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A-471-77
La Reine (Appelante) (Demanderesse) c.
Canadian Vickers Limited (Intimée) (Défende- resse)
et
Canadian General Electric Company Limited (Tierce partie)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Pratte et le juge suppléant Lalande—Montréal, les 18, 19 et 20 juin 1979.
Compétence Droit maritime Appel contre la décision de la Division de première instance qui a rejeté l'action inten- tée contre l'intimée pour non-exécution d'un contrat de cons truction navale Pl échet d'examiner si les dispositions de droit positif de la Loi sur la Cour fédérale en matière d'ami- rauté sont formulées de façon qu'elles établissent des règles de droit régissant les contrats de construction navale, lesquelles constituent une loi fédérale Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2" Supp.), c. 10, art. 22, 42 Règle 474 des Règles de la Cour fédérale.
Appel formé contre un jugement de la Division de première instance qui a rejeté une action intentée contre l'intimée, laquelle aurait manqué aux obligations issues d'un contrat portant construction d'un navire pour le compte de l'appelante. Le jugement entrepris était fondé sur la Règle 474, par applica tion de laquelle la Division de première instance a conclu qu'elle n'était pas compétente pour connaître de l'action. Il échet d'examiner si les dispositions de droit positif de la Loi sur la Cour fédérale en matière d'amirauté sont formulées de façon qu'elles établissent des règles de droit régissant les contrats de construction navale, lesquelles constituent une loi «fédérale».
Arrêt: l'appel est accueilli. L'article 42 (rapproché de la définition du droit maritime canadien), par lequel le législateur a établi une règle de droit maritime positif, ne doit pas être interprété comme étant limité par les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale ou des lois antérieures en matière de compé- tence. Ce qui reste en vigueur par l'effet de l'article 42 et sous réserve de modifications législatives, c'est: a) le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier en vertu de la Loi d'amirauté, 1934, b) le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier en sa juridiction d'amirauté en vertu de toute autre loi, et c) le droit dont l'application eût relevé de la Cour de l'Échiquier si elle avait eu, en sa juridiction d'ami- rauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté. L'alinéa b) ci-dessus ne se limite pas à la compétence qui avait cours immédiatement avant l'adoption de la Loi sur la Cour fédérale. L'article 42 a pour effet de maintenir en vigueur le droit qui relevait de la Cour de l'Échiquier et non pas simple- ment de maintenir ce droit en vigueur dans la mesure cette juridiction était habilitée à l'appliquer dans le passé. L'article 42 ne signifie rien de plus lorsque les dispositions de droit positif de la Loi sur la Cour fédérale sont interprétées séparé- ment des dispositions juridictionnelles, comme elles devraient
l'être. II existe un droit fédéral sur lequel l'appelante peut fonder sa demande. Ce droit a été établi par l'article 42 titre de droit qui relevait de la Cour de l'Échiquier en vertu de la Loi d'amirauté, 1934. Quand bien même cette conclusion ne serait pas fondée, ce droit fédéral a été bien établi par l'article 42, à titre de droit qui eût relevé de la Cour de l'Échiquier si celle-ci avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté.
Arrêts examinés: Tropwood A.G. c. Sivaco Wire & Nail Co. [1979] 2 R.C.S. 157; Benson Bros. Shipbuilding Co. (1960) Ltd. c. Mark Fishing Co. Ltd. (1979) 89 D.L.R. (3 ' ) 527.
APPEL. AVOCATS:
J. R. Nuss, c.r. et Paul Coderre, c.r. pour l'appelante (demanderesse).
G. B. Maughan pour l'intimée (défenderesse). B. Lacombe pour la tierce partie.
PROCUREURS:
Ahern, Nuss & Drymer, Montréal, pour l'ap- pelante (demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante (demanderesse).
Ogilvy, Montgomery, Renault, Clarke, Kirk- patrick, Hannon & Howard, Montréal, pour l'intimée (défenderesse).
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac - Kell & Clermont, Montréal, pour la tierce partie.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté par Sa Majesté du chef du Canada du jugement de la Division de première instance [[1978] 2 C.F. 675] qui a rejeté une action intentée contre l'intimée, laquelle aurait manqué aux obligations issues d'un contrat portant construction d'un navire pour le compte de Sa Majesté. En l'espèce, la Division de première ins tance a appliqué la Règle 474 et a conclu à son incompétence.
