A-343-77
251798 Ontario Inc. (auparavant, Jacques Car-
tier Mint Inc.) Silver Shield Mines Inc. et 255330
Ontario Limited (auparavant, Canadian Smelting
and Refining Corporation Inc.) (Appelantes)
(Demanderesses)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, le juge Ryan, les juges suppléants
MacKay et Kelly—Toronto, le 26 juin et le 9
octobre 1979.
Couronne — Contrats — Révocation de l'approbation
donnée par l'intimée aux subventions MEER aux appelantes
— Appel contre la décision de la Division de première instance
qui a rejeté l'action au motif que les contrats avaient été
rendus nuls en raison des pots-de-vin payés par les appelantes
au mandataire de l'intimée — !l échet d'examiner si ces
contrats étaient nuls ou annulables et, à supposer qu'ils fus-
sent annulables, s'ils étaient résolubles.
Appel contre le jugement de la Division de première instance
qui a rejeté l'action des appelantes en dommages-intérêts pour
rupture, de la part de l'intimée (défenderesse), de contrats
portant octroi aux appelantes de subventions prévues par la Loi
sur les subventions au développement régional et ses règle-
ments d'application. La Division de première instance a rejeté
l'action au motif que les contrats avaient été rendus nuls en
raison de la corruption d'un mandataire de l'intimée par les
appelantes. Ce mandataire était une personne appelée par ses
fonctions à participer à la décision d'offrir les subventions aux
appelantes. Il y a deux questions à trancher: les, contrats
étaient-ils nuls ou annulables, et à supposer qu'ils fussent
annulables, étaient-ils résolubles?
Arrêt: l'appel est rejeté. La partie cherchant à résilier un
contrat pour cause de corruption ou pour toute autre cause est
tenue préalablement de restituer à l'autre partie, ou si l'on
préfère, de lui rendre les prestations qu'elle tire de l'exécution
par cette dernière de tout ou partie de ses obligations contrac-
tuelles. Si la personne qui résilie n'a reçu aucun avantage, elle
n'a rien à restituer et n'est tenue à aucune obligation de
restitution. En construisant les usines, les appelantes n'exécu-
taient nullement une obligation envers l'intimée: elles s'effor-
çaient simplement de remplir une condition nécessaire de l'oc-
troi des subventions. Par ailleurs, la Couronne n'en avait retiré
aucun avantage: les travaux effectués par les appelantes res-
taient leur propriété et elles en avaient la jouissance. L'intimée
n'avait rien reçu qu'il eût été injuste de conserver alors qu'elle
avait dénoncé les contrats. Les dépenses faites par les appelan-
tes, à supposer même qu'elles aient été faites sur la foi de
l'engagement de verser les subventions en cause, n'avaient pas
pour effet d'interdire à l'intimée de résilier les contrats dont
s'agit: elles ne donnaient pas lieu à l'obligation de rétablir les
choses dans leur état antérieur.
Distinction faite avec l'arrêt: Steedman c. Frigidaire Corp.
[1933] 1 D.L.R. 161. Arrêt mentionné: Roberts c. James
85 Atlantic Reporter 244.
APPEL.
AVOCATS:
C. R. Thomson, c.r. pour les appelantes
(demanderesses).
J. A. Scollin, c.r. et S. Ghan pour l'intimée
(défenderesse).
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
les appelantes (demanderesses).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit ici d'un appel contre le
jugement par lequel la Division de première ins
tance [[1978] 1 C.F. 90] a, le 20 avril 1977, rejeté
avec frais l'action en dommages-intérêts intentée
par les appelantes (les demanderesses) contre l'in-
timée (la défenderesse) pour rupture par celle-ci
de contrats aux termes desquels des subventions
devaient être versées aux appelantes en vertu de la
Loi sur les subventions au développement régio-
nal' et de ses règlements d'application 2 . La Divi
sion de première instance a rejeté l'action au motif
que les contrats avaient été rendus nuls en raison
de la corruption d'un mandataire de l'intimée par
les appelantes, ledit mandataire étant, d'après mon
interprétation des motifs du juge de première ins
tance, une personne que ses fonctions appelaient à
participer à la décision d'offrir les subventions aux
appelantes. Le mandataire était donc, de l'avis du
juge de première instance, dans la même situation
qu'un mandataire agissant en vertu d'un mandat
général.
