T-3317-78
Donald C. Kelso (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, le 21 février et le 13 mars 1979.
Fonction publique — Le poste occupé par le demandeur a
été déclaré bilingue — Le demandeur, contrôleur aérien uni-
lingue, a accepté sa mutation à Cornwall et fait la navette
entre cette ville et sa demeure dans le voisinage de Montréal
— Le demandeur soutient qu'il avait le droit de conserver ce
poste bilingue — Il échet d'examiner s'il y a lieu d'accorder au
demandeur un jugement déclarant qu'il a le droit de conserver
ou de réintégrer son poste initial avec pleins traitements et
avantages, et d'être remboursé de ses frais de déplacement
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c.
P-32, art. 20, 31 — Décret d'exclusion sur les langues
officielles dans la Fonction publique, DORS/77-886, art. 6.
Le demandeur, qui est un contrôleur aérien unilingue anglo-
phone, avait occupé un poste déclaré bilingue, mais a été muté
de Montréal à Cornwall. Il continue de vivre dans une ferme
près d'Hudson Heights (Québec) et fait la navette entre cette
localité et Cornwall. Se fondant en premier lieu sur un principe
énoncé dans une résolution du Sénat et de la Chambre des
communes ainsi que sur une directive du Conseil du Trésor qui
traduisait ce principe et, en second lieu, sur l'article 6 du Décret
d'exclusion sur les langues officielles dans la Fonction publi-
que, le demandeur soutient qu'il avait le droit de conserver son
poste et qu'il était illégal de le déclarer incapable de remplir les
fonctions de ce poste parce qu'il n'était pas bilingue. Le deman-
deur conclut à un jugement déclarant qu'il a le droit a) de
demeurer ou d'être rétabli dans son poste initial avec pleins
salaires et avantages et b) d'être remboursé de tous les frais
supplémentaires de déplacement entre Cornwall et Hudson
Heights.
Arrêt: l'action est rejetée. Une résolution d'une chambre du
Parlement ne peut faire naître des droits et des obligations ni
entre de simples citoyens, ni entre Sa Majesté et ses préposés.
Le Parlement est composé de la Reine, du Sénat et de la
Chambre des communes; le pouvoir de faire des lois ne peut
être exercé par deux de ces composantes seulement. Il en est de
même de l'effet juridique d'une directive du Conseil du Trésor.
Celle-ci traduit une décision de principe que le Conseil du
Trésor avait le droit d'adopter et qu'il a effectivement adoptée,
mais elle ne crée aucun droit ni n'impose à la défenderesse
aucune obligation dont le demandeur pourrait obtenir l'exécu-
tion. Vu l'article 6a) du Décret d'exclusion sur les langues
officielles dans la Fonction publique, la décision selon laquelle
le demandeur n'était plus capable de remplir les fonctions de
son ancien poste parce qu'il était unilingue n'était pas juridi-
quement fondée. Son renvoi fondé sur cette décision était
également illégal. Avant d'accepter sa mutation, le demandeur
aurait eu droit à un jugement en ce sens, mais cela est du passé
et la Cour ne rendra pas un jugement déclarant un droit passé,
éteint. Le fait que le demandeur ait renoncé à son poste sous la
menace d'un renvoi illégal et à son corps défendant ne signifie
pas qu'il a actuellement droit à la réintégration. En ce qui
concerne les frais de déplacement entre Hudson Heights et
Cornwall, le demandeur est tenu de travailler à Cornwall du
fait de son nouveau poste, mais il peut vivre où bon lui semble.
Il ne ressort pas des faits de la cause qu'il a droit au rembourse-
ment de ces frais. Il ne s'agit pas là d'un droit qui tiendrait au
fait qu'il a dû accepter son nouveau poste sous la contrainte.
ACTION.
AVOCATS:
John P. Nelligan, c.r. pour le demandeur.
Walter L. Nisbet, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Le demandeur est un con-
trôleur aérien, unilingue anglophone, qui, en août
1978, a été muté de Montréal (Québec) à Corn-
wall (Ontario). Avant d'être muté, il occupait, au
ministère des Transports, le poste n° TACQ-0274;
il y avait été nommé le 3 juin 1969 la suite d'un
concours restreint. Il vit toujours sur une ferme
près d'Hudson Heights (Québec) et fait la navette
quotidiennement entre cette localité et Cornwall. Il
demande, en plus des dépens, un jugement qui
déclarerait qu'il a le droit a) de demeurer ou d'être
rétabli dans le poste TACQ-0274 avec le plein
salaire et tous les avantages de ce poste et b) d'être
remboursé de tous les frais supplémentaires qu'il a
supportés par suite de ses trajets journaliers entre
Hudson Heights et Cornwall.
