A-60-78
Les Nations Unies et l'Organisation pour l'ali-
mentation et l'agriculture des Nations Unies
(Demanderesses) (Appelantes)
c.
Atlantic Seaways Corporation et Unimarine S.A.
(Défenderesses) (Intimées)
Cour d'appel, les juges Ryan et Le Dain, et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 27 septembre
1978; Ottawa, le 26 mars 1979.
Compétence — Droit maritime — La clause d'attribution de
compétence du connaissement stipulait l'applicabilité exclusive
du droit canadien et le règlement des litiges au Canada par la
Cour fédérale du Canada — Toutes les parties sont domici-
liées à l'extérieur du Canada et le contrat aurait été conclu
aux É.-U. en vue du transport au départ d'un port américain à
destination d'un port étranger — Il s'agit de savoir si la
compétence in personam de la Cour fédérale en matière de
créances sur une cargaison s'étend à une cause d'action née à
l'extérieur du Canada — Dans l'affirmative, il s'agit de savoir
si la demande en l'espèce est régie par le droit maritime
canadien au sens de l'art. 22(2) de la Loi sur la Cour fédérale
— Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art.
22.
Il s'agit d'un appel du jugement de la Division de première
instance qui a rejeté, pour cause d'incompétence, une action en
dommages-intérêts à la suite d'un transport maritime de mar-
chandises d'un port des États-Unis à un port de la République
du Yémen. Toutes les parties sont domiciliées à l'extérieur du
Canada et le contrat de transport aurait été conclu aux États-
Unis. La clause 2 du connaissement stipulait cependant que le
contrat dont faisait foi ce connaissement était régi par la loi
canadienne et que les litiges seraient portés devant la Cour
fédérale du Canada, à l'exclusion de toute autre juridiction.
L'appel porte sur deux questions: (1) la compétence in perso-
nam de la Cour fédérale en matière de créances sur une
cargaison s'étend-elle à une cause d'action née à l'extérieur du
Canada? et (2) dans l'affirmative, la clause d'attribution de
compétence du connaissement fait-elle de la demande une
action fondée sur le droit maritime canadien ou sur toute autre
loi canadienne relative à la navigation et à la marine mar-
chande au sens de l'article 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêt: L'appel est accueilli. La compétence ration materiae
de la Cour pour connaître d'une action in personam en matière
d'avaries de cargaison s'étend aux causes d'action nées à l'exté-
rieur du Canada. Les termes de la Loi sur la Cour fédérale qui
confèrent la compétence in personam en matière de créances
sur une cargaison ne comportent aucune réserve, expresse ou
tacite, qui serait fonction du lieu où est née la cause d'action. Il
est significatif qu'il en est tout autre de la compétence in
personam en matière d'abordage. Une fois qu'il est établi
qu'une demande relève de l'un des cas de compétence visés à
l'article 22(2) de la Loi sur la Cour fédérale, il faut présumer
qu'elle est reconnue en droit maritime canadien et que ce droit
lui est applicable et ce, conformément à la règle établie par les
arrêts Quebec North Shore Paper et McNamara Construction.
Voilà la seule conception valide de la compétence de la Cour
fédérale en matière d'amirauté. Si l'on assujettit la compétence
à des règles qui s'appliquent par le jeu du conflit des lois, cela
risque de créer des dichotomies juridictionnelles imprévisibles
et hasardeuses.
Arrêts considérés: Santa Maria Shipowning and Trading
Co. S.A. c. Hawker Industries Ltd. [1976] 2 C.F. 325;
Quebec North Shore Paper Co. c. Canadien Pacifique
Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054; McNamara Construction
(Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654; Trop -
wood A.G. c. Sivaco Wire & Nail Co. (1979) 26 N.R. 313.
Arrêt mentionné: Associated Metals & Minerals Corp. c.
L'�+Evie W» [1978] 2 C.F. 710.
APPEL.
AVOCATS:
Nigel H. Frawley pour les demanderesses
(appelantes).
John T. Morin et L. Price pour la défende-
resse (intimée) Atlantic Seaways Corpora
tion.
Arthur J. Stone, c.r. pour la défenderesse
(intimée) Unimarine S.A.
PROCUREURS:
McMillan, Binch, Toronto, pour les demande-
resses (appelantes).
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
la défenderesse (intimée) Atlantic Seaways
Corporation.
McTaggart, Potts, Stone & Herridge,
Toronto, pour la défenderesse (intimée) Uni-
marine S.A.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit ici de l'appel d'un
jugement de la Division de première instance
[[1978] 2 C.F. 510] rejetant une action en dom-
mages-intérêts fondée sur un transport maritime
de marchandises depuis un port des États-Unis à
destination d'un port en la République du Yémen
parce que la Cour n'aurait pas été compétente
pour en connaître. Le jugement a été rendu sur
une demande intentée en vertu de la Règle 474,
conformément à une ordonnance autorisant de
produire une comparution conditionnelle pour
exciper de l'incompétence de la Cour.
Les pièces dont la Cour a connaissance et dont
on doit présumer qu'elles établissent les faits à
prendre en compte pour décider de la question de
compétence consistent en la déclaration, en un
affidavit produit à l'appui des demandes d'une
ordonnance de signification ex juris et en un con-
naissement, pièce jointe à l'affidavit.
