T-194-75
David Benjamin Edward Greenway, exécuteur de
la succession d'Anthony Frederick Mancuso
(Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, les 20, 21, 22 juin et le 10 juillet 1979.
Fonction publique — Prestations de pension de retraite
La veuve a vécu séparée du contributeur pendant de longues
années jusqu'à sa mort — Il appartenait au Conseil du Trésor
de conclure si la veuve n'était pas censée être l'épouse survi-
vante selon les critères prévus par la Loi — La preuve admi-
nistrée ne comprenait que des faits de notoriété publique, sans
que l'avocat de la succession fat invité à présenter des observa
tions — L'affaire n'a pas été renvoyée au Conseil du Trésor
parce que de l'avis du fonctionnaire saisi du dossier, la preuve
administrée ne permettait pas de conclure que la veuve était
censée décédée avant le défunt — Les prestations ont été
versées à la veuve — il échet d'examiner s'il y a eu obligation
et si la conduite de l'enquête constituait une violation de cette
obligation — il échet d'examiner si les prestations devraient
être versées à la succession — Loi sur la pension de la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-36, art. 13(5).
Le demandeur sollicite une ordonnance portant que toutes les
prestations de décès et de pension de retraite doivent être
versées à la succession du défunt et non à sa veuve, dont il avait
été séparé pendant de longues années. Le contributeur avait fait
verser à son dossier un mémoire demandant que toutes les
prestations dérivant de ses années de service dans la Fonction
publique soient versées à sa succession et réparties conformé-
ment à son testament, document dans lequel il avait consigné la
longueur de la séparation et le fait qu'il n'avait versé à son
épouse ni indemnité ni pension alimentaire. La Loi sur la
pension de la Fonction publique prévoit une allocation à la
veuve; elle prévoit également le cas où le Conseil du Trésor
peut, eu égard aux circonstances, considérer la veuve comme
décédée avant le contributeur, si elle a vécu séparée de lui dans
des circonstances qui l'auraient privée de tout droit à la pension
alimentaire. La veuve a présenté sa réclamation au service qui
administrait les prestations, mais l'avocat de la succession n'a
pas été invité à présenter des observations. Un fonctionnaire a
décidé que la preuve rapportée ne permettrait pas au Conseil du
Trésor de conclure que la veuve avait droit à la pension
alimentaire. L'affaire n'a pas été renvoyée au Conseil du
Trésor. Tout en sachant qu'il y avait entre les réclamants un
conflit qui pourrait donner lieu à une action en justice, le même
fonctionnaire a ordonné le versement des prestations à la veuve.
Le demandeur soutient qu'il y a eu obligation et violation de
cette obligation, à savoir qu'il n'y a eu aucune enquête convena-
ble et que l'enquête n'a pas été menée équitablement. Le
demandeur demande le versement à la succession des presta-
tions qui revenaient au contributeur.
Arrêt: le demandeur a droit aux dommages-intérêts. Quand
une décision doit être prise en application d'une loi, elle doit
parfois l'être sur une base judiciaire ou quasi judiciaire, même
si l'affaire a un caractère administratif. Parmi les décisions de
ce genre, soulignons l'importance de celles qui créent ou modi-
fient des responsabilités ou des droits civils comme le droit à
une pension. Un pouvoir discrétionnaire, tel celui que l'article
13(5) confère au Conseil du Trésor, ne doit être exercé que par
le titulaire expressément désigné. Le fonctionnaire n'était nulle-
ment autorisé à décider si la veuve avait vécu séparée de son
mari dans des circonstances qui l'auraient privée de tout droit à
une pension alimentaire et, par voie de conséquence, à décider
si elle devait être réputée décédée avant lui. Cette décision
appartenait au Conseil du Trésor. Le fonctionnaire n'était
autorisé qu'à recueillir l'information nécessaire et à soumettre
l'affaire à la décision ministérielle; par ailleurs, l'enquête
administrative qui relevait de sa compétence n'était pas con-
forme à l'obligation générale d'impartialité. La Cour ne peut
rendre une ordonnance portant paiement au demandeur de
toutes les prestations de décès et de pension de retraite, car cela
équivaudrait à prendre une décision qui appartient au Conseil
du Trésor, lors même que celui-ci ne peut plus la prendre du
fait de l'initiative du fonctionnaire dont il s'agit. Il ne s'agit pas
d'un cas où s'applique le principe voulant que si le mécanisme
établi par un acte définissant les droits des parties cesse de
fonctionner, la Cour ait le privilège d'y remédier. Le deman-
deur avait le droit de faire trancher la question de l'applicabi-
lité de l'article 13(5) de la Loi par le Conseil du Trésor ou par
un de ses fonctionnaires habilités à cet effet. Le demandeur
s'est vu dénier ce droit, ce qui donne lieu à dommages-intérêts.
Arrêts examinés: Ahmad c. La Commission de la Fonction
publique [1974] 2 C.F. 644; Woollett c. Minister of
Agriculture and Fisheries [1955] 1 Q.B. 103; Mantha c.
La ville de Montréal [1939] R.C.S. 458. Arrêts analysés:
Point of Ayr Collieries, Ltd. c. Lloyd-George [1943] 2 All
E.R. 546; Selvarajan c. Race Relations Board [1976] 1
All E.R. 12. Arrêt appliqué: Zamulinski c. La Reine
[1956-1960] R.C.E. 175.
ACTION.
AVOCATS:
David Hughes pour le demandeur.
Leslie S. Holland pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Watson, Alexandor, Hughes & Fontana,
Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: La présente cause tire
son origine du remariage, en octobre 1953, du
défunt Anthony Frederick Mancuso qui pendant
de nombreuses années avant son décès survenu le 8
janvier 1974, a été fonctionnaire de Sa Majesté et,
en tant que tel, contributeur aux termes de la Loi
sur la pension de la Fonction publique, S.R.C.
1970, c. P-36.
Dans le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde
dit qu'une femme se remarie parce qu'elle a
détesté son premier mari et un homme, parce qu'il
a adoré sa première femme.
M. Mancuso a eu deux enfants de son premier
mariage: un fils, Robert et une fille, Theresa Ann.
Cette union a été heureuse. Au décès de leur père,
en raison de leur âge, ils n'étaient pas admissibles
aux prestations prévues par la Loi.
La remarque d'Oscar Wilde ne s'applique pas
pleinement aux mobiles de la veuve de M. Man-
cuso, Frances, car, pour elle, ce mariage a été le
premier et le seul. Sa soeur a témoigné qu'elle n'a
eu de soupirants ni avant ni après Tony (c'est-à-
dire M. Mancuso).
Il y a un vieux proverbe français où il est dit que
les mariages se font en paradis. Il est repris dans
Proverbs, de John Heywood, publié en 1590. Si
c'est le cas, j'avoue ne pas comprendre pourquoi
tous les mariages ne sont pas plus heureux.
En l'occurrence, ce mariage ne semble vraiment
pas l'avoir été puisque les conjoints n'ont vécu
ensemble que pendant une brève période de 18
mois.
Ils se sont mariés en octobre 1953. En octobre
1954, un fils leur est né, Kenneth Anthony, et en
avril 1955, l'épouse, Frances, a quitté le domicile
conjugal en emmenant avec elle son enfant et n'est
jamais revenue.
Elle dit qu'elle a tenté une réconciliation, mais
que son mari l'a repoussée. D'autre part, M. Man-
cuso est dépeint comme un homme gentil et affec-
tueux qui était prêt à reprendre son épouse s'il
avait été convaincu qu'elle désirait sincèrement
réintégrer le domicile conjugal.
La maison familiale se trouve sur une grande
artère qui conduit à la ville d'Ottawa, dont elle est
distante de six à neuf milles.
Il a été établi qu'avant et après la naissance de
son fils Kenneth, l'épouse Frances, après avoir
expédié les corvées domestiques telles que la pré-
paration des repas, s'enfermait dans sa chambre et
que ses rapports avec sa belle-fille étaient tendus.
Plus tard, c'est au rythme de trois ou quatre fois
par semaine qu'elle sortait de la maison par la
fenêtre de sa chambre avec son enfant dans les
bras et faisait de l'auto-stop sur la route pour se
rendre en ville chez sa soeur mariée.
A mon sens, il s'agit là du comportement d'une
personne extrêmement troublée, mais je n'en con-
nais pas les raisons. De son côté, elle attribue la
séparation [TRADUCTION] «principalement à la
cruauté de mon mari». On a dit qu'il y avait des
querelles constantes entre les époux causées, sem-
ble-t-il, par les efforts du mari visant à faire
renoncer son épouse à son droit de propriété dans
la maison familiale ou dans un autre bien, droit
qu'elle était décidée à défendre jusqu'à la mort. La
belle-soeur a aussi insinué que M. Mancuso a
essayé de contraindre son épouse à se soumettre,
mais en vain.
On a aussi prétendu que l'épouse n'était pas
prête à assumer son rôle matrimonial. En me
livrant à un calcul mathématique à partir d'autres
faits, j'estime qu'elle devait avoir 39 ans au
moment de son mariage. Il est prouvé qu'elle n'a
eu aucun prétendant avant son mariage en 1953 et
aucun après sa séparation en 1955; elle n'était
donc peut-être pas prête à accepter la vie conjugale
et le fait d'avoir eu un enfant à un âge mûr a
certainement dû être assez pénible et modifier
soudainement son mode de vie autrefois empreint
de liberté. On a enfin insinué que la rupture était
due aux interventions de la belle-mère du mari, qui
empêchaient les conjoints de régler leurs affaires
eux-mêmes.
