A-264-78
Bensol Customs Brokers Limited, D. H. Grosve-
nor Incorporated, Neuchatel Swiss General Insu
rance Company Limited (Appelantes) (Demande-
resses)
c.
Air Canada (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, le 8 janvier; Ottawa,
le 19 mars 1979.
Compétence — Appel d'un jugement tranchant une question
préalable conformément à la Règle 474 dans une action en
dommages-intérêts pour perte de marchandises transportées à
bord d'un vol international — Les droits de la consignataire
ont été cédés à la deuxième demanderesse, puis à la troisième
demanderesse — La compétence de la Cour découlerait de
l'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale — Il s'agit de savoir si
la demande a été faite en vertu d'une loi du Parlement du
Canada ou autrement — II s'agit de savoir si la demande se
rapporte à l'une des matières énumérées n l'art. 23 — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 23 — Acte
de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., c. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice III, art. 101.
Les appelantes attaquent un jugement de la Division de
première instance qui, tranchant une question préalable confor-
mément à la Règle 474, a rejeté, pour cause d'incompétence,
l'action en dommages-intérêts intentée par les appelantes
contre Air Canada. Par cette action, les appelantes réclament
la valeur de marchandises que Air Canada s'était engagée à
transporter de Londres à Montréal et qui auraient été perdues
pendant le transport. L'appelante Bensol Customs Brokers
Limited, qui était la consignataire de ces marchandises à
Montréal, aurait cédé tous ses droits à la deuxième appelante,
D. H. Grosvenor Incorporated, laquelle les aurait cédés à son
tour à la troisième appelante Neuchatel Swiss General Insur
ance Company Limited. La compétence de la Cour, si elle
existe, a sa source dans l'article 23 de la Loi sur la Cour
fédérale. La seule question à trancher est de savoir si la
demande des appelantes contre l'intimée remplit les deux condi
tions de l'article 23, à savoir que la demande doit être faite «en
vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement» et
qu'elle doit se rapporter à l'une des matières énumérées à la fin
de l'article.
Arrêt: l'appel est accueilli.
Le juge Pratte: A proprement parler, la réclamation de la
compagnie d'assurances n'est pas faite exclusivement en vertu
de la Loi sur le transport aérien; elle est fondée à la fois sur
cette loi et sur les règles régissant la subrogation. Étant donné
que la responsabilité de l'intimée est régie par la Loi sur le
transport aérien, la demande des appelantes est faite «en vertu
d'une loi du Parlement du Canada» comme l'exige l'article 23,
même si elle n'est pas exclusivement faite en vertu de cette loi.
Conclure autrement reviendrait à dire, ce qui me paraît inac-
ceptable, qu'une demande que l'article 23 décrit comme étant
de la compétence de la Cour cesserait de l'être dès lors que le
titulaire céderait ses droits à un tiers. L'intimée exploite une
entreprise s'étendant au-delà des limites d'une province, et c'est
dans le cadre de cette exploitation que serait survenu le dom-
mage dont les appelantes demandent réparation. L'action se
rapporte donc à l'exploitation d'une entreprise visée à l'article
23, ce qui suffit pour qu'on puisse conclure qu'elle se rapporte à
l'une des matières énumérées à la fin de cet article.
Le juge Le Dain: Rien dans les arrêts Quebec North Shore et
McNamara Construction ne donne à penser que la demande
doit être fondée exclusivement sur une loi fédérale pour satis-
faire aux conditions de compétence de l'article 101 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, 1867, et l'expression «faite en
vertu de» employée à l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale
n'est pas plus exigeante. Il suffit que les droits et obligations
des parties soient déterminés jusqu'à un certain point par le
droit fédéral. Il ne devrait pas être nécessaire que la cause
d'action tire son origine du droit fédéral du moment que
celui-ci lui est applicable.[ �L a compétence de la Cour quant à
l'application de la Loi sur "le transport aérien n'est pas limitée
aux cas mettant en cause une entreprise de transport aérien
interprovincial ou international. Le terme «aéronautique», dans
le contexte de l'article 23, doit s'interpréter non dans le sens
étroit et technique que peuvent lui conférer certains dictionnai-
res, mais comme se référant au champ de compétence législa-
tive fédérale que les tribunaux ont reconnu comme étant fondé
sur le pouvoir résiduaire et, partant, comme étant de nature
plénière.
Arrêts mentionnés: Quebec North Shore Paper Co. c.
Canadien Pacifique Limitée [1977] 2 R.C.S. 1054;
McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine
[1977] 2 R.C.S. 654.
APPEL.
AVOCATS:
Gerald B. Barry pour les appelantes (deman-
deresses).
