T-3607-78
In re la Loi de l'impôt sur le revenu et in re le
certificat de Benk Development Ltd.
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Winnipeg, le 5 avril et le 9 août 1979.
Pratique — Impôt sur le revenu — Taxation de mémoire de
frais — Indemnité — La compagnie, qui devait un arriéré
d'impôt sur le revenu, avec intérêts et pénalités, a effectué une
opération visant, au moyen d'un report en arrière, à amortir
tout l'impôt dû, sauf intérêts et pénalités — Le shérif n'a pas
réussi à exécuter le bref de fieri facias — L'indemnité du
shérif a été payée (sous toutes réserves) en même temps que la
nouvelle cotisation d'impôt — Il échet d'examiner si l'indem-
nité est applicable — Règles 2005(6), 2104 de la Cour fédérale
— The Executions Act, S.R.M. 1970, c. E160, art. 13(1),(2).
Requête présentée par Benk Development Ltd. ("Benk")
pour faire taxer le mémoire de frais en vertu duquel un shérif
s'est fait verser une indemnité pour un bref d'exécution que la
Cour de céans avait décerné relativement à un certificat déposé
devant elle au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu. Étant
incapable d'effectuer le paiement minimum et d'offrir une
garantie pour le reliquat, Benk passa un contrat d'échange de
bien-fonds entraînant une perte qui pouvait être reportée en
arrière pour amortir tout l'impôt dû au titre de l'année d'impo-
sition 1977, sauf intérêts et pénalités, et ce une fois déposée la
déclaration d'impôt pour 1978. L'échange de bien-fonds a été
retardé par suite de l'enregistrement du certificat prévu par la
Loi de l'impôt sur le revenu; de ce fait, le comptable de Benk
n'a pas eu les renseignements nécessaires pour établir la
déclaration d'impôt de 1978. Benk n'ayant pu faire sa déclara-
tion d'impôt de 1978 dans le délai imparti, le ministère de la
Justice a pris des mesures pour recouvrer les sommes dues. Le
bureau du shérif a essayé de réaliser les actifs de Benk et de
saisir tout l'argent dont disposerait Benk dans un compte
bancaire ainsi que des comptes à recevoir s'élevant à $70,000.
Aucune somme ne fut recouvrée par ces saisies. Le problème de
l'échange de bien-fonds résolu, Benk a acquitté sa cotisation
d'impôt sur le revenu de 1977, c'est-à-dire les pénalités et les
intérêts afférents à l'arriéré, ainsi que les frais du shérif,
conformément à un acte de fiducie, mais a protesté contre le
paiement de l'indemnité qui ne faisait pas partie des frais de
saisie.
Arrêt: la requête est accueillie. L'indemnité est une somme
perçue par le shérif et calculée sur le montant qu'il recouvre
pour le compte du créancier lorsqu'il pratique des saisies sur les
biens mobiliers et immobiliers du débiteur. Ordinairement,
l'argent qu'il recouvre provient de la vente des biens saisis, à
laquelle il procède jusqu'à concurrence du montant indiqué sur
le bref. Mais même si la saisie consiste en numéraire payé par
le débiteur ou pour son compte et même si aucun des biens
saisis n'est vendu, le shérif a le droit de percevoir une indemnité
sur le montant payé. La saisie du compte bancaire de Benk ne
s'est traduite cependant par aucun recouvrement d'argent. La
saisie des comptes à recevoir s'élevant à $70,000 n'était pas
valide. En droit anglais, on ne peut pas recourir à une exécution
par bref de fieri fadas pour saisir des créances non garanties.
Ni les Règles de la Cour fédérale ni la The Executions Act du
Manitoba ne contiennent une seule disposition indiquant qu'en
vertu d'un bref de fi. fa., un shérif peut saisir des créances non
garanties. Le paiement des intérêts et des frais du shérif est la
conséquence directe d'un acte de fiducie, et non du bref de fi.
fa. ni de la pression qu'exerçait sur Benk l'enregistrement du
certificat au Bureau d'enregistrement. Le shérif n'avait pas le
droit de prélever l'indemnité sur le montant en numéraire payé
pour l'arriéré d'impôt sur le revenu.
