T-358-75, A-27-77
Manitoba Fisheries Limited (Requérante)
(Demanderesse- Appelante)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse-Intimée)
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Winnipeg, le 7 mars et le 2 juin 1979.
Pratique — Taxation de frais — Demande de majoration
des frais taxés selon le tarif B et demande d'ordonnance
prorogeant le délai d'introduction de la requête — La requé-
rante soutient que la majoration est justifiée par (1) la nou-
veauté de la réclamation en droit anglo-canadien, (2) l'aspect
cause-précédent de l'affaire, (3) la complexité des questions de
droit et de fait en l'espèce et (4) l'importance de la somme en
cause — Règles de la Cour fédérale 337(5), 344(7), 346, tarif
B.
La Cour suprême du Canada ayant réformé le jugement
rendu en l'espèce par la Division de première instance et
confirmé par la Cour d'appel, la demanderesse-appelante con-
clut à une ordonnance portant majoration des frais taxés selon
le tarif B à la fois devant la Division de première instance et
devant la Cour d'appel, et à une ordonnance portant proroga-
tion du délai d'introduction de la requête. La requérante fait
valoir quatre arguments à l'appui de sa demande d'honoraires
supérieurs aux honoraires prévus au tarif B: (1) la nouveauté de
la réclamation en droit anglo-canadien, (2) l'aspect cause-pré-
cédent de l'affaire, (3) la complexité des questions de droit et
de fait en l'espèce et (4) le montant élevé des dommages-inté-
rêts réclamés.
Arrêt: la requête est accueillie. Il y a lieu de proroger en
l'espèce le délai de dépôt de la requête. Les questions litigieuses
étaient complexes et certaines d'entre elles ne faisaient l'objet
d'aucune jurisprudence; la procédure a traîné en longueur;
l'intimée n'a pas prétendu qu'elle avait souffert ou souffrirait
d'aucun préjudice du fait du retard. La règle voulant qu'une
demande de majoration des frais soit faite alors que le litige est
suffisamment présent à l'esprit de la Cour constitue une direc
tive de caractère général, mais elle ne doit pas être appliquée de
façon à nier à la requérante le droit d'introduire la présente
requête puisque cela reviendrait à lui infliger une pénalité pour
un retard inévitable. La requérante a droit à la taxation de frais
plus élevés que ceux prévus en classe III du tarif B, attendu
qu'il s'agit en l'espèce d'une cause-précédent et étant donné
l'accroissement des responsabilités et du travail qui s'ensuit.
L'engagement de deux avocats supplémentaires pour s'occuper
des sept autres compagnies n'est pas un luxe, mais une mesure
prudente et justifiée par la nécessité d'une coopération parfaite
entre la requérante et les autres compagnies. La Cour ne
dispose cependant pas de données suffisantes pour conclure que
cet élément est suffisamment important pour justifier une
majoration des frais entre parties. La Cour ne peut accueillir
l'argument de l'avocat sur la nouveauté de la cause et voulant
que l'expression «valeur du reliquat» évoque la dépréciation des
embarcations et engins de pêche de la requérante, lesquels ne
pouvaient être vendus faute de marché. L'arrêt Smerchanski
exclut les autres motifs invoqués pour justifier une majoration
des frais.
Arrêts examinés: Alladin Industries Inc. c. Canadian
Thermos Products Ltd. [1973] C.F. 942; Smerchanski c.
Le ministre du Revenu national [1979] 1 C.F. 801; Hills-
dale Golf & Country Club Inc. c. La Reine [1979] 1 C.F.
809.
REQUÊTE.
AVOCATS:
K. M. Arenson pour la requérante (demande-
resse-appelante).
L. P. Chambers pour l'intimée (défenderesse-
intimée).
PROCUREURS:
Arenson & Allen, Winnipeg, pour la requé-
rante (demanderesse-appelante).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse-intimée).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: La Cour suprême
du Canada [[1979] 1 R.C.S. 101] ayant réformé le
jugement rendu en l'espèce par la Division de
première instance [[1977] 2 C.F. 457], tel qu'il
était confirmé par la Cour d'appel fédérale
[[1978] 1 C.F. 485], la demanderesse-appelante a
introduit cette demande en vue d'une ordonnance
portant majoration des frais taxés selon le tarif B à
la fois devant la Division de première instance et
devant la Cour d'appel, et d'une ordonnance por-
tant prorogation du délai d'introduction de cette
demande. J'ai entendu la requête le 7 mars 1979.
Je me prononce tout d'abord sur la demande de
prorogation du délai d'introduction de la requête.
La Cour suprême a rendu son arrêt le 3 octobre
1978. Jusqu'à cette date, la requérante (demande-
resse-appelante) n'avait contre l'intimée (défende-
resse-intimée) aucun droit relatif aux dépens ou à
la taxation des dépens. La présente requête dépo-
sée le 21 février 1979, longtemps après l'expiration
du délai de 10 jours que prévoit la Règle 337(5)
pour demander à la Cour un nouvel examen des
termes du prononcé, mais cette règle permet le
dépôt de l'avis «dans tel délai prolongé que la Cour
pourra accorder». Par ailleurs, la Règle 344(7)
prévoit que «dans le délai accordé par la Règle
337(5) pour requérir la Cour d'examiner de nou-
veau le prononcé du jugement», une partie peut
«requérir la Cour de donner, au sujet des dépens,
des directives spéciales aux termes de la présente
règle, y compris une directive visée au tarif B, . et
de statuer sur tout point relatif à l'application de
tout ou partie des dispositions de la Règle 346».