Jean E. Clerk et Johanne Drapeau pour l'inti-
mée (défenderesse).
PROCUREURS:
McMaster, Meighen, Montréal, pour les
appelantes (demanderesses).
Giard, Gagnon, Clerk & Perron, Montréal,
pour l'intimée (défenderesse).
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Les appelantes attaquent un
jugement de la Division de première instance
[[1979] 1 C.F. 167] qui, tranchant une question de
droit de façon préliminaire comme l'autorise la
Règle 474, a décidé que l'action en dommages-
intérêts qu'elles avaient intentée contre Air
Canada devait être rejetée parce que la Cour
n'avait pas juridiction en l'espèce.
Par cette action, les appelantes réclament la
valeur de marchandises que la société Air Canada
s'était engagée à transporter de Londres jusqu'à
Montréal et qui, semble-t-il, ont été perdues pen
dant le transport. L'appelante Bensol Customs
Brokers Limited était la destinataire de ces mar-
chandises à Montréal. Suivant la déclaration, elle
aurait cédé tous ses droits contre Air Canada à
l'appelante nommée en second lieu, D. H. Grosve-
nor Incorporated, qui les aurait elle-même cédés à
la troisième appelante, Neuchatel Swiss General
Insurance Company Limited.
Il est constant que la compétence de la Cour en
l'espèce, si elle existe, a sa source dans l'article 23
de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), c. 10, dont le texte suit:
23. La Division de première instance a compétence concur-
rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans
tous les cas où une demande de redressement est faite en vertu
d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de
lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est
partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre-
prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà
des limites d'une province, sauf dans la mesure où cette compé-
tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
Suivant cet article, la Cour est compétente à
connaître d'une demande à deux conditions:
(1) la demande doit être faite «en vertu d'une
loi du Parlement du Canada ou autrement»; et
(2) elle doit se rapporter à l'une des matières
énumérées à la fin de l'article.
La seule question que soulève cet appel est celle
de savoir si la réclamation des appelantes satisfait
à ces deux conditions.
Les appelantes demandent réparation du dom-
mage qui leur résulte de la perte en cours de
transport de certaines marchandises que Air
Canada avait convenu de transporter de Londres à
Montréal. Une loi fédérale, la Loi sur le transport
aérien, S.R.C. 1970, c. C-14,' est applicable à
cette affaire. Les appelantes prétendent que leur
demande est faite en vertu de cette loi et que, pour
cette raison, elle satisfait à la première exigence de
l'article 23.
La Loi sur le transport aérien a incorporé au
droit canadien la Convention de Varsovie de 1929
telle qu'amendée par le Protocole de La Haye de
1955. Comme le dit son préambule, la Convention
règle «les conditions du transport aérien internatio
nal en ce qui concerne les documents utilisés pour
ce transport et la responsabilité du transporteur».
Au sujet de la responsabilité du transporteur
aérien pour les dommages causés en cours de
transport aux passagers, à leurs baggages ou aux
marchandises, la Convention prévoit en substance
(1) que le transporteur est responsable à moins
qu'il ne prouve n'avoir pas commis de faute;
(2) que, sauf exception, la responsabilité du
transporteur n'excède pas les sommes fixées par
la Convention; et
(3) que toute clause tendant à exonérer le trans-
porteur de sa responsabilité est nulle.
Pour rejeter la prétention que la réclamation des
appelantes est faite en vertu de la Loi sur le
transport aérien, il ne suffit pas de dire, comme le
premier juge me semble l'avoir fait, que l'action
des appelantes n'est pas fondée sur cette seule
législation mais, plutôt, sur le contrat de transport.
Toute demande en justice, qu'elle soit contrac-
tuelle ou non, est faite en vertu de la loi. Un
contrat ne peut servir de base à une action à moins
qu'une loi ne reconnaisse son caractère obligatoire.
Toute demande judiciaire contractuelle est faite en
vertu de la loi qui régit le contrat dont l'exécution
est demandée. Le problème, ici, est de savoir, non
pas si la demande des appelantes est de nature
contractuelle ou délictuelle, 2 mais si elle est faite
en vertu de la Loi sur le transport aérien.
' Cette loi a été édictée en 1939 (S.C. 1939, c. 12) et
amendée en 1963 (S.C. 1963, c. 33).
2 Sur le caractère de la responsabilité du transporteur aérien
en vertu de la Convention de Varsovie, voir: Pourcelet, Trans
port aérien international et responsabilité, Les Presses de
l'Université de Montréal, 1964, pages 179 et suivantes.
