T-328-80
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Larry A. Roine et la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique et Barbara J.
Robb (Intimés)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, 1" et 19 février 1980.
Brefs de prérogative — Prohibition — Relations du travail
— Requête visant à interdire à l'arbitre d'instruire un grief
renvoyé à l'arbitrage — Une postière a accusé un déficit de
caisse à son guichet — Nul soupçon de malhonnêteté — La
description de poste applicable prévoit que l'employé est res-
ponsable des erreurs de calcul — Il échet d'examiner si
l'arbitre est compétent en vertu de l'art. 91(1) de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique — Requête
rejetée attendu que l'arbitre avait compétence pour entendre le
grief qui portait sur «une mesure disciplinaire entraînant ...
une peine pécuniaire» — Loi sur les relations de travail dans
la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 91(1).
Arrêt suivi: Le procureur général du Canada c. Grégoire
[1978] 2 C.F. 11.
REQUÊTE.
AVOCATS:
W. L. Nisbet, c.r. et H. Newman pour le
requérant.
J. E. McCormick pour les intimés Larry A.
Roine et la Commission des relations de tra
vail dans la Fonction publique.
T. A. McDougall, c.r. et J. West pour l'inti-
mée Barbara J. Robb.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique, Ottawa, pour les inti-
més Larry A. Roine et la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique.
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall,
Ottawa, pour l'intimée Barbara J. Robb.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Le procureur général
demande un bref de prohibition interdisant à l'in-
timé Roine, arbitre et membre de la Commission
intimée, d'instruire et de juger le grief renvoyé à
l'arbitrage par l'intimée Robb, guichetière au
ministère des Postes. La preuve comprend unique-
ment l'affidavit de Harry A. Newman, l'avocat qui
représentait le Conseil du Trésor à l'audition du
grief, et les pièces qui y sont jointes.
Une opération financière au guichet de Mme
Robb. se solda par un déficit de caisse de $300.
Absolument rien ne permet de la soupçonner de
malhonnêteté. La description de poste applicable
prévoit que «l'employé est responsable des erreurs
de calcul qu'il commet lors d'opérations financiè-
res». Ses supérieurs l'avisèrent donc que si elle ne
remboursait pas les $300, ils seraient déduits de
son salaire. MTe Robb paya les $300 avant que le
grief ne soit réglé. Aucune autorisation n'avait été
donnée en vertu du paragraphe 95(1) de la Loi sur
l'administration financière.' Après le rejet de son
grief au dernier palier de la procédure applicable
aux griefs, elle l'a renvoyé à l'arbitrage en confor-
mité avec le paragraphe 91(1) de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique. 2
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au
dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive-
ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le con-
cerne, d'une disposition d'une convention collective ou d'une
décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la
suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante
pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
Le grief demande qu'il soit décidé qu'en l'espèce,
la direction était responsable du déficit et qUe
c'était à cette dernière de le combler.
Au début de l'audition, l'avocat du Conseil du
Trésor excipa de l'incompétence de la Commission
au motif que le grief ne se rapportait ni à l'inter-
prétation ni à l'application d'une disposition d'une
convention collective, ni à une mesure disciplinaire
' S.R.C. 1970, c. F-10.
95. (1) Lorsque, de l'avis du ministre de la Justice, une
personne doit à Sa Majesté du chef du Canada, une somme
d'argent déterminée, le conseil du Trésor peut autoriser le
receveur général à retenir, par voie de déduction ou compen
sation, le montant de cette dette sur toute somme d'argent
qui peut être due ou payable à cette personne par Sa Majesté
du chef du Canada.
2 S.R.C. 1970, c. P-35.
entraînant une peine pécuniaire. Les autres cas
visés par le paragraphe 91(1) n'ont manifestement
aucune application en l'espèce. D'un commun
accord, l'exception fut considérée comme une
question préliminaire et une décision fut rendue
avant que l'arbitre ne prenne connaissance de la
preuve et des plaidoiries sur le fond. L'arbitre se
déclara compétent en vertu de l'alinéa 91(1)a)
pour connaître de la question de la responsabilité
du déficit; d'où la présente demande.