L'avocat des appelantes a reconnu que ces der-
nières avaient secrètement accordé des avantages
substantiels à l'employé de l'intimée, lequel avait
par ailleurs joué un rôle important dans les évalua-
tions préalables à la décision d'attribuer les sub-
ventions, et dans la décision elle-même. L'avocat a
également reconnu que si la corruption a eu l'effet
' S.R.C. 1970, c. R-3, modifié.
2 DORS/69-398, modifié.
d'entacher les contrats de nullité absolue, l'appel
est nécessairement mal fondé. Il a toutefois sou-
tenu que, selon lui, les contrats avaient été passés,
et que la corruption les avait rendus non pas nuls,
mais annulables. L'élément qu'il a qualifié de fon-
damental de sa thèse est qu'en les circonstances,
l'intimée n'était plus à même de rompre les con-
trats lorsque la tentative en a été faite. Les appe-
lantes, a-t-il poursuivi, avaient dès lors, et sur la
foi des contrats promis, encouru des dépenses con-
sidérables ayant pour conséquence d'empêcher leur
rétablissement dans la situation où elles étaient
avant la promesse de subvention.
Il y a donc deux questions à trancher, les con-
trats étaient-ils nuls ou annulables, et s'ils étaient
annulables, étaient-ils résolubles?
Si les contrats étaient nuls, l'appel, comme il a
été reconnu, doit être rejeté. Si par contre les
contrats étaient annulables sans être résolubles,
l'appel devrait être admis; les actions des appelan-
tes, fondées sur les contrats non résolus, seraient
accueillies, sous réserve d'éventuelles demandes
reconventionnelles. Mais si les contrats étaient à la
fois annulables et résolubles, l'appel doit être
rejeté, (il ne fait aucun doute que, s'ils étaient
résolubles, l'intimée a réussi à les résoudre); si tel
était le cas, il n'y aurait bien entendu pas lieu de
déterminer si les contrats étaient nuls. Je partirai
donc de l'hypothèse qu'en raison de la corruption,
les «offres acceptées» étaient des contrats annula-
bles et j'examinerai si, dans les circonstances,
ceux-ci étaient sujets à résolution.
Il convient sans doute d'examiner plus en détail
les circonstances de la cause.
L'appelante, 251798 Ontario Inc. («Ontario
Inc.»), auparavant Jacques Cartier Mint Inc., a été
constituée en société par l'appelante Silver Shield
Mines Inc. («Silver Shield»). Ontario Inc. a
demandé une subvention en vertu de la Loi sur les
subventions au développement régional et de ses
règlements d'application. Le projet pour lequel la
subvention était sollicitée était une nouvelle usine
destinée à la production de pièces de monnaie et de
pièces commémoratives en argent pour les collec-
tionneurs. L'usine devait être située à Cobalt, en
Ontario. Il était estimé dans la demande qu'au
cours des deuxième et troisième années suivant
l'entrée en service de l'usine, celle-ci fournirait des
emplois directs à concurrence de soixante-quinze
années-hommes. Il était également prévu que la
construction de l'usine commencerait le ler octobre
1972. La demande était datée du 7 mars 1972.
Par lettre en date du 5 avril 1972, signée du
sous-ministre adjoint (subventions) du ministère de
l'Expansion économique régionale, le requérant fut
informé que sa demande avait été étudiée, et que
[TRADUCTION] «... une offre de subvention au
développement avait été autorisée en vertu de la
Loi sur les subventions au développement régio-
nal....»
