T-3318-78
In re la Loi sur la citoyenneté et in re John Adrian
Claude Fortesque (Appelant)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Toronto, le 19 janvier; Ottawa, le 24 janvier 1979.
Citoyenneté — Appel interjeté du rejet d'une demande de
citoyenneté — L'appelant n'a reçu les avis des date et heure de
l'audition devant le juge de la citoyenneté qu'après la date
fixée, parce qu'il s'agissait d'un cas où la procédure habituelle
de la Cour ne pouvait être suivie — Le juge de la citoyenneté a
établi des faits favorables à l'appelant, en son absence, mais il
n'a pu en établir en ce qui concerne une connaissance suffisante
de l'une des langues officielles du Canada ainsi que des
responsabilités et privilèges de la citoyenneté — Appel envi-
sagé comme une nouvelle audition — Appel accueilli — Loi
sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, c. 108, art. 5(1)c),d) et
13(5) — Règlement sur la citoyenneté, DORSl77-127, art.
3(8), 13(1),(2) et (3) — Règle 912 de la Cour fédérale.
APPEL.
AVOCATS:
M. Lubek pour l'appelant.
Frederick W. Chenoweth, amicus curiae.
PROCUREURS:
Wilfrid S. L. Young, Vancouver, pour
l'appelant.
Frederick W. Chenoweth, Toronto, amicus
curiae.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: L'appelant est un britanni-
que né en Angleterre. Il est géophysicien, a obtenu
un doctorat dans cette discipline et travaille habi-
tuellement en qualité de professeur universitaire. Il
est entré au Canada le 24 octobre 1962 titre
d'immigrant reçu et y demeure depuis comme
résident permanent.
Il a fait une demande de citoyenneté canadienne
à Hamilton (Ontario) le 22 juin 1977. A cette
époque, il exécutait un contrat qui le liait au
gouvernement canadien et l'obligeait à voyager à
travers le pays; il vivait dans une roulotte. Dans sa
demande, il avait donné comme adresse celle d'un
ami qui demeurait à Oakville (Ontario). A la fin
de l'année, il a signé avec l'université du Missouri
un contrat qui lui donnait comme point d'attache
la ville de Columbia au Missouri. Il devait voyager
beaucoup à travers le Canada et les États-Unis au
cours de l'année 1978. Il n'a pas changé l'adresse
indiquée dans sa demande. Il téléphonait périodi-
quement à son ami.
Selon le programme établi par le Règlement sur
la citoyenneté', dès qu'une demande est déposée,
copie en est transmise à Ottawa au greffier de la
citoyenneté qui entreprend l'enquête nécessaire
pour déterminer si le requérant satisfait aux exi-
gences de la loi quant à ladite demande. Cette
enquête permet d'établir par exemple, si le requé-
rant demeure au Canada légalement selon la
déclaration faite dans sa demande, et s'il a ou non
un casier judiciaire. Lorsque le greffier a terminé
son enquête, il en fait parvenir les résultats à un
agent du bureau de la citoyenneté et avise celui-ci
qu'il peut saisir de la demande un juge de la
citoyenneté. Cela fait, l'agent, en vertu du para-
graphe 3(8) du Règlement doit:
3. (8) ...
b) ...
(i) fixer les date, heure et endroit auxquels un juge de la
citoyenneté sera saisi de la demande, et
(ii) en aviser le requérant par écrit au moins sept jours à
l'avance et l'informer qu'il est tenu de comparaître devant
un juge de la citoyenneté aux date, heure et endroit fixés
en vue de passer une entrevue quant à son droit à la
citoyenneté.
Les paragraphes 13(1) et (2) prévoient ce qui suit:
13. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), lorsqu'un
requérant ne comparaît pas devant un juge de la citoyenneté ou
un agent des services extérieurs aux date, heure et endroit fixés
en vertu du paragraphe 3(8) ou 11(4), le juge de la citoyenneté
ou l'agent des services extérieurs a toute latitude pour tenter de
communiquer avec le requérant et de fixer une nouvelle entre-
vue à une date, une heure et un endroit qui lui sont acceptables
pour la comparution du requérant.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), lorsque
a) un juge de la citoyenneté ou un agent des services exté-
rieurs ne tente pas ou est incapable de communiquer avec un
requérant et de fixer une nouvelle entrevue, ou
b) un requérant ne se présente pas à une nouvelle entrevue,
le juge de la citoyenneté doit étudier la demande en s'appuyant
sur les renseignements dont il dispose.
