• T-10-78
Jacques Vachon (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, le 17 mai et le 12 juin 1979.
Fonction publique — Renvoi au cours de la prolongation de
stage — Le demandeur conclut au dédommagement à un
jugement sur la validité du renvoi — Le demandeur soutient
que le Règlement servant de fondement à la prolongation de
stage est ultra vires — La défenderesse soutient que le deman-
deur a été congédié pour manquement à la discipline — Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32,
art. 28(3) — Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 100 — Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-129, art. 30(2).
Le demandeur conclut à un jugement déclarant qu'il n'a pas
été renvoyé de son travail au ministère de la Santé nationale et
du Bien-être social au cours de son stage, mais au cours de la
prolongation de ce stage. Il soutient que cette prolongation de
stage était nulle et non avenue du fait qu'elle est prévue par
l'article 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique, lequel est ultra vires. En sus du jugement sur la
validité de son renvoi, le demandeur conclut au dédommage-
ment. A titre d'argumentation subsidiaire, la défenderesse fait
valoir que le demandeur n'a pas été renvoyé au cours de son
stage, mais qu'il a été congédié pour manquement à la disci
pline ou mauvaise conduite, à la lumière des normes de disci
pline établies par le Conseil du Trésor.
Arrêt: l'action est rejetée. Il est établi que l'article 30(2) du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique est ultra
vires. De ce fait, le stage du demandeur ne pouvait être
prolongé comme l'entendait l'employeur, et en conséquence, le
renvoi du demandeur, tel que le décrétait le Sous-ministre en
vertu de l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, est nul et non avenu. Il est également établi que
l'arbitre est tenu de faire la lumière sur le motif véritable du
renvoi de l'employé stagiaire par l'employeur. En dépit d'une
clause privative (article 100) de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, la Cour a compétence pour
contrôler la décision de l'arbitre. La conclusion que l'arbitre
était appelé à faire est exclusivement une conclusion sur le fait.
Le seul motif d'infirmation d'une telle conclusion serait qu'elle
était tellement déraisonnable et contraire aux faits établis
qu'elle en était aberrante. L'arbitre disposait de preuves suffi-
santes pour conclure à bon droit que le demandeur avait été
congédié pour manquement à la discipline. Attendu que les
preuves administrées devant l'arbitre justifiaient l'exercice de
sa compétence, on ne saurait dire qu'il était incompétent. Il
était donc fondé à rejeter le grief formulé par le demandeur.
Arrêt appliqué: Ouimet c. La Reine [1978] 1 C.F. 672.
Distinction faite avec l'arrêt: Richard c. C.R.T.F.P. [1978]
2 C.F. 344.
ACTION.
AVOCATS:
J. D. Richard, c.r. et L. Harnden pour le
demandeur.
M. Kelen pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Dans sa déclaration, le
demandeur tend à faire juger qu'il n'a pas été
renvoyé du ministère de la Santé nationale et du
Bien-être social durant son stage mais pendant la
prolongation de stage qui était nulle et non avenue
du fait qu'elle est prévue par l'article 30(2) du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique
[DORS/67-129], lequel est ultra vires.
Le demandeur tend plus précisément à faire
juger que:
[TRADUCTION] a) l'article 30(2) du Règlement sur l'emploi
dans la Fonction publique est ultra vires;
b) la défenderesse n'avait pas le pouvoir de le renvoyer en
invoquant l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique ou l'article 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la
Fonction publique;
c) le renvoi du demandeur par son employeur est nul et non
avenu et le demandeur conserve son statut d'employé tout
comme s'il n'avait jamais été renvoyé;
A l'ouverture de l'audition, la déclaration a été
modifiée avec l'assentiment de l'avocat de Sa
Majesté, par l'adjonction au redressement
demandé d'un alinéa d) comme suit:
[TRADUCTION] d) jugement portant paiement au demandeur
d'une somme suffisante pour le dédommager des traitements ou
salaires et autres avantages qu'il aurait reçus si l'employeur ne
l'avait pas illégalement renvoyé.
Le demandeur a aussi sollicité la permission
d'ajouter aux fins de sa demande un autre alinéa
concluant aux dommages-intérêts pour [TRADUC-
TION] «souffrance morale, vexation, angoisse,
humiliation et opprobre faisant suite à son renvoi
illégal». Si cette modification avait été accordée,
elle aurait entraîné l'ajournement du procès, pour
permettre à la défenderesse de procéder à l'interro-
gatoire préalable, et de ce fait, le demandeur y a
renoncé.
Immédiatement avant l'audition, les avocats des
parties se sont entendus sur l'exposé conjoint des
faits suivant qui a servi de base à cette action.
