T-3891-78
Norman Carleton MacLean (Demandeur)
c.
Le procureur général du Canada, le solliciteur
général du Canada et le commissaire des péniten-
ciers (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, le 25 mai et le 15 juin 1979.
Libération conditionnelle — Nouveau calcul de la peine
d'emprisonnement à la suite de la révocation de la libération
conditionnelle de jour — La libération conditionnelle de jour
avait été accordée avant, mais la révocation eut lieu après que
la loi eut été modifiée de façon à prévoir une nouvelle méthode
de calcul du temps à purger en cas de révocation de la
libération conditionnelle — Le nouveau calcul avait pour effet
d'allonger la peine d'emprisonnement du demandeur — Le
demandeur conclut à un jugement portant (1) que la Commis
sion nationale des libérations conditionnelles n'avait pas com-
pétence pour révoquer la libération conditionnelle et que la
révocation n'avait pas d'effet légal sur le calcul de sa peine
d'emprisonnement, (2) que le demandeur a droit à toute la
réduction statutaire de peine dont il bénéficiait à la veille de sa
libération conditionnelle de jour, (3) que le demandeur a le
droit de bénéficier des jours qu'il a passés en libération
conditionnelle de jour — Loi sur la libération conditionnelle
de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2, art. 20(2) modifié par la Loi
de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, c. 53, art. 31
— Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c. P-6, art. 22(1).
Après révocation par la Commission nationale des libérations
conditionnelles de sa libération conditionnelle de jour, la peine
d'emprisonnement du demandeur a été recalculée par applica
tion de l'article 20(2) nouveau de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, lequel prévoit que le temps passé en
libération conditionnelle de jour ne peut être porté au crédit du
détenu, ce qui a occasionné au demandeur une perte nette de
193 jours. Le demandeur conclut à un jugement portant (1)
qu'en révoquant sa libération conditionnelle de jour, la Com
mission nationale des libérations conditionnelles a outrepassé sa
compétence et que cette révocation n'a pas d'effet légal sur le
calcul de sa peine d'emprisonnement; (2) que le demandeur a
droit à toute la réduction statutaire de peine dont il bénéficiait
à la veille du jour où il a obtenu sa libération conditionnelle de
jour; et (3) que le demandeur a le droit de bénéficier des jours
qu'il a passés en libération conditionnelle de jour.
Arrêt: l'action est rejetée. La révocation de la libération
conditionnelle de jour du demandeur relève de la compétence
de la Commission nationale des libérations conditionnelles et
n'est donc pas nulle. Il a été jugé que les modifications du 15
octobre 1977 ont supprimé toute ambiguïté tout comme la
notion concomitante d'aintention contraire» établie par la juris
prudence antérieure. Le demandeur soutient en vain que la
modification de l'article 20 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus ne doit pas être interprétée comme portant
atteinte à la réduction de peine dont bénéficiait le demandeur le
jour où il a obtenu sa libération conditionnelle de jour, parce
qu'une telle interprétation donnerait à cet article un caractère
rétroactif et contraire à la présomption contre l'empiétement
sur les droits acquis, en l'absence d'une disposition indiquant
l'intention expresse du législateur en ce sens ou en l'absence
d'une conclusion clairement inéluctable sur cette intention. Il
ne s'agit pas ici de dispositions législatives rétroactives, mais de
dispositions ne prenant effet que pour l'avenir et applicables à
toutes les personnes libérées conditionnellement, que ce soit
avant ou après leur entrée en vigueur. En fait, le Parlement
établit ici une nouvelle méthode de calculer la peine qu'il reste
à purger à un détenu dont la libération conditionnelle a été
révoquée. Il y a un changement de règles au détriment de celui
qui a obtenu, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle méthode
de calcul, sa libération conditionnelle, laquelle a été révoquée
après cette date. L'article 20(2) s'applique au demandeur. Les
termes employés ne précisent pas la libération conditionnelle
visée; cet article ne fait aucune distinction entre la libération
conditionnelle de jour et la libération conditionnelle ordinaire.
Il a été jugé qu'une libération conditionnelle de jour pouvait
être révoquée. L'article 20(2) prévoit son application lorsque le
détenu a obtenu une libération conditionnelle avant son entrée
en vigueur. Enfin, il a été établi qu'un détenu dont la libération
conditionnelle a été révoquée après l'entrée en vigueur de
l'article 20(2) était assujetti à cet article.
Arrêts suivis: Zong c. Le commissaire des pénitenciers
[1976] 1 C.F. 657; Jackson c. La Reine [1979] 1 R.C.S.
712. Distinction faite avec les arrêts: R. c. Hales (1974) 18
C.C.C. (2e) 240; Ex parte Carlson (1975) 26 C.C.C.
(2e) 65.
ACTION.
AVOCATS:
A. S. Manson pour le demandeur.
A. S. Fradkin pour les défendeurs.
PROCUREURS
A. S. Manson, Kingston, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Le demandeur, un
détenu du pénitencier de Pittsburgh situé dans le
canton de Pittsburgh, comté de Frontenac, en la
province de l'Ontario, réclame dans sa déclaration
un jugement déclaratoire disposant:
[TRADUCTION] (1) a) que la Commission nationale des libé-
rations conditionnelles, en révoquant sa libération condi-
tionnelle de jour, le 4 novembre 1977, a outrepassé sa
compétence, et
b) que cette révocation n'a pas d'effet légal sur le calcul
de sa peine d'emprisonnement;
(2) que le demandeur a droit à toute la réduction statutaire de
peine dont il bénéficiait le 19 septembre 1977 (soit 865 jours),
date où il a obtenu la libération conditionnelle de jour; et
(3) que le demandeur a le droit de bénéficier des jours qu'il a
passés en libération conditionnelle, du 19 septembre 1977 au 15
octobre 1977.