Il s'agit d'une action personnelle que les appe-
lantes ont engagée à titre de propriétaires d'une
cargaison de blé expédiée en leur nom à bord du
navire Valiant de la Nouvelle-Orléans en Loui-
siane à destination d'Hodeïda en la République du
Yémen contre les intimées Atlantic Seaways Cor
poration et Unimarine S.A. respectivement pro-
priétaire et affréteur du navire. Toutes les parties
sont domiciliées à l'extérieur du Canada. Les
Nations Unies ont leur siège en la ville de New
York et l'Organisation pour l'alimentation et
l'agriculture des Nations Unies a le sien à Rome.
Atlantic Seaways Corporation est une société libé-
rienne qui a son siège social à Monrovia, au Libé-
ria et Unimarine S.A. est une société panaméenne
qui, pour fins de signification, a élu domicile à
Panama. Le Valiant est immatriculé au Libéria.
Le contrat de transport aurait été conclu aux
États-Unis entre la Commodity Credit Corpora
tion, l'agence du gouvernement des États-Unis qui
a fait don du blé aux appelantes, et l'intimée
Unimarine S.A., contrat que constate un connais-
sement délivré par le commandant du navire à la
Nouvelle-Orléans. Le Programme alimentaire
mondial, une organisation que les appelantes ont
créée, et qui a son siège à Rome, aurait expédié le
blé à titre de mandataire des appelantes et serait,
en cette capacité, cessionnaire des droits de la
Commodity Credit Corporation découlant du con-
trat de transport.
La déclaration dit qu'à son arrivée à Hodeïda, le
blé aurait été [TRADUCTION] «infesté d'insectes et
sur le point de germer» et qu'en conséquence une
grande quantité en a été rejetée par les autorités
yéminites. Les appelantes réclament le prix du
remplacement de la cargaison avariée. Elles pré-
tendent qu'il y a inexécution du contrat de trans
port et reprochent aux intimées et à leurs préposés
des fautes précises.
Deux clauses du connaissement portent sur la
question de la compétence. Ce sont les clauses 1 et
2 que voici:
[TRADUCTION] 1. Clause Paramount. Le contrat que constate
le présent connaissement produira ses effets sous réserve des
Règles de la Haye de la Convention internationale de Bruxelles
du 25 août 1924 relative à l'unification de certaines règles
concernant les connaissements, telles qu'édictées par l'état
expéditeur. Si aucune législation de ce genre n'est en vigueur
dans cet état, le Carriage of Goods by Sea Act de 1924 du
Royaume-Uni s'appliquera. Dans le cas de marchandises char
gées dans un port canadien, c'est la Loi du transport des
marchandises par eau, 1936 qui s'appliquera. Lorsqu'il est
délivré pour le transport international de marchandises par mer
au départ ou à destination de ports des États-Unis d'Amérique,
le présent connaissement prendra son effet sous réserve des
dispositions du Carriage of Goods by Sea Act des États-Unis
approuvé le 16 avril 1936. Toutefois, si cette loi ne s'applique
pas et que le transporteur soit tenu responsable par la loi ou
autrement de la cargaison, cette responsabilité sera régie et
limitée par les paragraphes 3(5), (6) et (7), 4(2), (5) et (6) sauf
l'alinéa 4(2)q), et l'article 7 de la COGSA, qui sont incorporés
à la présente clause. Le transporteur continue de bénéficier des
exonérations, immunités et limitations de responsabilité accor-
dées par les articles 4281 et 4287 modifiés des statuts révisés
des E.-U., et des dispositions législatives créant ou autorisant
des exonérations ou limitations de la responsabilité du transpor-
teur, lesquelles sont incorporées à la présente clause.
Si l'une des dispositions, exonérations et conditions de ce
connaissement est incompatible avec toute législation incorpo-
rée par la présente clause, cette disposition, exonération et
condition est nulle dans cette mesure mais pas davantage.
2. Loi applicable et compétence. Le contrat dont fait foi le
présent connaissement est régi par la loi canadienne, et les
litiges seront réglés par la Cour fédérale du Canada à l'exclu-
sion de tout autre tribunal.
La cargaison arriva au port d'Hodeïda vers le 18
avril 1976. La déclaration fut produite le 7 avril
1977. Le 9 mai 1977 la Division de première
instance, par ordonnance, autorisa les appelantes à
signifier notification de la déclaration aux intimées
à l'extérieur de sa juridiction. La signification
ayant été faite, les intimées demandèrent l'autori-
sation de produire une comparution conditionnelle
[TRADUCTION] «en vue d'exciper de l'incompé-
tence de la Cour». Par ordonnance de la Division
de première instance, en date du 5 décembre 1977,
cette autorisation fut accordée pourvu que les inti-
mées déposent une requête excipant de l'incompé-
tence au plus tard le 19 décembre 1977. Confor-
mément à cette autorisation, les intimées
produisirent des comparutions conditionnelles et
demandèrent [TRADUCTION] «une ordonnance sur
le fondement de la Règle 474 radiant la déclara-
tion et rejetant l'action avec dépens parce que la
Cour n'a pas compétence pour connaître de la
demande en l'espèce.»
Après un débat en règle, comportant aussi bien
une procédure orale qu'écrite, la Division de pre-
mière instance, le 26 janvier 1978, accorda la
demande et rejeta l'action au motif qu'il ne s'agis-
sait pas d'une demande faite en vertu «du droit
maritime canadien ou d'une autre loi du Canada».
Il s'agissait là d'une référence à ce que prévoit,
pour fonder la compétence, l'article 22(1) de la
Loi sur la Cour fédérale que voici:
22. (1) La Division de première instance a compétence con-
currente en première instance, tant entre sujets qu'autrement,
dans tous les cas où une demande de redressement est faite en
vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du Canada
en matière de navigation ou de marine marchande, sauf dans la
mesure où cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une
attribution spéciale.