Cette lettre disait notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] Le montant de la subvention au développe-
ment sera basé sur le coût d'immobilisation approuvé et le
nombre moyen, au cours des deuxième et troisième années
suivant la date du début de la mise en exploitation commer-
ciale, d'emplois dont le Ministre aura constaté la création
directe dans la nouvelle installation.
Sur la base du coût d'immobilisation de l'actif admissible
estimé, et du nombre estimatif d'emplois qui seront créés
directement dans l'entreprise, le montant de la subvention au
développement est évalué à $617,000. Celui-ci se décompose
comme suit:
a) Subvention principale
20% de $1,383,000 $277,000
b) Subvention secondaire
$4,000 pour 85 emplois $340,000
Subvention au développement totale $617,000
En vertu de la Loi et de ses règlements d'application, et sous
réserve de leurs dispositions, il peut être versé 80% de la
subvention au développement après la date du commencement
de l'exploitation commerciale, telle qu'elle est fixée par le
Ministre. Le reliquat sera versé dans un délai ne dépassant pas
42 mois à compter de la date de mise en exploitation
commerciale.
Il était spécifié que l'offre était sujette à toutes
les dispositions de la Loi et de ses règlements
d'application. L'offre était en outre soumise à neuf
conditions expresses.
A la dernière page de la lettre, les mots suivants
apparaissent avant la signature du requérant:
[TRADUCTION] «L'offre ci-dessus est acceptée par
les présentes.» L'acceptation est datée du 5 avril
1972.
Une demande de subvention au nom de l'appe-
lante, 255330 Ontario Limited («Ontario Lim
ited»), auparavant Canadian Smelting and Refin
ing Corporation Inc., avait également été soumise.
Elle aussi était datée du 7 mars 1972. La demande
portait sur une nouvelle usine, à implanter égale-
ment à Cobalt, pour la production d'argent fin.
Suite à cette demande une offre officielle de sub-
vention, également datée du 5 avril 1972, fut faite
au nom du Sous-ministre adjoint (subventions). Le
requérant l'accepta. La subvention globale au
développement offerte s'élevait à $119,970. Il exis-
tait certaines différences, mais dans les grandes
lignes, l'offre acceptée était semblable à celle
acceptée par Ontario Inc.
Rappelons-le: il n'est pas contesté qu'avant et
immédiatement après les offres et leur acceptation,
des avantages ont été accordés, par une personne
agissant pour le compte des auteurs de la demande
accueillie, à un fonctionnaire du Ministère qui a
joué un rôle important dans l'évaluation des
demandes et dans l'élaboration de la décision d'of-
frir les subventions.
Ontario Inc. et Ontario Limited ont engagé des
dépenses considérables dans la construction des
nouvelles usines. Or, dans une lettre datée du 8
novembre 1972 adressée à M. Norton Cooper,
président de Silver Shield, le sous-ministre du
ministère concerné s'exprimait en ces termes:
[TRADUCTION] Le 5 avril 1972, agissant pour The Jacques
Cartier Mint Inc. et Silver Shield Mines Inc. (au nom d'une
nouvelle société à constituer), vous avez accepté deux offres de
subvention faites par ce Ministère relativement à un projet de
mise sur pied d'une raffinerie d'argent et d'une fonderie com-
merciale de monnaie à Cobalt, en Ontario.
Une enquête a permis de conclure qu'au cours d'une période
antérieure et postérieure à la date à laquelle les offres du
Ministère ont été faites, y compris la période pendant laquelle
les demandes pertinentes ont été examinées, un fonctionnaire
occupant un poste important au sein du Ministère (et qui n'est
cependant plus au service de celui-ci) a reçu des avantages
illicites d'une ou de plusieurs personnes en rapport avec les
sociétés et en mesure de tirer profit des subventions en cause.