Une demande est faite en vertu d'une loi, à mon
avis, lorsque cette loi serait, si la demande était
fondée, la source du droit du demandeur. Je n'ai
aucun doute que si l'action des appelantes était
fondée, la Loi sur le transport aérien serait la
source de la responsabilité de l'intimée. Dans le cas
d'un transport aérien international comme celui
dont il s'agit ici, c'est cette loi, plutôt que celle qui
serait normalement applicable en vertu des règles
de conflit, qui régit la responsabilité contractuelle
du transporteur.' La difficulté que soulève cette
affaire vient de ce que la Loi sur le transport
aérien n'est pas la seule loi qui lui soit applicable.
Cela, d'abord parce que l'action des appelantes
semble avoir un fondement délictuel aussi bien que
contractuel et, ensuite, parce que la validité de la
cession ou subrogation au profit de l'assureur des
marchandises, qui est le seul véritable demandeur,
n'est pas régie par le droit fédéral.
L'auteur de la déclaration croyait évidemment
que la responsabilité créée par la Convention de
Varsovie laissait subsister la responsabilité délic-
tuelle pouvant exister en vertu d'une autre loi. Si
cette opinion était fondée, 4 il s'ensuivrait tout sim-
3 Dans Grein c. Imperial Airways, Ltd. [1937] 1 K.B. 50,
aux pages 74 et 75, le lord juge Greene faisait les commentaires
suivants sur l'effet de la Convention de Varsovie:
[TRADUCTION] La Carriage by Air Act de 1932 a été
adoptée afin de rendre obligatoire dans ce pays la Convention
signée à Varsovie le 12 octobre 1929, dont une traduction
(qui en omet le préambule) apparaît à l'annexe de la Loi.
Dans l'interprétation d'une telle convention, il importe, à
mon avis, de garder à l'esprit les fins générales qu'elle
poursuit, dans la mesure où celles-ci se dégagent des termes
utilisés, et la matière qui en fait l'objet. Il est déclaré que la
Convention a pour objet «l'unification de certaines règles
relatives au transport aérien international.» Les termes «uni-
fication de certaines règles» signifient clairement «l'adoption
de règles uniformes,» c.-à-d. des règles applicables par les
tribunaux des Hautes Parties Contractantes chaque fois que
des contrats de transport aérien international seront en cause.
Les règles édictées forment en fait un code international des
droits et obligations des parties à un contrat de transport
aérien international; et quand le mécanisme approprié rend
ces règles obligatoires sur le territoire d'une Haute Partie
Contractante, elles régissent (dans la mesure où les tribunaux
de cette Partie sont concernés) les relations contractuelles des
parties au contrat de transport dont (pour employer des
termes aux systèmes juridiques du Royaume-Uni) elles
deviennent des clauses légales.
4 On trouve cette même opinion exprimée par: Calkins, «The
Cause of Action Under the Warsaw Convention», The Journal
of Air, Law and Commerce [1959] Vol. 26, pages 217 et 323 à
la page 327.
pleurent, à mon sens, que la réclamation des appe-
lantes, dans la mesure où elle a un fondement
délictuel, ne serait pas faite en vertu du droit
fédéral et ne serait pas de la compétence de la
Cour. Cependant, cela n'affecterait pas la compé-
tence de la Cour d'entendre et de décider la
demande des appelantes dans la mesure où elle est
fondée sur la Convention de Varsovie.
Mais il y a, je l'ai dit, une autre difficulté. La
demanderesse véritable dans cette action est la
compagnie d'assurances qui allègue avoir été
subrogée aux droits du propriétaire des marchan-
dises que Air Canada a fait défaut de livrer à
destination. Pour réussir, cette demanderesse devra
établir, non seulement que l'intimée est responsa-
ble de la perte de ces marchandises, mais aussi
qu'elle a acquis le droit d'être indemnisée de cette
perte, une question qui n'est évidemment pas régie
par le droit fédéral. A proprement parler, donc, la
réclamation de la compagnie d'assurances n'est
pas faite exclusivement en vertu de la Loi sur le
transport aérien; elle est faite à la fois en vertu de
cette loi et en vertu de celle qui régit la subroga-
`tion. Malgré cela, étant donné que la responsabi-
lité de l'intimée est régie par la Loi sur le trans
port aérien, je n'hésite pas à dire que la
réclamation des appelantes est faite «en vertu
d'une loi du Parlement du Canada» comme l'exige
l'article 23 même si elle n'est pas faite exclusive-
ment en vertu de , pareille loi. Décider autrement
équivaudrait à dire, ce qui me paraît inacceptable,
qu'une demande que l'article 23 décrit comme
étant de la compétence de la Cour cesserait de
l'être chaque fois que son titulaire céderait ses
droits à un tiers.
