituait pas une décision ou ordon-
nance au sens de l'article 38. Par ailleurs, sa lettre
ne participe pas d'une «compétence» que lui attri-
bue la Loi. Il appartient à la Commission, et non
pas au Directeur, de déterminer qui a qualité pour
manifester sa désapprobation.
La Cour peut dès lors, une fois saisie d'une
requête fondée et en vertu de son pouvoir discré-
tionnaire, accorder un bref de mandamus en appli
cation de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale.
' La requérante cite les trois précédents suivants qui jettent
quelque lumière sur la question:- Le procureur général du
Canada c. Cylien [1973] C.F. 1166. B.C. Packers Ltd. c. Le
Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F. 1194.
Toronto Newspaper Guild Local 87, American Newspaper
Guild (C.I.O.) c. Globe Printing Co. [1953] 2 R.C.S. 18.
Afin de déterminer s'il y a lieu de faire droit à la
requête, j'estime qu'il convient d'établir si la
requérante répond aux conditions prévues au para-
graphe 12(1.2). La requérante est-elle un «.
syndicat représentant les employés dont les rému-
nérations [sont en cause]. . .»? 4
«Syndicat» est défini à l'article 2 comme suit:
«syndicat» désigne toute association d'employés constituée
notamment pour régir les relations entre employés et patrons;
L'avocat du Directeur a admis que la requérante
section locale n° 170 répondait à cette définition. Il
a cependant fait valoir qu'un syndicat pouvait être
composé de plusieurs sections locales. J'en con-
viens mais, à mon avis, la seconde acception n'est
pas applicable en l'espèce. Ainsi que le juge
Gibson l'a souligné, la section locale n° 170 est
l'une des nombreuses sections locales qui ont négo-
cié chacune sa convention collective. Selon le
Directeur, les conditions visées au paragraphe
12(1.2) n'auraient été remplies que si la majorité
de ces sections locales avaient manifesté leur
désapprobation à la Commission de lutte contre
l'inflation.
Je ne saurais accepter cette thèse.
Nulle disposition de la Loi n'impose ni n'auto-
rise une telle interprétation. L'article 38 des
Règlements [DORS/76-1], où figure la définition
du mot «groupe», a été invoqué. A mon avis, cette
définition de «groupe» ne saurait modifier la for
mulation précise de la définition de «syndicat» qui
figure à l'article 2 de la Loi elle-même.
Je conclus que la section locale n° 170 est un
«syndicat représentant les employés dont les rému-
nérations [sont en cause]». Elle avait qualité pour
informer la Commission de lutte contre l'inflation
qu'elle désapprouvait son avis. Elle l'a fait d'ail-
leurs. La Commission a conclu qu'elle avait qualité
pour le faire. La Commission a dès lors soumis
l'affaire à l'examen du Directeur, conformément à
l'article 17.
Celui-ci a refusé d'y donner suite, alors qu'il
n'est investi d'aucun pouvoir discrétionnaire à cet
égard. Compte tenu de ces faits, un bref de man-
damus sera décerné.
4 Sous-alinéa 12(1.2)b)(ii).
ORDONNANCE
(1) Il est décerné un bref de mandamus
enjoignant au Directeur nommé en vertu de la
Loi anti-inflation de procéder, en application du
paragraphe 17(1) de la même Loi et conformé-
ment aux pouvoirs qu'elle lui confère, aux
enquêtes nécessaires afin de déterminer si les
rémunérations convenues aux termes d'un
accord en date du 25 septembre 1977 entre la
requérante et la Construction Labour Relations
Association of British Columbia, ont contre-
venu, contreviennent ou contreviendront vrai-
semblablement aux Indicateurs établis en appli
cation de la Loi anti-inflation.
(2) La requérante recouvera auprès de l'in-
timé ses dépens taxés afférents à cette requête
initiale.
