A-527-78
Jack Linett (Appelant) (Intimé)
c.
La Reine (Intimée) (Requérante)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant Kelly—Toronto, le 6 décembre 1979.
Pratique — Impôt sur le revenu — Prolongation du délai
accordé à l'intimée pour former appel en matière d'impôt sur
le revenu — Appel formé contre l'ordonnance de la Division de
première instance accordant à l'intimée une prolongation de
délai pour interjeter appel de la décision de la Commission de
révision de l'impôt et contre l'ordonnance rejetant la requête de
l'appelant qui concluait à la radiation de la déclaration de
l'intimée — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c.
63, art. 167, 172 — Règles de la Cour fédérale 3(1)6),e).
Il s'agit d'un de deux appels, entendus ensemble, relatifs à
des décisions de la Division de première instance qui prolon-
geait le délai alloué à l'intimée pour interjeter appel d'une
décision de la Commission de révision de l'impôt et qui rejetait
la requête en radiation de la déclaration de l'intimée. La
Commission de révision de l'impôt avait accueilli l'appel de
l'appelant par un jugement expédié par voie postale aux deux
parties le 24 avril 1978. L'intimée a déposé sa déclaration en
Division de première instance le 23 août 1978, soit le 121° jour
suivant la date à laquelle la décision de la Commission a été
mise à la poste. Le 13 septembre 1978, l'intimée a présenté une
requête en prolongation du délai d'appel. L'appelant a alors
présenté une requête en radiation de la déclaration au motif
qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai fixé par l'article
172 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel est accueilli et la demande de prolongation de
délai présentée par l'intimée est rejetée. Le savant juge des
requêtes a fait erreur en accordant la prolongation du délai
pour le dépôt de la déclaration et, dès lors, en refusant de la
radier. Le calcul des délais pour interjeter appel en vertu de la
Loi de l'impôt sur le revenu se fait en conformité avec cette Loi
et non en conformité avec les Règles de la Cour. La Règle
3(1)b) qui prévoit l'exclusion des grandes vacances et des
vacances de Noël dans le calcul des délais ne s'applique pas au
calcul des délais d'appel prévus par la Loi de l'impôt sur le
revenu. Il s'ensuit que la Règle 3(1)c) qui permet l'augmenta-
tion ou la réduction des délais «prévus par les présentes Règles»
ne peut s'appliquer en l'espèce. Ces deux Règles ne s'appliquent
qu'après que l'appel a été interjeté ou l'action intentée. L'article
167(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique qu'au
contribuable qui veut obtenir une prolongation du délai d'appel.
Le Parlement, ayant prévu un long délai d'appel de 120 jours,
entendait n'accorder le privilège d'en demander la prolongation
qu'au contribuable et non à l'intimée.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
D. Bowman, c.r. pour l'appelant (intimé).
R. Roy et G. Du Pont pour l'intimée
(requérante).
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Robarts & Bowman,
Toronto, pour l'appelant (intimé).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (requérante).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'un de deux appels,
entendus ensemble, relatifs à des ordonnances du
juge suppléant Grant de la Division de première
instance qui, premièrement, prolongeait jusqu'au
10 septembre 1978 le délai alloué à l'intimée pour
interjeter appel de la décision de la Commission de
révision de l'impôt et, deuxièmement, rejetait la
requête en radiation de la déclaration de l'intimée.
Voici un bref exposé des faits pertinents. L'ap-
pelant a interjeté appel devant la Commission de
révision de l'impôt contre sa cotisation d'impôt
pour l'année d'imposition 1971; l'appel a été
accueilli et le jugement, expédié aux parties par la
poste le 24 avril 1978. L'intimée a déposé sa
déclaration en Division de première instance le 23
août 1978. Il est reconnu que la déclaration a été
déposée le 121° jour suivant la date à laquelle la
décision de la Commission a été mise à la poste. Le
13 septembre 1978, l'intimée a présenté une
requête en prolongation du délai d'appel sous le
numéro T-3790-78. L'appelant a alors présenté
une requête (no du greffe: T-3790-78) en vue
d'obtenir la radiation de la déclaration au motif
qu'elle n'avait pas été déposée dans le délai fixé
par l'article 172' de la Loi de l'impôt sur le
revenu. Le juge suppléant Grant a accueilli la
requête de l'intimée et rejeté celle de l'appelant,
' L'article 172 de la Loi de l'impôt sur le revenu:
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dans les 120
jours de la date où le régistraire de la Commission de révision
de l'impôt .transmet par la poste, au Ministre et au contribua-
ble, la décision concernant un appel basé sur l'article 169,
interjeter appel auprès de la Cour fédérale du Canada.