Aux termes de l'article 3 du tarif B,
3. I1 ne doit pas être accordé, par taxation, entre parties,
d'autres sommes que celles indiquées ci-dessus [à l'article 2];
toutefois, tout ou partie des sommes indiquées ci-dessus peuvent
être augmentées ou diminuées sur instructions données par la
Cour dans le jugement relatif aux dépens ou en vertu de la
Règle 344(7).
A mon avis, la présente requête est recevable en
vertu des Règles 337(5), 344(7) et de l'article 3 du
tarif B, sous réserve de la décision de la Cour
concernant le délai. En l'espèce, il y a lieu de
proroger le délai de dépôt de la requête à la date
où elle est entendue, soit le 7 mars 1979, attendu
que l'action principale a traîné en longueur devant
trois juridictions, que le jugement rejetant l'action
a été rendu le 22 décembre 1976 par le juge
Collier de la Division de première instance, que ce
jugement et l'arrêt dans le même sens de la Cour
d'appel n'ont été infirmés par la Cour suprême que
plus de 21 mois plus tard, que les questions liti-
gieuses étaient complexes, que l'une ou plusieurs
d'entre elles n'avaient fait l'objet d'aucune juris
prudence, que l'intimée n'a prétendu qu'elle avait
souffert ou souffrirait aucun préjudice du fait du
retard. En conséquence, j'ordonne la prorogation
du délai.
L'avocat de la requérante a déposé deux affida
vits signés par Marcia Elizabeth Matwick, secré-
taire juridique. Le premier de ces affidavits traite
des dépens pour services juridiques encourus par la
requérante en Division de première instance, y
compris les dépens afférents à l'instruction et au
prononcé du jugement, et pour examen au fond de
la possibilité d'interjeter appel contre le jugement
de la Division de première instance. Le second
affidavit traite des dépens pour services juridiques
encourus par la requérante devant la Cour d'appel
fédérale. A chacun des affidavits est annexé un
projet de mémoire des frais engagés ou plutôt des
frais relatifs aux procédures instituées devant
chacun des tribunaux. Ces projets ont été rédigés
en termes généraux et donnent le total du temps
consacré à l'exécution des services afférents à
chaque étape de la procédure. On n'y trouve aucun
montant pour chacun des services rendus, ni
aucune référence à des débours, sauf dans la
mesure où l'on peut supposer qu'il y a eu certains
débours en raison des références, dans chaque
mémoire de frais, à la participation d'autres avo-
cats à ces procédures. Il appert qu'après la déter-
mination des honoraires des procureurs et des avo-
cats, tout autre problème relatif aux débours sera
résolu par le taxateur ou par accord.
Le mémoire de frais relatifs aux procédures
instituées devant la Division de première instance
contient un poste pour la rédaction, par un seul
avocat, de la déclaration, plusieurs postes pour les
consultations avec d'autres avocats et des postes
spécifiques pour les honoraires de deux autres
avocats qui ont participé à la conférence préalable
à l'instruction, d'une durée d'une demi-journée, et
à l'instruction même qui, elle, a duré 3 jours. Le
poste relatif à l'interrogatoire préalable, qui a duré
une journée, n'indique pas que d'autres avocats
étaient présents. Le mémoire des frais encourus
devant la Cour d'appel révèle que d'autres avocats
ont participé à toutes les procédures en appel et
contient un poste spécifique afférent à la présence
des deuxième et troisième avocats à l'audition de
l'appel, qui a duré deux jours. D'après la plaidoirie
de l'avocat de la requérante, il appert que deux
autres avocats ont participé à différentes étapes de
la procédure devant les deux cours, et qu'il aura à
régler avec eux le quantum de leurs parts respecti-
ves du montant total des honoraires qui lui seront
versés, soit indirectement par la Couronne par
suite de la taxation de ses mémoires de frais, soit
autrement par sa cliente.
L'avocat de la requérante a proposé à la Cour
d'allouer un montant forfaitaire pour les services
juridiques rendus devant les deux cours. On peut
ainsi résumer sa proposition. L'action intentée par
sa cliente est devenue une cause-précédent dont
l'issue influe directement sur les droits de sept
autres compagnies de pêche qui sont dans une
situation semblable. En supposant que tous les
postes du mémoire de frais soient taxables, l'avocat
a calculé que selon la classe III du tarif B, le
montant total taxable, en ce qui a trait à sa cliente,
est de $1,900 pour les procédures instituées devant
la Division de première instance et de $1,750 pour
celles instituées devant la Cour d'appel, soit un
montant total taxable de $3,650. Si les huit com-
pagnies avaient intenté des actions individuelles,
au lieu de procéder par voie de cause-précédent, il
y aurait eu huit instructions et huit appels, de sorte
que les frais totaux taxables auraient pu être huit
fois plus élevés, c.-à-d. de l'ordre de $29,200.
D'après les deux mémoires de frais, les procureurs
et les avocats ont consacré un total de 497 1 / 2 heures
de travail, soit cinq heures pour chaque journée
entière passée à la Cour, en conférences préalables
à l'instruction et en interrogatoires préalables, d'où
des honoraires moyens légèrement supérieurs à
$58 l'heure.