Avant l'audience, les avocats des deux parties se
sont mis d'accord pour déposer un exposé conjoint
des faits.
Cet exposé emprunte la plupart des faits aux
déclarations écrites des parties et comporte certai-
nes adjonctions. En voici le libellé:
[TRADUCTION] EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS
Par l'entremise de leurs avocats, les parties reconnaissent que le
texte suivant est un exposé de tous les faits pertinents de la
présente action:
1. Le demandeur est un détenu du pénitencier de Pittsburgh.
Ce pénitencier dépend du Service canadien des pénitenciers et
est situé dans le canton de Pittsburgh, comté de Frontenac, en
la province de l'Ontario.
2. Le défendeur, le procureur général du Canada, est le repré-
sentant de la Couronne du chef du Canada responsable des
actions en jugement déclaratoire introduites en vertu de l'arti-
cle 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.),
chap. 10 contre ,,[un] office, [une] commission ou [tout] autre
tribunal fédéral», tels que définis dans l'article 2 de ladite Loi.
3. Le défendeur, le solliciteur général du Canada, est chargé en
vertu de la Loi sur le ministère du Solliciteur général, S.R.C.
1970, chap. S-12, de la gestion et de la direction du ministère
du Solliciteur général. Ses obligations, pouvoirs et fonctions
visent et comprennent toutes les questions qui sont du ressort
du Parlement du Canada et que les lois n'attribuent pas à
quelque autre ministère, département, direction ou organisme
du gouvernement du Canada, concernant les pénitenciers et les
libérations conditionnelles.
4. Le commissaire aux services correctionnels (qui s'appelait
auparavant le commissaire des pénitenciers) est nommé par le
gouverneur en conseil en vertu d'un pouvoir conféré par la Loi
sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6 et les modifications
y afférentes. Sous la direction du solliciteur général du Canada,
le commissaire est chargé de la surveillance et de la gestion du
Service canadien des pénitenciers et de tout ce qui s'y rattache.
5. Le demandeur a été condamné à une peine d'emprisonne-
ment de dix ans à compter du 27 septembre 1966 ou vers cette
date, après avoir été reconnu coupable d'une infraction de vol
qualifié dans la ville de Brantford (Ontario).
6. Du 27 septembre 1966 au 19 janvier 1972, le demandeur a
été incarcéré à plusieurs reprises aux pénitenciers de Kingston
et de Joyceville, situés tous deux dans la province de l'Ontario.
Pendant tout ce temps, il est resté sous garde étroite, à l'excep-
tion seulement de courtes périodes d'absence temporaire qui lui
ont été accordées occasionnellement.
7. Le 19 janvier 1972 ou vers cette date, la Commission
nationale des libérations conditionnelles a accordé au deman-
deur une libération conditionnelle, conformément aux disposi
tions que la Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
S.R.C. 1970, chap. P-6 [sic] contient à cet effet et aux modifi
cations y afférentes.
8. Le 12 avril 1973, le demandeur a été déclaré coupable d'une
infraction de vol dans la ville de Brantford, comté de Brant, et
condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans «consécu-
tive à la sentence qu'il est en train de purger».
9. Comme le requiert l'article 17 de la Loi sur les libérations
conditionnelles de détenus en vigueur à l'époque, la libération
conditionnelle du demandeur a été de ce fait frappée de
déchéance le 10 août 1972, date alléguée de la perpétration de
l'infraction.
10. Le 19 avril 1973, le demandeur a comparu devant la Cour
provinciale, Division criminelle, dans la municipalité de
Toronto métropolitain, comté de York, province de l'Ontario. Il
a été déclaré coupable de deux infractions pour lesquelles il a
été condamné respectivement à deux ans et six mois d'empri-
sonnement, à courir simultanément avec toutes les autres
sentences.
11. Le 18 mai 1976 ou vers cette date, la Commission natio-
nale des libérations conditionnelles a accordé au demandeur
une libération conditionnelle de jour, conformément aux dispo
sitions de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
S.R.C. 1970, chap. P-6 [sic] contient à cet égard et des
modifications y afférentes.
12. La libération conditionnelle de jour susmentionnée, qui a
été accordée au demandeur pour quatre mois, l'autorisait à
quitter 12 jours par mois l'établissement de Pittsburgh où il
était incarcéré, afin de prendre un emploi.
13. Le 18 septembre 1976, la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles lui a accordé une autre période de quatre
mois, qui l'autorisait à quitter 12 jours par mois ledit établisse-
ment de Pittsburgh pour continuer son travail.
14. Le 19 janvier 1977, la Commission nationale des libéra- -
tions conditionnelles lui a accordé une nouvelle période de
quatre mois de libération conditionnelle de jour, qui l'autorisait
à quitter l'établissement de Pittsburgh cinq jours par semaine,
de 6 h 00 23 h 00, afin de continuer son travail.