La Division de première instance jugea que le
contrat de transport n'avait aucun lien avec le
Canada, qu'il était régi par le Carriage of Goods
by Sea Act, 1936', des Etats-Unis et qu'en l'ab-
sence de tout lien avec le Canada, la clause 2 du
connaissement, précitée, ne pouvait faire que la
demande ait été faite en vertu du droit maritime
canadien ou d'une autre loi du Canada.
Si je comprends bien les motifs du jugement et
les arguments qu'on nous a fait valoir, l'appel
porte essentiellement sur deux questions: première-
ment, la compétence personnelle de la Cour fédé-
rale en matière de créances sur une cargaison
s'étend-elle à une demande dont la cause est née à
l'extérieur du Canada? Et, deuxièmement, si par
hypothèse c'est le cas, la demande en l'espèce,
compte tenu des stipulations des clauses 1 et 2 du
connaissement, en est-elle une qui est faite sur le
fondement ou en vertu du droit maritime canadien
ou de quelque autre loi canadienne relative à la
navigation et à la marine marchande au sens de
l'article 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale?
Subsidiairement, les appelantes font valoir que la
question de la compétence ne devrait pas être
décidée en cet état de la cause car la Cour n'a pas
devant elle suffisamment de faits pour la trancher.
Le bien-fondé de cette proposition ne peut bien sûr
être évalué qu'après avoir considéré les implica-
46 U.S. Code, articles 1300 à 1315.
tions des deux questions et l'importance, pour en
décider, des faits dont la Cour n'a pas présente-
ment connaissance.
Les dispositions précises attributives de compé-
tence que les appelantes invoquent sont les alinéas
e),h) et i) du paragraphe 22(2) de la Loi sur la
Cour fédérale que voici:
22....
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il
est déclaré pour plus de certitude que la Division de première
instance a compétence relativement à toute demande ou à tout
litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
e) toute demande pour l'avarie ou la perte d'un navire, et
notamment, sans restreindre la portée générale de ce qui
précède, l'avarie ou la perte de la cargaison ou de l'équipe-
ment d'un navire ou de tout bien à bord d'un navire ou en
train d'y être chargé ou d'en être déchargé;
h) toute demande pour la perte ou l'avarie de marchandises
transportées à bord d'un navire, et notamment, sans restrein-
dre la portée générale de ce qui précède, la perte ou l'avarie
des bagages ou effets personnels des passagers;
i) toute demande née d'une convention relative au transport
de marchandises à bord d'un navire, à l'utilisation ou au
louage d'un navire soit par charte-partie, soit autrement;
Les intimées font valoir qu'il faut interpréter ces
dispositions attributives de compétence de façon à
exclure les demandes dont la cause serait née hors
du Canada. On a référé au cours du débat à
l'histoire de la compétence de la juridiction d'ami-
rauté en matière de contrats maritimes étrangers
et en particulier on a prétendu que cette compé-
tence s'étendait autrefois aux contrats conclus
outremer mais que plus tard elle fut restreinte aux
contrats faits en haute mer. On a mentionné les
Rôles d'Oléron 2 , la législation de Richard II 3 , et
2 On a mentionné deux passages des Rôles d'Oléron, tels
qu'on les trouve dans le The Black Book of the Admiralty,
édité par Sir Travers Twist. Voici le premier, volume I, page
69: [TRADUCTION] «Item tout contrat conclu entre un commer-
çant et un autre commerçant, ou entre un commerçant et un
navigateur outremer, ou en deçà du relais de haute mer, sera
jugé devant l'amiral et nulle part ailleurs de par l'ordonnance
dudit roi Edward et de ses seigneurs.—N° E. 38, Dr Zouch, fol.
101. Articles of Agreement, 18 fév. 1632. Littleton L. 3, c. 7,
sect. 440.» Voici le second, volume II, à la page 327: [TRADUC-
TION] «Si un contrat est passé entre le peuple d'Oléron et celui
d'un autre pays et qu'ensuite il y ait litige, l'audition de celui-ci
se fera dans le pays où il a été passé car il y sera plus facile d'en
entendre les témoins.»
3 Richard II, 1389, chapitre 6 [TRADUCTION] («... les ami-
raux et leurs mandataires ne s'émisseront plus dorénavant dans
ce qui se passe dans le royaume mais s'occuperont uniquement
l'attitude des juridictions de common law 4 . L'ar-
gument au sujet des contrats de transport étranger
cependant s'appuyait principalement, si j'ai bien
compris, sur la portée limitée de la compétence, en
matière de créances sur la cargaison conférée à la
Cour d'Amirauté d'Angleterre par l'article 6 de la
Loi de 1861 sur l'Amirauté, 24 Vict., c. 10, que
voici:
[TRADUCTION] 6. La Haute Cour d'Amirauté aura compé-
tence pour connaître de toute demande du propriétaire, consi-
gnataire ou cessionnaire de toute marchandise transportée,
suivant connaissement, à destination d'un port quelconque
d'Angleterre ou du pays de Galles, dans quelque navire que ce
soit, pour tout dommage causé aux marchandises, en tout ou en
partie, par la faute, l'incurie ou l'inexécution de quelque obliga
tion, délictuelle ou contractuelle, de la part du propriétaire, du
commandant du navire ou de l'équipage, à moins qu'il ne soit
démontré à la Cour, et qu'elle n'en soit convaincue, qu'au
moment où la procédure a été engagée un des propriétaires, ou
copropriétaires, du navire était domicilié en Angleterre ou au
pays de Galles:.. .