Sur cette base, l'avocat de la requérante soutient
que les $29,200 constituent le montant total qui
devrait être alloué pour les services juridiques
rendus, ce total comprenant naturellement la part
d'honoraires revenant aux deux autres avocats qui
ont participé, avec lui, aux procédures instituées
devant les deux cours.
Cette thèse est ingénieuse, mais pas très réaliste.
Tout d'abord, l'avocat de l'intimée s'est opposé à
l'allocation d'un montant forfaitaire calculé de
cette manière. Or, lorsqu'un jugement alloue sim-
plement les dépens, à être taxés de la façon habi-
tuelle, le consentement et de l'intimée et de la
Cour est nécessaire pour l'allocation d'un montant
forfaitaire au titre de ces dépens. Je suis d'accord
avec au moins une des objections soulevées par
l'avocat de l'intimée, à savoir que si l'action de la
requérante n'avait pas été considérée comme inten-
tée à titre de cause-précédent, l'on n'aurait alors
procédé avec aucune des sept autres actions. En
effet, celles-ci auraient sans doute été suspendues à
l'une quelconque des premières étapes, en atten
dant le résultat de l'action de la requérante. Autre-
ment, des frais considérables auraient été inutile-
ment engagés et le temps de la Cour gaspillé. En
outre, il n'y a aucune logique à fixer les honoraires
des procureurs et des avocats pour une cause-pré-
cédent en se fondant sur les honoraires prévus au
tarif B multipliés par le nombre d'actions auxquel-
les la décision rendue dans la cause-précédent
serait applicable. Sur cette base, les honoraires
seraient le double de ceux du tarif B si la décision
ne s'applique qu'à un seul autre cas, et de vingt et
une fois ceux du tarif B s'il y a vingt autres cas.
Voilà un résultat absurde car, dans ces deux hypo-
thèses, il n'y a pratiquement aucune différence au
chapitre de la responsabilité, de l'effort, du travail
et du temps utilisé. La demande visant l'allocation
d'un montant forfaitaire au titre des dépens est
rejetée.
Dans son jugement, la Cour suprême a simple-
ment statué, au sujet des dépens, que «L'appelante
a droit à ses dépens dans toutes les cours.» Puis-
qu'on n'y fait aucune mention des frais entre
avocat et client, nous examinerons ici la question
des dépens entre parties; par conséquent, le «mon-
tant forfaitaire» soumis par l'avocat de la requé-
rante représente ce qu'il croit être la partie des
frais encourus par la requérante devant la Division
de première instance et devant la Cour d'appel que
la Cour pourrait juger pertinent d'ordonner à l'in-
timée de verser.
A l'appui de sa demande d'honoraires dépassant
ceux prévus au tarif B, l'avocat de la requérante a
fait valoir les quatre points suivants:
[TRADUCTION] 1. La nouveauté de la réclamation en droit
anglo-canadien. Aux dires de l'avocat, c'est bien la première
fois que le concept de dépréciation est jugé applicable aux biens
meubles, p. ex. aux barques, aux couteaux, aux filets, et non
exclusivement aux immeubles. En outre, selon la Cour suprême,
lorsqu'une loi ne prévoit pas expressément que des personnes ou
sociétés commerciales peuvent être dépossédées de leurs biens
ou entreprises au profit de la Couronne ou d'un de ses organis-
mes mais qu'elle prévoit par contre que les personnes, ayant
antérieurement vendu certaines marchandises, en l'occurrence
du poisson, à des compagnies du secteur privé, ne peuvent
dorénavant plus le faire étant maintenant tenues de vendre leur
poisson à l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce
(une société de la Couronne établie en vertu de la loi), il y a
alors «dépossession» effective des biens, de l'entreprise et de
l'achalandage de ces compagnies puisque ces dernières, pour
qui l'achat, la transformation et la vente du poisson constituent
leur seule raison d'être, ne peuvent plus désormais, en vertu de
la loi, acheter de quiconque du poisson.
2. L'aspect cause-précédent de la présente espèce. Sept autres
compagnies étaient dans la même situation que la requérante
(demanderesse-appelante) et elles ont toutes intenté des actions
semblables. Puisque la décision rendue dans l'action intentée
par la requérante (demanderesse), a aussi pour effet de déter-
miner indirectement les droits de ces compagnies, l'avocat
allègue qu'il a dû rester en contact étroit avec les avocats de ces
dernières à toutes les étapes de procédure. Cela suffit à justifier
l'engagement de deux avocats supplémentaires et ce, même si
leur rôle ne s'était limité qu'à s'assurer que les droits de ces
compagnies étaient pleinement protégés en sollicitant et en
prenant en considération l'avis de leurs conseillers juridiques.
3. La complexité des questions de droit et de fait en l'espèce.
Pour exemplifier cette complexité, l'avocat a mentionné les faits
et les points de droit à considérer au regard de la question
fondamentale de la prise de possession de l'achalandage sur
laquelle, en dernière analyse, la Cour suprême s'est dit en
désaccord avec les tribunaux d'instance inférieure. A cet égard,
il fait état de longues négociations entre les parties visant à
s'assurer, entre autres, que l'énoncé des faits, sur lequel elles
désiraient en arriver à un accord, et elles y sont effectivement
parvenues, contienne tous les faits pertinents pour la détermina-
tion de toute question relative à l'achalandage.