15. Le 19 mai 1977 et le 19 septembre 1977, la Commission
nationale des libérations conditionnelles a renouvelé cette
période de libération conditionnelle de jour, sous réserve des
mêmes conditions et restrictions.
16. Lorsque le 19 septembre 1977, le demandeur s'est vu
accorder une libération conditionnelle de jour, il avait à son
actif une réduction de peine statutaire de 865 jours.
17. Le 21 octobre 1977, une personne désignée par la Commis
sion nationale des libérations conditionnelles au titre de l'article
16 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et ainsi
autorisée à suspendre toute libération conditionnelle d'un
détenu, est réputée avoir suspendu la libération conditionnelle
de jour du demandeur.
18. Le demandeur n'a pas été déclaré coupable d'infractions
criminelles pendant la période passée en libération condition-
nelle de jour.
19. Par ordonnance du 4 novembre 1977, la Commission natio-
nale des libérations conditionnelles a révoqué la libération
conditionnelle de jour du demandeur.
20. A la suite de cette révocation, les agents du Service cana-
dien des pénitenciers ont recalculé sa peine d'emprisonnement
en application de l'article 20(2) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, adopté en vertu de l'article 31 de la
Loi de 1977 modifiant le droit pénal, Statuts du Canada
1976-77, chap. 53, qui est entré en vigueur le 15 octobre 1977.
21. L'application de l'article 20(2) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, telle que décrite dans le paragraphe
20 susmentionné, a eu pour résultat d'assujettir le demandeur à
une peine d'emprisonnement fixe de 1,817 jours à compter du 4
novembre 1977, date à laquelle sa libération conditionnelle de
jour a été réputée révoquée.
22. En application de l'article 22(1) de-la Loi sur les péniten-
ciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, le demandeur a bénéficié d'une
réduction de peine statutaire de 455 jours basée sur la nouvelle
peine d'emprisonnement de 1,817 jours.
23. A la suite du nouveau calcul de sa peine d'emprisonnement,
dont les paragraphes 20, 21 et 22 ci-dessus font état, le
demandeur en a appelé à la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles en vertu de l'article 20(3) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus édicté par l'article 31 de la
Loi de 1977 modifiant le droit pénal. En tout, 217 jours de la
réduction de peine statutaire frappée de déchéance ont été
réattribués à son actif.
24. La perte nette qu'a entraînée pour le demandeur l'applica-
tion de l'article 20(2) de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus au nouveau calcul de sa peine d'emprisonnement
effectué lors de la révocation réputée de sa libération condition-
nelle de jour, est de 193 jours. Cette perte représente la
différence entre la réduction de peine statutaire dont il bénéfi-
ciait le 19 septembre 1977 (soit 865 jours), et la somme de la
réduction de peine statutaire qui a résulté de sa nouvelle peine
d'emprisonnement consécutive à la révocation (soit 455 jours)
et le nouveau crédit de réduction de peine statutaire frappée de
déchéance (soit 217 jours) pour un total de 672 jours.
Le calcul de la perte nette du demandeur apparaît plus claire-
ment lorsqu'on le présente de la manière suivante:
Réduction de peine statutaire au
19 septembre 1977 865 jours
moins: Réduction de peine
statutaire, dont le
demandeur bénéficie
actuellement
(i) crédit sur la période de
révocation— 455 jours
(ii) nouveau crédit en
vertu de l'art. 20(3) de
la Loi sur la libération
conditionnelle de
détenus— 217 jours
672 jours 672 jours
PERTE NETTE 193 jours
25. En raison de l'application de l'art. 20(2) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus au calcul de la peine
d'emprisonnement, le demandeur n'a pas été crédité de 26
jours, période qu'il a passée en libération conditionnelle de jour,
du 19 septembre 1977 au 15 octobre 1977.
26. Le demandeur est actuellement sous garde étroite dans
l'établissement de Pittsburgh, où il est incarcéré depuis le 21
octobre 1977.
27. L'emploi du mot «réputé» ou d'un synonyme relativement à
la suspension ou à la révocation de la libération conditionnelle
de jour du demandeur, ne doit pas 'être interprété comme
l'admission par les défendeurs que la Commission nationale des
libérations conditionnelles était incompétente pour effectuer
ladite suspension ou révocation ou qu'elle ne l'a pas en fait
effectuée.
Le coeur du litige et les conséquences domma-
geables qui en découlent pour le demandeur sont
clairement résumés au paragraphe 24 de l'exposé
conjoint des faits.
Il est admis que le 19 septembre 1977, date où
une période de libération conditionnelle de jour a
été accordée au demandeur, comme l'indique le
paragraphe 15 de l'exposé des faits, il avait à son
actif 865 jours de réduction de peine statutaire.
L'article 20 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2, a été
modifié par l'article 31 de la Loi de 1977 modi-
fiant le droit pénal, S.C. 1976-77, c. 53, en date
du 15 octobre 1977.
Le 4 novembre 1977, lors de la révocation de la
libération conditionnelle de jour accordée au
demandeur le 19 septembre 1977, la réduction de
peine a été recalculée sur la base de la modifica
tion apportée le 15 octobre 1977 l'article 20 de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus,.
La réduction de peine statutaire aux termes de
l'article 22(1) de la Loi sur les pénitenciers,
S.R.C. 1970, c. P-6, a été calculée comme étant
455 jours.