En raison de ces faits, j'ai reçu du Ministre l'autorisation de
vous informer que le Ministère ne se considère plus lié par les
offres de subvention acceptées. Il s'ensuit que les subventions en
question ne seront pas versées.
Ces mesures feront dès aujourd'hui l'objet d'un communiqué.
Les appelantes considérèrent la lettre du Sous-
ministre comme une dénonciation, une rupture de
l'engagement de l'intimée de verser des subven-
tions au développement, et elles intentèrent une
action en indemnisation. La thèse des appelantes
est que les contrats, annulables plutôt que nuls, ne
pouvaient être résolus, comme l'intimée a prétendu
le faire par la lettre en date du 8 novembre 1972,
parce que l'intimée n'était pas alors à même d'ac-
corder une restitution aux appelantes dans le sens
du rétablissement des appelantes dans la situation
qui était la leur avant la passation des contrats, eu
égard aux dépenses déjà faites par les appelantes
pour s'efforcer de remplir les conditions préalables
au versement des subventions. Si j'ai bien compris,
l'on soutient que l'obligation de restitution, condi
tion préalable à la résolution, s'étendait non seule-
ment au retour des avantages, s'il en était, reçus
par l'intimée, mais au remboursement des dépen-
ses faites sur la foi de l'engagement de verser les
subventions concernées, même si l'intimée n'avait
pas effectivement profité desdites dépenses. L'obli-
gation de restitution, a-t-il été dit, revenait à une
obligation de ramener les choses à peu près au
même point que si les contrats n'avaient pas été
conclus.
Je relève que les deux contrats en question
avaient ce caractère commun qu'aucune des appe-
lantes n'était obligé envers la Couronne d'entre-
prendre la construction ou d'achever les usines à
l'égard desquels les subventions devaient être ver
sées. Chacun des contrats était unilatéral en ce
sens que l'engagement de la Couronne était sim-
plement de verser une subvention si la société
concernée remplissait les conditions énoncées au
contrat. Il n'y avait ni expressément ni implicite-
ment d'engagement de la part de l'une ou l'autre
société de remplir ces conditions. Il s'ensuit que les
dépenses effectuées par les appelantes ne l'ont pas
été dans l'exécution d'une obligation envers la
Couronne prévue par les contrats concernés.
Les appelantes se sont appuyées essentiellement
sur un passage des motifs de lord Macmillan dans
l'affaire Steedman c. Frigidaire Corporation'. Il
s'agissait dans cette affaire d'un contrat aux
termes duquel le demandeur s'était engagé à ins-
taller du matériel de réfrigération dans des empla
cements du marché de la défenderesse pour per-
mettre à la défenderesse de louer ensuite ces
emplacements. La défenderesse s'était pour sa part
engagée à effectuer un paiement comptant, et,
pour le solde à remettre au demandeur des billets
des locataires payables au demandeur à des condi-
3 [1933] 1 D.L.R. 161 (C.P.).
tions uniformes. Le matériel fut installé, certains
des emplacements furent loués et leurs locataires
les occupèrent, mais la défenderesse n'exigea pas
de ces derniers les billets requis. Le demandeur
poursuivit en acquittement du solde ou, à défaut,
en dommages. Il s'avéra pendant le procès que le
demandeur avait corrompu un mandataire de la
défenderesse dans le processus de passation du
contrat. La défenderesse, avec autorisation, pré-
senta une demande reconventionnelle en résolu-
tion.