Selon moi, il n'est pas indispensable d'établir qui
est responsable en définitive de l'échec de ce
mariage, qui ne pouvait pas se dissoudre par un
divorce a vinculo, en raison des croyances religieu-
ses des conjoints. Il y aurait certes beaucoup à dire
des deux côtés.
Comme je l'ai déjà mentionné, l'épouse a quitté
le domicile conjugal en 1955 et n'y est jamais
retournée. Elle n'a jamais non plus cherché à
obtenir une pension alimentaire de son mari.
Celui-ci a volontairement versé $20 par mois pour
l'entretien de son fils Kenneth jusqu'à ce qu'il ait
atteint l'âge de 16 ans, c'est-à-dire jusqu'en octo-
bre 1971. A l'exception de cette contribution, qu'à
mon avis son épouse a dû trouver mesquine, cel-
le-ci a pourvu entièrement à ses besoins et à ceux
de son fils. Or, j'estime qu'elle s'en est fort bien
tirée. Cette année, elle a pris sa retraite. Pendant
sa dernière année de service dans la Fonction
publique, elle touchait un salaire de $16,000 et sa
pension est basée sur un salaire de $11,000, qui
représente la moyenne de ses six meilleures années.
Il se peut fort bien qu'elle ait été capable de
gagner plus d'argent que son mari. Je suis con-
vaincu qu'il s'agit d'une femme d'affaires avisée,
très au courant de ses intérêts financiers et fort
attentive à les protéger.
De toute évidence, après l'échec de son mariage,
M. Mancuso n'a éprouvé aucun remord. Il semble
qu'il était prêt à accepter que son épouse réintègre
le domicile conjugal et à pourvoir ensuite à ses
besoins. Mais au fur et à mesure que le temps
passait, il dut se rendre à l'évidence qu'il en serait
différemment.
Dans son testament en date du 18 avril 1957, M.
Mancuso a laissé tous ses biens meubles et immeu-
bles à son fils Robert et à sa fille Theresa Ann (les
deux enfants du premier lit) en parts égales, et a
exclu totalement de sa succession son épouse,
Frances, et leur fils, Kenneth. Manifestement, le
testateur a jugé n'avoir ni obligation morale envers
cette dernière, et je présume qu'il a jugé n'avoir
aucune obligation légale envers elle soit parce qu'il
a consulté un avocat pour rédiger son testament,
soit parce que cette rédaction a pris place exacte-
ment deux ans après que son épouse l'eut quitté.
Il est incontestable que les prestations de décès
et de pension de retraite dérivant de la Loi sur la
pension de la Fonction publique, qui ont augmenté
en même temps que les années de service de M.
Mancuso, constituaient une partie importante des
avoirs à transmettre à son décès.
Ce pourquoi, le 22 octobre 1970, soit environ
seize ans après la rupture de son mariage, il a
rédigé un document avec le concours de M. A. A.
Keyes, fonctionnaire de l'Office national du film à
Ottawa, où M. Mancuso était employé, et qui
connaissait bien ces questions.
M. Mancuso a adressé ce document à la Direc
tion du personnel de l'Office national du film à
Montréal, pour qu'il soit versé à son dossier et qu'il
reçoive la meilleure attention lorsque l'occasion se
présentera. En voici l'essentiel:
[TRADUCTION] Veuillez avoir l'obligeance de verser ce
mémoire à mon dossier.
Mon testament ordonne de diviser ma succession entre mes
deux enfants, en parts égales. Ce document a pour objet de
consigner par écrit que toutes les prestations et produits, de
quelque nature qu'ils soient, dérivant de mes années de service
dans la Fonction publique, et notamment toutes les prestations
de décès et de pension de retraite, doivent être versés à ma
succession et répartis conformément à mon testament.
Je suis marié, mais je n'ai pas vécu avec mon épouse depuis
seize ans et je ne lui ai versé ni pension alimentaire ni
indemnité.
Mon testament est déposé chez Me Allen Moore, c.r., 77, rue
Metcalfe, Ottawa.
L'objet et la portée de ce document sont clairs.
M. Mancuso déclare qu'il est marié, mais qu'il
est séparé de son épouse depuis seize ans et qu'il ne
lui a payé ni pension alimentaire ni indemnité.
Cette précision est des plus claires. Il n'a pas versé
de pension alimentaire parce qu'il n'était pas
obligé de le faire et il n'a pu en être ainsi que si
elle a vécu séparée de lui dans des circonstances
qui l'ont privée de tout droit à une pension alimen-
taire. Si tel fut effectivement le cas, la Loi sur la
pension de la Fonction publique prévoit alors cer-
taines procédures autorisant, advenant le décès de
M. Mancuso, que les prestations de décès et de
pension de retraite soient versées à sa succession et
distribuées conformément à son testament.
Ce document a été placé dans son dossier afin de
garantir qu'à la date inexorable de son décès, les
procédures requises pour atteindre les résultats
cherchés commenceraient immédiatement.
Mais les précautions prises par M. Mancuso se
sont avérées vaines. Après son décès, les événe-
ments ont déjoué ses intentions.
Il n'a pas compté avec les instincts financiers
autoprotecteurs de son épouse.
Lorsque son mari a été hospitalisé pour une
grave opération, elle ne lui a rendu aucune visite et
ne lui a envoyé aucun message. Elle ne s'en est pas
souciée. Ils étaient comme des étrangers.
M. Mancuso est décédé le 8 janvier 1974. Son
fils Robert a jugé normal d'en informer immédia-
tement sa belle-mère et lui a téléphoné le jour
même. Elle n'a pas assisté aux obsèques ni envoyé
de fleurs. Elle s'est comportée comme une
étrangère.
Toutefois, elle a immédiatement pris certaines
mesures. En effet, le 10 janvier 1974, avec une
hâte que l'on pourrait qualifier d'indécente et
avant même que son mari ait été enterré, elle a
écrit une lettre au directeur du personnel de l'Of-
fice national du film pour l'aviser que, depuis
octobre 1953, elle était l'épouse du défunt
Anthony F. Mancuso et bien qu'ils aient été sépa-
rés de fait depuis de nombreuses années, il n'y
avait jamais eu de séparation légale. Elle a ajouté
que cette séparation de fait était «principalement»
due à la cruauté de son mari et qu'elle avait
subvenu elle-même à ses besoins. Elle lui fait part
en terminant qu'elle avait confié toute cette affaire
à son avocat et qu'elle demandait que les paie-
ments soient retenus jusqu'à ce que l'on ait statué
sur son droit aux prestations de décès et de pension
de retraite.
La veuve, étant elle-même fonctionnaire, devait
être au courant des prestations qui sont dues à un
fonctionnaire et à sa veuve au titre de la Loi sur la
pension de la Fonction publique et n'ignorait pas
qu'en vertu de cette Loi, ce sont la veuve et les
enfants (tels que définis) d'un contributeur qui ont
droit aux prestations, sauf dans les cas exception-
nels où la veuve a vécu séparée de son mari dans
des circonstances qui l'auraient privée de tout droit
à une ordonnance de pension alimentaire selon la
législation de la province où résidait ordinairement
le contributeur.
Lors de la séparation en 1955, Mme Mancuso n'a
ni demandé ni obtenu une ordonnance de pension
alimentaire. Cette abstention ne signifie pas néces-
sairement qu'elle n'aurait pas pu en obtenir une si
elle avait engagé une action à cet effet. Elle ne l'a
pas fait et n'a donc pas obtenu l'ordonnance de
pension alimentaire qui aurait établi de manière
probante son droit à cet égard.
Cela explique sans doute sa hâte à déposer son
caveat et à retenir les services d'un avocat pour
présenter en justice sa réclamation. En outre, puis-
qu'elle a demandé que les paiements soient retenus
(pour qu'ils ne soient pas versés à quelqu'un d'au-
tre) jusqu'à ce que la question soit «judiciairement
réglée», il n'est pas déraisonnable de penser qu'elle
a su que son mari l'avait exclu de son testament et
aussi, en toute vraisemblance, de ses prestations de
décès et de pension de retraite.
La scène est donc dressée pour la confrontation
des réclamants aux prestations de décès et de
pension de retraite: d'une part, la veuve; d'autre
part, l'exécuteur testamentaire qui cherche à exé-
cuter les volontés du testateur que celui-ci a expri-
mées dans son testament et le document qu'il a
déposé auprès de son employeur, à savoir que
lesdites prestations soient versées à sa succession.
C'est à la succession d'un contributeur décédé
que les prestations sont versées lorsqu'il est jugé
que la veuve n'y a pas droit.
En l'espèce, des prestations ont été payées pour
le fils de la réclamante, Kenneth. Ces paiements ne
font l'objet d'aucun litige.
En vertu de l'article 4(1) de la Loi, tout employé
de la Fonction publique, avec certaines exceptions
expressément prévues, est requis de contribuer au
compte de pension de retraite, par retenue sur son
traitement ou d'une autre façon.
L'article 11(4)a) prévoit le versement d'une
allocation à la veuve au décès d'un contributeur
qui compte moins de cinq années de service
ouvrant droit à pension, tandis que l'alinéa b)
prévoit une allocation pour chaque enfant.
Les paragraphes (2) et (3) de l'article 12 pré-
voient eux aussi une allocation à la veuve et aux
enfants d'un contributeur qui compte au moins
cinq années de service ouvrant droit à pension.