En vertu du paragraphe (3) de l'article 20 de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la
Commission a réattribué 217 jours au demandeur
qui les avait perdus à cause de la révocation de sa
libération conditionnelle.
Ce nouveau calcul donne 672 jours.
Vu que le demandeur avait auparavant une
réduction de peine de 865 jours et qu'après le
nouveau calcul, il en a une de 672 jours, il a donc
perdu 193 jours de réduction de peine, soit environ
six mois et deux semaines.
L'avocat du demandeur m'a signalé que si ses
prétentions sont correctes, son client doit obligatoi-
rement être mis en liberté le 30 mai 1979, tandis
que si celles des défendeurs le sont, il devra rester
incarcéré jusqu'au 9 novembre 1979, comme le
déclare le paragraphe 10 de l'exposé de défense.
Vu que l'enjeu porte sur plus de cinq mois de la
liberté du demandeur, il convient de statuer avec
promptitude sur les prétentions rivales.
La première prétention avancée par l'avocat du
demandeur est que la Commission nationale des
libérations conditionnelles n'était pas compétente
pour révoquer, le 4 novembre 1977, la libération
conditionnelle de jour du demandeur.
Si l'avocat a raison sur ce point, il s'ensuit que
cette révocation est nulle et n'a aucun effet sur le
calcul du temps que le demandeur doit purger en
vertu des sentences d'emprisonnement prononcées
contre lui.
C'est cette prétention et ses conséquences qui
ont inspiré la première déclaration réclamée par le
demandeur.
Elle se fonde sur deux jugements.
Le premier a été rendu par la Cour d'appel du
Manitoba dans Regina c. Hales (1974) 18 C.C.C.
(2e) 240 et le second, par la Cour d'appel de
l'Ontario dans Ex parte Carlson (1975) 26 C.C.C.
(2e) 65, qui est parvenue aux mêmes conclusions,
mais pour des raisons différentes.
L'avocat du demandeur a aussi accordé une
grande importance à deux autres décisions princi-
palement pour interpréter les deux causes susmen-
tionnées et les effets des modifications du 15 octo-
bre 1977 apportées à la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus.
Il s'agit des affaires Zong c. Le commissaire des
pénitenciers [1976] 1 C.F. 657, où le juge Le Dain,
en prononçant le jugement de la Cour d'appel
fédérale, a examiné minutieusement la jurispru
dence pertinente, et Jackson c. La Reine [1979] 1
R.C.S. 712, où le juge Dickson a examiné avec
autorité les décisions judiciaires, y compris celle
rendue par le juge Le Dain.
Si je comprends bien, dans Hales, le juge a
statué que l'on ne peut que «mettre fin» à une
libération conditionnelle de jour, comme le prévoit
l'article 10(1)e) de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus; elle ne peut pas être «révo-
quée». La «fin» n'entraîne aucune conséquence,
sinon que le détenu n'est plus en libération condi-
tionnelle de jour, mais la révocation, elle, entraîne
la perte de la réduction de peine statutaire dont il
bénéficiait.
Dans l'affaire Hales, le juge attribue au législa-
teur l'intention suivante: des actes identiques
entraînent des conséquences différentes suivant
qu'ils sont commis par un libéré conditionnel ordi-
naire ou par un libéré conditionnel de jour.
En outre, selon lui, puisqu'un libéré conditionnel
de jour est réputé continuer à purger sa peine
d'emprisonnement, la révocation de sa libération
conditionnelle de jour, avec la perte de la réduction
de peine qu'elle entraîne, aurait pour résultat de
lui faire purger deux fois la même peine en vertu
de l'article 20, ce qui ne peut avoir été l'intention
du législateur.
C'est ce que le juge Dickson, dans l'affaire
Jackson, appelle la question de la «fin» de la
libération conditionnelle et la question de l'«inten-
tion contraire» soulevées dans l'affaire Hales.
Il a été statué qu'un acte ou une violation de la
libération conditionnelle, qui pourrait amener la
Commission nationale des libérations conditionnel-
les à révoquer une libération conditionnelle ordi-
naire entraînant ainsi la perte d'une réduction de
peine statutaire, ne conduirait qu'à la fin de la
libération conditionnelle de jour si le même acte ou
la même violation était commis par un libéré
conditionnel de jour, sans perte de réduction de
peine statutaire.
Dans Ex parte Carlson, la Cour d'appel de
l'Ontario est parvenue aux mêmes conclusions que
la Cour d'appel du Manitoba dans Hales, mais
pour des raisons différentes.
Si je comprends bien, dans l'affaire Carlson, le
juge a statué que la libération conditionnelle de
jour peut être suspendue et révoquée conformé-
ment à l'article 16 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, mais que son article
20(1), qui prévoit la perte de la réduction de peine
lors d'une révocation, ne semble viser que la libéra-
tion conditionnelle ordinaire et non pas la libéra-
tion conditionnelle de jour puisqu'il déclare que le
détenu devra être envoyé au lieu d'incarcération.
L'article 13(1) indique qu'un libéré conditionnel
de jour est réputé continuer à purger sa période
d'emprisonnement au lieu de détention d'où il a été
relâché sur libération conditionnelle. Il est donc
inutile dans ce cas de prévoir sa réincarcération,
comme le prévoit l'article 20(1), lorsqu'il est mis
fin à sa libération conditionnelle de jour par les
moyens dont on dispose pour ce faire.