DEMANDE.
AVOCATS:
J. Donald pour le procureur général du
Manitoba.
K. Dalton pour Benk Development Ltd.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Manitoba,
Winnipeg, pour le procureur général du
Manitoba.
McArthur & Company, Winnipeg, pour Benk
Development Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Il s'agit ici d'une
requête présentée par Benk Development Ltd. (ci-
après appelée la «Benk») pour faire taxer le
mémoire de frais en vertu duquel le shérif du
district judiciaire de l'Est du Manitoba s'est fait
verser une indemnité pour un bref d'exécution que
cette Cour avait décerné relativement à un certifi-
cat déposé devant elle au titre de la Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, sous le
numéro du greffe T-3607-78.
Les principaux faits ne sont pas contestés. En
me fondant principalement sur l'affidavit du prési-
dent de la société, Frank Quiring, je peux les
résumer de la manière suivante:
Par avis de cotisation daté du 20 avril 1978, le
ministère du Revenu national signifia à la société
Benk qu'elle était redevable d'un montant accu-
mulé d'impôt sur le revenu de $564,766.74. Cel-
le-ci négocia avec ce Ministère les modalités d'une
garantie pour couvrir cette créance. Elle offrit en
garantie, entre autres, une hypothèque de $300,-
000 inscrite au bureau d'enregistrement de Winni-
peg, où elle figurait comme créancière de la firme
Park West Development Ltd. Le Ministère exigea
un paiement minimum de $280,000 et une garan-
tie pour le reliquat. La société, incapable de payer
une telle somme passa alors un contrat écrit, en
juillet 1978, par lequel elle échangeait un bien-
fonds qu'elle possédait au Manitoba contre un
immeuble résidentiel à Regina. Cette transaction
entraîna toutefois pour elle une perte de $1,143,-
631. Cette perte, intervenue en 1978, fut assez
importante pour lui permettre de reporter, après le
dépôt de sa déclaration d'impôt sur le revenu de
1978, un montant suffisamment élevé pour amortir
tout son passif d'impôt sur le revenu au titre de
l'année 1977, l'exception des pénalités et des
intérêts sur les arrérages.
Le ministère du Revenu national notifia au con-
seiller juridique de la Benk que sa cliente avait
jusqu'au 20 août 1978 pour déposer, pour la
période prenant fin le 31 juillet 1978, une déclara-
tion d'impôt sur le revenu attestant la perte allé-
guée, faute de quoi il prendrait les mesures propres
à recouvrer les sommes dues à la Couronne. Cette
déclaration d'impôt n'avait pas été déposée à ladite
date.
Le 15 août 1978, le Revenu fit enregistrer au
greffe de la Cour fédérale un certificat déclarant
qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, la
Benk devait à Sa Majesté la Reine la somme de
$400,637.63, dont $378,331.58 représentaient son
impôt sur le revenu pour 1977, et $22,306.05 les
intérêts y afférents au 12 août 1978. Le même
jour, la Cour décerna, à l'intention du shérif du
district judiciaire de l'Est du Manitoba, un bref de
fieri facias (que celui-ci a reçu le 28 août 1978)
ordonnant de recouvrer, sur les biens mobiliers et
immobiliers de la Benk, ladite somme de $400,-
637.63, ainsi que les intérêts courus sur le montant
de $378,331.58 depuis le 12 août 1978.
Une fois enregistré au greffe de la Cour fédérale
(sous le numéro T-3607-78), le certificat produi-
sait les mêmes effets qu'un jugement de celle-ci.
Le 20 août 1978, un certificat d'enregistrement
dudit certificat fut inscrit au bureau d'enregistre-
ment de Winnipeg, sous le numéro 199193.