La convention collective prévoyait expressément
que Mme Robb avait droit d'être rémunérée pour
les heures de travail qu'elle effectuait selon le
barème des salaires établi. L'arbitre a jugé non
pertinent quant à la question de la compétence le
fait qu'elle ait remboursé le montant du déficit
plutôt que de le voir déduit de son salaire, quelque
puisse en être par ailleurs la 'pertinence quant au
fond. Ce fait établit une distinction très nette entre
la présente affaire et celle examinée par le juge
suppléant Grant dans Le procureur général du
Canada c. Brenta, dans laquelle le paragraphe
95(1) de la Loi sur l'administration financière a
été appliqué.
Pour conclure qu'il avait compétence en vertu de
l'alinéa 91(1)a), l'arbitre s'est appuyé sur l'affaire
Re Milk & Bread Drivers, Local 647, et Borden
Co. Ltd. 4 Il y était question d'un commis voyageur
qui avait perdu—apparemment par suite d'un
vol—un certain nombre de tickets donnant droit
aux produits de son employeur, perte dont il s'était
engagé à répondre financièrement en vertu d'une
condition expresse d'emploi. Il fut décidé ce qui
suit:
[TRADUCTION] ... La Commission est d'avis que le grief
implique, même si ce n'est pas dit expressément, que la société
a contrevenu à la convention collective en ne lui payant pas son
plein salaire en conformité avec l'annexe «A» de la convention
collective et, par conséquent, la Commission a compétence pour
décider si la société pouvait faire la retenue sur le salaire
concernée.
Étant donné la décision rendue par la Cour d'appel
fédérale dans Le procureur général du Canada c.
Grégoire 5 je n'estime pas nécessaire de me pronon-
cer sur la validité de cette conclusion.
3 [1980] 1 C.F. 833.
° (1966) 16 L.A.C. 380, la p. 381.
5 [1978] 2 C.F. 11.
L'arrêt Grégoire est difficile d'application. Dans
ses motifs, le juge en chef Jackett affirme ceci [à
la page 12]:
Vu la rareté des éléments d'information à l'appui de cette
demande faite en vertu de l'article 28, il est important de
souligner, dès le commencement, que, si ces éléments n'établis-
sent pas que l'arbitre n'est pas compétent, la demande doit être
rejetée.
Malgré la rareté des éléments d'information, les
faits que révèle la preuve ont plus qu'une vague
ressemblance avec ceux de la présente espèce.
Dans cette affaire en effet un commis des postes
avait accepté un chèque sans provision de $150.36
en paiement d'un mandat postal. Il avait omis de
présenter le chèque à l'approbation d'un fonction-
naire de rang plus élevé avant de l'accepter. Le
juge déclare plus loin [à la page 12]:
Devant l'arbitre, cette exigence a manifestement été justifiée
sur la base des [TRADUCTION] «exigences énoncées dans la
description des postes-repères» ....
L'arbitre avait décidé qu'il avait compétence en
vertu de l'alinéa 91(1)b), parce que le grief résul-
tant de l'exigence que le commis paie les $150.36
au Ministère portait sur «une mesure disciplinaire
entraînant ... une peine pécuniaire». La demande
fondée sur l'article 28 fut rejetée.
Peut-être est-on arrivé à cette conclusion uni-
quement à cause de l'insuffisance des éléments
d'information présentés à la Cour d'appel. Je n'en
suis pas moins lié par cette décision. Celle-ci porte
que le recouvrement auprès d'un commis des
postes d'une somme perdue lors d'une opération
financière relève de l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique.
ORDONNANCE
La requête est rejetée. L'intimée Robb a droit à
ses dépens.
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