La Cour d'appel de l'Ontario a donc jugé qu'il y
avait là une ambiguïté apparente. Devant les deux
interprétations possibles d'un article pénal d'une
loi, elle a adopté celle qui évite la pénalité.
C'est ce que le juge Dickson, dans l'affaire
Jackson, appelle la question «d'ambiguïté» ou de
«nouvelle incarcération».
Je pense que le jugement Carlson, sans le dire
expressément, désapprouve l'intention que le juge-
ment Hales attribue au législateur, à savoir qu'on
ne peut que «mettre fin» à une libération condition-
nelle de jour et qu'elle ne peut être «révoquée».
A la suite des jugements Hales et Carlson,
l'article 20 a fait l'objet de modifications qui sont
entrées en vigueur le 15 octobre 1977.
Auparavant, l'article 20(1) était rédigé dans les
termes suivants:
20. (1) Lorsque la libération conditionnelle accordée à un
détenu a été revoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au
lieu d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir et à rester
en liberté au moment où la libération conditionnelle lui était
accordée, pour purger la partie de sa peine d'emprisonnement
qui n'était pas encore expirée au moment où la libération
conditionnelle lui était accordée, y compris toute période de
réduction de peine alors inscrite à son crédit, notamment la
réduction de peine méritée, moins toute période passée sous
garde par suite d'une suspension de sa libération conditionnelle.
Aux termes de cet article, la présence de deux
éléments, à savoir la révocation et la nouvelle
incarcération, est nécessaire pour entraîner la
perte d'une réduction de peine statutaire ou
méritée.
L'article 20, dans sa version modifiée en vigueur
depuis le 15 octobre 1977, se lit comme suit:
20. (1) Sur révocation de leur libération conditionnelle, les
détenus doivent être incarcérés soit au lieu de détention d'où ils
avaient été libérés lorsqu'elle leur avait été accordée, soit au
lieu qui lui correspond dans la division territoriale où ils sont
arrêtés.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), le détenu dont la libéra-
tion conditionnelle a été révoquée doit, même lorsqu'il a été
condamné ou lorsqu'il a obtenu sa libération conditionnelle
avant que le présent paragraphe n'entre en vigueur, purger ce
qui restait de sa peine d'emprisonnement au moment où sa
libération conditionnelle lui a été accordée, y compris toute
réduction de peine statutaire ou méritée, moins
a) le temps passé en libération conditionnelle après l'entrée
en vigueur du présent paragraphe;
b) le temps passé en détention lors d'une suspension de sa
libération conditionnelle;
c) les réductions de peine méritées après l'entrée en vigueur
du présent paragraphe pour le temps passé en détention lors
d'une suspension de sa libération conditionnelle; et
d) les réductions de peine méritées qu'il avait à son actif au
moment de l'entrée en vigueur du présent paragraphe.
(3) Sous réserve des règlements, la Commission peut réattri-
buer à l'actif d'un détenu tout ou partie des réductions de peine,
statutaires et méritées, dont il bénéficiait au moment où la
libération conditionnelle lui fut accordée.
Ces modifications ont supprimé la déchéance.
L'article 20(2) ne fait pas mention, comme le
paragraphe (1) de l'article 20, d'une «nouvelle
incarcération», mais se réfère au «détenu dont la
libération conditionnelle a été révoquée». Comme
auparavant, un détenu dont la libération condition-
nelle est révoquée (et cela vise également la libéra-
tion conditionnelle ordinaire et la libération condi-
tionnelle de jour) doit purger ce qui restait de sa
peine d'emprisonnement au moment où sa libéra-
tion conditionnelle lui a été accordée, y compris
toute réduction de peine statutaire ou méritée,
moins les crédits indiqués dans les alinéas (2)a) à
(2)d). Il s'agit donc d'un changement dans la
façon de calculer la peine qui lui reste à purger.
Dans l'affaire Zong (précitée) le juge Le Dain,
même s'il y était question d'une «déchéance», a
néanmoins jugé utile de se référer aux jugements
Hales et Carlson et de les commenter.
Il déclare à la page 662 que pour apprécier le
point litigieux porté devant lui:
... il faut se reporter aux arrêts qui ont décidé que les
dispositions de la Loi [article 10, article 13(1) et article 20]
relatives à la révocation, par opposition à la déchéance, ne
s'appliquent pas à la libération conditionnelle de jour. [J'ai mis
les articles entre crochets.]
Il se réfère, bien entendu, aux causes Hales et
Carlson.
Il déclare à la page 662:
Dans ces arrêts, les Cours sont d'accord sur ceci: partout dans
la Loi l'expression «libération conditionnelle» signifie à la fois la
libération conditionnelle ordinaire et la libération conditionnelle
de jour, sauf indication expresse ou implicite à l'effet contraire;
mais d'après leur conclusion, dans le cas des dispositions relati
ves à la révocation, il y a indication d'une intention contraire ou
au moins une ambiguïté dont le bénéfice devrait être accordé au
détenu.
Quand il se réfère'à une «intention contraire», il
vise l'affaire Hales et à une «ambiguïté», l'affaire
Carlson.
Il énonce la proposition de l'affaire Hales déri-
vant de l'article 10 en ces termes [à la page 662]:
D'après le raisonnement de la Cour dans l'arrêt Hales, l'article
10 de la Loi exclut implicitement l'application de la révocation
à la libération conditionnelle de jour puisqu'il prévoit expressé-
ment sa cessation.