La Loi de 1861 attribua à la Haute Cour
d'Amirauté compétence matérielle et personnelle
en matière de demande fondée sur les avaries à
une cargaison transportée vers un port d'Angle-
de ce qui se fait sur mer...») et Richard II, 1391, chapitre 3
[TRADUCTION] («... de toutes les sortes de contrats, plaintes et
chicanes, et de toutes les autres affaires ayant pris naissance
dans le ressort des comtés, sur terre ou sur l'eau, et aussi des
épaves sur la mer, la Cour de l'amiral n'en saurait avoir
connaissance en quelque manière ...Y)
4 Les Rôles d'Oléron, de même que l'effet des lois de Richard
II et l'attitude des juridictions de common law en ce qui
concerne la compétence de la juridiction d'amirauté en matière
de contrats maritimes étrangers ont été étudiés par le juge
Story dans son jugement désormais classique: De Lovio c. Boit,
2 Gall. 398, 7 Fed. Cas. 418. II statua que la Cour d'Amirauté
d'Angleterre avait compétence avant l'adoption des lois de
Richard II en matière de contrats maritimes étrangers où qu'ils
aient été conclus et où qu'il ait été entendu qu'ils seraient
exécutés, que ces lois ne cherchaient pas à supprimer cette
compétence en matière de contrats maritimes étrangers conclus
sur terre, en dépit du fait que les juridictions de common law
aient prétendu le contraire, et qu'il n'y avait aucune raison de
recevoir aux États-Unis les restrictions que les juridictions de
common law avaient apporté à la compétence de la Cour
d'Amirauté. Il conclus en disant: [TRADUCTION] «Somme
toute, je suis prêt à affirmer, sans la moindre hésitation, que la
délégation aux juridictions des États-Unis de la compétence de
connaître de «toutes les affaires civiles d'amirauté et de compé-
tence maritime» s'étend à tous les contrats, délits, quasi-délits et
avaries maritimes. Cette dernière branche est de par nécessité
limitée au territoire; la première s'étend à tous les contrats,
(peu importe où ils ont été faits ou signés et quelle que soit la
forme de leurs stipulations,) qui se rapportent à la navigation,
au commerce ou aux affaires de mer.»
terre ou du pays de Galles. Elle ouvrait un recours
là où il n'y en avait aucun auparavant: The «Iron-
sides» 167 E.R. 205; The «St. Cloud» 167 E.R.
269. Mais elle fixait aussi les limites de la compé-
tence d'amirauté exercée par la Cour de l'Échi-
quier du Canada en matière de créances sur la
cargaison fondée sur l'Acte de l'Amirauté, 1891,
S.C. 1891, c. 29, qui avait été adopté conformé-
ment à l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté,
1890, 53-54 Vict., c. 27 (loi imp.). La Cour de
l'Échiquier respecta cette limite dans The Harris
Abattoir Co. Ltd. c. Le S.S. «Aledo» [1923]
R.C.É. 217 où elle statua qu'elle n'avait pas com-
pétence pour connaître d'une demande fondée sur
l'avarie d'une cargaison expédiée du Canada vers
l'étranger. De par la Loi d'amirauté, 1934, S.C.
1934, c. 31, la compétence attribuée à la Cour de
l'Échiquier en matière de créances sur la cargaison
n'est pas limitée aux cargaisons destinées à un port
canadien. L'alinéa a) du paragraphe 18(3) de la
Loi sur l'Amirauté, S.R.C. 1952, c. 1, attribue
compétence dans les termes suivants:
18....
(3) Par dérogation à toute disposition de la présente loi ou
de l'Act mentionné au paragraphe (2), la Cour a juridiction
pour entendre et décider
a) Les réclamations
(i) découlant d'une convention relative à l'utilisation ou à
l'affrètement d'un navire,
(ii) relatives au transport de marchandises dans un navire,
ou
(iii) en dommage relativement à des marchandises trans-
portées dans un navire;
Le paragraphe 18(4) disposait:
18....
(4) Nulle action in rem, à l'égard d'une réclamation men-
tionnée à l'alinéa a) du paragraphe (3), n'est du ressort de la
Cour, à moins qu'il ne soit démontré à cette dernière que, au
moment où les procédures ont été intentées, aucun propriétaire
ou copropriétaire du navire n'était domicilié au Canada.
L'article 22(1)a)(xii) du Supreme Court of
Judicature (Consolidation) Act, 1925, 15-16 Geo.
V, c. 49, avait attribué compétence à la Cour
anglaise en matière de créances sur une cargaison
comme suit:
[TRADUCTION] 22.—(1) La Haute Cour possède, en matière
d'amirauté, la juridiction suivante (nommée dans la présente
loi, «juridiction d'amirauté»), savoir:—
a) juridiction pour entendre et décider l'une quelconque des
contestations ou réclamations suivantes:—
(xii) Toute demande—
(1) née d'un contrat d'exploitation ou d'affrètement
d'un navire; ou
(2) relative à un transport de marchandises par bateau;
ou
(3) en responsabilité délictuelle relative à un transport
de marchandises par bateau;
à moins qu'il ne soit démontré qu'à l'époque où fut engagée
la procédure, un propriétaire ou copropriétaire quelconque
du navire était domicilié en Angleterre:
Ces dispositions montrent clairement que la
limitation que prévoyait l'article 6 de la Loi de
1861 sur l'Amirauté n'a pas été reproduite dans la
Loi anglaise de 1925 ni dans la Loi canadienne de
1934. La compétence en matière de créances rela
tives à une cargaison que ces lois ont attribuée aux
juridictions d'amirauté anglaises et canadiennes
respectivement était à première vue illimitée au
moins quant au lieu de naissance de la cause de la
demande.