4. Le montant élevé des dommages-intérêts réclamés. Dans sa
déclaration, la demanderesse a calculé le montant de sa récla-
mation d'après la valeur de son entreprise en activité, y compris
celle des biens rendus sans valeur par la prise de possession, soit
un montant global de $450,000 plus les intérêts calculés à
partir de la date de l'entrée en vigueur de la Loi sur la
commercialisation du poisson d'eau douce, en 1969, jusqu'à la
date de l'introduction de l'action en 1975. Avec les intérêts
calculés jusqu'à cette dernière date, la réclamation se chiffre à
plus d'un demi-million de dollars. Pour leur part, les autres
compagnies ont réclamé diverses sommes, certaines étant plus
importantes, d'autres moindres que celle réclamée par la requé-
rante. Au total, les réclamations se chiffrent à plusieurs mil
lions de dollars.
En ce qui concerne ce quatrième point sur lequel
on se fonde en l'espèce pour réclamer des honorai-
res supérieurs à ceux prévus au tarif B, il me suffit
de dire que le montant en jeu ne justifie pas
l'augmentation des honoraires au-delà de ce qui est
habituellement alloué. C'est là un point bien établi
en droit.
L'avocat de l'intimée (défenderesse-intimée)
s'est référé, au début de sa plaidoirie, à la Règle
346 de la Cour, dont voici l'extrait pertinent:
Règle 346. (1) Tous les frais entre parties doivent être détermi-
nés aux termes ou en application du jugement et des instruc
tions de la Cour et, sous réserve de ces derniers, le tarif B
figurant à l'annexe A des présentes Règles, ainsi que la pré-
sente Règle, sont applicables à la taxation des frais entre
parties.
(2) Les frais doivent être taxés par
a) un protonotaire, chaque protonotaire étant un officier
taxateur, ou
b) un officier du greffe désigné par ordonnance de la Cour à
titre d'officier taxateur,
sous réserve d'être révisés par la Cour sur demande d'une partie
insatisfaite de cette taxation.
L'avocat soutient qu'en vertu de cette règle, les
frais encourus en l'espèce devant les deux instances
de la Cour fédérale, doivent être taxés d'après le
tarif B, sous réserve de toute majoration par la
Cour, et que, d'après la théorie générale du droit,
les circonstances de l'espèce ne sont pas de nature
à justifier l'allocation de frais plus élevés que ceux
prévus au tarif B. Il a cité, à l'appui de cette
allégation, les arrêts suivants:
1. Aladdin Industries Incorporated c. Canadian
Thermos Products Limited [1973] C.F. 942. Le
juge Kerr y a examiné une demande de révision
des frais de la défenderesse victorieuse tels qu'ils
avaient été taxés par le protonotaire en vertu du
tarif B. Ces frais avaient été engagés par suite
d'une action, extrêmement compliquée et qui a
traîné en longueur, intentée par la demanderesse
en vue d'obtenir la radiation de la marque de
commerce de la défenderesse. Le juge Kerr avait
entendu l'affaire et rejeté la demande en radiation:
il était donc bien au courant de tous les faits
pertinents à la taxation. Ma situation n'est pas la
même ici car, relativement à la présente affaire, je
n'ai instruit qu'une procédure initiale, à savoir une
demande faite par la défenderesse pour obtenir
radiation de la déclaration de la demanderesse.
Dans l'arrêt précité, le mémoire de frais, tel que
dressé, se chiffrait à $78,711.08 et avait été taxé à
$9,386.93, lequel montant a été alloué. Le juge
Kerr s'est ainsi prononcé, à la page 945, sur la
demande de révision:
Je suis convaincu que certains montants du tarif B ne peuvent
pas, dans les circonstances de cette affaire, rendre justice côté
coût à la Thermos, compte tenu en particulier de l'énorme
travail fait en préparation du procès; j'ai aussi à l'esprit la
déclaration du maître des rôles Collins dans l'arrêt Re Coles
and Ravenshear [1907] 1 K.B. 1 à la page 4:
[TRADUCTION] Tout en étant d'avis qu'un tribunal ne peut
mener ses affaires sans un code de procédure, il me semble
que les règles de pratique doivent plutôt être au service de la
justice que la dominer et que des règles qui, après tout, ne
sont que des règles générales de procédure, ne doivent pas
lier le tribunal avec une rigueur telle qu'il doive commettre
une injustice dans une affaire donnée.
S'autorisant de cette citation, le juge Kerr a
majoré, pour certains postes du mémoire de frais,
les montants alloués lors de la taxation. Cette
majoration se justifiait presque entièrement par
l'énorme quantité de travail accompli antérieure-
ment aux procédures suivantes et lors de leur
préparation: (1) l'interrogatoire préalable, (2) le
contre-interrogatoire de plusieurs personnes au
sujet de leurs affidavits et (3) l'instruction de la
demande de radiation. Toutefois, relativement à
cette majoration, aucun montant supérieur à ceux
figurant à la classe III du tarif B n'a été alloué
pour la participation au contre-interrogatoire por-
tant sur les affidavits ou à l'instruction de la
requête en radiation qui a duré 18 jours. En outre,
aucun montant supérieur à ceux prévus au tarif B
n'a été alloué pour la rédaction du mémoire de
frais et sa taxation. Le savant juge a également
alloué des débours de l'ordre de $3,170.25 que le
protonotaire avait considérés comme non taxables.