ANNEXE A
T-4940-77
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE GIBSON: Il s'agit en l'espèce de tran-
cher la question de savoir si le Directeur nommé en
vertu de la Loi anti-inflation a rendu une «déci-
sion» ou «ordonnance» au sens de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale ou de l'article 38 de la
Loi anti-inflation. Voici ce que prévoient ces deux
articles:
(Loi sur la Cour fédérale)
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute
autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger
une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou
ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature
administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com
mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu-
res devant un office, une commission ou un autre tribunal
fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
(Loi anti-inflation)
38. Les décisions et ordonnances rendues par le Directeur en
vertu de la présente loi échappent à toute forme de révision ou
de contrôle à moins d'une disposition expresse de la présente
loi; toutefois, l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale
s'applique aux décisions ou ordonnances que le Tribunal d'ap-
pel rend en vertu de la présente Partie.
De la réponse à cette question préjudicielle
dépendra la forme que doit prendre le recours de la
requérante.
La demanderesse, en l'espèce la section locale n°
170, était l'un des vingt-huit syndicats de travail-
leurs de l'industrie du bâtiment qui négociaient
chacun de son côté avec l'agent des employeurs, en
l'occurrence l'association dite Construction Labour
Relations Association of B.C. (Celle-ci a reçu
signification de la requête mais n'a pas comparu à
l'audition.)
Les vingt-huit syndicats sont tous passés au
même moment devant la Commission de lutte
contre l'inflation, chacun avec sa convention
propre.
Il avait été question d'un accord aux termes
duquel tous les syndicats seraient représentés par
une seule unité de négociation. Le projet d'accord,
portant constitution d'un agent dénommé «British
Columbia & Yukon Building Trades Council
Common Front Industry Bargaining Structure»,
n'a pas été ratifié par tous les syndicats en cause
et, en particulier, il n'a pas été ratifié par la section
locale n° 170.
Les parties en présence conviennent des faits
ci-après:
1. Chaque syndicat a signé avec la Construction
Labour Relations Association of B.C. une con
vention collective à part.
2. La Construction Labour Relations Associa
tion of B.C. a soumis à la Commission de lutte
contre l'inflation des rapports d'observation por-
tant sur chacune de ces conventions collectives
1976-1977.
3. L'accord dit B.C. & Yukon Building Trades
Council Common Front Industry Bargaining
Structure Agreement, qui avait été signé par le
représentant de chaque syndicat, n'a jamais été
ratifié par les membres de tous les syndicats
conformément aux termes mêmes de cet accord.
Par ailleurs, les avocats des parties en présence
sont convenus du fait que, par lettre en date du 8
août 1977 (voir la pièce A jointe à l'affidavit établi
sous serment le 27 janvier 1978 par William
Henry Oliver), la Commission de lutte contre l'in-
nation a soumis à l'examen du Directeur nommé
en vertu de la Loi anti-inflation la convention
collective de la requérante. Aux yeux de la Com
mission, cette dernière formait avec les vingt-sept
autres conventions collectives, le régime de rému-
nération de l'ensemble de ce secteur tel que le lui
avait soumis la Construction Labour Relations
Association of B.C., agent des employeurs.
Au moyen de cette lettre en date du 8 août
1977, la Commission de lutte contre l'inflation n'a
soumis à l'examen du Directeur qu'une seule des
vingt-huit conventions collectives, à savoir celle de
la requérante section locale n° 170. Voici le pas
sage qui porte renvoi de l'affaire:
[TRADUCTION] En conséquence, la Commission de lutte contre
l'inflation, ayant été informée par le syndicat représentant les
employés dont les rémunérations sont en cause qu'il désapprou-
vait l'avis de la Commission de lutte contre l'inflation, soumet
par les présentes l'affaire à votre examen conformément à
l'alinéa 12(1)d.1) de la Loi anti-inflation.
