T-558-78
In re la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de
pensions du Canada et la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage et in re Gero
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 11 juin; Ottawa, le 14 juin 1979.
Impôt sur le revenu — Pratique — Demande de saisie-arrêt
introduite par la Couronne, pour arriéré d'impôt sur le revenu,
de deniers déposés dans un régime enregistré d'épargne-
retraite — Il échet d'examiner si les deniers déposés dans un
régime enregistré d'épargne-retraite sont susceptibles de sai-
sie-arrêt — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c.
63, art. 146 — Code de procédure civile, art. 553(7).
Arrêt appliqué: Robitaille c. Hins-Dion [1979] 1 R.C.S.
359. Arrêt approuvé: Re Lifshen 25 C.B.R. (N.S.) 12.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Claude Joyal pour la Reine.
Le saisi n'était pas représenté.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
Reine.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La Cour a, en l'espèce, à
examiner une ordonnance provisoire de saisie-arrêt
demandée par le procureur de Sa Majesté la Reine
à l'encontre de la Compagnie Trust Royal sise au
630, boulevard Dorchester ouest, à Montréal.
Cette ordonnance vise à faire saisir-arrêter la
somme de $10,665.49 déposée dans un régime
enregistré de retraite sous le numéro
10-242180000, en règlement partiel de la somme
de $183,118.68 due et impayée au moment de la
présentation de la requête, plus les intérêts supplé-
mentaires payables en vertu du paragraphe 161(1)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-
71-72, c. 63, sur la somme de $111,669.10 à
compter du 25 janvier 1978, tel qu'il appert du
certificat enregistré contre Stephen Gero le 9
février 1978, et doté de la même force exécutoire
que celle d'un jugement. On demande également
que soit saisie-arrêtée entre les mains de Farmers
and Merchants Trust Co., sise au 1450, rue Ste-
Catherine ouest, à Montréal, la somme de $4,735
déposée dans un régime enregistré de retraite sous
le numéro 07-05516.
Ni l'une ni l'autre des tiers-saisis n'ont comparu
pour contester les saisies en cause et ce, même si
les procédures leur ont été dûment signifiées. L'ar-
ticle 146 de la Loi de l'impôt sur le revenu, ne
prévoit pas expressément l'insaisissabilité des fonds
déposés dans un régime enregistré de retraite.
Dans une décision récente de la Cour suprême,
Robitaille c. Hins-Dion [19791 1 R.C.S. 359,
décision qui traite de la réclamation d'un syndic de
faillite sur le bénéfice d'une police d'assurance-vie
prise par le mari de l'intimée, bénéfice dont on
prétendait l'insaisissabilité, le juge Pigeon, rendant
le jugement de la Cour, tient les propos suivants [à
la page 362]:
En effet il est tout à fait évident que l'on ne peut pas par un
contrat mettre ses biens à d'abri de saisie par ses créanciers à
moins d'une disposition spéciale comme celle que l'on trouve
dans la Loi des régimes supplémentaires de rentes (S.Q. 1965,
chap. 25, art. 31). Ainsi, il cst parfaitement clair que l'on ne
peut pas faire un dépôt à la banque en stipulant l'insaisissabilité
de la somme.
La décision Re Lifshen rendue par les tribunaux
de la Saskatchewan 25 C.B.R. (N.S.) 12 a établi
ce qui suit: [TRADUCTION] «Un régime enregistré
d'épargne-retraite tout en comportant des avanta-
ges fiscaux tels des reports d'impôt sur le revenu,
demeure toujours un `bien' et ce, même lorsqu'il
prévoit le versement futur de montants périodiques
au bénéficiaire aux termes d'un arrangement
choisi par lui ou, à défaut, par le fiduciaire du
régime. Un régime enregistré d'épargne-retraite
équivaut, en fait, à une fiducie créée pour gérer les
fonds appartenant au failli». Il a été décidé, dans
cette affaire, que le syndic avait été mis en posses
sion de tels fonds et que ceux-ci ne pouvaient
passer au failli après sa libération.
Il est intéressant de noter que l'article 553(7) du
Code de procédure civile du Québec déclare insai-
sissables «Les pensions accordées à des employés à
même une caisse de retraite ou un fonds de pen
sion, de même que les contributions qui sont ver
sées ou doivent l'être pour constituer ceux-ci». Il
est évident que cela ne s'applique qu'à la pension
d'un employé et non à un régime d'épargne-
retraite volontaire créé par un particulier à son
avantage. Même s'il est loisible à ce particulier de
retirer à son gré les fonds déposés en versant
l'impôt correspondant à ce retrait dans l'année où
ce retrait est effectué, ou encore de convertir les
fonds déposés en un revenu de pension en tout
temps avant d'avoir atteint l'âge de 71 ans (ce qui
fait que ce particulier a un droit de regard sur
l'emploi de ses fonds), il demeure que ces sommes
ne sont pas à l'abri d'une saisie de la part de ses
créanciers en l'absence d'une disposition spéciale à
cet effet. Ces sommes sont assimilées à des dépôts
bancaires que le déposant peut retirer et qui sont
indubitablement saisissables.
On peut soutenir en se fondant sur une interpré-
tation stricte de la Règle 2300 de cette cour que
ces sommes ne constituent pas des créances
«échues ou à échoir» dues au débiteur-saisi jusqu'à
ce que ce dernier les réclame des compagnies de
fiducie. Cependant, l'adoption d'une telle interpré-
tation serait contraire à l'ensemble du principe qui
régit les procédures de saisie-arrêt: en effet, cela
donnerait à une personne le moyen de mettre ses
biens à l'abri de saisie par ses créanciers.
La question de savoir si le débiteur est assujetti
à l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les
sommes retirées par suite de la saisie est une autre
affaire. Si le créancier saisissant était autre que le
ministre du Revenu national, un litige pourrait fort
bien naître quant au droit de priorité du Ministre
eu égard à l'impôt dû sur les sommes retirées par
suite de la saisie, ce qui aurait pour conséquence
de ne laisser que le solde au créancier saisissant.
Toutefois, cette question n'a pas à être tranchée en
l'espèce.
ORDONNANCE
Il est fait droit aux ordonnances de saisie-arrêt
et il est respectivement ordonné à la Compagnie
Trust Royal et à Farmers and Merchants Trust
Co. de verser à Sa Majesté la Reine les sommes
qu'elles doivent à Stephen Gero en raison de ses
dépôts dans leur régime enregistré d'épargne-
retraite portant respectivement les numéros
10-242180000 et 07-05516 ou une partie de ces
sommes suffisante pour satisfaire le certificat enre-
gistré le 9 février 1978, ainsi que les frais des
procédures de la saisie-arrêt.
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