Il ne fait aucun doute qu'aux termes de la Loi,
c'est la veuve d'un contributeur qui a droit aux
prestations de décès et de pension de retraite et
que ces prestations sont incessibles.
Une concubine peut être réputée une veuve si
elle établit à la satisfaction du Conseil du Trésor
qu'elle remplit les conditions de l'article 13(4) de
la Loi.
L'article 13(5) prévoit une exception au droit de
la veuve aux prestations. En voici le libellé:
13....
(5) Quand, au décès d'un contributeur, il apparaît au conseil
du Trésor que la veuve du contributeur avait, pendant un
certain nombre d'années précédant immédiatement son décès,
vécu séparée de lui dans des circonstances qui l'auraient privée
de tout droit à une ordonnance de pension alimentaire selon la
législation de la province où résidait ordinairement le contribu-
teur, et quand le conseil du Trésor l'ordonne, en tenant compte
des circonstances de l'espèce, y compris le bien-être des enfants
en cause, cette veuve est, aux fins de la présente Partie, réputée
décédée avant le contributeur.
Dans ce texte, on retrouve un procédé que le
Parlement adopte fréquemment. Il consiste à con-
férer à un organisme public le pouvoir, conçu en
termes subjectifs, de déterminer si un certain état
de choses existe comme condition préalable au
pouvoir qu'il lui confère de régler une question de
façon définitive.
Aux termes de l'article 13(5), le Conseil du
Trésor doit prendre deux décisions: il doit d'abord
examiner si la veuve du contributeur a bien, pen
dant un certain nombre d'années, vécu séparée de
son mari dans des circonstances qui l'auraient
privée de tout droit à une pension alimentaire.
Dans la négative, la veuve touche les prestations.
Par contre, s'il estime que c'est bien le cas, il lui
faut alors prendre une seconde décision. Il peut
ordonner, en tenant compte des circonstances de
l'espèce, y compris le bien-être des enfants en
cause, que cette veuve soit réputée décédée avant
le contributeur. En fait, elle est réputée ne pas être
la veuve parce qu'une veuve est une épouse qui a
survécu à son mari.
Quand le Parlement confère à un organisme
public le droit subjectif de déterminer l'existence
d'une question de droit ou de fait comme condition
préalable à l'exercice de son pouvoir de règlement
final, il ne s'ensuit pas que son opinion sur l'exis-
tence de cette question de droit ou de fait soit
décisive.
Aux termes de l'article 13(5), la décision à
prendre quant à savoir si la veuve d'un contribu-
teur a vécu ou non séparée de lui dans des circons-
tances qui l'auraient privée de son droit à une
pension alimentaire selon la législation de la pro
vince où résidait le contributeur, n'est pas acces-
soire aux mesures à prendre: elle en est l'essence
même.
Un pouvoir discrétionnaire, comme le double
pouvoir que l'article 13(5) confère au Conseil du
Trésor, ne doit être, en règle générale, exercé que
par le titulaire expressément désigné. C'est un
principe bien connu que lorsqu'un pouvoir est
confié à une personne, dans des circonstances indi-
quant que l'on fait confiance à son jugement, elle
doit l'exercer personnellement à moins qu'elle ne
soit autorisée à le déléguer.
Il y a d'autres considérations à peser lorsqu'un
fonctionnaire exerce un pouvoir qu'une loi confère
à un ministre ou à un ministère.
Les mêmes principes généraux, formulés au
cours des ans par la jurisprudence, s'appliquent au
Conseil du Trésor.
Le Conseil du Trésor a été créé par la Partie I
de la Loi sur l'administration financière, S.R.C.
1970, c. F-10. Aux termes de l'article 3, il est l'un
des comités du Conseil privé de la Reine et a à sa
tête un président nommé par commission sous le
grand sceau. Il comprend le président, le ministre
des Finances et quatre autres membres du Conseil
privé, ainsi que des substituts.
Le président du Conseil du Trésor est donc
l'équivalent d'un ministre.
Le gouverneur en conseil nomme aussi un fonc-
tionnaire appelé secrétaire du Conseil du Trésor,
qui a le rang d'un sous-chef de ministère et en
possède tous les pouvoirs. Ce fonctionnaire est
donc l'équivalent d'un sous-ministre.
La Loi énonce les responsabilités et les pouvoirs
du Conseil du Trésor, qui ont trait fondamentale-
ment à la politique administrative générale suivie
dans la Fonction publique du Canada, notamment
la gestion financière, etc. La Loi sur la pension de
la Fonction publique lui confère également cer-
tains pouvoirs particuliers.
Les nombreux autres fonctionnaires et employés
nécessaires au bon fonctionnement du Conseil du
Trésor sont nommés de la manière autorisée.
Le Conseil du Trésor est donc un comité de
ministres présidé par un ministre. C'est là sa prin-
cipale différence avec un ministère proprement dit.
Dans Ahmad c. La Commission de la Fonction
publique [1974] 2 C.F. 644, la question suivante
s'est posée: pouvait-on recommander le renvoi d'un
fonctionnaire en vertu de l'article 31 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique parce que «de
l'avis du sous-chef», il était «incompétent», alors
que le sous-chef n'avait pas personnellement
déclaré que l'employé était incompétent.
L'article 6(5) de cette dernière Loi prévoit qu'un
sous-chef peut autoriser une ou plusieurs personnes
placées sous son autorité «à exercer l'un des pou-
voirs, fonctions ou devoirs» que lui confère la pré-
sente loi. Le sous-chef avait, par écrit, autorisé le
directeur du personnel à exercer les pouvoirs que
l'article 31 lui confère. Cet écrit à été critiqué
parce qu'il autorisait le directeur à exercer des
«pouvoirs» qui n'appartenaient qu'au sous-chef.
Le juge en chef Jackett, en prononçant le juge-
ment unanime de la Cour d'appel, s'est exprimé en
ces termes (à la page 650):
A mon avis, quoique cet acte eût pu être mieux rédigé, il
confère au directeur le pouvoir approprié pour formuler un avis
sur l'incompétence du requérant, préalable à une recommanda-
tion prévue à l'article 31.
Voilà qui règle cette objection de façon
concluante.
Si je me rappelle bien les faits, la recommanda-
tion adressée à la Commission de la Fonction
publique au titre de l'article 31 de la Loi était
signée du sous-chef, mais le requérant a objecté
qu'elle avait été faite «après» qu'on lui eût notifié
cette intention et non pas «avant», comme le pré-
voit l'article 31. La Cour a statué à cet égard que
l'article 31 avait été observé dans ses dispositions
essentielles.
Toutefois, le point essentiel, tel que véhiculé par
la présente affaire, est le suivant: bien que la Loi
confère au sous-chef un pouvoir discrétionnaire de
caractère subjectif («de l'avis du sous-chef») qui
doit normalement être exercé par lui, elle contient
également une disposition qui l'autorise à déléguer
cette responsabilité à un autre.
Dans la plupart des lois modernes, mais pas
dans toutes, on trouve ce pouvoir exprès de
délégation.
Dans l'affaire Ahmad (précitée), le juge en chef
Jackett poursuit son raisonnement en ces termes
(aux pages 650 et 651):
En tout cas, toute question d'autorisation légale spéciale mise à
part, je pense que cet avis n'avait pas à faire l'objet de
l'attention personnelle du sous-chef et pouvait émaner des
fonctionnaires habilités du Ministère sur la base des principes
appliqués dans des affaires telles que Carltona, Ltd. c. Comrs.
of Works ([1943] 2 All E.R. 560).
Puis il cite les observations suivantes de lord
Greene, Maître des rôles, telles que consignées à la
page 563 du recueil:
[TRADUCTION] Dans le régime d'administration publique de
ce pays, les fonctions qui sont conférées aux ministres (à bon
droit du point de vue constitutionnel puisque les ministres sont
constitutionnellement responsables) sont si variées qu'aucun
ministre ne pourrait jamais personnellement les remplir. Pour
prendre l'exemple du cas présent, chaque ministère a sans
aucun doute soumis des milliers de réquisitions dans ce pays.
On ne peut pas supposer que ce règlement impliquait que, dans
chaque cas, le Ministre en personne devait s'occuper de l'af-
faire. Les tâches imposées aux ministres et les pouvoirs qui leur
sont conférés sont normalement exercés sous leur autorité par
les fonctionnaires responsables du Ministère. S'il en était autre-
ment, tout l'appareil de l'État serait paralysé. Constitutionnel-
lement, la décision d'un tel fonctionnaire représente naturelle-
ment la décision du Ministre. Le Ministre est responsable. C'est
lui qui doit répondre devant le Parlement de tout ce que ses
fonctionnaires ont fait sous son autorité et si, pour une affaire
importante, il a choisi un fonctionnaire subalterne dont on ne
peut s'attendre qu'il exécute le travail avec compétence, le
Ministre devra en répondre devant le Parlement. Tout le sys-
tème d'organisation et d'administration ministérielles s'appuie
sur l'idée qu'étant responsables devant le Parlement, les minis-
tres feront en sorte que les tâches importantes soient confiées à
des fonctionnaires expérimentés. S'ils ne le font pas, c'est au
Parlement qu'on devra se plaindre de leurs agissements.