Le 18 octobre, l'avocat chargé par la société
d'échanger le bien-fonds du Manitoba contre l'im-
meuble de Regina avisa M. Quiring que le trans-
fert ne pouvait avoir lieu à cause de l'enregistre-
ment du certificat n° 199193. Or, tant que la
transaction n'était pas effectuée, le comptable de
la Benk ne pouvait obtenir du comptable du ven-
deur de l'immeuble de Regina, les renseignements
dont il avait besoin pour établir la déclaration
d'impôt sur le revenu de la société au titre de la
période prenant fin le 31 juillet 1978. Le jour
suivant, c'est-à-dire le 19 octobre 1978, pour tenter
de sortir de cette impasse, M. Quiring, son conseil-
ler juridique, un représentant du Revenu et un
avocat du ministère de la Justice tinrent une
réunion.
Au cours de cette réunion, les représentants de
la Benk remirent au ministère de la Justice le
duplicata de la créance hypothécaire de $300,000
que celle-ci avait sur la Park West Development
Ltd., ainsi qu'une cession de cette hypothèque à Sa
Majesté la Reine. Au paragraphe 20 de son affida
vit, M. Quiring déclare avoir remis ces documents:
[TRADUCTION] ... afin d'inciter le ministère du Revenu natio
nal à soustraire les biens de Benk Developments Ltd. à la saisie
décrétée en vertu d'un certificat enregistré au greffe de la Cour
fédérale du Canada sous le numéro T 3607/78, en attendant le
dépôt de la déclaration d'impôt sur le revenu de Benk Develop
ments Ltd. pour l'année 1978 et le paiement de toutes les
pénalités et de tous les intérêts qui pourraient ne pas être
compensés par la perte susmentionnée.
Aux paragraphes 21 et 22 de son affidavit, M.
Quiring indique qu'à une date postérieure au 19
octobre 1978, il fut avisé que le transfert du
bien-fonds du Manitoba (destiné à être échangé
contre l'immeuble de Regina) ayant été exécuté
avant l'enregistrement du certificat n° 199193, une
déclaration sous serment à cet effet déposée au
bureau d'enregistrement permettrait de procéder à
son enregistrement; que, le 27 novembre 1978, il a
fait cette déclaration; et qu'en remettant le dupli-
cata de la créance hypothécaire susmentionnée et
une cession de celle-ci au ministère de la Justice le
19 octobre 1978, il [TRADUCTION] «était exclusi-
vement poussé par l'intérêt que représentait pour
la société une transaction qui engendrerait pour
l'année 1978 une perte assez importante pour lui
permettre de reporter un montant suffisant pour
compenser son impôt sur le revenu au titre de
l'année d'imposition 1977».
Avant le 19 octobre 1978, le bureau du shérif
avait essayé de réaliser les biens de Benk Invest
ments Ltd., en vue d'appliquer le produit au mon-
tant exigible, comme le spécifiait le bref de fi. fa.
Un rapport d'un agent du shérif, W. Budge, inti-
tulé [TRADUCTION] «Inventaire des biens mobi-
fiers et immobiliers», qui figure en pièce «C» en
annexe à l'affidavit de E. C. Baker, shérif adjoint,
déclare que, le 21 septembre 1978, il a saisi tous
les comptes à recevoir de Benk Development Ltd.,
soit un montant de $70,000. Il ressort aussi de la
pièce «A» jointe à l'affidavit de E. C. Baker, que ce
montant était dû par Boundaries Development
Ltd., 118, rue Sherbrook, à Winnipeg. La pièce
«D», jointe à l'affidavit de E. C. Baker, est un
autre rapport de W. Budge, qui déclare avoir tenté
de saisir, le 3 octobre 1978, tous les fonds apparte-
nant à la Benk qu'aurait pu détenir la Banque
Canadienne Nationale, 185, rue Carlton, à Winni-
peg. Aucune somme ne fut recouvrée par ces sai-
sies. MM. Baker et Budge n'ont pas réussi à voir
M. Quiring, bien qu'ils aient essayé à maintes
reprises. Ils n'ont pas exercé l'hypothèque de
$300,000 consentie par Park West, ni saisi le droit
de la Benk sur cette hypothèque.