C'est ainsi que les dépens taxés ont été portés de
$9,386.93 à $18,732.18.
Dans Aladdin c. Thermos, seule la complexité
des faits a incité le juge Kerr à majorer certains
postes du mémoire de frais. L'avocat de la défen-
deresse allègue qu'aucune complexité de ce genre
n'existe en l'espèce. Je suis d'accord qu'en regard
de l'affaire Aladdin c. Thermos, le présent litige
est moins complexe mais il n'en demeure pas
moins compliqué. En effet, il appert du mémoire
de frais que, sans compter la conférence préalable
à l'instruction, l'interrogatoire préalable et l'ins-
truction elle-même, lesquels ont duré en tout 4
jours et demi, les procureurs et avocats ont passé
environ 390 heures à préparer et à présenter l'af-
faire devant la Division de première instance.
Notamment, en décembre 1974 et janvier 1975,
163 heures ont été consacrées à la recherche des
faits et du droit. Un total de 93 heures ont été
consacrées à l'élaboration d'un énoncé conjoint des
faits et de deux énoncés supplémentaires admet-
tant d'autres faits, travaux qui ont nécessité de
longues négociations avec l'avocat de la Couronne
et qui se sont échelonnés sur cinq ou six mois en
1975 et sur les mois de janvier à mars 1976. Un
total de 256 heures ont donc été consacrées aux
travaux susmentionnés. Lorsqu'on y ajoute 65
heures pour les autres postes du mémoire de frais
(sans compter une demi-journée pour participer à
une conférence préalable à l'instruction), on arrive
au nombre total d'heures consacrées à l'exécution
des services visés à l'article 2(1)a) du tarif B où
l'on prévoit, pour une action en classe III telle que
celle-ci, des honoraires de $100. Si l'on considère
comme raisonnablement justifiable le temps total
consacré à l'exécution de ces services, soit 321
heures (256 heures plus 65 heures), ce nombre
impressionnant d'heures démontre nettement que
la présente affaire est inhabituellement compli-
quée.
Le mémoire de frais pour l'appel devant la Cour
d'appel fédérale montre que les services des procu-
reurs et avocats exécutés avant et après l'audition
de l'appel ont nécessité 75 heures de travail et
qu'en outre, l'audition elle-même a duré deux
jours. Encore une fois, ce temps, s'il peut être
raisonnablement justifié, est certes un bon indice
de la complexité et de la difficulté d'au moins
certaines des questions de droit soulevées.
2. Smerchanski c. M.R.N. [1979] 1 C.F. 801. Cet
arrêt traite d'une requête relative aux frais entre
les parties, instruite par le juge en chef Jackett
siégeant seul en Cour d'appel fédérale. Se référant
aux instructions de la Cour portant majoration des
honoraires des procureurs et des avocats, le juge en
chef s'est prononcé aux pages 805 et 806:
De telles instructions doivent s'appuyer sur des motifs perti-
nents et ne pas être arbitraires. On a seulement démontré en
l'espèce que l'intimé avait reçu un compte de frais extrajudi-
ciaires très élevé dans le cadre du présent appel. Ce fait aurait
été pertinent si les frais avaient été adjugés sur la base procu-
reur-client; il ne l'est généralement pas quand il s'agit de fixer
les frais entre parties. Rien n'indique que le déroulement de
l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre
parties. L'étude des Règles pertinentes ne révèle pas l'existence
de quelque principe régissant la fixation des frais habituels
entre parties. Toutefois, il semble clair, à mon sens, que les frais
entre parties ne visent pas à indemniser intégralement la partie
qui a gain de cause de ses frais extrajudiciaires.
Et, de nouveau, à la page 806:
L'avocat de l'intimé a fait référence à quatre ou cinq déci-
sions de la Division de première instance dans lesquelles le
montant des dépens prévu au tarif B a apparemment été
augmenté [TRADUCTION] «en raison surtout de l'importance du
travail de préparation ...b. J'hésite à admettre que le travail de
préparation à lui seul, ou doublé d'autres facteurs comme la
difficulté ou l'importance d'une affaire, justifie l'exercice du
pouvoir discrétionnaire du juge d'augmenter le montant des
frais prévus au tarif B. Il est certain, selon moi, que ces frais
sont si peu élevés par rapport aux sommes en litige dans la
plupart des cas qu'ils ne dédommagent pas intégralement la
partie qui a gain de cause des frais qu'elle a engagés dans le
litige. (De fait, en l'espèce, on demande une augmentation qui
n'indemniserait que très partiellement la partie qui a eu gain de
cause de ses frais extrajudiciaires.) Si, ainsi que je le pense, les
dépens entre parties en Cour fédérale ne sont pas destinés à
indemniser intégralement la partie à laquelle ils seront versés,
ils sont censés se limiter aux sommes tout à fait arbitraires
prévues par les règles, sous réserve des modifications autorisées
se fondant sur des facteurs relatifs au déroulement de la
procédure dont il s'agit. A mon avis, le vague principe proposé
par l'avocat de l'intimé obligerait très souvent la Cour à évaluer
des facteurs impondérables ou impossibles à définir pour adju-
ger une partie indéterminée des frais extrajudiciaires. A mon
sens, cette façon de justifier l'exercice du pouvoir discrétion-
naire prévu par le tarif B n'est pas acceptable; elle aurait
d'ailleurs pour effet de compliquer notre pratique sans raison.