Il se réfère à l'interprétation conférée à l'article
13(1) dans l'affaire Hales, c'est-à-dire, selon ce
que j'en retiens, que dans le cas d'une libération
conditionnelle de jour, le détenu en liberté condi-
tionnelle est réputé continuer à purger sa peine
d'emprisonnement au lieu de détention d'où il a été
relâché sur libération conditionnelle. Si, lors de la
révocation ou de la déchéance d'une libération
conditionnelle de jour, le détenu conserve le béné-
fice du temps passé en libération conditionnelle de
jour, qui est imputé sur sa peine d'emprisonnement
au titre de la présomption de l'article 13(1), c'est
parce que celle-ci l'emporte sur l'article 20. Inter-
préter celui-ci autrement équivaudrait à faire
purger deux fois la même période au libéré
conditionnel.
Le juge Le Dain a rejeté cette interprétation à la
page 663, où il déclare:
... l'article 13 doit s'interpréter de façon à signifier que le
détenu est réputé purger sa peine d'emprisonnement lorsqu'il
bénéficie d'une libération conditionnelle à condition que cette
dernière ne soit ni révoquée ni frappée de déchéance; mais,
selon cette interprétation, le détenu perd le bénéfice de cette
disposition dès la révocation ou la déchéance et il doit, d'après
les termes de l'article 20 ou 21, selon le cas, purger la partie de
sa peine d'emprisonnement qui n'était pas encore expirée au
moment de l'octroi de sa libération conditionnelle.
Donc, les jugements Carlson et Zong ont écarté
le jugement Hales.
Dans l'affaire Jackson, le juge Dickson se pro-
nonce, à la page 727, dans le même sens lorsqu'il
dit: «la conclusion de l'arrêt Hales quant à une
intention contraire a été infirmée dans les arrêts
Carlson et Zong.»
Dans l'affaire Jackson, on cherchait à savoir si
les modifications du 15 octobre 1977 apportées à
la version de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus en vigueur à l'époque des affaires
Hales et Carlson ont eu pour effet d'assujettir un
libéré conditionnel de jour aux dispositions de la
Loi relatives à la révocation de la libération condi-
tionnelle, et d'entraîner par conséquent la perte de
la réduction de peine dont bénéficiait le détenu
lorsque la libération conditionnelle lui a été
accordée.
A la page 727, le juge Dickson déclare que:
Pour réussir, l'appelant doit établir que la «fin» de la libération
conditionnelle (par. 10(2)) ou la «nouvelle incarcération» (par.
20(1)) continuent de se produire malgré la promulgation du
nouvel art. 20.
La «fin» (article 10(2)) renvoie au jugement
Hales et la «nouvelle incarcération» (article 20(1)),
au jugement Carlson.
A propos du jugement Hales, il dit aussi à la
page 727:
En ce qui concerne la «fin» de la libération conditionnelle, les
modifications de 1977 ont apporté un changement important.
Elles ont en effet aboli la déchéance de la libération condition-
nelle. Or on avait jugé qu'elle découlait autant de la libération
conditionnelle «ordinaire» que de celle «de jour». En l'absence de
la déchéance, seules deux situations sont possibles, la «révoca-
tion» prévue à l'al. 10(1)e) et à l'art. 20 et la «fin», prévue au
par. 10(2). Exclure la révocation d'une libération conditionnelle
de jour des modifications de 1977 équivaudrait, comme l'a écrit
le juge Le Dain au sujet de la déchéance dans l'arrêt Zong (à la
p. 666) «accepter une conception tout à fait invraisemblable
de l'intention du Parlement: c'est-à-dire que le détenu à libéra-
tion conditionnelle de jour pourrait commettre un acte criminel
pendant qu'il est en liberté conditionnelle sans subir les consé-
quences qui découlent de la déchéance lorsqu'un détenu à
liberté conditionnelle ordinaire commet le même crime». En
outre, comme je l'ai déjà souligné, la conclusion de l'arrêt
Hales quant à une intention contraire a été infirmée dans les
arrêts Carlson et Zong.
A propos du jugement Carlson, il poursuit aux
pages 727 et 728:
J'en viens finalement à la question de l'ambiguïté possible de
l'art. 20, écueil sur lequel l'argumentation du ministère public
s'est échouée dans l'affaire Carlson. Comme je l'ai déjà souli-
gné, le nouvel art. 20, la différence de l'ancien, traite séparé-
ment de l'incarcération au par. (1). Le paragraphe (2), applica-
ble à «la libération conditionnelle», précise l'effet de la
révocation. Le paragraphe (1) doit-il être interprété comme une
condition préalable à l'exercice du pouvoir prévu au par. (2), de
telle sorte que ce dernier «prévoie spécifiquement 1' `incarcéra-
tion'?» Je considère à cet égard que l'approche du juge Le Dain
est juste. Vu que la déchéance a été abolie et remplacée par la
simple révocation, je ne pense pas que la mention de l'incarcé-
ration au par. 20(1) lu en corrélation avec le nouveau par.
20(2) soulève «de réelles ambiguïtés ou des doutes sérieux dans
l'interprétation et l'application de [la] Loi;» Marcotte c. Sous-
procureur général du Canada ([1976] 1 R.C.S. 108), la p.