Le jugement entrepris a été rendu le 22 juin 1977, et autant que je sache, il s'agit du premier jugement en date qui traite de la compétence d'amirauté de la Division de première instance à la lumière des arrêts Quebec North Shore Paper
Company c. Canadien Pacifique Limitée' et Mc- Namara Construction (Western) Limited c. La Reine 2 de la Cour suprême du Canada.
Il est hors de doute que la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2. Supp.), c. 10, vise à donner à la Division de première instance compé- tence sur toutes questions d'amirauté, dont les litiges issus de contrats de construction de navire.' Avant les arrêts susmentionnés de la Cour suprême du Canada, il eût suffi de présumer la compétence de la Division de première instance en la matière, en vertu de la croyance générale de l'époque, selon laquelle le Parlement pouvait, par application de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, S.R.C. 1970, Appen- dice II, conférer à un tribunal tel que la Cour fédérale, la compétence pour connaître «des sujets relevant de la compétence législative fédérale». Il ressort cependant de ces arrêts que l'article 101 doit être interprété comme autorisant le Parlement à conférer à un tel tribunal la compétence pour appliquer des lois fédérales «existantes».
Par conséquent, il échet d'examiner en l'espèce si les dispositions de droit positif de la Loi sur la Cour fédérale en matière d'amirauté sont formu- lées de façon qu'elles établissent des règles de droit régissant les contrats de construction navale, les- quelles constituent une loi «fédérale». Si tel est le cas, il ressortirait de l'arrêt Tropwood A.G. c. Sivaco Wire & Nail Company, rendu le 6 mars 1979 par la Cour suprême du Canada [[1979] 2 R.C.S. 157], que ces dispositions confirment la
' [1977] 2 R.C.S. 1054.
2 [1977] 2 R.C.S. 654.
3 Voir l'article 22 qui porte notamment:
22. (1) La Division de première instance a compétence concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autre- ment, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du Canada en matière de navigation ou de marine mar- chande, sauf dans la mesure cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il est déclaré pour plus de certitude que la Division de première instance a compétence relativement à toute demande ou à tout litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construc tion, à la réparation ou à l'équipement d'un navire;
compétence de la Division de première instance en l'espèce. 4
J'estime qu'à l'égard de la Cour, la réponse à cette question, telle qu'elle est formulée ci-dessus, se dégage de son arrêt Benson Bros. Shipbuilding Co. (1960) Ltd. c. Mark Fishing Co. Ltd., 5 rendu le 9 juin 1978. Dans cette affaire, il a été jugé que l'article 42 de la Loi sur la Cour fédérale (inter- prété à la lumière de la définition du «droit mari time canadien» figurant à l'article 2 de cette Loi) posait une règle de droit en vertu de laquelle un constructeur pouvait faire valoir contre le proprié- taire du navire, une demande issue du contrat de construction navale. L'existence de la règle de droit ayant été établie, j'estime qu'elle permettra également au propriétaire de faire valoir contre le constructeur du navire une demande issue du con- trat de construction navale. En l'absence d'un texte de loi contraire, comme cela me semble être le cas, la même règle devrait régir les droits et obligations des deux parties au contrat de construction navale.
Par égard pour le raisonnement très fouillé sur lequel le juge en chef adjoint s'est fondé pour conclure que la Division de première instance n'était pas compétente en la matière, j'essaierai d'expliquer comment je suis parvenu à la conclu sion que la Division de première instance avait compétence en matière de contrat de construction navale.
L'article 42 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que le droit maritime canadien (en vigueur à la date du 1" juin 1971) reste en vigueur sous réserve de modifications législatives subséquentes; et l'article 2 de la même Loi porte entre autres:
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic- tion d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifica tions apportées à ce droit par la présente loi ou par toute autre loi du Parlement du Canada;
Je suis convaincu, et l'intimée n'a pas soutenu le contraire, qu'une telle loi relèverait parfaitement de la compétence légis- lative du Parlement à titre de loi sur «La navigation et les bâtiments ou navires». Voir l'article 91(10) de l'Acte de l'Amé- rique du Nord britannique, 1867.