Dans l'affaire Carltona, «l'autorité compétente»
était les Commissioners of Works, organisme qui
ne se réunit jamais. Aux termes de la Loi, ses
pouvoirs et ses fonctions sont exercés par le First
Commissioner of Works, qui détient aussi le porte-
feuille de Works and Planning. Il a donc une
double charge: celle de ministre et celle de First
Commissioner; l'autorité compétente en ce qui a
trait aux Commissioners of Works était donc le
ministre de Works and Planning, dans ses fonc-
tions de First Commissioner. La personne qui, en
l'occurrence, a agi au nom du First Commissioner,
fut l'Assistant Secretary. Il s'agit d'un très haut
fonctionnaire; le Ministre lui avait confié le soin de
régler cette affaire et il y a concentré toute son
attention de manière à agir correctement et en
conformité des règlements.
Après avoir cité, dans l'affaire Ahmad, cet
extrait de l'affaire Carltona, le juge en chef
Jackett poursuit en ces termes (à la page 651):
Il serait tout à fait impossible au sous-chef d'un ministère
important dans un gouvernement moderne de s'occuper person-
nellement de toutes les questions de ce genre, quelles qu'impor-
tantes qu'elles puissent être pour les personnes concernées.
C'est la raison d'être de l'organisation ministérielle et, à mon
avis, il en découle nécessairement, en l'absence d'indication
contraire expresse ou implicite, que les pouvoirs des ministres et
des sous-ministres, dans la mesure où ils revêtent un caractère
administratif, sont exercés en leur nom par les instances de leur
ministère.
Le banc de la Cour d'appel qui a jugé l'affaire
Carltona était composé de lord Greene, Maître des
rôles, et des lords juges Goddard et du Parcq. Une
semaine plus tôt, ces mêmes juges avaient été
saisis, par voie d'appel interlocutoire, de l'affaire
Point of Ayr Collieries, Ltd. c. Lloyd-George
[1943] 2 All E.R. 546. Lord Greene y a exprimé
[à la page 548] l'avis que:
[TRADUCTION] ... dans un cas de cette importance, la signa
ture du Ministre parait sans doute plus appropriée que celle
d'un membre de son personnel, même de rang supérieur.
Il a ajouté:
[TRADUCTION] L'avantage évident que revêt la signature du
Ministre pour des questions d'une aussi haute importance, c'est
de réduire à néant toute insinuation qu'il n'a pas accordé une
attention personnelle au cas considéré.
Lord Greene explique clairement qu'il ne s'agit
là que d'un avis et que la Cour n'avait pas l'inten-
tion d'ériger en règle que, dans tous les cas y
compris dans ceux visés par le règlement en cause,
la signature du Ministre est indispensable pour
qu'il y ait validité. Il a pris le plus grand soin de
limiter au contexte la portée de ses commentaires.
L'affaire Woollett c. Minister of Agriculture
and Fisheries [1955] 1 Q.B. 103 porte sur la
composition d'un tribunal de terre agricole. Selon
la loi applicable, [TRADUCTION] «pour chaque
renvoi dont est saisi le tribunal, le Ministre doit
inviter à siéger» deux membres de ce tribunal. En
l'occurrence, c'est un fonctionnaire du Ministre,
également secrétaire du tribunal, qui, après avoir
consulté une liste de noms sélectionnés, a invité à
siéger les deux membres. La question suivante s'est
donc posée: cette personne a-t-elle agi en tant que
secrétaire du tribunal ou en tant que fonctionnaire
du Ministre?
Lord Denning a jugé que l'absence de toute
autorisation expresse ou déclarée de procéder à
une nomination au nom du Ministre entache cette
nomination de nullité. (Le fait que le Ministre ait,
par la suite, corrigé cette situation conformément
à une disposition de la Loi n'enlève rien à l'affir-
mation qu'il doit y avoir une «autorisation expresse
ou déclarée» pour agir au nom du Ministre.)
Il dit (à la page 121):
[TRADUCTION] L'absence d'un écrit n'est sans doute qu'un vice
de forme, mais l'absence d'une autorisation expresse ou décla-
rée de procéder à une nomination au nom du Ministre est plus
qu'un vice de forme; c'est un défaut irrévocable à moins qu'il ne
puisse être corrigé en vertu des autres dispositions de la Loi.
Et, à la page 120:
[TRADUCTION] Je sais fort bien que la Loi n'exige aucune
formalité et que le Ministre peut agir par l'entremise de
n'importe quel fonctionnaire de son Ministère, du moins aussi
longtemps que celui-ci utilise les mots magiques: «Le Ministre
m'ordonne» de le faire (voir: Carltona Ld. c. Commissioners of
Works et Metropolitan Borough and Town Clerk of Lewisham
c. Roberts). Mais, en l'espèce, même ces mots n'ont pas été
utilisés. La procédure est donc, par ce fait même, pour le moins
irrégulière. Il y a un avantage certain à ce qu'un fonctionnaire,
dûment autorisé, utilise les mots: «Le Ministre m'ordonne», car
il se remémore ainsi l'importance de sa tâche et prend cons
cience que s'il commet une erreur, il engagera le Ministre. Ces
termes peuvent revêtir aussi une signification légale. Suppo-
sons, par exemple, qu'en l'espèce, M. Comins ait écrit une lettre
de nomination où il déclare agir au nom du Ministre; alors,
même s'il n'a pas, en fait, l'autorisation d'écrire la lettre, le
Ministre pourrait ratifier son acte. En vérité, le certificat
statutaire équivaut à une ratification, car le Ministre ne pour-
rait pas le délivrer si le tribunal n'avait pas été valablement
nommé. Mais la ratification n'est admissible en droit que si le
mandataire déclare agir au nom du mandant: voir les observa
tions afférentes à Armory c. Delamirie et à Keighley Maxsted
& Co. c. Durant. Donc, en l'espèce, M. Comins n'ayant pas
déclaré agir au nom du Ministre, aucune ratification n'a été
possible.
Pour sa part, le lord juge Jenkins a fait la
remarque suivante [à la page 124]:
[TRADUCTION] Il est surprenant que l'on ne puisse produire
aucun document conférant à Smithies ou à Comins, l'autorisa-
tion du Ministre de désigner les membres du tribunal qu'ils ont
effectivement désignés.
En tenant compte de ces considérations, j'estime
utile d'examiner le traitement que les employés du
ministère des Approvisionnements et Services ont
réservé à l'affaire qui nous occupe.
Il convient de rappeler ici qu'en vertu de la Loi
sur l'administration financière, le Conseil du
Trésor est autorisé à exercer les pouvoirs que lui
confère la Loi sur la pension de la Fonction
publique.
Par décret du conseil, C.P. 1969-655, en date du
31 mars 1969, le ministre des Approvisionnements
et Services a été autorisé [TRADUCTION] «à four-
nir tous les services administratifs utiles en matière
de régimes et de pensions de retraite des
employés», notamment ceux qui dérivent de la Loi
sur la pension de la Fonction publique. Ce sont les
services administratifs qui doivent être ainsi four-
nis. Il semble s'ensuivre que les tâches restantes
incombant au Conseil du Trésor ne seraient pas de
nature administrative.
On trouve au ministère des Approvisionnements
et Services une Division des pensions de retraite
qui a à sa tête un directeur, ainsi qu'une Section
du traitement des pensions de retraite dirigée par
un chef. Cette section est divisée en sous-sections,
qui sont dirigées chacune par un chef de
sous-section.
On y trouve également une Section de services
consultatifs, qui comprend des agents du personnel
des services consultatifs groupés sous la direction
d'un chef.
Ces noms sont révélateurs des fonctions.
Lorsque, après le décès de M. Mancuso survenu
le 8 janvier 1974, sa veuve a, le 10 janvier 1974,
notifié sa version de sa situation familiale et fait
valoir son droit aux prestations de pension de
retraite, elle a déclenché le processus administratif.
Le 15 janvier 1974, la Direction du personnel de
l'Office national du film a écrit à la Division des
pensions de retraite.
Le 4 février 1974, un chef de sous-section a écrit
à l'Office national du film une lettre très détaillée
lui indiquant les documents dont la sous-section
avait besoin pour traiter la réclamation (pièce
P-12).
La lettre soulignait en outre que la Loi prévoit
expressément, au décès d'un contributeur, le verse-
ment des prestations à la veuve, sauf dans les
circonstances prévues par l'article 13(5). Dans sa
lettre du 10 janvier 1974, la veuve a déclaré qu'elle
vivait séparée de son mari depuis de nombreuses
années.
L'Office national du film a donc demandé à la
veuve légale de lui fournir les neuf documents
énumérés qui, de toute évidence, étaient indispen
sables pour traiter la réclamation.
Les deux qui, en l'espèce, ont une incidence
particulière sont le deuxième, qui se lit ainsi:
[TRADUCTION] Deux déclarations sous serment émanant de
personnes désintéressées d'un certain rang social, qui connais-
sent les faits ayant conduit à la déclaration sous serment de la
veuve et indiquant son comportement moral depuis la
séparation.
et le neuvième, c'est-à-dire le testament du
contributeur.
J'ai toutes les raisons de croire que l'Office
national du film a envoyé au Ministère le docu
ment du 22 octobre 1970 rédigé par M. Mancuso
ordonnant que [TRADUCTION] «toutes les presta-
tions et produits ... dérivant de mes années de
service dans la Fonction publique, et notamment
toutes les prestations de décès et de pension de
retraite, doivent être versés à ma succession et
répartis conformément à mon testament,» et ce,
bien que marié mais vivant séparé de son épouse
depuis seize ans.