En décembre 1975, les contrôleurs du Centre de
contrôle de la région de Montréal, où travaillait le
demandeur, ont été avisés que le service de con-
trôle du trafic aérien, dans la région du Québec,
serait, à l'avenir, assuré dans les deux langues
officielles. On a alors donné aux contrôleurs l'oc-
casion de demander leur mutation à l'extérieur du
Québec, mutation assortie d'avantages spéciaux,
tels des versements d'appoint pour le logement et
des indemnités de réinstallation, en plus de ceux
généralement offerts par la Fonction publique. En
février 1976, M. Kelso a demandé sa mutation à
Halifax. En juillet, il a changé d'avis et a demandé
à être muté à Cornwall, cette mutation devant
prendre effet à compter du transfert, à cet endroit,
de l'Institut de formation de Transports Canada.
Le 31 mars 1976, ou vers cette date, le poste
TACQ-0274 a été désigné bilingue; le demandeur
est donc devenu le titulaire unilingue d'un poste
bilingue. Le demandeur a grandi au Québec. Son
expérience lui a enseigné, et un mois de formation
linguistique a confirmé son opinion, qu'il ne pou-
vait atteindre le niveau de compétence linguistique
en français requis pour ce poste. Il a, par la suite,
refusé d'entreprendre la formation linguistique.
En juillet 1976, le demandeur, qui occupait
toujours le poste TACQ-0274, se vit attribuer des
fonctions parmi lesquelles, toutefois, ne figuraient
plus les communications aéronautiques. Il n'est pas
nécessaire d'énumérer ces fonctions. En février
1978, il a été informé, d'une part, que son
employeur désirait le voir entrer, le ler mai, à
l'Institut de formation à Ottawa et, d'autre part,
qu'il serait fait droit à sa demande de mutation au
moment du transfert de l'Institut à Cornwall au
mois d'août.
En avril, le demandeur a retiré sa demande de
mutation à Cornwall et a fait valoir son droit de
conserver le poste TACQ-0274 au Centre de
Montréal. On lui a dit qu'il n'était plus qualifié
pour ce poste et que, puisqu'il avait refusé d'entre-
prendre la formation linguistique, la seule alterna
tive était a) la mutation à un autre poste ou b) le
renvoi pour incapacité en vertu de l'article 31 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique'. Le
demandeur a accepté sa mutation à Cornwall sous
réserve et a intenté la présente action avant que sa
mutation ne prenne effet. Son nouveau poste ne
comporte pas un traitement maximum inférieur au
traitement prévu pour le poste TACQ-0274.
Le demandeur allègue qu'il a le droit de conser-
ver le poste TACQ-0274 et que l'avis selon lequel
il est incapable de remplir les fonctions de ce poste
parce qu'il n'est pas bilingue est mal fondé. Ces
allégations ne s'appuient sur aucune disposition de
la convention collective relative à son emploi.
Le demandeur s'appuie, premièrement, sur le
sixième principe énoncé dans une résolution adop-
' S.R.C. 1970, c. P-32.
tée par le Sénat et la Chambre des communes en
juin 1973. 2 En voici la partie pertinente:
Que cette Chambre,
(i) sachant que, comme le stipule la Loi sur les langues
officielles, les langues française et anglaise ont un statut,
des droits et des privilèges égaux quant à leur emploi dans
toutes les institutions du Parlement et du gouvernement du
Canada;
sachant qu'il incombe aux ministères et organismes du
gouvernement du Canada de veiller à ce que, conformé-
ment à ladite loi, le public puisse communiquer avec eux et
obtenir leurs services dans les deux langues officielles; tout
en
reconnaissant que les fonctionnaires devraient pouvoir, en
règle générale, et sujet aux dispositions de la Loi sur les
langues officielles relatives aux services à donner au
public, accomplir leurs fonctions au sein du gouvernement
du Canada dans la langue officielle de leur choix;
reconnaisse et approuve par les présentes les principes
suivants en vue d'atteindre les objectifs susmentionnés;
(6) tout titulaire unilingue d'un poste bilingue peut choisir
d'entreprendre une formation linguistique et de devenir
bilingue, ou d'être muté à un autre poste dont le salaire
maximal est le même que celui du poste dont il était
titulaire; ou encore, s'il devait refuser une telle mutation,
de conserver son poste même si celui-ci a été désigné
comme bilingue;
Le 29 juin 1973, le Conseil du Trésor adressait aux
sous-chefs de ministères et aux chefs d'organismes
sa circulaire n° 1973-88 portant sur les exigences
linguistiques des postes. Le paragraphe 20 traite
des titulaires unilingues de postes bilingues.