Apparemment, la remise du duplicata de la
créance hypothécaire et de la cession de celle-ci, le
19 octobre 1978, produisit des résultats. Un rap
port de l'agent du shérif, W. Budge, joint à l'affi-
davit de E. C. Baker comme pièce «F», déclare que,
ce jour, M. Andersen, de la Direction de l'imposi-
tion, demanda qu'aucune autre mesure ne soit
prise [TRADUCTION] «déclarant que les mesures
prises jusqu'à maintenant ont forcé M. Quiring à
prendre des dispositions pour se conformer à ces
brefs».
Le 5 février 1979, la cotisation de l'impôt sur le
revenu de la Benk pour l'année 1977 était établie.
Le même jour, M. B. Meronek, du ministère de la
Justice, écrivit à l'avocat de la Benk et lui renvoya
le duplicata de la créance hypothécaire et la ces
sion de celle-ci (laquelle n'avait pas été enregis-
trée) en fiducie, sous la condition expresse que le
ministère du Revenu national recevrait, dans les
dix jours, un chèque certifié de $26,642.71 pour
régler la cotisation de l'impôt sur le revenu de
1977 et un autre chèque pour couvrir les frais du
shérif afférents au bref de fi. fa. Ce montant de
$26,642.71 représentait les intérêts accumulés sur
les arrérages d'impôt sur le revenu.
Le 6 février 1979, le shérif adjoint E. C. Baker,
sur les instructions du ministère du Revenu natio
nal, écrivit à l'avocat de la Benk pour l'informer
que l'indemnité sur le montant de $26,642.71
s'établissait comme suit:
Indemnité sur les premiers $500 10% $ 50.00
Indemnité sur les $3,500 suivants à 5% 175.00
Indemnité sur le reliquat de $22,642.71 2 1 / 2 % 566.06
TOTAL $791.06
La Benk paya le reliquat d'impôt sur le revenu
(soit $26,642.71); elle acquitta également, mais
sous toutes réserves et en donnant avis de son
intention d'introduire la présente requête, le mon-
tant de l'indemnité.
L'avocat de la requérante a révélé un fait sup-
plémentaire, à savoir que la Benk possède 50% des
actions de la Boundaries Development Ltd.
Dans son premier exposé, celui-ci a déclaré que
la somme précitée de $26,642.71 fut payée à cause
de la pression que l'enregistrement du certificat n°
199193 au bureau d'enregistrement de Winnipeg
exerçait sur la Benk, et non pas à cause du bref de
fi. fa. que le shérif avait entre les mains. Cela est
difficile à admettre, car le dépôt de la déclaration
sous serment susmentionnée de M. Quiring avait
supprimé la pression provenant de l'enregistrement
audit bureau bien avant ce paiement, et l'enregis-
trement du transfert du bien-fonds de la Benk au
vendeur de l'immeuble résidentiel de Regina était
sans doute déjà intervenu. Autrement, selon l'affi-
davit de M. Quiring, la Benk n'aurait pas été
capable d'établir sa déclaration d'impôt sur le
revenu pour 1978.
Il ne fait aucun doute que la Benk a remis au
ministère de la Justice l'hypothèque de $300,000 et
la cession en faveur de Sa Majesté comme garantie
du paiement des arrérages d'impôt sur le revenu
dont elle était redevable, en attendant le dépôt de
sa déclaration d'impôt sur le revenu pour la
période terminée le 31 juillet 1978, sur laquelle
déclaration devait apparaître pour l'année 1978
une perte assez importante pour lui permettre de
reporter un montant suffisamment élevé pour
amortir tous ses arrérages d'impôt sur le revenu, à
l'exception des pénalités et des intérêts. Assuré-
ment aussi, la Benk savait qu'il lui faudrait payer
en espèces toutes les pénalités qu'elle avait encou-
rues et les intérêts sur les arrérages. Pour être sûr
que ces intérêts seraient payés et la question
réglée, M. Meronek a renvoyé les documents hypo-
thécaires à l'avocat de la Benk en fiducie, en
impartissant un délai de dix jours pour le paiement
desdits intérêts et des frais du shérif consécutifs au
bref de fi. fa. Ce paiement est la conséquence
directe des conditions imposées lors du renvoi des
documents hypothécaires à l'avocat de la Benk. Si
ces conditions n'avaient pas été respectées, ce der-
nier aurait été prié de rendre lesdits documents au
ministère de la Justice.