Si l'Office ne l'a pas fait, l'avocat de la succes
sion a envoyé, par lettre en date du 30 juillet 1974,
une copie de l'homologation des lettres d'adminis-
tration en date du 4 avril 1974, laquelle il a joint
le certificat de décès et les instructions du contri-
buteur datées du 22 octobre 1970, ainsi qu'un
affidavit de A. A. Keyes, qui est, en fait, un
affidavit d'exécution de ces- instructions.
La lettre du 4 février 1974 adressée à l'Office
national du film, demandant les documents néces-
saires au traitement de la réclamation, fait aussi
mention d'une autre réclamation émanant d'une
concubine veuve et des documents requis pour
appuyer sa réclamation. Toutefois, celle-ci fut par
la suite abandonnée.
Le 14 août 1974, un chef de sous-section du
Ministère a écrit à l'avocat de la succession, peut-
être en réponse à une lettre que ce dernier lui avait
adressée le 30 juillet 1974, pour l'aviser [TRADUC-
TION] «que jusqu'ici aucune allocation à la veuve
n'avait été fixée», mais sans l'inviter à présenter
des observations.
Le 13 septembre 1974, l'avocat de la succession
a récrit au Ministère en se référant à nouveau à la
distribution des prestations de décès et de pension
de retraite, selon les modalités prévues par le
contributeur défunt, et à l'affidavit d'exécution
afférent au document constatant ces modalités,
signé par M. Keyes. Il a joint à sa lettre une autre
copie de ces documents.
Le 8 octobre 1974, le chef de la sous-section a
écrit à l'avocat pour l'informer que les prestations
au titre de la Loi sur la pension de la Fonction
publique seraient versées à M me Frances Mancuso,
en sa qualité de veuve légale d'Anthony Mancuso.
Le 10 octobre 1974, l'avocat a répondu qu'il
avait pris des dispositions pour que l'affaire soit
portée devant une cour de justice et a demandé de
surseoir au paiement des prestations jusqu'à la
décision judiciaire.
Le 18 octobre 1974, M. R. Hagglund, des Servi
ces consultatifs, a répondu à cette dernière lettre
de l'avocat, lui indiquant qu'il refusait de surseoir
au paiement des prestations à Mme Frances Man-
cuso, comme il le demandait. Il s'est référé à
l'article 13(5) de la Loi et a écrit: [TRADUCTION]
«après enquête, il a été décidé qu'aucune directive
ne serait donnée selon laquelle Mme Mancuso
devrait être réputée décédée avant son mari» et que
toutes les prestations de décès et de pension de
retraite lui seraient versées immédiatement.
Dans une lettre datée du 24 octobre 1974, l'avo-
cat a répondu qu'il connaissait fort bien l'article
13(5), qu'il s'était inspiré de son libellé et de ses
incidences pour rédiger sa lettre du 10 octobre
1974 et qu'il avait demandé de surseoir aux paie-
ments parce que l'affaire allait être portée en
justice. Il indiquait également qu'une déclaration
serait déposée sous peu.
Ladite déclaration a été déposée le 24 janvier
1975 et signifiée au sous-procureur général du
Canada, le 27 janvier 1975.
Un exposé de défense a été déposé le 21 février
1975.
Dans l'intervalle, le 3 janvier 1975, le Ministère
a informé l'avocat qu'à la suite de sa lettre du 24
octobre 1974, les paiements à Mme Mancuso
avaient été différés pendant environ deux mois,
mais que vu le silence de ce dernier depuis lors, ces
paiements seraient immédiatement faits à Mme
Mancuso. Une demande visant à faire établir un
chèque d'un montant de $7,500 payable à Mme
Frances A. Mancuso a été présentée le 27 janvier
1975, date du dépôt de la déclaration au greffe. Le
chèque a ensuite été remis à Mme Mancuso qui l'a
encaissé.
Toutefois, une note de service non datée (pièce
P-9) signée par M. Hagglund des Services consul-
tatifs, et adressée à M"e L. Gendron, donne les
indications suivantes:
[TRADUCTION] Au vu de la preuve versée au dossier, je suis
convaincu que la présentation de ce cas au Conseil du Trésor
pour examen en vertu de l'article 13(5) ne se justifie pas.
Veuillez donner suite à l'autorisation de verser lesdites presta-
tions à Mme Mancuso. L'avocat de la succession de M. Man-
cuso doit aussi être avisé de cette décision.
Cette note de service doit avoir été écrite avant
le 8 octobre 1974 parce qu'elle a inspiré la lettre
que M. N. Austin, chef de sous-section, a écrite à
l'avocat de la succession pour l'informer que des
prestations seraient versées à Mme Frances Man-
cuso en sa qualité de veuve légale d'Anthony
Mancuso.
M. Hagglund a été cité comme témoin. Il a
déclaré que la Section du traitement des pensions
de retraite lui a renvoyé cette affaire pour avis. Il a
alors invité cette dernière à compléter la preuve
par voie d'affidavits corroborant les allégations de
la veuve.
Ces affidavits ont été produits en preuve.
La lettre du 4 février 1974 (pièce P-12) écrite à
l'Office national du film pour réclamer certains
documents est fort claire. Elle demandait deux
déclarations sous serment émanant de personnes
désintéressées et occupant un certain rang social,
qui connaissaient les faits ayant conduit à la sépa-
ration ou l'ayant entourée. Je ne sais pas si cette
preuve a été fournie au Ministère. Tout ce que j'ai
devant moi, c'est la preuve par voie d'affidavit que
la veuve a mené une vie exemplaire après s'être
séparée de son mari en 1955. Je n'ai été saisi
d'aucune preuve provenant de deux déclarations
sous serment relatives aux faits ayant conduit à la
séparation ou l'ayant entourée. Par conséquent, je
me dois de présumer que ces déclarations n'ont
jamais été fournies au Ministère, autrement elles
auraient été produites devant cette Cour car la
production de pièces est abondante.
Je ne pense pas non plus que la veuve ait fait
une déclaration sous serment; tout au moins,
aucune n'a été produite. Le seul document produit
est sa lettre du 10 janvier 1974, par laquelle elle
réclame, suite au décès de son mari, le versement
des prestations de décès et de pension de retraite.
Elle y reconnaît leur longue séparation qu'elle
attribue [TRADUCTION] «principalement à la
cruauté de mon mari.»
De toute évidence, M. Hagglund n'a demandé à
l'avocat de la succession ni observation ni témoi-
gnage à l'appui de ce que l'on pourrait appeler la
cause du mari.
A mon avis, la preuve recueillie était incomplète.
Elle n'en a pas moins satisfait M. Hagglund
puisqu'il a dit dans son mémoire qu'au vu de la
preuve versée au dossier, il était convaincu qu'elle
n'était pas de nature à inciter le Conseil du Trésor
à déclarer la veuve comme ayant été privée de tout
droit à une pension alimentaire.
M. Hagglund a déclaré dans sa déposition
n'avoir pris aucune décision, ce qui est jouer sur les
mots. Il ressort nettement de sa note de service
qu'il était convaincu que la cause ne devait pas
être renvoyée au Conseil du Trésor pour décision.
La décision, c'est lui qui l'a prise; et, en la prenant,
il a décidé à la place du Conseil du Trésor qu'il n'y
avait rien à trancher au titre de l'article 13(5) de
la Loi. En prenant cette décision initiale à la place
du Conseil du Trésor, au lieu de lui renvoyer
l'affaire, il l'a effectivement empêché de décider si
la veuve devait être ou non réputée décédée avant
son mari.
Il a décidé que les prestations devaient être
versées à Mme Mancuso et il a enjoint au chef de la
sous-section d'informer l'avocat de la succession de
«cette décision», c'est-à-dire de la décision prise par
M. Hagglund.
Il ressort des principes que j'ai exposés qu'en
général, une décision doit être prise par la per-
sonne ou l'organisme investi du pouvoir de la
prendre; qu'en l'absence d'une autorisation
expresse ou tacite de déléguer cette responsabilité,
il doit y avoir une autorisation expresse ou décla-
rée d'agir au nom de ladite personne ou dudit
organisme, sans quoi il y a un défaut irrévocable;
qu'il existe normalement un document qui confère
à un fonctionnaire l'autorisation d'agir au nom du
Ministre. Vu les propos tenus en réprimande par
lord Denning selon lesquels un ministre peut agir
par l'entremise de l'un de ses fonctionnaires [TRA-
DUCTION] «du moins aussi longtemps que celui-ci
utilise les mots magiques: `Le Ministre m'ordonne'
de le faire», j'aurais souhaité que M. Hagglund
indique dans sa déposition sur quelle autorisation il
s'était fondé pour agir comme il l'a fait.
L'audience a été ajournée un après-midi pour
reprendre le matin suivant avec la déposition de
M. Hagglund. J'ai donc insisté pour que celui-ci
soit alors prêt à nous indiquer sur quelle autorisa-
tion il prétend s'être fondé pour agir au nom du
Conseil du Trésor.
C'est ce qu'il a fait le matin suivant. Il a produit
en preuve une note de service en date du 30 août
1966; adressée par H. D. Clark à C. E. Caron. M.
Clark est un fonctionnaire du Conseil du Trésor
bien informé en matière de pensions. M. Caron, à
qui la note de service est adressée en réponse à sa
demande de renseignements, était autrefois un
fonctionnaire d'un ministère chargé d'appliquer la
Loi sur la pension de la Fonction publique, qui a
par la suite continué à exercer ses fonctions au sein
du ministère des Approvisionnements et Services
lors de sa création en vertu de la Loi de 1969 sur
l'organisation du gouvernement, S.C. 1968-69, c.