La Loi d'amirauté, 1934 a imposé certaines
restrictions à l'exercice de la compétence person-
nelle relativement à des créances sur une cargai-
son. Le paragraphe 19(2) prévoyait que: «Sous
réserve des paragraphes (3) et (4) de l'article 18 et
du paragraphe (1) de l'article 20, la juridiction
d'amirauté de la Cour de l'Échiquier peut être
exercée, soit dans des actions in rem, soit dans des
actions in personam.» Ce sont les alinéas e) et j)
du paragraphe 20(1) qui importent, les voici:
20. (1) Une instance peut être instituée dans un greffe
quelconque, quand
e) L'instance est in personam et fondée sur une violation ou
une prétendue violation, dans les limites du district ou de la
division de ce greffe, d'un contrat, quel que soit le lieu de sa
passation, qui relève de la juridiction de la Cour et qui,
d'après les termes dudit contrat, aurait dû être exécuté dans
les limites de ce district ou de cette division; ou
J) L'instance est in personam et a pour objet un dommage
relativement à des marchandises transportées sur un navire à
l'intérieur d'un port dans les limites du district ou de la
division de ce greffe.
On pourrait aussi faire observer que la Règle 20
d'application de la Loi de 1934, qui concerne les
significations à l'extérieur de la juridiction, reflète
ces limitations aux alinéas b) et e) que voici:
[TRADUCTION] 20. La Cour pourra autoriser la signification
hors du ressort d'un bref d'assignation, d'un avis de comparu-
tion ou d'un avis à tierce partie quand:
b) une action est fondée sur la violation, dans les limites du
district ou de la division où est intentée l'action, des disposi
tions d'un contrat, quel que soit son lieu de passation, du
moment que, d'après les termes dudit contrat, il devait être
exécuté dans les limites du district ou de la division;
e) l'action intentée est fondée sur la responsabilité délictuelle
relativement à des marchandises à bord d'un navire dans un
port situé dans les limites du district ou dans la division du
greffe où est intentée l'action.
Les termes de la Loi sur la Cour fédérale qui
attribuent compétence personnelle en matière de
créances sur une cargaison ne comportent aucune
réserve, tacite ou expresse, qui serait fonction du
lieu de naissance de la cause de la demande. Outre
le libellé des alinéas e),h) et i) du paragraphe
22(2), précités, lequel ne comporte aucune réserve,
on pourrait se référer au paragraphe 22(3)c) que
voici:
22....
(3) Pour plus de certitude il est déclaré que la compétence
conférée à la Cour par le présent article s'étend
c) à toutes les demandes, que les faits y donnant lieu se
soient produits en haute mer ou dans les limites des eaux
territoriales, intérieures ou autres du Canada ou ailleurs et
que ces eaux soient naturellement ou aient été rendues
navigables, et notamment, sans restreindre la portée générale
de ce qui précède, dans le cas de sauvetage, aux demandes
relatives aux cargaisons ou épaves trouvées sur les rives de
ces eaux; .... [C'est moi qui souligne.]
Le paragraphe 43(1) dispose que «Sous réserve
du paragraphe (4) du présent article, la compé-
tence conférée à la Cour par l'article 22 peut dans
tous les cas être exercée en matière personnelle.»
Le paragraphe (4) impose comme suit certaines
conditions, voire limitations, à la compétence per-
sonnelle dans les affaires d'abordage:
43....
(4) Nulle action personnelle ne peut être intentée au Canada
pour une collision entre des navires à moins
a) que le défendeur ne soit une personne qui a une résidence
ou un bureau d'affaires au Canada;
b) que la cause d'action n'ait pris naissance dans les eaux
territoriales, intérieures ou autres du Canada; ou
c) que les parties n'aient convenu que la Cour aura
compétence.
Il est significatif, je pense, qu'aucune limitation
n'ait été apportée à sa compétence personnelle en
matière de créances sur une cargaison. C'est là un
motif de ne pas en présumer une. L'avis du juge en
chef Jackett dans Santa Maria Shipowning and
Trading Company S.A. c. Hawker Industries
Limited [1976] 2 C.F. 325, semble confirmer ce
point de vue. Dans cette affaire, une action person-
nelle, fondée sur un contrat de réparation d'un
navire, avait été engagée. On s'est interrogé sur
l'étendue de la compétence qu'attribuait l'article
22(2)n) de la Loi sur la Cour fédérale au sujet de
«toute demande née d'un contrat relatif à la cons
truction, à la réparation ou à l'équipement d'un
navire» car, comme l'a dit le juge en chef dans ses
motifs, on faisait valoir que «toute la cause con-
tractuelle d'action ainsi invoquée se situe géogra-
phiquement hors du Canada et que, par consé-
quent, cette cause d'action ne relève pas de la
compétence d'un tribunal canadien». Le juge en
chef a statué que les termes de la déclaration,
pouvait autoriser la preuve de la naissance au
Canada d'une cause de la demande mais il a
répondu comme suit à l'argument sur les limites de
la compétence de la Cour en matière d'amirauté:
Vu l'absence de jurisprudence directement reliée à la ques
tion, je ne suis pas convaincu que les litiges relatifs à la
compétence d'amirauté soient soumis à des limitations géogra-
phiques implicites. Dans une affaire d'amirauté (et, autant que
je sache, dans toute autre affaire présentée devant n'importe
quel tribunal), quand il n'existe pas de limitation expresse, il
n'y a pas de raison de conclure à l'existence d'autre limitation
géographique implicite de la compétence de la Cour que celle
relative à la nécessité de remettre une assignation à un défen-
deur à l'intérieur du ressort géographique de la Cour, sauf si
une autorité compétente donne la permission de délivrer une
assignation ex juris. [A la p. 335.]