Après avoir communiqué avec la requérante et
pris connaissance des observations de la Construc
tion Labour Relations Association of B.C., agent
des employeurs, le Directeur, par lettre en date du
21 octobre 1977, a déclaré qu'il n'avait pas compé-
tence pour donner suite à la demande attendu que
la section locale n° 170 [TRADUCTION] «n'avait
pas qualité de partie pour désapprouver l'avis de la
Commission de lutte contre l'inflation et pour lui
demander de soumettre l'affaire à l'examen du
Directeur en application de l'article 12(1)d.1) de
la Loi anti-inflation». Voici le texte intégral de la
lettre en date du 21 octobre 1977 du Directeur:
[TRADUCTION] Ayant étudié les divers aspects du régime de
rémunération convenu entre la British Columbia Construction
Labour Relations Association et les divers syndicats représen-
tant les travailleurs de l'industrie du bâtiment en Colombie-Bri-
tannique, nous avons conclu que l'Association unie des compa-
gnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la
tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale n° 170,
n'avait pas qualité de partie pour désapprouver l'avis de la
Commission de lutte contre l'inflation et pour lui demander de
soumettre l'affaire à l'examen du Directeur en application de
l'article 12(1)d.1) de la Loi anti-inflation.
Il s'ensuit que la demande faite par l'Association unie des
compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la
tuyauterie des États-Unis et du Canada, section locale n° 170,
en vue de soumettre l'affaire à l'examen du Directeur, est
irrecevable et que le Directeur n'a pas compétence pour y
donner suite.
Cette lettre constitue la pièce J jointe à l'affidavit
établi sous serinent le 22 décembre 1977 par David
L. Blair.
Une exception opposée par l'avocat du Directeur
ayant été entendue, la requête a été entendue au
fond.
L'avocat du Directeur fait valoir en l'espèce:
1. Qu'à la suite de la désapprobation manifestée
par le groupe de syndicats, la Commission de lutte
contre l'inflation eût pu soumettre à l'examen du
Directeur l'ensemble des vingt-huit conventions
collectives et non pas uniquement celle de la sec
tion locale n° 170.
2. Que la section locale n° 170 n'est pas une
personne habilitée à demander le renvoi de l'af-
faire puisqu'elle n'est qu'un élément du groupe
dont les rémunérations étaient en cause devant la
Commission de lutte contre l'inflation.
L'avocat de la section locale n° 170 conteste les
arguments susmentionnés de l'avocat du Directeur
et ajoute:
1. Qu'aux termes de l'article 12(1.2) de la Loi
anti-inflation, la partie ayant qualité pour deman-
der que l'affaire soit soumise à l'examen du Direc-
teur est le syndicat représentant les employés dont
les rémunérations sont en cause ..., et que la
section locale n° 170 est un tel syndicat par suite
de la définition de «syndicat» à l'article 2 de cette
Loi comme suit:
«syndicat» désigne toute association d'employés constituée
notamment pour régir les relations entre employés et patrons;
2. Que le terme «rémunération» est défini à l'arti-
cle 2 de la Loi anti-inflation comme suit:
«rémunération» désigne toute forme de salaire, d'avantage et de
gratification, versée ou accordée, directement ou indirecte-
ment, par un employeur ou en son nom à un employé ou à
son profit;
3. Que les Indicateurs font état de «régime de
rémunération» et non pas de «rémunération».
4. Qu'en conséquence, la section locale n° 170 a
qualité pour saisir le Directeur qui peut dès lors
appliquer les Indicateurs, lesquels, de par leur
nature, s'appliquent au groupe et non pas aux
syndicats individuels qui composent le groupe.
A mon avis, voici les voies de recours ouvertes à
la requérante qui s'estime lésée par la décision
susmentionnée du Directeur:
1. Si le Directeur avait rendu une «décision» ou
«ordonnance» au sens de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale et de l'article 38 de la Loi
anti-inflation, il serait loisible à la requérante
a) d'interjeter appel devant le Tribunal d'ap-
pel en matière d'inflation (ce qu'elle a déjà fait)
conformément à l'article 30 de la Loi anti-
inflation.
30. (1) Quiconque
a) fait l'objet d'une ordonnance rendue par le Directeur en
vertu des articles 20 ou 21, ou
b) fait l'objet d'une ordonnance visée à l'alinéa a) et est
touché par une modification qui y est apportée, sans son
consentement, en vertu de l'article 22,
doit interjeter appel devant le Tribunal d'appel dans les
soixante jours qui suivent la date de l'ordonnance prise en vertu
des articles 20, 21 ou 22, selon le cas.
