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A-498-79
Patricia Nelson (Requérante)
c.
Le procureur général du Canada (Intimé)
et
Le comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique (Tribunal)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie, le juge suppléant MacKay—Toronto, 8 et 9 janvier 1980.
Examen judiciaire Fonction publique La requérante avait été renvoyée sur recommandation du sous-chef du Ministère au motif qu'elle était incapable de remplir les fonctions de son poste Demande d'examen et d'annulation de la décision du comité d'appel de la Commission de la Fonction publique qui a rejeté l'appel formé par la requérante contre son renvoi Il échet d'examiner si le comité avait raison de décider que l'article 24.01 de la convention collective du groupe des opérations postales ne pouvait restreindre le droit conféré au sous-chef par l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique de recommander le renvoi de la requérante Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 31 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp,), c. 10, art 28.
Demande, fondée sur l'article 28, d'examen et d'annulation de la décision par laquelle le comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique a rejeté l'appel formé par la requérante contre la recommandation du sous-chef du Minis- tère conseillant son renvoi au motif qu'elle était incapable de remplir les fonctions de son poste. La requérante avait été et continuerait à être incapable de remplir les fonctions de son poste du fait d'une incapacité permanente résultant d'un acci dent du travail. Il échet uniquement d'examiner si le comité avait raison de décider que l'article 24.01 de la convention collective du groupe des opérations postales ne pouvait restrein- dre le droit conféré au sous-chef par l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique de recommander le renvoi de la requérante.
Arrêt: la demande est rejetée. La Cour est d'accord avec la conclusion du comité. Dans ses motifs de décision, le comité a conclu qu'on pouvait raisonnablement déduire de l'article 31 que la capacité d'exercer les fonctions de son poste était une condition d'emploi et, par conséquent, que l'on ne pouvait prétendre que l'article 24.01 de la convention collective du groupe des opérations postales l'emportait sur l'article 31 de la Loi. Le comité a rejeté l'argument voulant que la convention collective avait force de loi; le Bill C-8 ne visait que le règle- ment d'un différend. Il est une autre raison pour arriver à cette même conclusion. La raison d'être de l'article 24.01 est d'assu- rer qu'une personne qui, pour une des raisons y prévues, est provisoirement incapable d'exercer ses fonctions, ne sera pas congédiée ou renvoyée à cause de cette incapacité. Le libellé de cet article indique clairement qu'il est question d'absence provi- soire et non d'absence permanente. L'employeur était fondé à conclure que la requérante était irrémédiablement incapable
d'exercer les fonctions de son poste.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
P. J. J. Cavalluzzo pour la requérante. B. Segal pour l'intimé et le tribunal.
PROCUREURS:
Golden, Levinson, Toronto, pour la requé- rante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé et le tribunal.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande, fondée sur l'article 28, tend à l'examen et à l'annulation de la décision par laquelle un comité d'appel, institué en vertu de l'article 31(3) de la Loi sur l'emploi de la Fonction publique, S.R.C. 1970 c. P-32, a rejeté l'appel formé par la requérante contre la recommandation du sous-chef du Minis- tère qui l'employait conseillant son renvoi au motif qu'elle était incapable de remplir les fonctions de son poste.
La requérante travaillait pour le ministère des Postes à Hamilton (Ontario), en qualité de P.O. 4, depuis le 14 janvier 1975. Elle se blessa à la cheville droite et au genou droit lors de deux accidents distincts, l'un survenu le 23 décembre 1975 et l'autre le 11 avril 1976. Par suite de ces accidents, la requérante souffrit à plusieurs repri ses de maux qui l'empêchèrent, au cours d'une période de 3 ans, de se présenter régulièrement au travail. Pendant cette période, elle eut droit aux congés suivants pour «accident du travail»:
Exercice financier Congé pour accident du travail
1975/76 15 jours
1976/77 139 1 / 2 jours
1977/78 110 jours
1978/79 251 jours
Au moment le sous-chef recommanda son renvoi, la requérante était en congé pour accident du travail depuis le 27 octobre 1977. Les rapports médicaux reçus par le ministère des Postes indi- quaient que l'incapacité de la requérante était permanente et de nature à l'empêcher définitive- ment d'exercer les fonctions de son poste. Le sous-
chef recommanda donc son renvoi en vertu de l'article 31(1) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. L'appel contre cette recom- mandation, porté devant un comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique, fut rejeté. C'est cette dernière décision qu'attaque la présente demande fondée sur l'article 28.
Il semble que le seul point en litige soit de savoir si le comité avait raison de décider que l'article 24.01 de la convention collective du groupe des opérations postales ne pouvait restreindre le droit conféré au sous-chef par l'article 31 de la Loi de recommander le renvoi de la requérante.
Les paragraphes 31(1) et (2) de la Loi sont ainsi rédigés:
Incompétence et incapacité
31. (1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'employé
soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
(2) Le sous-chef doit donner à un employé un avis écrit de toute recommandation visant la nomination de l'employé à un poste avec un traitement maximum inférieur ou son renvoi.