Cette opinion sur la compétence de la Cour en
matière d'amirauté paraît conforme à celle attri-
buée à la Cour d'Amirauté anglaise par l'Admin-
istration of Justice Act de 1956 dont l'article
1(4)b) dispose que les dispositions de son article 1,
qui attribuent compétence en fonction des diffé-
rentes catégories de demandes s'appliquent [TRA-
DUCTION] «à toutes les demandes, peu importe le
lieu où elles naissent ...». (L'article 4 de la Loi
impose certaines limitations territoriales aux
actions personnelles dans les affaires d'abordage à
peu près comme le fait le paragraphe 43(4) de la
Loi sur la Cour fédérale.) Il est aussi intéressant
de noter les dires de lord Wilberforce dans The
«Atlantic Star» [1974] A.C. 436, la page 469,
sur l'opinion qu'a la Cour d'Amirauté anglaise de
sa compétence:
[TRADUCTION] ... la Cour d'Amirauté dans notre pays a une
très longue histoire et une réputation internationale bien éta-
blie. Des justiciables de tous les coins du monde y ont recours
en des matières n'ayant aucun lien intrinsèque avec l'Angle-
terre. La proportion (les avocats nous ont fourni les chiffres
qu'ils ont trouvés) de litiges étrangers dont elle connaît est
substantielle. For d'élection souvent choisi par les contractants,
elle a l'habitude d'appliquer la loi étrangère, et est apte à
entendre le témoignage d'experts jouissant eux-mêmes d'une
grande réputation.
Pour ces motifs je suis d'avis que la compétence
de la Cour, ratione materiae, dans une action
personnelle, en matière de demande pour cause
d'avaries à une cargaison, s'étend à celle dont la
cause est née à l'extérieur du Canada. Que la Cour
doive se présumer compétente dans une affaire qui
exige l'autorisation de signifier ex juris c'est là,
naturellement, une autre question. C'est un pou-
voir discrétionnaire à exercer en prenant en
compte la théorie du forum conveniens: affaire
Antares Shipping Corporation c. Le «Capricorn»
[1977] 2 R.C.S. 422. En l'espèce la Division de
première instance a autorisé à signifier hors de la
juridiction et ce n'est pas l'exercice de ce pouvoir
discrétionnaire, en soi, que contestent les intimées
dans leur demande, mais bien la compétence
ratione materiae de la Cour.
Voyons maintenant si la demande peut être
fondée sur le droit maritime canadien ou sur quel-
que autre loi du Canada concernant la navigation
et le commerce maritime. Dans Quebec North
Shore Paper Company c. Canadien Pacifique
Limitée [1977] 2 R.C.S. 1054 et dans McNamara
Construction (Western) Limited c. La, Reine
[1977] 2 R.C.S. 654, la Cour suprême du Canada,
se fondant suer l'expression «[P]administration des
lois du Canada» de l'article 101 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, 1867, a jugé que
pour que la Cour fédérale soit compétente dans
une espèce, il doit y avoir en existence et applica
ble, un droit fédéral: loi, règlement ou common
law, sur lequel la demande puisse se fonder. Il ne
suffit pas que l'objet de l'action relève de la com-
pétence législative du Parlement. Ni dans l'une ni
dans l'autre affaire ne s'appliquait ni n'existait de
droit fédéral, jugea-t-on, de sorte que la Cour n'eut
pas à considérer la relation qu'il doit y avoir entre
le droit fédéral actuel et la cause d'une demande
dans une espèce pour satisfaire et à l'article 101 et
aux termes d'une attribution particulière de com-
pétence. Mais dans l'arrêt McNamara Construc
tion, le juge en chef Laskin a employé des termes
qui suggèrent qu'une demande doit être «fondée»
sur le droit fédéral en vigueur.
Cela fait maintenant plusieurs affaires où la
présente cour statue que le droit maritime cana-
dien au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour
fédérale, que l'article 42 déclare maintenir en
vigueur, constitue du droit fédéral en vigueur au
sens des arrêts de la Cour suprême Quebec North
Shore Paper Company et McNamara Construc
tion. Voir par exemple Associated Metals &
Minerals Corporation c. L'«Evie W» [1978] 2
C.E. 710 dans lequel le juge en chef Jackett a dit à
la page 716: «il y a au Canada un ensemble de
droit de l'amirauté dont nous ne sommes pas sûrs
des limites exactes mais ledit droit englobe évi-
demment un droit positif régissant les contrats de
transport des marchandises par mer».
En l'espèce présente c'est le droit maritime
canadien qui doit constituer le droit fédéral appli
cable dont l'existence est nécessaire pour donner
compétence; on ne prétend pas qu'il existe au
Canada d'autres normes de droit portant sur la
navigation et le commerce maritime qui soient
applicables. La question litigieuse telle que l'ont
présentée les motifs du jugement de la Division de
première instance et le débat en appel, est de
savoir si, vu les termes de la clause 1 du connaisse-
ment, on peut dire que la demande est fondée sur
le droit maritime canadien. En vertu de la clause,
lorsque le transport s'effectue depuis un port amé-
ricain et concerne le commerce vers l'étranger, le
connaissement doit avoir effet sous réserve des
dispositions du Carriage of Goods by Sea Act,
1936, des États-Unis. On fait valoir que d'après
cette stipulation les droits et obligations des parties
sont fixés par le droit américain, plutôt que par le
droit canadien.