Il semble que la pratique établie à la Cour de la
citoyenneté soit de donner au requérant par cour-
rier ordinaire, un préavis de 14 jours où figurent
les date, heure et lieu de l'audition. Si le requérant
' DORS/77-127.
ne comparait pas, une nouvelle date d'audition est
fixée en donnant, par courrier ordinaire, un autre
préavis de 14 jours. Si le requérant ne comparaît
pas à la suite du deuxième avis, une nouvelle date
d'audition est encore fixée, et un préavis de 14
jours est donné par courrier enregistré. Si le requé-
rant fait défaut à la date de la troisième audition,
le juge de la citoyenneté est saisi de la demande
aux fins de l'étudier «en s'appuyant sur les rensei-
gnements dont il dispose» aux termes du paragra-
phe 13(2) du Règlement. Cette pratique habituelle
va au-delà des exigences minimales du Règlement
à cet égard. Elle a été suivie en ce qui concerne
l'appelant. Le paragraphe 13(3) prévoit ce qui suit:
13....
(3) Une demande de citoyenneté présentée en vertu du
paragraphe 5(1) de la Loi ne peut être approuvée sans la
comparution en personne du requérant. Lorsque le requérant ne
comparaît pas devant un juge de la citoyenneté aux date, heure
et endroit fixés en vertu du paragraphe 3(8) ou 13(1) du
présent règlement, le juge n'approuve pas la demande.
L'appelant avait un point d'attache à Columbia
au Missouri lors de la réception du premier avis
d'audition. Ledit avis indiquant que s'il ne se
présentait pas, une autre date serait fixée. Ce n'est
qu'après la date fixée pour la deuxième audition
qu'il a reçu l'avis de comparution. En conséquence,
il a communiqué avec la Cour de la citoyenneté et
demandé qu'une date soit fixée longtemps
d'avance pour lui permettre d'être présent. L'agent
du bureau de la citoyenneté n'a pas voulu déroger
à la pratique habituelle, et l'avis de troisième
audition, donné par courrier recommandé, est éga-
lement parvenu en retard à l'appelant.
Le juge de la citoyenneté a été en mesure d'éta-
blir à l'aide du dossier les faits essentiels, tous
favorables à l'appelant, sauf pour ce qui est des
exigences des alinéas 5(1)c) et d) et ayant trait à
une connaissance suffisante de l'une des langues
officielles du Canada, ainsi que des responsabilités
et privilèges de la citoyenneté. L'appelant m'a
démontré qu'il satisfait à ces exigences.
Le juge de la citoyenneté en pouvait, en vertu du
paragraphe 13(3) du Règlement, que rejeter la
demande. Toutefois, cette décision est susceptible
d'appel auprès de la présente cour en vertu du
paragraphe 13(5) de la Loi.
Généralement, la Cour de la citoyenneté a pour
pratique habituelle de fournir au requérant une
occasion équitable de se présenter à l'audition de
sa demande. Cependant, il se produit quelquefois
des cas où la pratique habituelle ne peut pas être
suivie. Il s'agissait en l'espèce d'un tel cas. Il est à
espérer que dans la plupart de ces cas la Cour de la
citoyenneté sera en mesure d'user de souplesse et
d'aider les requérants à résoudre les problèmes qui
leur sont propres. Les appels inutiles sont toujours
onéreux pour toutes les parties.
Il ne s'agit pas en l'espèce d'un appel souvent
susceptible de se présenter et d'être accueilli au cas
où il surviendrait. Étant donné que l'audition de
l'appel interjeté contre une décision d'un juge de la
citoyenneté constitue, en vertu de la Règle 912 des
Règles de la Cour fédérale, une nouvelle audition,
le fait demeure que la Cour de la citoyenneté
possède un pouvoir d'enquête qu'elle utilise régu-
lièrement, quoique celui-ci soit tout à fait étranger
à la pratique ordinaire d'une cour de justice. Si le
présent tribunal a le moindre doute sur le fait que
la demande a été entièrement examinée par un
juge de la citoyenneté hors la présence du requé-
rant, il devrait, à mon avis, rejeter l'appel, quelle
que soit la crédibilité des motifs du requérant pour
ne pas comparaîtreAn vertu de la nouvelle Loi, il
est loisible à un requérant de présenter une nou-
velle demande immédiatement; il n'existe pas,
comme dans l'ancienne Loi, un délai de carence
obligatoire lorsqu'une première demande a été
rejetée.
Heureusement en l'instance, le juge de la
citoyenneté a été en mesure d'établir tous les faits
essentiels, sauf ceux ayant trait à la présence de
l'appelant, laquelle était absolument nécessaire. Je
n'ai aucun doute, l'appelant ayant comparu devant
moi, que la demande a été entièrement examinée
tout comme elle l'aurait été si l'appelant avait
comparu devant un juge de la citoyenneté.
JUGEMENT
L'appel est accueilli.
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