115. Les modifications du 15 octobre 1977 ne contiennent
aucune ambiguïté qui priverait la Commission du pouvoir de
révoquer une libération conditionnelle de jour. Dans chaque
cas, la Commission peut révoquer la libération conditionnelle
de jour ou y mettre fin.
Le juge Dickson est donc d'avis que l'sintention
contraire», dont fait état le jugement Hales ne
s'applique pas et que les modifications du 15 octo-
bre 1977 ont supprimé toute ambiguïté.
Cela réglerait la question, en l'espèce, s'il n'y
avait pas la prétention subsidiaire de l'avocat du
demandeur, dont la Cour suprême du Canada a
été également saisie dans l'affaire Jackson. Inci-
demment, l'avocat qui représentait l'appelant
devant la Cour suprême est celui qui représente
maintenant le demandeur devant moi.
A la page 726, le juge Dickson décrit cette
prétention de la manière suivante:
Deuxièmement, l'avocat prétend que le but du nouvel art. 20
est de conférer un avantage à tous les détenus en liberté
conditionnelle ordinaire sans pour autant priver les détenus en
liberté conditionnelle de jour d'un avantage dont ils bénéfi-
ciaient déjà. L'appelant fait allusion aux conséquences des al.
20(2)a) et 20(2)d) pour un détenu en liberté conditionnelle de
jour. Il prétend que pareil détenu en vertu du nouvel al. 20(2)a)
perdrait le bénéfice du «temps passé en libération condition-
nelle» avant l'entrée en vigueur du paragraphe. Depuis les
arrêts Hales et Carlson, la Commission a perdu le pouvoir de
révoquer une libération conditionnelle de jour et le par. 10(2)
ne lui donne pas le pouvoir de priver un détenu de la réduction
statutaire de peine, compte tenu particulièrement de la pré-
somption établie au par. 13(1). C'est peut-être vrai, mais il faut
remarquer que la libération conditionnelle de jour accordée à
l'appelant a commencé et a pris fin après l'entrée en vigueur de
l'art. 20, ce qui rend inutile de recourir en l'espèce à la
disposition introduite par les mots «même lorsque» au par.
20(2). En outre, le nouvel art. 20 confère effectivement un
avantage aux détenus en liberté conditionnelle de jour dont la
libération conditionnelle pouvait auparavant être frappée de
déchéance, comme l'ont décidé les arrêts Zong, Ex parte
Davidson ((1974), 22 C.C.C. (2d) 122 (C.A. de la C.-B.)) et
Ex parte Kerr ((1975), 24 C.C.C. (2d) 395 (C.A. de l'Ont.)).
L'argument est un cercle vicieux. Si l'ancien art. 20 ne permet-
tait pas la révocation des libérations conditionnelles de jour, il
est bien évident qu'un détenu en liberté conditionnelle de jour
perd un avantage dans la période transitoire. Mais si le nouvel
art. 20 permet effectivement la révocation d'une libération
conditionnelle de jour, l'al. 20(2)a) confère alors au détenu en
liberté conditionnelle de jour un avantage qu'il perdrait autre-
ment. Quoi qu'il en soit, l'argument ne vaut que pour la période
de transition, dans le cas d'une libération conditionnelle de jour
accordée avant l'entrée en vigueur du paragraphe, mais révo-
quée après. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
Comme le fait remarquer le juge Dickson dans
l'affaire Jackson, l'appelant a été libéré condition-
nellement le 27 octobre 1977. Le 15 décembre
1977, sa libération conditionnelle de jour a été
suspendue et il a été arrêté; le 28 décembre 1977,
la Commission a révoqué sa libération condition-
nelle de jour et il a été incarcéré dans un péniten-
cier. Après quoi, le temps qui lui restait à purger a
été calculé sur la base des modifications législati-
ves. Toutefois, les deux principaux événements (la
libération conditionnelle et sa révocation) ont eu
lieu le 15 octobre 1977.
En l'espèce, le demandeur a obtenu sa libération
conditionnelle de jour le 19 septembre 1977. La
Loi modificatrice est entrée en vigueur le 15 octo-
bre 1977.. Le 21 octobre 1977, la libération condi-
tionnelle de jour du demandeur a été suspendue en
vertu de l'article 16(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus. Enfin, le 4 novembre
1977, la Commission a ordonné la révocation de
cette libération conditionnelle de jour.
La présente action s'inscrit donc dans des cir-
constances analogues à celles décrites par le juge
Dickson, auxquelles s'appliquerait l'argument
avancé au nom du demandeur.
De façon plus explicite, cet argument soutient
que les modifications du 15 octobre 1977 apportées
à l'article 20 de la Loi sur la libération condition-
nelle de détenus ne doivent pas être interprétées
comme portant atteinte à la réduction de peine
dont le demandeur bénéficiait le 19 septembre
1977, date à laquelle il a obtenu la libération
conditionnelle de jour, parce qu'une telle interpré-
tation donnerait à l'article un caractère rétroactif
et contraire à la présomption défavorable à l'em-
piétement sur des droits acquis (c'est-à-dire l'effet
rétroactif et la présomption) en l'absence d'une
intention expressément révélée de le faire ou lors-
que cette intention est clairement manifestée par
une inférence inéluctable.
De même, on a prétendu que le demandeur a
droit aux 26 jours passés en libération condition-
nelle entre le 19 septembre 1977 et le 15 octobre
1977, au motif qu'agir autrement équivaudrait à
donner un effet rétroactif aux modifications appor-
tées à l'article 20.