D'autre part, les appelantes ont accordé beau-
coup d'importance à la clause 2 où il y a élection
du droit applicable, aussi bien que du for à saisir
en cas de litige, comme indiquant que le droit
maritime canadien s'applique en l'espèce. Le débat
en appel a porté principalement sur la validité et
l'effet de la clause 2 par rapport à la clause 1. Cela
soulève des problèmes d'interprétation et de droit
international privé. Les prétentions respectives des
parties peuvent se résumer brièvement. Les inti-
mées font valoir que la clause 2 devrait être décla-
rée inopérante, voire nulle et non avenue, car elle
contredit la clause 1 ou vient en conflit avec elle.
Elles invoquent le principe mentionné dans Forbes
c. Git [1922] 1 A.C. 256, la page 259: [TRADUC-
TION] «Si dans un acte une clause met à néant une
obligation créée par une clause antérieure, la der-
nière clause doit être rejetée comme contradictoire
et la première doit prévaloir.» On s'est aussi
appuyé sur l'arrêt Ocean Steamship Company,
Limited c. Queensland State Wheat Board [1941]
1 K.B. 402 où fut jugée nulle et non avenue la
stipulation d'un connaissement qui faisait du droit
anglais le droit applicable au contrat car c'était là
contrevenir à une disposition du Sea-Carriage of
Goods Act, 1924, [No 22, 1924] de l'Australie,
incorporée au contrat, qui faisait du droit austra-
lien le droit applicable en cas d'expédition depuis
un port australien. Les intimées font aussi valoir
que la clause 2 ne devrait pas recevoir effet, et
elles citent l'arrêt de la Cour d'appel des États-
Unis, deuxième circuit: Indussa Corporation c.
Steamship «Ranborg» 1967 A.M.C. 589, car une
juridiction américaine la jugerait nulle et non
avenue parce que contraire au Carriage of Goods
by Sea Act des États-Unis dans la mesure où elle
cherche à retirer aux juridictions américaines leur
compétence. Les appelantes font valoir, somme
toute, qu'il n'y a pas nécessairement conflit entre
les stipulations de la clause 1 et celles de la clause
2 et qu'on peut leur donner effet à toutes deux si
on tient que la première incorpore les dispositions
du Carriage of Goods by Sea Act des États-Unis
au contrat de transport conformément au principe
reconnu dans des affaires comme G.E. Dobell &
Co. c. The Steamship Rossmore Company, Limi
ted [1895] 2 Q.B. 408, ou dans l'affaire Ocean
Steamship elle-même, et que la clause 2 pourrait
avoir effet sous réserve des conditions du contrat, y
compris celles-ci.
La décision du Conseil privé dans Vita Food
Products, Incorporated c. Unus Shipping Com
pany, Limited [1939] A.C. 277 semble avoir une
grande importance vu les questions soulevées. Le
connaissement dans cette affaire, qui visait une
expédition depuis un port de Terre-Neuve à desti
nation des États-Unis ne comportait pas de clause
paramount incorporant au contrat les Règles de la
Haye, telles que reprises par le Carriage of Goods
by Sea Act, 1932, de Terre-Neuve [1932, c. 18]
mais contenait une clause prévoyant que le contrat
serait régi par le droit anglais. Il fallait décider si
le défaut de se conformer à une exigence de cette
loi terre-neuvienne, soit qu'il y ait une clause
paramount, rendait le connaissement illégal. Le
Conseil privé a jugé que non. Au sujet de la liberté
des parties de choisir la loi applicable au contrat
qui leur convient, lord Wright, qui rédigea l'avis, a
dit [à la page 290]: [TRADUCTION] «Mais lorsque
s'applique la règle anglaise qui veut qu'on recher-
che l'intention des parties et lorsque celles-ci ont
expressément choisi la loi applicable à leur contrat,
il est difficile de voir quelles restrictions on pour-
rait y apporter pourvu que l'intention ainsi expri-
mée l'ait été de bonne foi, qu'elle soit licite et qu'il
n'y ait aucune raison de l'ignorer pour des motifs
d'ordre public.» Quant à savoir si les parties sont
libres de choisir comme droit applicable un droit
n'ayant aucun lien avec le contrat, il a dit claire-
ment [à la page 29O]: [TRADUCTION] «Un lien
avec le droit anglais n'est pas en principe essen-
tiel.» Cette décision a fait l'objet de critiques de la
part d'auteurs éminents de droit international
privé mais il semble qu'elle traduise encore l'opi-
nion dominante. Certains diront que dans des cir-
constances de ce genre le choix des parties est un
facteur à considérer mais non déterminant. La
principale restriction à la liberté d'élection du droit
applicable au contrat, et le sens à donner aux mots
«bonne foi» et «licite» employés par lord Wright, ce
serait qu'on ne doit pas choisir comme droit appli
cable celui qui nous permet de contourner une
obligation décrétée par la loi avec laquelle le con-
trat a le plus de liens réels. Voir Dicey and Morris,
The Conflict of Laws, 9e éd., 1973, pages 729 à
732; Cheshire, Private International Law, 9e éd.,
1974, pages 205 à 208; Castel, Canadian Conflict
of Laws, 1977, vol. 2, pages 535 à 537. Quant à
savoir avec quel système de droit le contrat a le
plus de liens réels, c'est là essentiellement une
question de fait et dans la mesure où il s'agit d'un
système de droit étranger, la question est aussi de
savoir quelles dispositions obligatoires de ce droit
portent atteinte à la validité du contrat ou à l'une
de ses stipulations. Il vaut mieux que ces questions
ne soient résolues qu'à la lumière de toutes les
circonstances pertinentes prouvées entourant la
conclusion et l'exécution du contrat. Dans cette
mesure je pense qu'il serait prématuré de tenter de
résoudre ces questions en cet état de la cause, en
s'appuyant sur la déclaration seule. La question de
la mesure de l'application du droit canadien est
par ailleurs compliquée par le fait que les appelan-
tes prétendent cumuler leurs recours délictuel et
contractuel. Quant à savoir si en l'espèce, où le
propriétaire et l'affréteur sont actionnés, il peut y
avoir cumul ou si les défenderesses auraient droit
au bénéfice des exceptions du contrat, ou si enfin,
il serait nécessaire d'appliquer la loi étrangère en
quelque mesure pour établir la responsabilité, ce
sont là aussi des questions qu'il vaut mieux ne
résoudre qu'après l'instruction sur le fond.