La décision rendue dans l'affaire Smerchanski,
de laquelle sont tirés les précédents extraits, met
en doute la valeur de certaines décisions judiciaires
antérieures, y compris celle de Thermos, portant
sur la question de la majoration des frais entre
parties.
3. Hillsdale Golf & Country Club Inc. c. La
Reine [1979] 1 C.F. 809, décision rendue par le
juge Walsh le 22 décembre 1978. On y traite d'une
requête aux fins d'obtenir des instructions relatives
aux frais ou une ordonnance prescrivant le paie-
ment d'une somme forfaitaire tenant lieu de frais.
Le juge Walsh a examiné la jurisprudence traitant,
d'une part, de la procédure applicable aux récla-
mations de frais entre parties dépassant ceux
prévus au tarif B et, d'autre part, du montant à
allouer. Il a spécialement étudié le jugement pro-
noncé par le juge en chef Jackett dans Smer-
chanski (précité). A son avis, ce jugement, de
même que celui prononcé par la Cour d'appel
fédérale dans Crabbe c. Le ministre des Trans
ports [1973] C.F. 1091, doivent être considérés
comme déterminants en matière de procédure et
de quantum. Je souscris à cet avis. Le juge Walsh
brosse ensuite un tableau, en huit paragraphes
numérotés, de ce qu'il considère être l'état du droit
après le jugement Smerchanski. Quelques-uns de
ces paragraphes sont directement applicables en
l'espèce.
Voici le paragraphe 1:
1. Si la Cour en rendant jugement se contente d'accorder la
taxation des dépens, elle ne peut subséquemment leur substituer
une somme globale à moins que ce soit par le biais d'une
réévaluation du jugement pour un motif ressortissant à l'une ou
l'autre catégorie des cas des paragraphes (5) ou (6) de la Règle
337.
La présente demande n'exige pas que l'on pro-
cède à une réévaluation du jugement pour un motif
ressortissant à l'un ou l'autre des cas prévus à la
Règle 337(5) ou (6). Elle requiert simplement une
ordonnance portant majoration des frais prévus au
tarif B.
Voici le paragraphe 2:
2. Parlant de la taxation subséquente des dépens en vertu de
l'article 3 du tarif B et des Règles 344(7) et 350(3), le juge en
chef Jackett, à la page 803, écrit:
La nature de l'ordonnance qu'on peut demander sans le
consentement de la partie adverse et de la Cour ne saurait
changer pour autant et on ne peut pas dire que la partie
adverse ait donné son assentiment pendant l'audition de la
présente requête.
On ne demande en l'espèce aucune modification
à la nature de l'ordonnance visée dans l'avis de
requête. Toutefois, la proposition faite par l'avocat
à la Cour, selon laquelle cette dernière devrait
ordonner le paiement d'une somme forfaitaire
tenant lieu de frais, est contraire à l'esprit des deux
paragraphes précités.
Le paragraphe 3 n'est pas applicable à la pré-
sente demande.
Voici le paragraphe 4:
4. Toute directive judiciaire spéciale modifiant le montant
prévu par l'article 3 du tarif B doit être obtenue avant que ne
soit engagée la procédure de taxation de façon qu'elle puisse
être produite à l'appui des sommes réclamées dans le mémoire
de frais au moment de la taxation.
C'est exactement la voie suivie par la requérante
en l'espèce, sauf que les deux mémoires de frais ne
sont pas complets. Pour chaque poste, ils relatent,
en termes généraux, le travail accompli et le temps
consacré. On peut aisément faire correspondre
chacun de ces postes à ceux du tarif B. Mais ces
mémoires ne sont pas complets en ce qu'il n'y
figure aucun montant à aucun des postes. Sur les
honoraires réclamés par la requérante, la Cour n'a
d'autres indications que la déclaration de son
avocat selon laquelle une somme forfaitaire égale à
huit fois les honoraires prévus en classe III du tarif
B lui conviendrait, cette somme comprenant les
honoraires à verser aux deux autres avocats enga-
gés et avec lesquels l'avocat initial aurait à négo-
cier un accord à ce sujet.
Voici le paragraphe 5:
5. La lecture des Règles 344(7) et 337(5) montre qu'une
demande de directive pour hausser les frais doit être faite alors
que le litige est suffisamment présent à l'esprit de la Cour de
sorte qu'elle soit à même d'apprécier si oui ou non en l'espèce
particulière étaient présentes des circonstances justifiant de
s'écarter du tarif normal.