5 (1979) 89 D.L.R. (3») 527.
Dans l'arrêt Benson, la Cour a souligné que par application de la Loi d'amirauté, 1934, S.C. 1934, c. 31, elle avait compétence pour connaître de [TRADUCTION] «tout litige relatif à la construction ... d'un navire» si le navire ou le produit de sa vente avait été saisi, et qu'en conséquence, [TRA- DUCTION] «... le droit maritime canadien, tel qu'il était appliqué par la Cour de l'Échiquier, autorisait les actions en justice en matière de construction navale.» En l'espèce, il échet d'exami- ner si la règle qui prévoit pour le constructeur du navire le droit de fonder une action en justice sur le contrat de construction navale, le prévoit égale- ment pour l'autre partie au contrat. J'estime qu'en l'absence d'un texte de loi contraire, s'il existe en droit contractuel, une règle qui autorise une partie à fonder une action en justice sur la rupture de contrat, elle doit y autoriser aussi l'autre partie contractante.
A mon avis, s'il y a une différence entre le raisonnement ci-dessus et celui du savant juge en chef adjoint, cette différence tient à ce qu'il inter- prète la définition du droit maritime canadien comme limitant le droit qui y est visé à celui applicable aux matières relevant de la compétence de la Cour, alors qu'à mon avis, l'article 42 (rap- proché de la définition du droit maritime cana- dien), par lequel le législateur a établi une règle de droit maritime positif, ne doit pas être interprété comme étant limité par les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale ou des lois antérieures en matière de compétence. 6
Selon mon interprétation de l'article 42, ce qui «reste en vigueur», sous réserve des modifications législatives, c'est:
a) le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier en vertu de la Loi d'amirauté, 1934,
6 J'estime qu'à cet égard, la Loi sur la Cour fédérale traite de deux sujets distincts, à savoir que:
a) certaines de ces dispositions posent des règles de droit positif, et
b) certaines autres de ses dispositions définissent la com- pétence de la Division de première instance.
Cette loi distingue clairement les deux sujets et, à la lumière des décisions qui portent dernièrement sur l'article 101, il est important de respecter cette distinction. La condition préala- ble de la compétence de la Cour est l'existence d'une loi fédérale existante.
b) le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier en sa juridiction d'amirauté en vertu de toute autre loi, et
c) le droit dont l'application eût relevé de la Cour de l'Échiquier si elle avait eu, en sa juri- diction d'amirauté, compétence illimitée en
matière maritime et d'amirauté.
Il ressort de l'arrêt Tropwood de la Cour suprême du Canada que la compétence visée au b) ci-dessus ne se limite pas à celle qui avait cours immédiatement avant l'adoption de la Loi sur la Cour fédérale.' Ce que la Cour de céans a fait dans l'affaire Benson, c'était de conclure que l'arti- cle 42 avait pour effet de maintenir en vigueur le droit qui relevait de la Cour de l'Échiquier et non pas simplement de maintenir ce droit en vigueur dans la mesure oil cette juridiction était habilitée à l'appliquer par le passé. A mon avis, l'article 42 ne signifie rien de plus lorsque les dispositions de droit positif de la Loi sur la Cour fédérale sont
interprétées séparément des dispositions juridic- tionnelles, comme elles devraient l'être à mon sens. 8
7 Dans l'arrêt Tropwood, le juge en chef du Canada, rendant le jugement de la Cour, s'est prononcé en ces termes sur ces dispositions la page 163]:
Cette définition du droit maritime canadien à l'art. 2 renvoie au droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier «en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi». Le renvoi à la Loi sur l'Amirauté vise manifestement la Loi de 1934, mais, malgré son abrogation, on peut certainement considérer l'Acte de l'Amirauté de 1891 comme «quelque autre loi» dont l'application relevait de la Cour de l'Échi- quier, en sa juridiction d'amirauté.