(2) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition
à une cotisation visée à l'article 165, il peut, au lieu d'interje-
ter appel auprès de la Commission de révision de l'impôt en
vertu de l'article 169, interjeter appel auprès de la Cour
fédérale du Canada à une date où, selon l'article 169, il lui
aurait été permis de le faire à la Commission de révision de
l'impôt.
sans motiver ces décisions. Ce sont ces deux ordon-
nances qui ont été portées en appel.
L'intimée veut faire confirmer ces ordonnances
aux motifs que:
1. La déclaration a été déposée dans les délais
puisqu'il est prévu à la Règle 3(1)b) des Règles
de la Cour fédérale que le délai pour le dépôt ne
court pas durant les grandes vacances;
2. de toute façon, le délai pour le dépôt de la
déclaration peut être prolongé en vertu de la
Règle 3(1)c) des Règles de la Cour; et
3. subsidiairement, la Cour avait le pouvoir, en
vertu de l'article 167 de la Loi de l'impôt sur le
revenu, de prolonger le délai pour le dépôt de la
déclaration.
L'appelant conteste évidemment la thèse de l'in-
timée quant à l'application des Règles de la Cour
avant qu'appel ait été interjeté, compte tenu
notamment de l'existence du délai fixé à l'article
172 de la Loi et compte tenu, en outre, du fait que
si l'article 167 porte qu'un contribuable peut
demander à la Division de première instance une
ordonnance de prolongation du délai d'appel, ni cet
article ni aucun autre article de la Loi ne donne le
même droit à l'intimée.
Les dispositions pertinentes des Règles de la
Cour et de l'article de la Loi de l'impôt sur le
revenu se lisent comme suit:
Règle 3. (1) Sauf dispositions contraires, le calcul des délais
prévus par les présentes Règles ou par une ordonnance ou un
jugement de la Cour est régi par l'article 25 de la Loi d'inter-
prétation, chapitre 7 des Statuts de 1967 dont voici le texte:
et par les dispositions suivantes:
b) sous réserve de la Règle 402(3), les grandes vacances et
les vacances de Noël ne comptent pas dans le calcul des
délais accordés pour le dépôt, la rectification ou la significa
tion d'une plaidoirie ou d'un autre document, sauf instruc
tions contraires de la Cour,
e) la Cour peut augmenter ou réduire les délais prévus par
les présentes Règles, ou fixés par une ordonnance, pour
l'accomplissement d'un acte ou l'introduction d'une procé-
dure aux conditions qui, le cas échéant, semblent justes, et
une prolongation de ce genre peut être ordonnée même si la
demande n'en est faite qu'après l'expiration du délai prévu ou
fixé,
167. (1) Lorsque aucune opposition à une cotisation n'a été
faite en vertu de l'article 165 ni aucun appel à la Commission
de révision de l'impôt n'a été interjeté en vertu de l'article 169
dans le délai imparti à cette fin par l'article 165 ou 169, selon le
cas, une demande peut être faite à la Commission de révision de
l'impôt en vue d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai
dans lequel un avis d'opposition peut être signifié ou un appel
interjeté, et la Commission peut, si, à son avis, les circonstances
du cas sont telles qu'il serait juste et équitable de le faire,
rendre une ordonnance prolongeant le délai d'opposition ou
d'appel et imposer les conditions qu'elle estime justes.
(2) La demande mentionnée au paragraphe (1) doit indiquer
les raisons pour lesquelles il n'a pas été possible de signifier
l'avis d'opposition à la Commission ou d'interjeter appel à la
Commission dans le délai par ailleurs imparti à cette fin par la
présente loi.
(3) Une demande prévue par le paragraphe (1) est faite en
la déposant auprès du registraire de la Commission de révision
de l'impôt ou en la lui envoyant à Ottawa, sous pli recom-
mandé, en 3 exemplaires, accompagnée, selon le cas, d'un avis
d'opposition ou d'appel, en 3 exemplaires.
(4) Lorsque aucun appel auprès de la Cour fédérale du
Canada n'a été interjeté en vertu de l'article 172 dans le délai
imparti par cet article, une demande peut être faite à la Cour
fédérale du Canada, au moyen d'un avis déposé à la Cour et
signifié au sous-procureur général du Canada au moins 14 jours
avant la présentation de la demande faite en vue d'obtenir une
ordonnance prolongeant le délai dans lequel un tel appel peut
être interjeté, et la Cour peut, si, à son avis, les circonstances du
cas sont telles qu'il serait juste et équitable de le faire, rendre
une ordonnance prolongeant le délai d'appel et imposer les
conditions qu'elle estime justes.