Je partage l'avis selon lequel ce paragraphe
devrait être appliqué dans la plupart des cas, mais
je ne crois pas qu'il puisse l'être en l'espèce car la
requérante n'avait droit à aucun dépens contre
l'intimée jusqu'au prononcé du jugement par la
Cour suprême, c.-à-d. plus de 21 mois après le
jugement de la Division de première instance et
plus de 14 mois après le jugement de la Cour
d'appel. Il n'était donc pas possible pour la requé-
rante de demander une majoration des frais alors
que le litige était suffisamment présent à l'esprit
de la Cour. A mon avis, bien que la règle énoncée
dans ce paragraphe constitue une directive de
caractère général, elle ne doit pas être appliquée de
façon à nier à la requérante le droit d'introduire la
présente requête puisque cela reviendrait à lui
infliger une pénalité pour un retard inévitable.
Le paragraphe 6 n'est formé que de citations
empruntées au jugement du juge en chef Jackett
dans l'affaire Smerchanski, citations qui ont été
toutes reproduites plus haut.
Les paragraphes 7 et 8 ne sont pas pertinents à
la présente demande.
L'avocat de l'intimée conteste la proposition
voulant que les honoraires taxables de l'avocat de
la requérante doivent être suffisamment élevés
pour inclure ceux des deux avocats supplémentai-
res. A cet égard, il se reporte à une décision
anglaise, Re Adelphi Hotel (Brighton) Ltd. [1953]
2 All E.R. 498, où le juge Vaisey, siégeant en
Chancery Division, cite avec approbation l'énoncé
suivant de Sir Richard Malins, V.C. (tiré de l'arrêt
Smith c. Butler (1875) L.R. 19 Eq. 473):
[TRADUCTION] ... les frais taxables entre les parties ne doivent
comprendre que les frais que la partie adverse a été dans
l'obligation d'encourir en vue de la poursuite de l'instruction, et
rien de plus. Tous frais engagés simplement pour se faciliter la
tâche sont considérés comme du luxe, et c'est à la partie qui en
a fait le débours qu'il appartient de les supporter.
L'avocat soutient que dans l'action intentée par
la présente demanderesse contre la Reine, un seul
avocat suffisait, de sorte que la présence de deux
avocats supplémentaires constituait un luxe dont
l'intimée ne peut être appelée à supporter le coût.
Je ne comprends pas très bien le sens de la
décision rendue dans l'affaire Adelphi Hotel. A
mon avis, cette décision décrit les frais taxables
admissibles en des termes plus restrictifs que dans
d'autres jugements, en tout cas plus restrictifs que
ceux employés par le juge en chef Jackett dans
Smerchanski. Même si les termes utilisés dans
Adelphi Hotel s'avèrent corrects, il ne faut pas
interpréter l'expression «obligation d'encourir», uti
lisée dans ce contexte, comme signifiant «obliga-
tion absolue d'encourir», mais plutôt «obligation
raisonnable d'encourir» en vue de la poursuite
normale de l'instruction.
A mes yeux, on ne peut, en l'espèce, considérer
comme un luxe l'engagement de deux avocats sup-
plémentaires. Il s'agit ici d'une cause-précédent et
la décision de la Cour déterminera les droits de
sept autres compagnies qui sont dans une situation
identique à celle de la requérante. Les deux avo-
cats supplémentaires ont aussi agi à titre de con-
seillers juridiques pour plusieurs de ces sept com-
pagnies. Pour l'avocat de la requérante, qui a
introduit cette action comme cause-précédent, il
importait de s'assurer que tous les faits, que lui-
même et les conseillers juridiques des autres com-
pagnies ont estimé pertinents aux questions en
litige, soient évalués, examinés et présentés de
façon complète et détaillée à la Cour, que ce soit
sous la forme d'un énoncé conjoint des faits ou par
la voie de preuves orales ou écrites à l'audience. De
même, l'avocat de la requérante devait être bien
renseigné sur tous les points de droit considérés
pertinents par les conseillers des autres compagnies
et ce, tant pour les étapes préalables à l'instruction
et pour l'instruction elle-même, que pour décider,
ultérieurement, de l'opportunité d'interjeter appel
devant la Cour d'appel et devant la Cour suprême
et d'aller de l'avant avec ces appels.
En l'espèce, chacune des huit compagnies a un
important montant d'argent en jeu. La requérante
(demanderesse) se devait de coopérer de la façon
la plus étroite avec les sept autres compagnies pour
s'assurer, dans toute la mesure du possible, que la
présente cause-précédent soit conduite de manière
efficace du début à la fin. C'était là le seul moyen
pour les sept autres compagnies de s'assurer que
leurs droits y seraient complètement protégés. Aux
différents stades de la procédure en Division de
première instance et en Cour d'appel, les conseil-
lers juridiques ont sans doute tenu de nombreuses
discussions et conférences. Le moyen le plus simple
et le plus efficace de garantir une parfaite coopéra-
tion était d'engager les conseillers juridiques des
autres compagnies comme avocats supplémentaires
pour les fins de la cause-précédent. A mon avis,
c'était là une mesure prudente et justifiée.
A mon avis, la requérante a droit à la taxation
de frais plus élevés que ceux prévus en classe III
du tarif B. Cette conclusion est fondée sur le fait
qu'il s'agit ici d'une cause-précédent et sur l'ac-
croissement des responsabilités et du travail qui en
a découlé. On n'a pas fourni à la Cour assez de
renseignements sur la nouveauté de la présente
réclamation en droit canadien pour me permettre
de conclure que cet aspect est suffisamment impor
tant pour justifier une majoration des frais entre
parties. Quant à l'allégation de l'avocat concernant
l'application, en l'espèce, du concept de «déprécia-
tion» aux meubles, je remarque qu'il n'est question
de «dépréciation» ni dans les motifs du jugement
du juge Collier, ni dans ceux de la Cour suprême.