6 A mon avis, l'arrêt Bow, McLachlan & Co., Ltd. c. Le «Camosun» [1909] A.C. 597, que cite le juge en chef adjoint, est une décision fondée sur les limites de compétence imposées à la Cour à cette époque, et autant que je sache, lord Gorell ne dit nulle part que le droit maritime n'embrasse pas les contrats de construction navale. Il reconnaît plutôt le contraire, quoique de façon implicite. Voir les pages 608 et 609 il s'est prononcé en ces termes:
[TRADUCTION] Quant à la compétence d'amirauté qu'au- rait pu avoir la Haute Cour en l'espèce, il faut souligner que dans le cadre de cette compétence, nulle voie de recours n'était ouverte auparavant au créancier hypothécaire d'un navire pour l'exécution de la dette hypothécaire, ni à l'une ou l'autre partie en cas de non-exécution du contrat de construc tion navale. La longue lutte d'influence entre les juristes de la Cour de l'Amirauté et les Cours de droit commun est trop bien connue pour qu'il soit nécessaire de la rappeler. Cette rivalité a eu pour effet de circonscrire la compétence d'ami- rauté dans des limites bien définies que le législateur a
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Je conclus donc qu'il existe un droit fédéral sur lequel Sa Majesté peut fonder sa demande. A mon avis, ce droit a été établi par l'article 42 titre de droit qui relevait de la Cour de l'Échiquier en vertu de la Loi d'amirauté, 1934. Quand bien même cette conclusion ne serait pas fondée, j'ajou- terais que, eu égard aux citations que faisait l'avo- cat de l'appelante du Black Book et d'autres ouvrages traitant de l'ancien droit maritime et de l'ancien droit d'amirauté, citations qu'il n'est pas nécessaires d'évoquer en l'espèce, je suis d'avis que ce droit fédéral a été bien établi par l'article 42, à titre de droit qui eût relevé de la Cour de l'Échi- quier si celle-ci avait eu en sa juridiction d'ami- rauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté.
Je suis donc d'avis d'accueillir l'appel avec dépens, d'infirmer le jugement de la Division de première instance, de juger que la Division de première instance est effectivement compétente pour connaître du recours intenté par Sa Majesté contre l'intimée pour manquement de la part de
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étendues à une époque plus récente, mais non pas de façon telle qu'elle recouvre une action en exécution de créance, comme celle qui a été intentée par les intimées.
En ce qui concerne les hypothèques, la Loi 3 & 4 Vict. chapitre 65 prévoyait (art. 3) qu'en cas de saisie d'un navire en vertu d'un mandat décerné par la Haute Cour d'Ami- rauté, ou en cas de consignation du produit de la vente du navire, auquel cas le produit de la vente serait inscrit dans le registre de la Cour, celle-ci aurait pleine compétence pour entendre et trancher toutes les demandes ou actions intentées par toute personne à l'égard d'une hypothèque grevant un tel navire. Cette compétence avait pour but de permettre à la Cour, dans les cas mentionnés, de connaître des actions intentées par les créanciers hypothécaires en exécution de leur créance hypothécaire et en vue de protéger leurs biens. Vu l'insuffisance de cette voie de recours, l'Admiralty Court Act, 1861, a prévu, par son article 11, que la Cour d'Ami- rauté aurait compétence sur toutes les hypothèques dûment inscrites conformément aux dispositions de la Merchant Shipping Act, 1854 (refondue en 1894), que le navire ou le produit de sa vente eût été saisi ou non en vertu d'un mandat de cette juridiction. L'application de ces articles semblait se limiter aux actions intentées par les créanciers hypothécaires. C'est en invoquant la compétence prévue par la dernière Loi en date que les appelants ont fait valoir leurs prétentions en l'espèce.
En ce qui concerne la construction navale, l'article 4 de la dernière Loi citée ci-dessus conférait à la Cour d'Amirauté compétence pour connaître de toute demande relative à la construction, à l'armement ou au radoub d'un navire pourvu qu'au moment de l'introduction de l'action, le navire ou le produit de sa vente eût été saisi par la Cour.
cette dernière au contrat de construction navale visé dans la déclaration, et de juger que les dépens de la procédure fondée sur la Règle 474 devant la Division de première instance suivront l'issue de la cause.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
*
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
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