20. Les titulaires unilingues des postes identifiés comme bilin-
gues se verront offrir un stage de formation linguistique pou-
vant aller jusqu'à douze mois, afin de leur permettre de devenir
bilingues. S'ils choisissent de ne pas devenir bilingues, ou s'ils
ne réussissent pas à le devenir, on leur offrira une mutation à
un poste unilingue dont le salaire maximum se situe au moins à
une augmentation statutaire près du poste qu'ils occupaient
précédemment. S'ils refusent cette mutation, ils conservent le
droit de demeurer dans leur poste, même si celui-ci a été
désigné comme bilingue. Lorsque, dans les circonstances préci-
tées, un employé unilingue occupe un poste désigné comme
bilingue, le ministère en cause devra prendre les dispositions
administratives qui s'imposent afin de répondre au* exigences
linguistiques du poste. Le Conseil du Trésor fournira les
sommes et les années-homme nécessaires à la mise en œuvre de
ces dispositions.
Le 24 mars 1976, le ministère des Transports
faisait une présentation au Conseil du Trésor
2 Journaux de la Chambre des communes du Canada, le 6
juin 1973, n° 97, page 382. Journaux du Sénat, le 7 juin 1973,
n° 50, page 214.
ayant pour objet les contrôleurs aériens du
Québec. Il y était notamment énoncé:
8. Suite à l'adoption du bilinguisme dans les communications
sol/sol, tous les contrôleurs du Québec doivent pouvoir s'expri-
mer couramment dans les deux langues, ou du moins avoir une
connaissance pratique du vocabulaire et de la phraséologie
propres à leur travail. Il faudrait donc qu'un contrôleur bilingue
assiste en permanence chaque contrôleur unilingue, ces derniers
devenant ainsi inaptes à s'acquitter de leurs fonctions dans ces
conditions. S'ils devaient demeurer en poste, il est à craindre
que leur présence entraverait l'application des mesures de
sécurité dont est responsable le ministère des Transports en
vertu de la Loi sur l'aéronautique. Il en résulte que lorsque des
contrôleurs sont réticents à acquérir le niveau élevé de compé-
tence linguistique exigé, pour des raisons de sécurité, ou incapa-
bles de le faire, la mutation semble être la meilleure solution.
C'est le premier cas où la question des langues officielles met
en cause la protection de vies humaines et où les exigences de la
sécurité aérienne ne permettent pas à des unilingues de conti-
nuer à occuper des postes bilingues, en dépit des dispositions
contraires d'une résolution du Parlement.
Le 25 mars, par suite de cette présentation, le
Conseil du Trésor a approuvé, ex post facto, bien
entendu, l'offre de compensation supplémentaire
visant à encourager les contrôleurs unilingues du
Québec à demander leur mutation.
Le demandeur s'appuie, deuxièmement, sur l'ar-
ticle 6 du Décret d'exclusion sur les langues offi-
cielles dans la Fonction publique.' L'article 20 de
la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
prévoit que:
20. Les employés nommés et affectés à un ministère, dépar-
tement ou autre élément de la Fonction publique, ou à une
partie de l'un de ceux-ci, doivent posséder les qualités requises,
en ce qui concerne la connaissance et l'usage de l'anglais ou du
français ou des deux langues, dans la mesure que la Commis
sion estime nécessaire pour que ce ministère, département ou
élément, ou cette partie de l'un de ceux-ci, puisse exercer
convenablement ses fonctions et fournir au public un service
efficace.
Le Décret, cependant, prévoit certaines exceptions
à cette exigence de Loi, dont l'alinéa a) de
l'article 6 pertinent en l'espèce:
6. Sont exclus de l'application de l'article 20 de la loi, dans
la mesure où la connaissance et l'usage des deux langues
officielles sont requis pour un poste bilingue, pour la période
durant laquelle ils occupent ce poste,
a) tout employé qui occupe un poste auquel il a été nommé
pour une période indéterminée et qu'il occupait au moment
où le poste a été identifié par le sous-chef comme exigeant la
connaissance et l'usage des deux langues officielles,
3 DORS/77-886.
La défenderesse ne conteste pas le fait que le
demandeur tombe sous le coup de cette exclusion,
mais s'appuie sur les dispositions suivantes de la
Loi sur l'administration financière: 4
5. (1) Le conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil
privé de la Reine pour le Canada relativement à toute question
concernant
e) la direction du personnel de la fonction publique, notam-
ment la fixation des conditions d'emploi des personnes qui y
sont employées; ...