Je suis donc d'opinion que la demande des appe-
lantes satisfait à la première des exigences de
l'article 23. Reste à savoir si elle satisfait à la
seconde: s'agit-il d'une «demande de redressement
... faite ... en matière ... d'aéronautique ou
d'ouvrages et entreprises reliant une province à
une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une
province ...»?
Il est constant que l'intimée exploite une entre-
prise de transport aérien s'étendant au-delà des
limites d'une province et que c'est dans l'exploita-
tion de cette entreprise qu'a été subi le dommage
dont les appelantes demandent réparation. L'ac-
tion se rapporte donc à l'exploitation d'une entre-
prise décrite à l'article 23. Cela suffit, à mon avis,
pour que l'on puisse dire que l'on est ici en pré-
sence d'une demande de redressement faite dans
une des matières énumérées à cette disposition.
Pour ces motifs, je ferais droit à l'appel, je
casserais le jugement de la Division de première
instance rejetant avec dépens l'action des appelan-
tes et, statuant sur le point de droit soumis par les
appelantes, je déciderais que la Division de pre-
mière instance est compétente à connaître, en
vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale,
de l'action intentée par les appelantes contre l'inti-
mée. Je condamnerais l'intimée aux dépens tant en
première instance qu'en appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HYDE: Pour les motifs énoncés par
monsieur le juge Pratte, j'accueille l'appel avec
dépens devant cette cour et en première instance.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'avis de faire droit à
l'appel pour les motifs formulés par le juge Pratte.
Je désire toutefois commenter les deux points sui-
vants, à savoir le lien qui doit exister entre la loi
fédérale applicable et la cause d'action pour que la
Cour ait compétence en vertu de l'article 23 de la
Loi sur la Cour fédérale et la question de savoir si
l'on peut dire que la demande de redressement
dans le présent cas en est une en matière
d'aéronautique.
Dans l'arrêt Quebec North Shore Paper 5 , où il
est question de l'article 23 de la Loi sur la Cour
fédérale, la Cour suprême du Canada a décidé que
les termes «administration des lois du Canada» de
l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, 1867, [S.R.C. 1970, Appendice II]
exigeaient qu'il y ait «une législation fédérale
applicable, que ce soit une loi, un règlement ou la
5 Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifi-
que Limitée [1977] 2 R.C.S. 1054.
common law, comme dans le cas de la Couronne,
sur lesquels la Cour fédérale peut fonder sa com-
pétence.» La Cour a conclu qu'il n'existait aucune
loi fédérale applicable, de sorte qu'il n'était pas
nécessaire d'examiner le lien exact devant exister
entre la loi fédérale applicable et la cause d'action
pour satisfaire non seulement aux exigences de
l'article 101 de 1'A.A.N.B. mais aussi aux termes
de l'article 23 lui-même. Dans l'arrêt McNamara
Construction 6 , où les termes de l'article 23 n'en-
traient pas en jeu, le juge en chef Laskin s'est
exprimé en des termes indiquant que pour satis-
faire à l'exigence de l'article 101 de l'A.A.N.B.,
une demande devait être «fondée» sur une loi fédé-
rale existante. A propos de la compétence conférée
par l'article 29d) de la Loi sur la Cour de l'Échi-
quier, S.R.C. 1952, c. 98, il a déclaré, à la page
659: «Dans l'arrêt Quebec North Shore Paper
Company, cette Cour a souligné au sujet de cette
disposition que pour traduire des personnes devant
la Cour de l'Échiquier, la Couronne du chef du
Canada doit au préalable établir que son action
relève de la législation fédérale applicable, que ce
soit une loi, un règlement ou la common law»; puis
il a ajouté «Il ne s'agit donc pas de décider en
l'espèce si la demande de redressement de la Cou-
ronne relève d'un domaine de compétence législa-
tive fédérale, mais de déterminer si elle est fondée
sur la législation fédérale applicable.» A la page
662, il dit, «Il reste donc à déterminer, quant à la
question de la compétence, s'il existe une législa-
tion fédérale applicable aux présents pourvois qui
donne à la Cour fédérale compétence pour connaî-
tre de l'action de la Couronne concernant la
demande de dommages-intérêts et la réclamation
fondée sur le cautionnement.» A propos de la
demande en dommages-intérêts déposée par la
Couronne, il a déclaré, à la page 663: «L'action de
la Couronne n'est manifestement fondée sur
aucune loi et cette dernière n'invoque aucun prin-
cipe de droit qui lui serait particulier en vertu
duquel ses réclamations contre les appelants pour-
raient être entendues ou tranchées.»
