A-573-79
Air Canada et C.P. Air (Appelantes)
c.
Wardair Canada (1975) Ltd. (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Ryan—
Ottawa, le 29 octobre et le 2 novembre 1979.
Aéronautique — Appel contre la décision du Comité de
révision de la Commission canadienne des transports qui a
annulé la décision du Comité des transports aériens et accueilli
la requête de l'intimée tendant au regroupement de certains
vols d'affrètement avec réservation anticipée, conformément à
l'art. 43.37 du Règlement sur les transporteurs aériens — Il
échet d'examiner si l'appel n'est pas devenu théorique puisque
tous les vols visés par la décision du Comité de révision avaient
été déjà effectués, de sorte qu'un jugement de la Cour serait
sans effet juridique — Règlement sur les transporteurs
aériens, DORS/ 72-145 (modifié par DORS/79-19), art. 43.37.
Arrêts mentionnés: International Brotherhood of Electri
cal Workers, Local Union 2085 c. Winnipeg Builders'
Exchange [1967] R.C.S 628; Canadian Cablesystems
(Ontario) Ltd. c. L'Association des consommateurs du
Canada [1977] 2 R.C.S. 740; Le ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration c. Hardayal [1978] 1 R.C.S.
470.
APPEL.
AVOCATS:
C. K. Irving pour l'appelante Air Canada.
J. Hamilton, c.r. pour l'appelante C.P. Air.
F. Lemieux pour l'intimée.
G. W. Nadeau pour la Commission cana-
dienne des transports.
PROCUREURS:
Courtois, Clarkson, Parsons & Tétrault,
Montréal, pour l'appelante Air Canada.
Hamilton, Torrance, Stinson, Campbell,
Nobbs & Woods, Toronto, pour l'appelante
C.P. Air.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour l'intimée.
Campbell, Pepper, Laffoley, Legault &
Longtin, Montréal, pour British Airways
Board.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'un appel d'une déci-
sion, en date du 27 juillet 1979, du Comité de
révision de la Commission canadienne des trans
ports, interjeté en vertu de l'article 64(2) de la Loi
nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17.
Dans ladite décision, le Comité de révision infir-
mait une décision du Comité des transports aériens
de la Commission et autorisait l'intimée à regrou-
per certains vols d'affrètement avec réservation
anticipée (ABC), aux termes de l'article 43.37 du
Règlement sur les transporteurs aériens,
DORS/72-145 modifié par DORS/79-19.
A l'ouverture de l'audience, la Cour a soulevé la
question de savoir si l'appel était ou non devenu
théorique, étant donné que tous les vols visés par la
décision du Comité de révision avaient déjà été
exécutés, soulignant que dans l'affirmative, son
jugement serait sans effet juridique. Les avocats
des appelantes, appuyés par l'avocat de l'intimée,
ont fait valoir que l'application des règles habituel-
les en matière d'appels devenus théoriques ou sans
objet laisserait toujours les parties lésées sans
recours véritable, compte tenu d'une part des pra-
tiques de la Commission, qui autorise rarement les
vols d'ABC plus de six mois avant leur exécution,
et d'autre part des lenteurs de la procédure en
révision ou en appel prévue par la Loi nationale
sur les transports.
A l'appui de leur demande de dérogation à la
règle habituelle', les avocats se sont fondé princi-
palement sur International Brotherhood of Elec
trical Workers, Local Union 2085 c. Winnipeg
Builders' Exchange 2 , et ont aussi invoqué la
récente décision rendue dans Le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Hardayal. 3
Ils ont fait observer que le problème soulevé
dans l'appel est permanent, puisque la Commission
statue régulièrement sur des demandes de regrou-
pement d'ABC, et qu'il importe dans l'intérêt des
sociétés aériennes et du public qu'elle interprète et
applique correctement la Loi et le Règlement. Ils
ont en outre invoqué la difficulté de porter l'affaire
devant cette cour avant l'exécution des vols en
question, concluant qu'il est impérieux d'adopter
en l'espèce le principe énoncé par le juge Cart-
wright dans Winnipeg Builders' Exchange.
' Ex. Canadian Cablesystems (Ontario) Limited c. L'Asso-
ciation des consommateurs du Canada [1977] 2 R.C.S. 740.
2 [1967] R.C.S. 628.
3 [1978] 1 R.C.S. 470, aux pages 474à 477.
La Cour n'examinera pas à ce stade-ci le bien-
fondé de ces arguments, car il lui faut trancher une
question encore plus délicate. L'article 64(2) de la
Loi nationale sur les transports prévoit qu'un
appel peut être interjeté devant cette cour, avec
son autorisation, sur une question de droit ou de
compétence. L'article 64(5) précise les pouvoirs de
la Cour en la matière:
64....
(5) Lors de l'audition d'un appel, la cour peut déduire toutes
les conclusions qui ne sont pas incompatibles avec les faits
formellement établis devant la Commission, et qui sont néces-
saires pour déterminer la question de compétence ou de droit,
suivant le cas; puis, elle transmet son opinion certifiée à la
Commission, qui doit alors rendre une ordonnance conforme à
cette opinion.
Il ressort que cette cour est tenue de signifier
son opinion à la Commission «qui doit alors rendre
une ordonnance conforme à cette opinion». Si en
l'espèce la Cour signifiait à la Commission que le
Comité de révision a fait erreur dans l'interpréta-
tion de l'article 43.37 du Règlement sur les trans-
porteurs aériens, comment la Commission pour-
rait-elle rendre une ordonnance rectificatrice,
étant donné que tous les vols d'affrètement en
cause ont déjà été exécutés? Nous estimons, à
l'unanimité, que la Commission ne pourrait rendre
une ordonnance exécutoire et dès lors satisfaire
aux prescriptions de la Loi. Dans ces conditions, la
Cour serait réduite à émettre un avis purement
consultatif, ce qui de toute évidence n'est pas
conforme à l'esprit de la Loi. Compte tenu en
outre du principe généralement reconnu qu'il n'est
pas dans les attributions des cours d'appel de
rendre des jugements qui ne sont en fait que des
opinions ou des avis, nous concluons que le présent
appel est devenu théorique. En conséquence, il n'y
a pas lieu d'émettre quelque opinion que ce soit ou
de statuer sur l'appel au fond.
L'appel sera rejeté avec dépens.
* * *
LE JUGE HEALD: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
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