La Cour d'appel de l'Ontario, à l'inverse du juge
de première instance, rejeta la résiliation du con-
trat, laissant la défenderesse à son recours en
dommages, compte tenu de ce que le fait pour la
défenderesse [TRADUCTION] «... d'avoir utilisé le
matériel de réfrigération empêche le rétablisse-
ment des parties dans leur situation anté-
rieure ....N Le Conseil privé confirma du moins
cet aspect de la décision. Lord Macmillan dit, à la
page 165:
[TRADUCTION] Leurs Seigneuries sont d'avis que c'est à bon
droit que le tribunal d'appel a rejeté la demande de résolution
du contrat présenté par la partie appelant. Dans un tel cas, si
répréhensible que soit la conduite du corrupteur, la partie lésée
n'a pas droit à la résolution, à moins d'établir (la charge de la
preuve lui incombant) qu'il est possible de ramener les choses
au point où elles étaient avant le contrat. Il doit donc être à
même de proposer le rétablissement de l'état de choses anté-
rieur, et doit formellement offrir ce rétablissement. ... Or ce
n'est pas du tout ce qu'a fait l'appelant. La preuve, si mince
soit-elle, montre seulement que l'appelant a exercé des actes de
propriété et d'utilisation, ou autorisé leur exercice, à l'égard au
moins d'une partie importante du matériel installé, en laissant
ses locataires l'utiliser. Il ne peut le rendre dans l'état dans
lequel il l'a reçu.
L'appel est donc mal fondé, et la décision du tribunal d'appel
de considérer le contrat comme liant toujours les parties est
confirmée.
Il est important de souligner que dans cette
affaire Frigidaire Corporation, le demandeur avait
exécuté son obligation contractuelle; il était tenu
par le contrat d'installer le matériel de réfrigéra-
tion et il l'avait fait. Une partie au moins du
matériel avait été utilisée dans le but même pour
lequel il avait été installé. L'autre partie contrac-
tante avait ainsi retiré des avantages de l'accom-
plissement par le demandeur de ses obligations
contractuelles. Tel n'est pas le cas dans la présente
affaire.
En construisant les usines, les appelantes n'exé-
cutaient aucune obligation dont elles auraient été
tenues envers l'intimée: elles s'efforçaient simple-
ment de remplir une condition dont dépendait
l'octroi des subventions. Par ailleurs, la Couronne
n'avait retiré aucun avantage: les travaux effectués
par les appelantes restaient leur propriété et elles
en avaient la jouissance. L'intimée n'avait donc
rien reçu qu'il aurait été injuste de conserver tout
en dénonçant les contrats. Il est vrai que des
membres de la communauté locale avaient sans
doute été employés à la construction des usines,
mais les subventions avaient pour objet la création
d'une source d'emplois stables dans la région. Pour
ce qui est de l'emploi, les subventions objets des
«offres acceptées», c'est-à-dire des contrats, étaient
énoncées fondées sur «... le nombre moyen, au
cours des deuxième et troisième années suivant la
date du début de la mise en exploitation commer-
ciale, d'emplois ....» L'avocat, si je ne m'abuse,
n'a pas soutenu—avec raison à mon avis—que
l'emploi de main-d'oeuvre locale pour la construc
tion aurait conféré à l'intimée une part quelconque
de l'avantage envisagé par la Loi.
Mon interprétation du principe en cause est que
toute partie cherchant à éluder un contrat pour
cause de corruption ou pour toute autre cause doit,
à titre de condition préalable à la résolution, resti-
tuer à l'autre partie, ou si l'on préfère, lui rendre,
au moins l'essentiel, des avantages reçus d'elle du
fait de l'exécution par cette dernière de tout ou
partie de ses obligations contractuelles. Si la partie
qui résout n'a reçu aucun avantage, elle n'a rien à
restituer et n'a donc évidemment aucune obliga
tion de restitution °.