Rien dans ce qui précède ne laisse à penser que
la demande doit être fondée exclusivement sur une
loi fédérale pour rencontrer l'exigence juridiction-
nelle de l'article 101 de l'A.A.N.B., et je ne pense
pas que les termes «faite en vertu de» employés à
6 McNamara Construction (Western) Limited c. La Reine
[1977] 2 R.C.S. 654.
l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale soient
plus exigeants. Des demandes se présenteront iné-
vitablement dans lesquelles les droits et obligations
des parties seront déterminés en partie par le droit
fédéral et en partie par le droit provincial. Il
devrait être suffisant, à mon avis, que les droits et
obligations des parties soient déterminés jusqu'à
un certain point par le droit fédéral. Il ne devrait
pas être nécessaire que la cause d'action tire son
origine du droit fédéral du moment que celui-ci lui
est applicable.
Bien que je sois d'avis que pour les fins de la
présente cause, il suffit de conclure que la
demande en est une visée par l'article 23 de la Loi
sur la Cour fédérale en tant que demande concer-
nant des «ouvrages et entreprises reliant une pro
vince à une autre ou s'étendant au-delà des limites
d'une province», je ne voudrais pas que l'on en
conclut que la compétence de la Cour quant à
l'application de la Loi sur le transport aérien est
limitée aux cas mettant en cause une entreprise de
transport aérien interprovincial ou international. A
mon avis, les termes employés à l'article 23 («en
matière de») suggèrent fortement que sont envisa
gées les matières tombant dans les champs spécifi-
ques et établis de compétence législative fédérale:
les lettres de change (lorsque la Couronne est
partie aux procédures), l'aéronautique et les ouvra-
ges et entreprises extra-provinciaux. Je suis d'avis
que le terme «aéronautique», dans le contexte de
l'article 23, doit s'interpréter non dans le sens
étroit et technique que peuvent lui conférer cer-
tains dictionnaires, mais comme se référant au
champ de compétence législative fédérale que les
tribunaux ont reconnu comme étant fondé sur le
pouvoir résiduaire et comme étant, par voie de
conséquence, de nature plénière. Quoique les affai-
res de l'Aéronautique' et Johannesson 8 avaient
trait à la navigation aérienne au sens strict, cer-
tains passages indiquent qu'en désignant un champ
de compétence législative fédérale par le terme
«aéronautique», l'on envisageait le transport aérien
dans son ensemble. Dans l'affaire de l'Aéronauti-
que, le lord Chancelier Sankey a déclaré, aux
pages 73 et 74: [TRADUCTION] «Du point de vue
' In re la réglementation et le contrôle de l'aéronautique au
Canada [1932] A.C. 54.
8 Johannesson c. La municipalité rurale de Ouest St. Paul
[1952] 1 R.C.S. 292.
de leurs Seigneuries, le transport, en tant que
sujet, est traité dans certaines parties des articles
91 et 92, mais ni l'un ni l'autre de ces articles ne
traite spécifiquement de ce secteur du transport
qui se rapporte à l'aéronautique.» Dans l'affaire
Johannesson, le juge en chef Rinfret a déclaré aux
pages 302 et 303: [TRADUCTION] «En dépit du fait
que la Convention internationale qui a été exami
née dans l'affaire de l'Aéronautique ... a été
dénoncée par le gouvernement du Canada à comp-
ter du 4 avril 1947, il ne fait aucun doute pour moi
que le caractère véritable de la décision du Comité
judiciaire est que le domaine des transports aériens
entre tout entier dans la compétence du Parlement
du Dominion.» Dans ses motifs dans la même
affaire, le juge Locke, à la page 326, a souligné
que l'essor et l'importance du trafic aérien de
passagers et de marchandises démontraient la
dimension nationale de l'aéronautique. Dans la
récente affaire Tropwood 9 , le juge en chef Laskin,
qui a rendu le jugement de la Cour suprême du
Canada, a confirmé la validité de la Loi sur le
transport aérien en se fondant sur «Le pouvoir
législatif fédéral sur les aspects contractuels des
services de transports qui relèvent du pouvoir de
réglementation fédéral». La réglementation de la
responsabilité des transporteurs aériens, qui est
l'objet de la Loi sur le transport aérien, fait certai-
nement partie de la réglementation du trafic aérien
dans son ensemble. Je suis donc d'avis qu'une
demande fondée sur la Loi sur le transport aérien
en est une qui est liée à l'aéronautique pour les fins
de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale.
9 Sivaco Wire & Nail Company c. Tropwood A.G. (1979) 26
N.R. 313.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.