28, et lorsque, par décret du conseil en date du 31
mars 1969, la fourniture de tous les services admi-
nistratifs relatifs à la Loi sur la pension de la
Fonction publique a été confiée au ministre des
Approvisionnements et Services.
Bien que cette note de service soit antérieure à
la création dudit Ministère, je l'accepte à titre
d'exposé donné par le Conseil du Trésor par la voie
de sa hiérarchie administrative, de la filière que les
affaires de ce genre doivent suivre au sein du
Conseil pour être filtrées jusqu'à son Secrétaire et
ensuite, vraisemblablement par l'intermédiaire de
ce dernier, pour être versées à l'ordre du jour d'une
réunion du Conseil, accompagnées d'un résumé et
des recommandations du Secrétaire concernant
leur règlement par le Conseil.
Cette note a été déposée en tant que document
autorisant à agir au nom du Conseil du Trésor et,
comme je l'ai déjà dit, je l'accepte comme tel.
Aucun autre document n'a été produit.
La note de service est intitulée [TRADUCTION]
«Cas régis par les articles 12(4) et 12(5) de la Loi
sur la pension de la Fonction publique». Quand
cette note de service a été écrite le 30 août 1966,
les articles 13(4) et 13(5) de la présente Loi
étaient les articles 12(4) et 12(5) de la précédente
Loi. Leur libellé est identique; seule leur numéro-
tation diffère.
Je reproduis intégralement le texte de cette note
de service car c'est sur les instructions qu'elle
contient que M. Hagglund s'est fondé pour agir.
[TRADUCTION] En réponse à votre note de service du 9 août
1966, j'aimerais faire les commentaires suivants.
Je suis d'accord qu'il n'est pas nécessaire de soumettre à la
décision ministérielle les cas suivants:
(1) les cas de séparation où il n'y a pas de concubine et où
l'épouse n'a pas vécu manifestement dans des circonstances
qui l'auraient privée de tout droit à une ordonnance de
pension alimentaire;
(2) les cas de séparation où l'épouse manifestement n'a pas
vécu dans des circonstances qui l'auraient privée de tout droit
à une ordonnance de pension alimentaire et où une concubine
présente une réclamation en vertu de l'article 12(4), mais ne
satisfait pas aux conditions qu'il requiert.
Étant donné la possibilité d'appel au Conseil du Trésor, il
semble que toute décision de rejeter une réclamation qui, à
première vue, remplit les conditions des articles 12(4) ou 12(5)
doive être prise par M. Bryce au nom du Ministre, plutôt que
par votre Direction. En d'autres termes, tous les cas auxquels
les articles 12(4) ou 12(5) peuvent fort bien s'appliquer, doivent
faire l'objet d'une décision ministérielle, au moins jusqu'à ce
que nous ayons acquis une certaine expérience au niveau de
l'application des dispositions en matière d'appel.
Il s'ensuit donc que certains cas pour lesquels votre Direction
prenait auparavant des décisions sans les renvoyer au Conseil
du Trésor, doivent maintenant être soumis à cette Division aux
fins de présentation à M. Bryce. Un bon exemple à cet égard
est l'affaire Harrison (P.F. 364.665) où les revendications tant
de la veuve légale que de la concubine semblent être bien
fondées. Peu importe la décision qui sera prise, même si elle ne
prévoit l'application ni de l'article 12(4) ni de l'article 12(5), il
est facile de prédire que la personne dont la réclamation sera
rejetée, interjettera appel.
De toute évidence, la directive énoncée dans
cette note de service dispose que lorsqu'une récla-
mation s'inscrit dans les conditions de l'article
13(5), la Direction n'est pas autorisée à trancher
mais doit plutôt renvoyer l'affaire au Secrétaire du
Conseil du Trésor en vue d'une décision ministé-
rielle.
Les circonstances de l'espèce s'inscrivent dans le
cadre de l'article 13(5). Il n'y a aucun doute quant
à l'existence d'un conflit entre des réclamants
rivaux, qui risque de dégénérer en une action en
justice.
Bien qu'il sût cela, M. Hagglund n'en a pas
moins rejeté la réclamation du demandeur et
adjugé les prestations à la veuve et ce, de sa propre
initiative, sans en référer au Conseil du Trésor. Cet
acte constitue, à mon sens, un manquement à ses
obligations.
En dépit des circonstances où le Ministre peut
agir par l'entremise de l'un de ses fonctionnaires, il
existe certaines décisions statutaires, de caractère
administratif, qui ont été jugées comme devant
être prises, sur une base judiciaire ou quasi judi-
ciaire, par la personne investie du pouvoir de les
prendre. A cet égard, la législation afférente à la
planification des villes et des villages au Royaume-
Uni après la seconde guerre mondiale, fournit une
jurisprudence abondante. Fondamentalement, elle
prévoyait que le plan du nouvel aménagement
devait émaner du Ministre ou des autorités locales.
Au moment de projeter un tel aménagement, la
Loi requérait la tenue d'une enquête locale publi-
que et la rédaction d'un rapport par le fonction-
naire qui en était chargé.
Dans Franklin c. Minister of Town and Country
Planning [1948] A.C. 87, lord Thankerton dit que
puisque les fonctions du Ministre relatives à l'amé-
nagement de nouvelles villes sont administratives
et fondées sur une politique établie, on ne peut pas
l'accuser de partialité, bien qu'il soit l'auteur du
plan et enclin peut-être à rejeter les objections
soulevées à l'égard de ce dernier. L'enquête locale
a pour objet d'informer le Ministre et non pas
d'examiner les points litigieux qui surgissent entre
lui et ceux qui présentent des objections à son plan.
Lord Thankerton dit, à la page 103, que la seule
question importante c'est de savoir si le Ministre
s'est bien acquitté de son devoir [TRADUCTION]
«d'examiner sérieusement les objections et le rap
port, comme la Loi l'ordonne.»
Lord Thankerton admet qu'il incombe au Minis-
tre d'examiner personnellement le rapport. Par
conséquent, il s'ensuit que le transfert de cette
responsabilité à un fonctionnaire inférieur invalide
l'acte. La décision finale et l'examen approfondi
du rapport font partie des attributions du Ministre.
Ainsi, bien qu'il n'existe aucune règle générale
disposant que les ministres ou les sous-ministres,
dans l'exercice de leurs fonctions administratives
ou judiciaires, doivent se consacrer aux cas qui
leur sont soumis, il a toutefois été jugé que certai-
nes questions sont si importantes qu'ils doivent les
régler personnellement.
L'auteur de la note de service du 30 août 1966
(pièce P-13), sur laquelle M. Hagglund s'est fondé
pour agir, reconnaît ce principe. En vertu du
décret du conseil C.P. 1969-655, le ministère des
Approvisionnements et Services est chargé de four-
nir «tous les services administratifs» utiles que
requiert la Loi sur la pension de la Fonction
publique. La note ne dispense pas le personnel du
Ministère de l'obligation de recueillir l'information
et la documentation nécessaire au traitement de la
réclamation, mais elle ordonne que lorsque cela a
été fait et qu'il est manifeste que l'article 13(5)
pourrait être appliqué, la question doit alors être
soumise à la décision du Ministre. La note fait
allusion à la possibilité d'établir une certaine pro-
cédure d'appel mais, en réponse à une question que
j'ai posée, on m'a informé que cette possibilité ne
s'était jamais matérialisée. La note de service
demeure donc valable sans référence aux possibili-
tés d'appel.
Quand une décision doit être prise en applica
tion d'une loi, elle doit parfois l'être sur une base
judiciaire ou quasi judiciaire, même si l'affaire a
un caractère administratif. Parmi les décisions de
ce genre, soulignons l'importance de celles qui
créent ou modifient des responsabilités ou des
droits civils comme le droit à une pension.
Dans Mantha c. La ville de Montréal [ 1939]
R.C.S. 458, un pompier avait sollicité par lettre,
aux termes d'un règlement municipal, une pension
de retraite, pour cause d'incapacité résultant d'une
maladie. Les médecins municipaux l'ont examiné
et l'ont jugé capable de s'acquitter de ses fonctions.
En vertu de l'article 11 du règlement, [TRADUC-
TION] «le pouvoir de décider, dans chaque cas, si
un employé municipal est admissible à la pension
de retraite, est délégué au Comité exécutif». La
demande du pompier a été rejetée et sa lettre
considérée comme une lettre de démission. Pen
dant des mois, on ne l'a pas informé du rejet de sa
demande de pension ni du contenu du rapport
médical favorable à son maintien en fonctions.
Aux pages 466 et 467, le juge en chef Duff
déclare:
[TRADUCTION] Il est clair, comme je l'ai déjà fait remar-
quer, que tout le monde a compris qu'il sollicitait une pension
de retraite en vertu du règlement, au motif d'incapacité pour
cause de maladie. Les fonctionnaires de la Corporation
auraient dû réaliser, s'ils avaient accordé à l'affaire la moindre
attention, qu'ils avaient l'obligation de l'informer sur-le-champ
du rejet de sa demande de pension de retraite. En traitant
celle-ci comme une simple démission et en le gardant dans
l'ignorance du rapport des médecins et de la décision du Comité
exécutif, ils l'ont trompé délibérément ou ont fait preuve d'une
inattention grossière dans l'exercice de leurs fonctions.