7. (1) Sous réserve des dispositions de tout texte législatif
concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct,
mais nonobstant quelque autre disposition contenue dans tout
texte législatif, le conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses
fonctions relatives à la direction du personnel de la fonction
publique, notamment ses fonctions en matière de relations entre
employeur et employés dans la fonction publique, et sans
limiter la généralité des articles 5 et 6,
a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique
et assurer la répartition et la bonne utilisation des effectifs au
sein de la fonction publique;
c) prévoir la classification des postes et des employés au sein
de la fonction publique;
i) régler toutes les autres questions, notamment les condi
tions de travail non autrement prévues de façon expresse par
le présent paragraphe, que le conseil du Trésor estime néces-
saires à la direction efficace du personnel de la fonction
publique.
Il n'est pas, je crois, nécessaire de citer ou même
de mentionner les dispositions pertinentes de la Loi
sur l'aéronautiques qui imposent au ministre des
Transports l'obligation d'assurer des services qui,
par leur nature même, doivent favoriser la sécurité
de leurs usagers. Même si l'avocat y a fait allusion,
il demeure évident que la décision de désigner
bilingue le poste TACQ-0274 et celle de ne pas y
affecter un titulaire unilingue pour des raisons de
sécurité ont été rendues par le Conseil du Trésor
en vertu du pouvoir susmentionné ou par le sous-
ministre des Transports, en vertu d'une délégation
de ce même pouvoir conformément au paragraphe
7(2) de la Loi sur l'administration financière, et
non aux termes d'un règlement édicté par le minis-
tre des Transports conformément à l'article 6 de la
Loi sur l'aéronautique. Le bien-fondé de ces déci-
sions n'est pas contesté en l'espèce.
° S.R.C. 1970, c. F-10.
5 S.R.C. 1970, c. A-3.
Le demandeur a soulevé, au cours de son argu
mentation, un point additionnel à l'appui du
redressement demandé, savoir que la défenderesse
l'a incité à agir à son détriment en l'amenant à
retirer sa demande de mutation à Halifax. Si je
comprends bien, l'acte de la défenderesse découle-
rait soit du sixième principe de la résolution adop-
tée par le Parlement ou de la circulaire subsé-
quente du Conseil du Trésor qui en est le reflet. Je
pense que ce motif a sans doute été ajouté à
l'argumentation après coup, puisqu'il n'a pas fait
l'objet d'une plaidoirie. Cependant, indépendam-
ment de la valeur juridique douteuse de ce motif,
on constate que la chronologie des événements
contredit la thèse que le demandeur a été amené à
retirer sa demande de mutation à Halifax par suite
de la publication de la décision de principe de
permettre à des titulaires unilingues de conserver
leur poste désigné bilingue. Cette décision a été
rendue publique en juin 1973; or, le demandeur n'a
pas présenté sa demande de mutation à Halifax
avant février 1976. Compte tenu de ces faits, cette
thèse ne peut être prise au sérieux.
Il n'y a aucun doute que le demandeur n'a pas
librement et volontairement accepté d'être muté à
Cornwall. Quoique le langage de la déclaration ne
décrive pas, de façon juste, à mon avis, les circons-
tances pressantes dans lesquelles il se trouvait, il
reste que ces dernières étaient réelles. Il est égale-
ment évident que sa mutation involontaire était
contraire au sixième principe de la résolution par-
lementaire et à la directive du Conseil du Trésor
qui y a fait suite. La présentation du Ministère
datée de mars 1976 reconnaît clairement cette
situation, invoquant le souci primordial de
sécurité.
Monsieur John B. Stewart, titulaire d'un docto-
rat et expert en procédure parlementaire, a correc-
tement décrit, à mon avis, l'effet juridique d'une
résolution d'une chambre du Parlement dans un
ouvrage général que je considère comme la source
la plus récente en matière de pratique à la Cham-
bre des communes du Canada. 6 Il énonce:
[TRADUCTION] ... Une décision de la Chambre se traduit soit
par une résolution soit par un ordre. La Chambre exprime ses
opinions sous forme de résolutions. Elle exprime sa volonté sous
forme d'ordres.