(5) Aucune ordonnance ne peut être rendue en vertu du
paragraphe (1) ou (4)
a) à moins que la demande de prolongation du délai d'oppo-
sition ou d'appel ne soit faite dans l'année qui suit l'expira-
tion du délai par ailleurs imparti par la présente loi pour
faire opposition ou interjeter appel en ce qui concerne la
cotisation qui fait l'objet de la demande;
b) si la Commission ou la Cour a antérieurement rendu une
ordonnance prolongeant le délai d'opposition ou d'appel en ce
qui concerne la cotisation; et
e) à moins que la Commission ou la Cour ne soit convaincue
que,
(i) sans les circonstances mentionnées au paragraphe (1)
ou (4), selon le cas, une opposition aurait été faite ou un
appel aurait été interjeté dans le délai par ailleurs imparti
à cette fin par la présente loi,
(ii) la demande a été présentée aussitôt que les circons-
tances l'ont permis, et
(iii) des motifs raisonnables de faire opposition ou d'inter-
jeter appel existent en ce qui concerne la cotisation.
Nous sommes tous d'avis que les arguments de
l'avocat de l'appelant sont bien fondés et que le
savant juge des requêtes a donc fait erreur en
accordant la prolongation du délai pour le dépôt de
la déclaration et, dès lors, en refusant de la radier.
A noter que la Règle 3(1) commence comme
suit: «Sauf dispositions contraires, le calcul des
délais prévus par les présentes Règles ...» [c'est
moi qui souligne]. Le calcul des délais pour inter-
jeter appel en vertu de la Loi de l'impôt sur le
revenu se fait en conformité avec cette Loi et non
en conformité avec les Règles de la Cour. Il est
donc clair que la Règle 3(1)b) qui prévoit l'exclu-
sion des grandes vacances et des vacances de Noël
dans le calcul des délais ne s'applique pas au calcul
des délais d'appel prévus par la Loi de l'impôt sur
le revenu.
Il s'ensuit que la Règle 3(1)c) qui permet l'aug-
mentation ou la réduction des délais «prévus par
les présentes Règles» ne peut s'appliquer en l'es-
pèce. Ces deux Règles ne s'appliquent qu'après que
l'appel a été interjeté ou l'action intentée. Le délai
imparti en l'espèce relevait de la Loi et non des
Règles.
Pour ce qui est de l'article 167 de la Loi, il nous
paraît très clair que le paragraphe (4) ne s'appli-
que qu'au contribuable qui veut obtenir une pro
longation du délai d'appel. Nous sommes arrivés à
cette conclusion en nous fondant sur les points
suivants:
(1) Le paragraphe 167(4) prévoit que l'avis de
demande de prolongation de délai doit être
signifié au sous-procureur général du Canada au
moins 14 jours avant la présentation de la
demande. Cette disposition obligatoire n'est évi-
demment pas appropriée dans le cas d'un appel
formé par Sa Majesté, qui est représentée en
Cour par le sous-procureur général, ce qui,
d'après nous, indique que cet article ne s'appli-
que qu'à l'appel interjeté par un contribuable.
(2) Aux alinéas a) et b) du paragraphe (5) de
l'article 167, il est question de «faire opposition
ou interjeter appel en ce qui concerne la cotisa-
tion ...» [c'est moi qui souligne]. Seul le contri-
buable—non l'intimée—fait opposition ou inter-
jette appel en ce qui concerne une cotisation.
(3) Le sous-alinéa (5)c)(iii) de l'article 167
exige qu'on ait des motifs raisonnables «de faire
opposition ou d'interjeter appel ... en ce qui
concerne la cotisation». Cette exigence ne peut
s'appliquer qu'à l'appel interjeté par un contri-
buable, même si l'appel est formé contre une
décision de la Commission de révision de l'im-
pôt, puisqu'un tel appel est un procès de novo et
constitue donc essentiellement un appel contre la
cotisation.
D'après ce qui précède, il est évident que le
Parlement, ayant prévu un long délai d'appel de
120 jours, entendait n'accorder le privilège d'en
demander la prolongation qu'au contribuable et
non à l'intimée, peut-être pour que le contribuable,
parfois en proie à bien des tracas, ne soit pas
indéfiniment exposé à des poursuites en matière
d'impôt sur le revenu. C'est répéter un lieu
commun que de dire que nous ne pouvons modifier
la loi. Par conséquent, l'appel sera accueilli, l'or-
donnance de la Division de première instance sera
annulée et la demande de prolongation de délai
présentée par l'intimée sera rejetée, avec dépens
dans toutes les Cours.
* * *
LE JUGE HEALD: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je suis d'accord.
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