Une chose est claire: puisque l'appelant n'a pas été informé
du rapport des médecins, il n'a pas eu l'occasion d'y répondre
avant que le Comité exécutif prenne sa décision.
Il est évident que, dans ces circonstances, il n'y a pas eu le
genre d'enquête que prévoit l'article 11. Les obligations d'un
organisme administratif chargé d'une enquête, dont les résul-
tats sont susceptibles de porter atteinte aux droits civils des
parties, ont été énoncées à maintes reprises. Il suffit de se
référer aux commentaires de lord Loreburn dans Board of
Education c. Rice ([1911] A.C. 179, à la page 182):
Point n'est besoin d'ajouter [que] ... le Board doit agir de
bonne foi et entendre les deux parties d'une façon qui soit
juste.... Il peut obtenir des renseignements de la manière
qu'il juge la meilleure, en donnant toujours aux parties
engagées dans la controverse une possibilité suffisante de
corriger ou de contredire toute déclaration pertinente portant
préjudice à leur cause.
Le genre d'enquête envisagée était judiciaire ou
quasi judiciaire.
Le jugement rendu dans Ridge c. Baldwin
[1964] A.C. 40 a, en fait, supprimé la distinction
entre ceux qui accomplissent des actes ministériels
et ceux qui accomplissent des actes judiciaires, et
proclamé que l'obligation d'agir équitablement
s'applique aux uns comme aux autres.
Dans Wiseman c. Borneman [1971] A.C. 297,
lord Guest s'est exprimé en ces termes à la page
310:
[TRADUCTION] Il ressort clairement de la jurisprudence que
lorsqu'un tribunal a été établi par une loi en vue de trancher en
dernier ressort des questions qui influent sur les droits et les
obligations des parties, les tribunaux supposeront, si la loi garde
le silence sur ce point, qu'elle exige sous le couvert d'une règle
implicite l'application des principes de justice naturelle. Cette
supposition sera fondée sur l'impossibilité de présumer que le
Parlement retire aux parties leurs droits sans leur donner
l'occasion de se faire entendre. En d'autres termes, on ne peut
pas présumer que le Parlement agisse de façon inéquitable.
Dans Selvarajan c. Race Relations Board
[1976] 1 All E.R. 12, on trouve un récent exposé
des obligations qu'un organisme administratif,
sans fonctions judiciaires, doit remplir pour agir
équitablement. Voici en quels termes lord Denning
s'est exprimé à la page 19:
[TRADUCTION] Ces dernières années nous avons examiné la
procédure de nombreux organismes chargés de faire enquête et
de se faire une opinion. Notamment la Commission des jeux,
qui doit faire enquête pour déterminer si le requérant peut
exploiter un club de paris (voir R. c. Gaming Board for Great
Britain, ex parte Benaim, [1970] 2 All E.R. 528), et, aux
termes de la Companies Act, des inspecteurs qui doivent enquê-
ter sur une compagnie et faire un rapport (voir Re Pergamon
Press Ltd., [1970] 3 All E.R. 535), et le tribunal nommé en
vertu de l'art. 463 de l'Income and Corporation Taxes Act
1970, qui doit décider s'il y a en apparence une cause à
poursuivre (voir Wiseman c. Borneman, [1971] A.C. 297).
Dans tous ces cas, on a jugé que l'organisme chargé d'enquêter
a le devoir d'agir équitablement; mais les exigences de l'équité
dépendent de la nature de l'enquête et de ses conséquences pour
les personnes en cause. La règle fondamentale est que dès qu'on
peut infliger des peines ou sanctions à une personne ou qu'on
peut la poursuivre ou la priver de recours, de redressement ou
lui faire subir de toute autre manière un préjudice en- raison de
l'enquête et du rapport, il faut l'informer de la nature de la
plainte et lui permettre d'y répondre. Cependant, l'organisme
enquêteur est maître de sa propre procédure. Il n'est pas
nécessaire qu'il tienne une audition. Tout peut se faire par écrit.
Il n'est pas tenu de permettre la présence d'avocats. Il n'est pas
tenu de révéler tous les détails de la plainte et peut s'en tenir à
l'essentiel. Il n'a pas à révéler sa source de renseignements. Il
peut se limiter au fond seulement. De plus, il n'est pas néces-
saire qu'il fasse tout lui-même. Il peut faire appel à des
secrétaires et des adjoints pour le travail préliminaire et plus.
Mais en définitive, l'organisme enquêteur doit arrêter sa propre
décision et faire son propre rapport.
Pour les raisons que je viens d'exposer, j'estime
que M. Hagglund n'était nullement autorisé à
décider si Mm° Mancuso a vécu séparée de son
mari dans des circonstances qui l'auraient privée
de tout droit à une pension alimentaire et, par voie
de conséquence, à décider si elle doit être réputée
décédée avant lui.
Dans les circonstances de l'espèce, M. Hagglund
et le personnel qu'il dirige ou qui lui fait rapport
n'étaient autorisés qu'à recueillir l'information
nécessaire et à renvoyer ensuite l'affaire au Secré-
taire du Conseil du Trésor pour décision
ministérielle.
Comme on l'a vu, M. Hagglund a agi différem-
ment. Il a préféré régler l'affaire lui-même sans y
être autorisé et, en ne renvoyant pas l'affaire au
Conseil du Trésor comme il était astreint à le faire,
il a privé le demandeur de son droit à ce que
l'affaire soit réglée par le Conseil du Trésor. Pour
reprendre les termes de lord Denning dans l'affaire
Woollett, sa directive est ainsi entachée d'un
défaut irrévocable et elle ne peut être ratifiée
d'aucune façon.
En outre, l'enquête que M. Hagglund a menée
dans le secteur administratif qui lui est imparti, ne
fut pas, à mon avis, conforme à l'obligation géné-
rale d'impartialité.
Il savait que la veuve du contributeur avait
présenté une réclamation en vue de toucher les
prestations de décès et de pension de retraite de
son mari, dont elle vivait séparée parce que la
conduite de ce dernier l'y avait contrainte. Cela
ressort clairement de la lettre de cette dernière,
datée du 10 janvier 1974. S'il a accordé à l'affaire
autant d'attention qu'il avait le devoir de le faire, il
s'est sans doute aperçu que le contributeur adop-
tait une position diamétralement opposée en ce
qu'il soutenait que son épouse avait fui le domicile
conjugal et choisi de vivre séparée de lui, malgré
son consentement à la réintégrer dans ses droits
conjugaux, raison pour laquelle elle n'avait pas
droit à une pension alimentaire. Pour se rendre à
l'évidence, il lui suffisait de lire le testament du
contributeur en date du 18 avril 1957, où il lègue
tous ses biens à ses deux enfants du premier lit, et
le document du 22 octobre 1970 déposé auprès de
son employeur, où il ordonne que les prestations de
décès et de pension de retraite soient versées à sa
succession parce que c'est là où elles doivent l'être
lorsque la veuve a vécu séparée du mari sans avoir
droit à une pension alimentaire, ce que le contribu-
teur considérait être le cas.
On ne peut pas interpréter ces instructions
comme une tentative du contributeur de céder une
dette de la Couronne, ce qui est interdit, mais
plutôt comme un exposé des motifs pour lesquels
elle doit légalement être payée à sa succession.
C'est ce qu'il veut dire lorsqu'il écrit que pendant
seize ans son épouse a vécu séparée de lui et qu'il
ne lui a payé aucune pension alimentaire parce
qu'il n'y était obligé ni moralement ni légalement.
M. Hagglund savait que la veuve avait retenu
les services d'un avocat pour présenter sa réclama-
tion. Il savait aussi que la succession du contribu-
teur avait engagé un avocat pour homologuer la
succession et que celui-ci avait présenté une récla-
mation afférente aux prestations, même s'il ne l'a
fait en termes précis que le 10 octobre 1974.
M. Hagglund a dû parfaitement se rendre
compte qu'il y avait un conflit entre les
réclamants.
Le chef de la sous-section a réuni avec diligence
des documents à l'appui de la réclamation de la
veuve. M. Hagglund lui a ordonné d'en obtenir
d'autres à cette fin. Mais, à aucun moment, ni lui
ni le chef de la sous-section n'a invité l'avocat de la
succession à présenter de l'information, une preuve
ou des observations à l'appui du point de vue et de
la réclamation du contributeur défunt.
En bref, M. Hagglund, qui était au courant du
conflit ou qui aurait dû l'être, n'a réclamé des
observations et des preuves que d'une seule partie
au conflit et a complètement ignoré l'autre.
Il s'agit là d'une attitude contraire à l'obligation
élémentaire d'équité. Les deux parties ont le droit
d'être entendues.
L'avocat de la succession n'a pas été empêché de
présenter des observations, mais il n'y a pas été
invité non plus. Il avait le droit de connaître les
reproches adressés à son client et d'avoir l'occasion
d'y répondre. Il n'en a pas été informé et n'a donc
pas eu l'occasion de répondre aux allégations con-
traires aux intérêts de son client.
Mais l'avocat de la succession n'est pas entière-
ment exempt de responsabilité. Il aurait dû insister
pour faire valoir le point de vue de son client
malgré l'attitude négative des fonctionnaires du
Ministère, mais le fait capital reste que M. Hagg-
lund a agi inéquitablement et arbitrairement
envers le demandeur. Certes, il est plus rapide,
plus facile et plus simple de régler un conflit si une
seule partie à ce conflit est entendue, mais un
fonctionnaire ne doit pas sacrifier l'obligation
d'agir équitablement parce qu'il estime qu'une éco-
nomie de temps et d'efforts ajoute à l'efficacité
administrative.