(3) Dans tel délai subséquent à la réception de l'avis men- tionné au paragraphe (2) que prescrit la Commission, l'employé peut en appeler de la recommandation du sous-chef à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commis sion doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
L'article 24.01 de la convention collective pour l'unité de négociation dont la requérante fait partie est ainsi conçu:
24.01 Admissibilité au Congé
(Le 18 octobre 1977)
L'employé bénéficie d'un congé payé pour accident du travail pour la période déterminée par une commission provinciale des accidents du travail lorsqu'il est incapable d'exercer ses fonc- tions en raison:
a) d'une blessure corporelle subie accidentellement dans l'exercice de ses fonctions et qui n'est pas occasionnée par l'inconduite délibérée de l'employé,
b) d'une maladie résultant de la nature de son emploi, ou
c) d'une surexposition à la radioactivité ou à d'autres risques dans l'exécution de son travail,
s'il convient de verser au Receveur général du Canada tout montant d'argent qu'il reçoit en compensation des pertes de salaire en règlement de toute réclamation qu'il peut avoir relativement à cette blessure, maladie ou exposition.
La requérante a prétendu que son congé ayant été approuvé par la Commission des accidents du travail, l'employeur était obligé de continuer à lui accorder un congé payé «pour accident du travail» en conformité avec l'article 24.01, nonobstant l'ar- ticle 31 de la Loi. Le comité d'appel a tranché cette question de la façon suivante:
[TRADUCTION] Je ne peux accepter l'argument du représen- tant de l'appelante selon lequel le Ministère ne pouvait renvoyer cette dernière parce qu'il était obligé de continuer à lui accor- der un congé payé pour accident du travail en vertu de l'article 24.01 de la convention collective du groupe des opérations postales. Je note que l'article 56 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique prévoit notamment ce qui suit:
56(2) Aucune convention collective ne doit prévoir, direc- tement ou indirectement, la modification ou la suppression d'une condition d'emploi existante ni l'établissement d'une nouvelle condition d'emploi
b) qui a été ou peut être, selon le cas, établie en conformité d'une loi spécifiée à l'annexe C.
La Loi sur l'emploi dans la Fonction publique figure à l'annexe C et, par conséquent, aucun article de la convention collective du groupe des opérations postales ne peut modifier une condi tion d'emploi existante établie en conformité de cette Loi. L'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique dit notamment ce qui suit:
31.(1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'em-
ployé soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
A mon avis il peut raisonnablement être déduit de l'article 31 que la capacité d'exercer les fonctions de son poste est une condition d'emploi et, par conséquent, l'on ne peut prétendre que l'article 24.01 de la convention collective du groupe des opérations postales prévaut sur l'article 31 de la Loi sur l'em- ploi dans la Fonction publique. Je n'accepte pas la prétention du représentant de l'appelante selon laquelle la convention collective du groupe des opérations postales a force de loi; le Bill C-8 vise le règlement d'un différend et ne donne pas force de loi à la convention collective du groupe des opérations postales.
Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si le Ministère avait le droit de demander à l'appelante de subir un examen médical, puisque cela ne relève pas de ma compétence.
Les seules questions qui m'intéressent sont de savoir si l'appe- lante a, pour des raisons indépendantes de sa volonté, été incapable d'exercer les fonctions de son poste et, le cas échéant, si tout permet de croire qu'elle le demeurera. L'appelante a été incapable, au cours des trois dernières années, de se présenter régulièrement au travail. Les rapports médicaux reçus par le Ministère indiquent que l'incapacité de Madame Nelson est permanente et de nature à l'empêcher définitivement d'exercer les fonctions de son poste.
Après avoir examiné toute la preuve, j'estime que la recom- mandation du Ministère que l'appelante soit renvoyée pour incapacité n'était ni déraisonnable ni injuste. Je rejette donc l'appel.
Je suis entièrement d'accord avec la conclusion du comité et je ne crois pas utile de développer ce qui a été dit. Toutefois je suis d'avis qu'il est une autre raison pour arriver à cette même conclusion.
A mon avis, la raison d'être de l'article 24.01 est d'assurer qu'une personne qui, pour une des rai- sons y prévues, est devenue provisoirement incapa ble d'exercer ses fonctions, ne sera pas congédiée ou renvoyée à cause de cette incapacité. Le début de l'article indique clairement que l'absence dont il est question est de nature provisoire plutôt que permanente. Le terme «congé» désigne clairement, selon moi, une absence provisoire du travail. Même chose pour le terme «période». En outre, ce mot indique, je crois, que les parties ne songeaient pas à une absence indéfinie ou permanente de l'em- ployé lorsqu'ils ont rédigé cet article. D'après les faits consignés au dossier, je crois qu'il est clair que la Commission des accidents du travail, dans sa lettre à l'employeur en date du 8 février 1979, a implicitement, sinon de façon expresse, exprimé l'avis que la requérante ne pourrait reprendre que [TRADUCTION] «des fonctions différentes, elle n'aurait ni à lever des charges lourdes, ni à trop marcher, ni à s'agenouiller, ni à s'accroupir». Il est admis que de pareilles restrictions sont incompati bles avec les tâches que comporte le poste de la requérante. Si l'on considère qu'à cette preuve vient s'ajouter l'opinion du médecin de l'employeur que la requérante [TRADUCTION] «... ne pourra plus jamais de façon habituelle: lever des charges lourdes, marcher longuement, s'agenouiller ou s'accroupir», l'employeur était justifié de conclure que la requérante était irrémédiablement incapa ble d'exercer les fonctions de son poste. L'article 24.01 ne s'applique donc pas en l'espèce, puisqu'il ne vise, comme il a été dit plus haut, que des
absences provisoires du travail.
Ainsi, l'employeur avait le droit, à ce stade, d'invoquer l'article 31 au motif que la requérante ne remplissait pas une des conditions de son emploi, c'est-à-dire être capable d'exécuter les fonctions du poste qu'elle occupait.
Par ces motifs, je rejette la demande fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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