Il ne s'agit pas ici de dispositions législatives
rétroactives, mais plutôt de dispositions ne prenant
effet que pour l'avenir. Elles sont entrées en
vigueur le 15 octobre 1977. A qui s'appliquent-
elles? Là est le problème. A mon sens, l'intention
implicite du Parlement qui ressort de leur libellé,
c'est qu'elles doivent s'appliquer à toutes les per-
sonnes libérées conditionnellement, que ce soit
avant ou après le 15 octobre 1977, date de leur
entrée en vigueur.
Cela étant, la prétention de l'avocat du deman-
deur est qu'à la date où son client a été libéré
conditionnellement, c.-à-d. le 19 septembre 1977,
il avait un droit acquis à une réduction de peine
statutaire de 865 jours en vertu de l'article 22(1)
de la Loi sur les pénitenciers lorsqu'il est entré au
pénitencier et que ce droit ne doit être ni changé ni
restreint.
C'est le juge Buckley qui a dit le premier que la
plupart des lois édictées par le Parlement empiè-
tent en fait sur des droits existants. Toutefois, la
présomption voulant qu'il ne faille porter atteinte
aux droits acquis doit céder le pas à la conclusion
inhérente voulant que l'intention du législateur ait
effectivement été de leur porter atteinte.
En fait, le Parlement établit ici une nouvelle
méthode de calculer la peine qu'il reste à purger à
un détenu dont la libération conditionnelle a été
révoquée. Quand une personne a obtenu, avant la
date de ce changement dans la méthode de calcul,
une libération conditionnelle qui a été par la suite
révoquée, cette personne fait alors les frais d'un
changement de règles, mais il n'y a aucun doute
que le Parlement a le droit d'en décider ainsi.
La question est la suivante: le Parlement a-t-il
décidé ainsi?
L'avocat du demandeur prétend que l'introduc-
tion de l'article 20(2)a), qui donne un crédit pour
«le temps passé en libération conditionnelle après
l'entrée en vigueur du présent paragraphe», confère
un avantage à des libérés conditionnels ordinaires
équivalant à celui dont jouissent les libérés condi-
tionnels de jour et ne prive pas ces derniers de
l'avantage dont ils jouissaient jusqu'alors.
Aux termes du nouvel article 20(2)a), un libéré
conditionnel de jour perdrait le temps passé en
libération conditionnelle avant l'entrée en vigueur
du présent paragraphe. Toutefois, la nouvelle ver
sion de l'article 20 permet la révocation d'une
libération conditionnelle de jour et, comme le juge
Dickson l'a souligné dans le passage cité précé-
demment, «l'al. 20(2)a) confère alors au détenu en
liberté conditionnelle de jour un avantage qu'il
perdrait autrement.»
L'avocat du demandeur prétend que le Parle-
ment n'a pas considéré les conséquences préjudi-
ciables pour un libéré conditionnel de jour, qui
découlent de l'introduction de l'article 20(2)a) et
qu'il n'a donc pas pu vouloir un tel résultat. Je ne
vois pas comment cette affirmation peut se justi-
fier. Après tout, le libéré conditionnel de jour perd
un avantage et en gagne un autre; il n'y a finale-
ment plus de distinction entre lui et le libéré
conditionnel ordinaire; en d'autres termes, tous les
libérés conditionnels reçoivent le même traitement.
Le paragraphe (2) de l'article 20 déclare que
«[tout] détenu dont la libération conditionnelle a
été révoquée» doit purger ce qui restait de sa peine
d'emprisonnement au moment où il a obtenu sa
libération conditionnelle, y compris toute réduction
de peine statutaire ou méritée. Il ne fait aucune
distinction entre une libération conditionnelle de
jour et une libération conditionnelle ordinaire. Les
termes employés ne précisent pas la libération
conditionnelle visée et, dans l'affaire Jackson, le
juge Dickson a statué qu'une libération condition-
nelle de jour peut être révoquée.
Par conséquent, l'article 20(2) s'applique au
demandeur.
Cet article prévoit aussi son application à tout
détenu en libération conditionnelle «même ... lors-
qu'il a obtenu sa libération conditionnelle avant
que le présent paragraphe n'entre en vigueur».
Rien ne justifie que l'on donne aux termes «la
libération conditionnelle» ou «sa libération condi-
tionnelle» seulement le sens de libération condi-
tionnelle ordinaire et non pas celui de libération
conditionnelle de jour, puisque l'intention évidente
du législateur est de ne faire aucune distinction
entre les types de libérations conditionnelles. En
cas de révocation, les conséquences sont donc les
mêmes pour les uns et les autres.
L'article 20(2) prévoit son application lorsque le
détenu a obtenu une libération conditionnelle
avant son entrée en vigueur. Par conséquent, puis-
que tel est le cas du demandeur, ledit article
s'applique à lui, en raison du libellé «même» de
l'article.
Comme l'a fait observer le juge Dickson dans
l'affaire Jackson, un détenu dont la libération
conditionnelle est révoquée après l'entrée en
vigueur de l'article 20(2) est assujetti à cet article.
Pour ces motifs, le demandeur n'a pas droit au
jugement déclaratoire qu'il réclame. L'action est
donc rejetée, avec dépens en faveur des défendeurs
s'ils les demandent.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.