La demande de redressement faite en l'espèce
est contenue aux paragraphes 9 et 10 de la décla-
ration du 24 janvier 1975:
[TRADUCTION] 9. Par conséquent, le demandeur sollicite que
les prestations de décès et de pension de retraite revenant au
défunt Anthony Frederick Mancuso soient versées à la succes
sion, conformément à son testament et aux désirs qu'il a
exprimés dans son mémoire du 22 octobre 1970.
10. Le demandeur réclame donc ce qui suit:
a) une ordonnance portant que les fonds provenant des
prestations de décès et de pension de retraite soient versés à
la succession d'Anthony Frederick Mancuso;
b) ses dépens afférents à la présente action;
c) tout autre redressement que cette Cour jugera à propos.
A l'audience, avec le consentement de l'avocat
de la défenderesse, le demandeur a sollicité une
modification de son exposé de cause, en précisant
que celle-ci [TRADUCTION] «inclurait les deman-
des de redressement suivantes», c'est-à-dire trois
paragraphes numérotés de 1 à 3, les paragraphes 1
et 3 comportant des alinéas.
Contrairement à la déclaration faite lors de
l'introduction de la requête, cette modification ne
comporte aucune demande de redressement, mais
plutôt les allégations de fait.
Elle allègue qu'il y avait une obligation et
qu'elle n'a pas été observée. Les détails de cette
inobservation sont fondamentalement:
[TRADUCTION] (1) qu'il n'y a eu aucune enquête convenable, et
(2) que l'enquête n'a pas été menée équitablement pour les
motifs exposés en détail dans les alinéas (1)a), b) et c) et dans
les sous-alinéas (3)b)(i), (ii), (iii), (iv) et (y).
L'alinéa 3a) (qui se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] «aucun fonctionnaire du Conseil
du Trésor n'a procédé à une enquête» et [TRADUC-
TION] «Cette inaction des fonctionnaires du Con-
seil du Trésor équivaut à une inobservation fautive
de leurs obligations légales, qui engage la respon-
sabilité de la défenderesse») peut être considéré
comme l'allégation que ni le Conseil du Trésor ni
l'un de ses fonctionnaires habilités à agir en son
nom n'a pris une décision relative à la présente
affaire.
Le redressement sollicité par le demandeur reste
celui énoncé aux paragraphes 9 et 10 de l'exposé
de la demande du 24 janvier 1975, qui n'ont pas
été modifiés.
Pour les motifs que j'ai indiqués, je conclus que
M. Hagglund n'était pas autorisé à décider si les
circonstances prévues par l'article 13(5) de la Loi
sur la pension de la Fonction publique tournaient
à l'avantage du contributeur ou de son épouse et,
par voie de conséquence, qu'aucune décision n'a
donc été prise ni par le Conseil du Trésor ni par
l'un de ses fonctionnaires habilités à agir en son
nom. En outre, pour les motifs exprimés précédem-
ment, je conclus que M. Hagglund n'a pas agi
équitablement dans l'enquête qu'il a menée ou
ordonnée.
La demande de redressement sollicite de la Cour
une ordonnance portant le paiement de toutes les
prestations de décès et de pension de retraite au
demandeur, c'est-à-dire à la succession de M.
Mancuso.
Je ne pense pas pouvoir rendre une pareille
ordonnance, car elle équivaudrait pour moi à pren-
dre une décision qui appartient en fait au Conseil
du Trésor et que les initiatives de M. Hagglund
l'ont empêché de prendre.
Je ne pense pas non plus qu'il s'agisse d'un cas
où peut s'appliquer le principe que lord Shaw
énonce dans Cameron c. Cuddy [1914] A.C. 651,
à la page 656. Ce principe que la Cour suprême a
appliqué dans Mantha c. La ville de Montréal
(précité) est le suivant: lorsque cesse de fonction-
ner le mécanisme établi par un acte définissant les
droits des parties, la Cour a le privilège de remé-
dier à ce défaut.
Dans Mantha, le litige opposait le réclamant et
la ville. Ici, il oppose la succession du demandeur
et sa veuve. Dans Mantha, les parties en litige
étaient les mêmes que les parties à l'action. En
l'espèce, les réclamants rivaux au droit à la pen
sion ne sont pas les parties à l'action.
En outre, les modifications apportées à la décla-
ration excipent d'une différente cause d'action, à
savoir une obligation légale envers le demandeur,
dont l'inobservation a pour conséquence d'entraî-
ner la responsabilité de la défenderesse. Bien que
l'on n'en ait fait aucune mention, cette responsabi-
lité donne lieu de toute évidence à des dommages-
intérêts.
Tout cela serait inclus dans la clause «fourre-
tout» de l'alinéa 10c) de la demande de
redressement.
Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, le
demandeur a le droit de faire trancher la question
de l'applicabilité de l'article 13(5) de la Loi par le
Conseil du Trésor ou par l'un des fonctionnaires de
ce dernier habilités à agir en son nom. Or, la
question ne l'a pas été. Le demandeur s'est donc vu
dénier ce droit.
Le déni de ce droit donne lieu à une action en
dommages-intérêts. C'est cette action que la modi
fication apportée à la déclaration, bien que rédigée
de façon inepte, a voulu introduire.
Dans Zamulinski c. La Reine [1956-1960]
R.C.É. 175, une affaire introduite par pétition de
droit, le requérant, un employé des postes ayant
fait l'objet d'un renvoi, avait demandé entre autres
dans sa demande de redressement, des dommages-
intérêts pour ne pas s'être vu ménager l'occasion,
avant son congédiement, de présenter sa version de
l'affaire à un fonctionnaire supérieur du ministère
des Postes nommé par le sous-chef en vertu de
l'article 118 des Règlements sur le Service civil.
Le président Thorson déclare aux pages 697 et
698:
[TRADUCTION] A mon avis, le requérant a une réclamation
qui dérive d'un règlement émis par le gouverneur en conseil,
soit une réclamation déposée en vertu de l'art. 118 des Règle-
ments sur le Service civil. En vertu de cet article, il a le droit de
se voir offrir l'occasion, avant son congédiement, de présenter
sa version de l'affaire à un fonctionnaire supérieur du Ministère
nommé par le sous-chef. J'estime que ce droit ne lui a pas été
effectivement donné. C'est un principe fondamental que la
violation d'un droit donne lieu à une cause d'action: voir Ashby
c. White et al. (1703), 2 Ld. Raym. 938, 92 E.R. 126. En
l'espèce, il y a donc eu déni d'un droit légalement dévolu au
requérant: par conséquent, celui-ci a droit à des dommages-
intérêts.
De même, en l'espèce, le demandeur s'est vu
dénier un droit qui est légalement le sien. Il a donc
droit à des dommages-intérêts.
Toutefois, il m'est difficile d'en fixer le quan
tum. Il est admis que le montant des prestations de
décès et de pension de retraite qui aurait été versé
à la succession du contributeur, dont l'exécuteur
est le demandeur dans cette cause, si ce montant
n'avait pas été versé à la veuve par suite des
instructions de M. Hagglund, s'élève à $10,164. Si
j'étais certain que le Conseil du Trésor aurait jugé
que la veuve a vécu séparée du contributeur dans
des circonstances qui l'auraient privée de tout droit
à une ordonnance de pension alimentaire selon les
lois de la province de l'Ontario et aurait ordonné
que la veuve soit réputée décédée avant le contri-
buteur, alors je dirais que le montant des domma-
ges-intérêts s'élève à $10,164.
Mais je ne suis pas certain que le Conseil du
Trésor aurait décidé en ce sens. Même s'il en avait
décidé autrement après en avoir eu l'occasion, le
demandeur aurait droit à des dommages-intérêts
pour s'être vu dénier son droit légal, mais ne se
chiffrant pas nécessairement au plein montant.
Le fait qu'il soit difficile de fixer le montant des
dommages-intérêts n'est pas une raison pour s'en
abstenir. Il ne saurait être question de dommages-
intérêts symboliques. Le préjudice subi par le
demandeur est réel, même s'il est difficile à éva-
luer en termes monétaires.
Le maximum possible pour le dommage subi par
le demandeur est $10,164, mais ce montant doit
être réduit proportionnellement aux possibilités qui
existent de voir le Conseil du Trésor prendre des
décisions défavorables au demandeur. Celui-ci a
une cause défendable à présenter au Conseil du
Trésor, mais il n'est pas certain qu'elle prévaudra.
Le demandeur avait le droit de présenter cette
cause, mais il en a été empêché parce que M.
Hagglund s'est prévalu d'un pouvoir dont il n'était
pas investi. Ce faisant, M. Hagglund a agi de
bonne foi et sans malice dans l'exercice d'un droit
qu'il croyait avoir. Des dommages-intérêts punitifs
seraient donc hors de propos, mais il a néanmoins
agi avec iniquité, même s'il n'a pas nécessairement
fait preuve d'un mépris complet des droits du
demandeur. Il y a là un motif suffisant pour se
montrer généreux dans la fixation des dommages-
intérêts.
Compte tenu de ces circonstances et en particu-
lier des impondérables afférents à la décision du
Conseil du Trésor, j'estime équitable de fixer les
dommages-intérêts du demandeur à $7,500, mon-
tant que je lui alloue.
Un jugement sera donc rendu en conséquence en
faveur du demandeur avec dépens taxables.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.