La Benk a payé sans discuter les intérêts et les
frais du shérif afférents aux saisies qu'il avait
pratiquées en vertu du bref de fi. fa., mais elle a
protesté contre le montant qu'elle a dû lui payer à
titre d'indemnité et qui, selon son avocat, ne fait
nullement partie desdits frais.
Cette indemnité est une somme perçue par le
shérif et calculée sur le montant qu'il recouvre
pour le compte du créancier lorsqu'il pratique des
saisies sur les biens mobiliers et immobiliers du
débiteur. Ordinairement, l'argent qu'il recouvre
provient de la vente des biens saisis, à laquelle il
procède jusqu'à concurrence du montant indiqué
sur le bref. Mais même si la saisie consiste en
numéraire payé par le débiteur ou pour son compte
et même si aucun des biens saisis n'est vendu, le
shérif a droit de percevoir une indemnité sur le
montant payé.
En l'espèce, l'agent du shérif, dans ses deux
rapports susmentionnés, déclare avoir saisi le
compte bancaire de la Benk et $70,000 de comptes
à recevoir. La preuve produite devant la Cour
n'indique nullement les modalités de ces «saisies».
Quant au compte bancaire, le lendemain de la
«saisie», c'est-à-dire le 4 octobre 1978, le directeur
de la succursale de la Banque Canadienne Natio-
nale du 185, rue Carlton, à Winnipeg, écrivit ce
qui suit au bureau du shérif (pièce «E» mentionnée
dans l'affidavit de E. C. Baker):
[TRADUCTION] Nous vous informons que nous ne devons
aucune somme, à quelque titre que ce soit, à la Benk Develop
ment Ltd. Le compte de notre cliente accuse un solde débiteur.
Cette «saisie» ne s'est donc traduite par aucun
recouvrement d'argent et il n'y a aucune preuve
que le bureau du shérif ait pris d'autres mesures à
ce sujet.
Quant aux $70,000 de comptes à recevoir (de la
Boundaries Development Ltd.), au vu de la preuve,
il s'agit simplement d'une créance non garantie.
Aucun argent n'a été payé à ce titre et aucune
autre mesure n'a été prise après la «saisie». Per-
sonne n'a prouvé que la «saisie» était valide et, à
mon sens, elle ne l'est pas. Sous la rubrique [TRA-
DUCTION] «saisie-arrêt des créances», le vol. 16
d'Halsbury (3e éd.), p. 79, paragraphe 119 déclare
à ce sujet:
[TRADUCTION] La saisie-arrêt des créances est un procédé qui
permet à un créancier autorisé par jugement, de saisir de
l'argent dû au débiteur condamné et qui se trouve entre les
mains d'un tiers. A cette fin, les méthodes ordinaires d'exécu-
tion sont inapplicables•
Cet exposé indique clairement qu'en droit
anglais, on ne peut pas recourir à une exécution
par bref de fi. fa. pour saisir des créances non
garanties. Bien entendu, il est toujours possible de
modifier la règle par une loi ou un texte
réglementaire.
La Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), c. 10, ne contient aucune disposition indi-
quant ce qui peut être saisi ou pris en vertu d'un
bref d'exécution décerné par la Cour. Toutefois, en
application de l'article 46 de cette même Loi, la
Cour a établi certaines règles qui traitent de plu-
sieurs questions ayant trait aux brefs d'exécution.
Ainsi, le paragraphe (6) de la Règle 2005 pré-
voit que:
Règle 2005... .
(6) Dans toute exécution, la partie qui a droit de poursuivre
l'exécution peut prélever, en plus de la somme accordée par le
jugement ou l'ordonnance, l'intérêt, les droits du shérif et les
frais d'exécution.
Et la Règle 2104 que:
Règle 2104. Tous droits ou intérêts quelconques d'un débiteur
assujetti à une exécution peuvent être vendus aux termes de
brefs de fieri facias.