° Voir Roberts c. James 85 Atlantic Reporter 244 (1912),
motif du juge Swayze, aux pages 244 et 245:
[TRADUCTION] Il est établi que, lorsqu'une partie cherche à
être relevée de ses obligations contractuelles pour cause de
vol, elle doit, à défaut de pouvoir invoquer une raison légale
d'inexécution, rétablir l'autre partie dans la situation où elle
était à l'époque du contrat, et qu'il ne saurait y avoir de
résolution aussi longtemps qu'elle conserve ce qu'elle a reçu
en vertu du contrat et qui, s'il n'est rendu, peut causer un
préjudice à l'autre partie. Cette définition de la règle est
extraite de la décision de la Cour suprême dans l'affaire
Byard c. Holmes, 33 N.J. Law, 119, p. 127.... La raison de
ceci est qu'il y aurait injustice à permettre à une personne de
conserver un avantage dérivé d'un contrat que pour sa part
elle dénonce. La règle ne requiert que le retour de ce qui a
(Suite à la page suivante)
Ma conclusion est que les dépenses faites par les
appelantes, même en supposant qu'elles ont été
faites sur la foi de l'engagement de verser les
subventions concernées, n'ont pas eu pour effet
d'empêcher l'intimée de résoudre les contrats en
question: les dépenses n'ont pas donné lieu, con-
trairement à ce que les appelantes ont soutenu, à
une obligation d'effectuer un rétablissement de
l'état de choses antérieur 5 . J'ai également con-
clu—comme je l'ai indiqué précédemment—que
l'intimée avait, par sa lettre en date du 8 novembre
1972, procédé à la résolution.
Il serait peut-être utile, avant de conclure, de
rappeler que, suivant la plaidoirie de l'avocat les
«offres acceptées» étaient des contrats auxquels, en
l'occurrence, l'intimée ne pouvait échapper, et que
j'ai examiné ladite plaidoirie en postulant que des
contrats annulables avaient été passés. Je ne suis
toutefois pas certain que les «offres acceptées»
puissent, même si elles n'étaient pas entachées de
corruption, être considérées, en droit, comme des
contrats. Toutefois, pour les besoins de la cause, je
n'ai pas à trancher cette question, car même dans
l'affirmative, l'appel devrait être rejeté.
L'avocat de l'intimée a soutenu que même si les
«offres acceptées» étaient des contrats annulables
non susceptibles de résolution en l'occurrence, les
appelantes ne pouvaient fonder une action sur
celles-ci, car cela reviendrait à leur permettre de
profiter de leur propre faute, la corruption, qui,
a-t-il dit, constituait un crime ou un délit civil, ou
les deux à la fois. En réponse, l'avocat des appelan-
tes a invoqué l'affaire Frigidaire Corporation, exa
minée plus haut, qui, a-t-il dit, concernait égale-
ment un cas de corruption, mais où la restitution
n'a cependant pas été exclue. Il a également sou-
(Suite de la page précédente)
été reçu. Elle est applicable seulement à un contrat exécuté
en partie, et non à un contrat qui reste encore entièrement â
exécuter par le prétendu auteur du vol. Dans un tel cas, la
partie qui demande la résolution n'a retiré aucun avantage,
n'a rien â restituer, et ne peut que dénier ses obligations aux
termes du contrat. Si elle le fait dans un délai raisonnable,
elle a résolu le contrat....
Dans la présente cause, l'intimée a fondé sa défense contre
l'action des appelantes sur la corruption de son agent. L'intimée
n'a pas présenté de conclusions qui lui auraient permis d'obte-
nir la résolution en equity. C'était une solution possible dans un
cas où, comme en l'espèce l'intimée était en droit de résoudre:
Halsbury's Laws of England (3c éd.), vol. 26, par. 1597, pp.
859 et 860.
tenu qu'il n'y avait en réalité aucun lien de cause à
effet entre la corruption et les «offres acceptées».
Je n'estime pas nécessaire de résoudre les problè-
mes soulevés dans la plaidoirie de l'intimée et la
réponse à cette plaidoirie, compte tenu de ma
conclusion suivant laquelle, en tout état de cause,
les contrats, si contrats il y avait, étaient résolubles
et avaient été résolus. De même (comme je l'ai
indiqué au début des présents motifs), étant donné
cette conclusion, je n'estime pas nécessaire de déci-
der si les «offres acceptées» étaient entachées de
nullité absolue.
Je rejette l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.