(2) Le Tribunal d'appel statue sur les appels
a) en les rejetant;
b) en les accueillant et
(i) en annulant l'ordonnance visée,
(ii) en modifiant l'ordonnance visée, ou
(iii) en renvoyant le dossier au Directeur, pour nouvel
examen et révision.
(3) Sous réserve du paragraphe (4), le Tribunal d'appel
rejette tous les appels où l'appelant n'établit pas à sa satisfac
tion qu'une décision visée à l'alinéa (2)b) s'impose.
(4) Il incombe au Directeur d'établir les faits qui justifient
l'ordonnance dans les cas où l'appel porte sur une ordonnance
qui impose une amende en vertu des paragraphes 20(6) ou (7).
(5) L'appel qui porte sur une ordonnance rendue en vertu
des articles 20 ou 21 n'est pas touché par une modification qui
y est apportée en vertu de l'article 22 après que le Tribunal
d'appel est saisi de l'appel et celui-ci peut statuer simultané-
ment sur la modification et sur l'appel principal, sauf si l'appe-
lant a consenti à la modification.
Une fois que le Tribunal d'appel en matière
d'inflation aura statué sur cet appel, la requérante
pourra en demander le contrôle judiciaire confor-
mément à l'article 38 de la Loi anti-inflation;
ou
b) sans préjudice de son droit d'appel prévu à
l'article 30 de la Loi anti-inflation, d'intenter
d'emblée une action en examen judiciaire con-
formément à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale.
2. Si le Directeur n'avait pas rendu une «décision»
ou «ordonnance» au sens de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale et de l'article 38 de la Loi
anti-inflation, ainsi que le fait valoir la requérante
(posant en fait que tout s'était passé comme si le
Directeur ne s'était pas acquitté de ses fonctions),
il y aurait lieu à mandamus ainsi que le prévoit
l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
Sans qu'une décision soit prise en la matière, il
s'agit de savoir si en l'espèce le Directeur n'a fait
que s'acquitter de ses fonctions telles qu'il les
entend, ce qui le soustrait à tout contrôle judi-
ciaire, et notamment si le Directeur n'a nullement
défini les limites de sa propre compétence en ce
sens qu'il n'a pas cherché à établir lui-même si la
compétence à lui conférée par le Parlement rele-
vait bien du pouvoir de ce dernier de la conférer,
d'où il découle (1) que l'affaire en instance ne peut
pas être rapprochée de B.C. Packers Ltd. v.
Canada Labour Relations Board [1973] F.C.
1194 et (2) qu'elle ne peut pas être rapprochée non
plus de l'affaire Le procureur général du Canada
c. Cylien [1973] C.F. 1166, où la Cour fédérale
d'appel a conclu que l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale ne s'appliquait pas aux ordonnances
interlocutoires rendues en cours d'audition ou de
procès, attendu qu'une ordonnance de ce genre
n'était pas une «décision» ou «ordonnance» au sens
de cet article.
Étant donné les faits susmentionnés, attendu que
la requérante a déjà interjeté appel devant le Tri
bunal d'appel en matière d'inflation, conformé-
ment à l'article 30 de la Loi anti-inflation, et
attendu qu'elle a du mal à choisir la voie de
recours qui convient en l'espèce et à surmonter les
«obstacles» juridiques, notamment la disposition de
l'article 38 de la Loi anti-inflation qui soustrait les
décisions du Directeur au contrôle judiciaire,
j'exerce le pouvoir discrétionnaire dont je suis
investi pour surseoir à l'audition de la requête
jusqu'à ce que la requérante en ait terminé avec
son appel devant le Tribunal d'appel en matière
d'inflation et que cet appel ait fait l'objet d'un
jugement définitif conformément à la Loi anti-
inflation. (Cf. S. A. de Smith Judicial Review of
Administrative Action, 3 e édition, page 375.)
Par ces motifs, la cause est suspendue sine die
jusqu'à ce que le Tribunal d'appel en matière
d'inflation ait définitivement statué sur l'appel de
la requérante. Par la suite, si elle l'estime néces-
saire et souhaitable, la requérante pourra saisir la
Cour de nouveau, auquel cas il est expressément
prévu que je ne serai pas saisi de l'affaire.
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