Cette dernière Règle, en anglais, parle d'intérêts
sur des marchandises ou des biens-fonds. Elle ne
dit rien au sujet des dettes non garanties qui, bien
entendu, ne donnent au créancier aucun droit sur
des marchandises ou des biens-fonds. J'estime que
pour les dettes non garanties, l'effet de la Règle est
le même que celui de l'article 13 de la The Execu
tions Act du Manitoba, S.R.M. 1970, c. E160,
dont le paragraphe (1) ordonne au shérif de saisir
les hypothèques immobilières ou mobilières et les
autres valeurs pour en tirer de l'argent, mais ne
mentionne pas les créances non garanties. En d'au-
tres termes, ni les Règles de la Cour fédérale du
Canada ni la The Executions Act du Manitoba ne
contiennent une seule disposition indiquant qu'en
vertu d'un bref de fi. fa., un shérif peut saisir des
créances non garanties. La prétendue saisie des
$70,000 de comptes à recevoir est donc nulle.
Le paragraphe 13(2) de la The Executions Act
du Manitoba stipule que:
[TRADUCTION] 13(2) Aux fins d'application de la présente Loi,
le droit d'un créancier hypothécaire sur un bien immobilier est
un bien meuble assujetti à saisie et à exécution.
A mon sens, la Règle 2104 de la Cour fédérale,
rédigée en termes plus généraux, comprend le droit
du détenteur d'une hypothèque immobilière. Donc,
en l'espèce, si le shérif avait saisi le droit que la
Benk possédait dans l'hypothèque de $300,000, il
aurait eu en mains un avoir qu'il aurait pu légale-
ment vendre. Toutefois, il n'a pas réussi à saisir ce
droit et il n'a donc jamais été en possession de
quelque chose qu'il puisse vendre en vertu du bref
de fi. fa.
La pression que pouvait exercer sur la Benk le
bref de fi. fa. devait avoir cessé le 19 octobre 1978,
lendemain du jour où fut reçu un renseignement
donnant à penser que l'enregistrement du transfert
du bien-fonds du Manitoba échangé contre l'im-
meuble de Regina était bloqué. Au paragraphe 20
de son affidavit, M. Quiring déclare que la remise
des documents hypothécaires au ministère de la
Justice avait pour objet [TRADUCTION] a[de] sous-
traire les biens de Benk Developments Ltd. à la
saisie décrétée en vertu d'un certificat enregistré
au greffe de la Cour fédérale du Canada sous le
numéro T 3607/78». Cela révèle certainement que
le bref exerçait une pression sur lui. Par contre, au
paragraphe 22, il déclare clairement qu'en remet-
tant les documents hypothécaires au ministère de
la Justice, il était poussé exclusivement par l'inté-
rêt que représentait pour la compagnie l'échange
du bien-fonds du Manitoba contre l'immeuble de
Regina, qui entraînerait en 1978 une perte assez
importante pour permettre de reporter dans la
déclaration d'impôt sur le revenu de 1977 un mon-
tant suffisant pour compenser l'impôt sur le revenu
au titre de ladite année. La réalisation de ce
transfert revêtait donc pour la Benk une impor
tance capitale. Le bref de fi. fa. n'a rien à voir
avec la suspension de l'enregistrement du transfert
au bureau d'enregistrement de Winnipeg. Celle-ci
a été provoquée par l'enregistrement du certificat
de la Cour (qui a le même effet que l'enregistre-
ment d'un certificat de jugement), qui indiquait
que Benk devait à Sa Majesté le montant de
$400,637.63 plus les intérêts à courir à compter du
12 août 1978.
Compte tenu de tous les faits, j'estime que le
paragraphe 20 de l'affidavit de M. Quiring n'est
pas aussi méticuleusement rédigé qu'il aurait dû
l'être, et que son paragraphe 22 indique le vrai
motif de la remise des documents hypothécaires au
ministère de la Justice.
Vu les circonstances de l'espèce, je pense que le
shérif n'avait pas le droit de prélever l'indemnité
sur le montant en numéraire payé pour les arréra-
ges d'impôt sur le revenu. C'est sous toutes réser-
ves que la Benk a payé à ce titre au shérif une
somme de $791.06, et celui-ci doit lui rembourser
cette dernière.
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