6 The Canadian House of Commons, Procedure and Reform
(Montreal and London: McGill-Queen's University Press,
1977), page 36.
Par elles-mêmes, les résolutions ne lient personne; mais le
gouvernement les réclame souvent comme preuve à l'appui de
son action ....
Les ordres de la Chambre sont étroitement limités dans leur
effet immédiat. Ils servent de guide à l'orateur et aux autres
députés, et gouvernent la conduite du greffier, de l'huissier et
des autres officiers de la Chambre.
Quoique le docteur Stewart traite spécifiquement
de la Chambre des communes, rien ne nous permet
de conclure qu'une résolution du Sénat ou, quant à
cela, des résolutions identiques provenant des deux
Chambres, lient qui que ce soit. Je rejette en
particulier la thèse du demandeur fondée sur l'ar-
rêt Stockdale c. Hansard,' qui portait sur un ordre
et non sur une résolution du Parlement du West-
minster, thèse selon laquelle même si une résolu-
tion d'une chambre du Parlement ne peut faire
naître des droits et des obligations entre de simples
citoyens, elle en crée, toutefois, entre Sa Majesté
et ses préposés. Au Canada, le pouvoir législatif est
conféré à un Parlement composé de la Reine, du
Sénat et de la Chambre des communes. 8 Le pou-
voir de faire les lois ne peut être exercé par deux
de ces composantes seulement.
En conclusion, l'effet juridique de la directive du
Conseil du Trésor est le même que celui d'une
résolution. La directive traduit une décision de
principe que le Conseil du Trésor a le droit d'adop-
ter dans l'exécution de son mandat de gestion du
personnel et qu'il a, de fait adoptée. Elle ne crée,
cependant, aucun droit, et n'impose aucune obliga
tion à la défenderesse dont le demandeur pourrait
obtenir l'exécution.
Quant au Décret d'exclusion sur les langues
officielles dans la Fonction publique, c'est toute
autre chose. Il s'agit d'une loi qui lie tant le
demandeur que la défenderesse. En toute défé-
rence envers la défenderesse, je ne peux accepter
que le mandat général du Conseil du Trésor en
matière de direction du personnel, prévu par la Loi
sur l'administration financière, si large soit-il, abs
traction faite ou non des préoccupations d'ordre
sécuritaire qui ont dicté la décision, autorise le
Conseil du Trésor à rendre une décision contraire
aux dispositions claires du Décret. Aucune disposi
tion légale qui justifierait pareille conclusion n'a
été portée à mon intention.
' (1839) 112 E.R. 1112.
8 L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31
Vict., c. 3, art. 17.
Vu l'alinéa 6a) du Décret, la décision selon
laquelle le demandeur était incapable de remplir
les fonctions du poste TACQ-0274 pour le motif
qu'il était unilingue n'était pas juridiquement
fondée. Il s'ensuit que son renvoi pour incapacité
en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique, aurait également été illégal.
Le demandeur aurait eu droit, à mon avis, avant
d'accepter sa mutation à un jugement déclaratoire
en ce sens. Cela, cependant, est du passé, et la
Cour ne rendra pas de jugement déclarant un droit
passé, totalement éteint. Bien que la présente
action ait été intentée avant que la mutation au
poste TACQ-9274 à Cornwall ne prenne effet,
aucun redressement provisoire par voie d'injonc-
tion ou autrement n'a été demandé.
Le demandeur n'a pas droit aux déclarations
sollicitées. Sur la question des frais de voyage
engagés quotidiennement entre Hudson Heights et
Cornwall, le poste TACQ-9274 exige que le
demandeur travaille à Cornwall; mais il peut vivre
là où il le désire. La preuve n'appuie pas sa
prétention qu'il a droit d'être compensé pour voya
ger quotidiennement entre sa résidence et son lieu
de travail. Ce n'est certes pas un droit qui découle
du fait qu'il a accepté son nouveau poste sous la
contrainte. De même, le fait que le demandeur
aurait pu contester, avec succès, son renvoi pour
incapacité, s'il avait choisi de le faire, et le fait
qu'il abandonne son poste sous la menace d'un
renvoi illégal et sous réserve ne lui donnent aucun
droit, actuel ou permanent d'être rétabli dans le
poste TACQ-0274.
JUGEMENT
L'action est rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.