Voici, en partie, le dispositif du jugement de la
Cour suprême, tel que rendu par le juge Ritchie [à
la page 118]:
Pour tous ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi,
d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel et d'ordonner l'inscription
d'un jugement déclarant que l'appelante a droit à une indem-
nité égale à la juste valeur marchande de son entreprise en
activité, au 1'r mai 1969, moins la valeur du reliquat de son
actif à cette date, ... .
Le «reliquat de l'actif» comprendrait tous les
biens immobiliers, s'il en est, ainsi que les biens
mobiliers, tels que les barques et les engins de
pêche, appartenant à l'appelante après le l er mai
1969. Il est fort possible, quoique non énoncé, que
l'expression «valeur du reliquat» fasse allusion à la
valeur dépréciée des barques et des engins de
pêche résultant de la prise de possession, à partir
du ler mai 1969, de l'entreprise de l'appelante
puisque plusieurs de ces barques et engins ne
pouvaient être vendus faute de marché. Mais une
telle considération est beaucoup trop lointaine
pour justifier l'acceptation de l'argument de l'avo-
cat fondé sur la nouveauté de la présente affaire.
A mon avis, la décision rendue par le juge en
chef Jackett dans l'affaire Smerchanski (précitée)
ne permet pas d'accepter les deux autres motifs
invoqués par l'avocat de la requérante pour justi-
fier une majoration des frais.
Tel qu'expliqué précédemment, les deux mémoi-
res de frais ne font état d'aucun montant afférent
aux divers services qui y sont énumérés. Il se peut
fort bien que l'allégation de l'avocat selon laquelle
l'octroi d'un montant forfaitaire égal à huit fois le
montant total autorisé pour les procédures en
classe III du tarif B est approprié en l'espèce, ce
montant forfaitaire comprenant les honoraires des
deux autres avocats avec lesquels l'avocat initial
aurait à s'entendre quant à la répartition, signifie
en fait que son mémoire de frais s'élève au mon-
tant égal à la multiplication par huit des sommes
autorisées en classe III du tarif B pour chacune
des procédures décrites dans les mémoires. Pour
les fins de la taxation, et pour donner au taxateur
des chiffres précis, j'accepte comme principe que
telle était effectivement l'intention de l'avocat,
sous réserve toutefois de modifications possibles si
ce dernier fournit, avant la taxation ou au moment
de celle-ci, de vrais chiffres pour chacun des
postes.
On a notifié à l'avocat qu'il doit, lors de la
taxation, détailler les postes de ses mémoires de
frais et donner plus de renseignements sur le con-
tenu de chaque poste et le temps requis pour
chaque opération en question.
J'ordonne que les deux mémoires de frais soient
taxés par un taxateur conformément aux directives
suivantes qui lui sont données pour lui permettre
de majorer les montants prévus en classe III du
tarif B, pour quelques-uns ou pour l'ensemble des
postes de ces mémoires.
Le taxateur doit prendre en considération le fait
qu'il s'agit en l'espèce d'une cause-précédent dont
la décision y relative sera déterminante quant aux
droits de sept autres compagnies qui sont toutes
dans une situation semblable à celle de l'appelante
et qui réclament, à l'instar de cette dernière, une
indemnité du fait qu'elles ont été dépossédées de
leurs entreprises par suite de l'entrée en vigueur de
la Loi sur la commercialisation du poisson d'eau
douce, S.R.C. 1970, c. F-13. Il doit déterminer
dans quelle mesure le fait qu'il s'agit ici d'une
cause-précédent a ajouté aux responsabilités et au
volume de travail de l'avocat de la requérante, en
particulier pour les consultations, les conférences
et les actes de procédure en vue de l'instruction et
de l'appel, la requérante ayant engagé deux avo-
cats supplémentaires qui agissaient également à
titre de conseillers juridiques pour plusieurs des
sept autres compagnies. Il doit estimer si le temps
compté pour chacun des travaux figurant sur le
mémoire est raisonnable, compte tenu du fait qu'il
s'agit en l'espèce d'une cause-précédent, et déter-
miner le montant raisonnable des honoraires en
l'espèce, compte tenu du surcroît de responsabilités
et du temps nécessaire. Comme j'ai conclu que la
requérante était fondée à engager deux autres
avocats de plus, le taxateur doit déterminer les
honoraires équitables à revenir à chacun d'eux,
lesquels honoraires doivent être inférieurs à ceux
de l'avocat engagé le premier. Dans tous ces cal-
culs, le taxateur ne doit pas oublier qu'il s'agit de
dépens entre parties et que ceux-ci ne signifient
pas le remboursement intégral de tous les frais
engagés aux fins de l'instruction, mais seulement
d'une fraction raisonnable de ces frais.
La requête pour une ordonnance portant majo-
ration des frais taxés selon le tarif B relativement
aux procédures instituées en Division de première
instance et en Cour d'appel, et pour une ordon-
nance portant la prorogation du délai d'introduc-
tion de cette demande, est accueillie.
Les frais subis par la requérante pour la pré-
sente requête peuvent être taxés au titre des
dépens.
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