De toute façon je suis d'avis que la réponse à la
question de savoir si la demande est fondée ou non
sur le droit maritime canadien ne peut être fonc-
tion de la mesure dans laquelle la loi étrangère
s'applique. D'après moi, une fois qu'il a été statué
qu'une demande particulière relève de l'une des
catégories de compétence spécifiées à l'article
22(2) de la Loi sur la Cour fédérale, il faut
présumer qu'elle est reconnue par le droit mari
time canadien et que ce droit lui est applicable, en
autant que le requièrent les arrêts Quebec North
Shore Paper et McNamara Construction. Il n'y a
pas d'autre approche de la compétence de la Cour
en matière d'amirauté qui puisse fonctionner. Que
cette compétence soit fonction de la loi applicable
de par l'opération du droit international privé crée-
rait des dichotomies de compétence imprévisibles
et hasardeuses. Serait exclue de la compétence de
la Cour, par exemple, une affaire comme l'arrêt
Drew Brown Limited c. L'«Orient Trader„ [1974]
R.C.S. 1286, où la Cour appliqua, comme loi du
contrat, le droit américain, alors qu'il s'agissait
d'une demande relevant de la compétence d'ami-
rauté de la Cour de l'Échiquier. Je ne puis croire
qu'on ait voulu que le principe affirmé dans les
arrêts Quebec North Shore Paper et McNamara
Construction puisse avoir de telles conséquences.
Lorsqu'il faut connaître la loi étrangère pour éta-
blir les droits et obligations des parties, celle-ci
doit être prouvée comme un fait ordinaire; le droit
national ne lui donne effet que s'il le choisit et
aussi, pour des raisons d'ordre public. Voir Dyna-
mit Actien-Gesellschaft (Vormals Alfred Nobel
and Company) c. Rio Tinto Company, Limited
[1918] A.C. 292, lord Parker of Waddington, à la
page 302; Cheshire's Private International Law, 9e
éd., 1974, pages 148 et 149. On ne peut déterminer
à l'avance dans quelle mesure la loi nationale et la
loi étrangère s'appliqueront à une espèce. A moins
qu'il ne soit prouvé que la loi étrangère diffère de
la loi du for, on la présume identique. Il serait
irréaliste que la compétence soit fonction de la
mesure dans laquelle la loi étrangère pourrait s'ap-
pliquer au fond du litige. Pour ces motifs je tiens
que cette demande est fondée sur le droit maritime
canadien et il s'ensuit que la Cour est compétente
pour en connaître.
Ces motifs rédigés, la Cour suprême du Canada
prononça un arrêt le 6 mars 1979 dans Tropwood
A.G. c. Sivaco Wire & Nail Company (1979) 26
N.R. 313, dont j'estime qu'il faut prendre connais-
sance vu les conséquences qu'il pourrait avoir sur
l'appel. Cette affaire comportait un déclinatoire de
la compétence de la Cour fédérale de connaître de
certaines demandes fondées sur des avaries à une
cargaison transportée depuis un port français jus-
qu'à Montréal en vertu de connaissements stipu-
lant application des Règles de la Haye telles qu'a-
doptées par le pays expéditeur. La Cour suprême a
statué que la demande entrait dans la compétence
de la Cour fédérale. Dans ces motifs, le juge en
chef Laskin, qui rendit l'arrêt de la Cour, jugea
que l'article 4 de l'Acte de l'Amirauté, 1891,
(supra), opérait réception au Canada de l'ensem-
ble du droit de l'amirauté, lequel permettait de
connaître des demandes pour avaries à une cargai-
son; il s'ensuivait que ces demandes se trouvaient
reconnues par le droit maritime canadien au sens
de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. Il
statua en outre que lorsque l'article 22 de la Loi
attribue compétence à la Cour fédérale pour con-
naître d'une demande particulière, celle-ci peut
décider, en s'appuyant sur les règles du droit inter
national privé, que la loi étrangère s'applique dans
une certaine mesure. Après examen minutieux de
cet arrêt je suis d'avis, respectueusement, qu'il ne
saurait m'obliger à en arriver, quant au litige en
cet appel, à une conclusion différente de celle pour
laquelle j'ai donné les précédents motifs.
C'est pourquoi j'accorderais l'appel, réformerais
le jugement de première instance et rejetterais la
requête avec dépens en cette instance comme en
celle qui précède.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: J'y souscris
aussi.
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