[TRADUCTION] Exposé conjoint des faits
Les parties conviennent, aux fins de cette action, des faits
suivants et de leur pertinence quant aux questions en litige:
1. Le demandeur habite la ville d'Aylmer, province de Québec.
2. Le 27 janvier 1975, le demandeur a été nommé à la Fonction
publique fédérale, au poste de chargé de recherches principal,
selon la classification ED-EDS 2 de la Commission de la
Fonction publique.
3. A la suite d'un concours, le demandeur a été affecté le 2
février 1976, par mutation latérale, au poste de conseiller de la
division de la planification familiale, ministère de la Santé
nationale et du Bien-être social. Sa classification demeurait la
même, soit ED-EDS 2.
4. Le demandeur devait effectuer un stage du 2 février 1976 au
le février 1977. Le 27 février 1977, un fonctionnaire de la
défenderesse l'informa par écrit que son stage était prolongé de
six mois, jusqu'au lei août 1977, et que la décision de prolonga
tion du stage était fondée sur l'article 30(2) du Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique. Ci-joint une copie de la
lettre à titre de document «A».
5. Le 8 mars 1977, le directeur général de l'administration du
personnel du ministère de la Santé nationale et du Bien-être
social informa par écrit le demandeur qu'il avait été renvoyé en
cours de stage, et que sa dernière journée de travail serait le 8
avril 1977. Ci-joint une copie de cette lettre à titre de document
«B».
6. Le demandeur a formulé un grief qui, conformément à
l'article 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique, a été soumis à l'arbitrage.
7. Le 25 juillet 1977, le grief du demandeur a été entendu par
Gaston Descôteaux, membre et arbitre de la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique, qui a rendu sa
décision le 30 juillet 1977. Ci-joint la version française de cette
décision à titre de document «C», et la version anglaise à titre
de document «D».
8. Les parties conviennent que le présent exposé conjoint des
faits ne doit pas être interprété comme restreignant leur droit
respectif d'établir les faits pertinents en sus des faits énoncés
aux présentes.
Je n'ai pas reproduit le document «A», c'est-à-
dire la lettre mentionnée au paragraphe 4 de l'ex-
posé conjoint des faits, parce que sa portée ainsi
que son contenu ont été fidèlement résumés dans le
texte du même paragraphe.
J'ai omis également la lettre mentionnée comme
document «B» au paragraphe 5 de l'exposé conjoint
des faits parce qu'elle a été reproduite intégrale-
ment dans la décision rendue par un membre de la
Commission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique. Le paragraphe 7 de l'exposé con
joint des faits fait état de cette décision dont la
version française y est jointe à titre de document
«C». Le même document est joint aux présents
motifs à titre d'annexe.
Dans l'affaire Ouimet c. La Reine [1978] 1 C.F.
672 le demandeur concluait à un jugement portant
que:
(1) l'article 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique était ultra vires;
(2) la défenderesse n'avait pas le pouvoir de mettre fin à
l'emploi du demandeur en se fondant sur l'article 28(3) de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, et
(3) le congédiement du demandeur, que son employeur a voulu
effectuer, était nul et de nul effet et le demandeur conservait
son statut d'employé comme si l'on n'avait pas mis fin à son
emploi.
Le redressement recherché en l'espèce est identi-
que à celui de l'affaire Ouimet c. La Reine, à cette
différence près qu'à la suite de la modification
autorisée, le demandeur réclame en l'espèce le
dédommagement des salaires et autres avantages
qu'il aurait reçus si la défenderesse ne l'avait
renvoyé.
Par coïncidence, c'est moi-même qui ai entendu
l'affaire Ouimet en première instance.
J'ai conclu à cette occasion que l'article 30(2)
du Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique était ultra vires selon les motifs du juge-
ment rendus et, en conséquence, j'ai donné gain de
cause au demandeur.
Ce jugement a été confirmé à l'unanimité par la
Cour d'appel [[1979 1 C.F. 55], sauf [à la page
61 ] pour ce qui est de la phrase «et que le deman-
deur conserve son statut d'employé comme si on
n'avait pas mis fin à son emploi» qui figurait à la
fin de l'alinéa c) des fins de la demande, et qui a
été supprimée de mon jugement conformément
aux motifs prononcés par le juge en chef au nom
de la Cour.
En l'espèce cependant, le demandeur conclut
non seulement à l'invalidité de son renvoi, mais
encore au dédommagement matériel. Ce dernier
recours est incompatible avec la conclusion ten-
dant à faire juger que le demandeur conserve son
statut d'employé. A mon avis, on pourrait accueil-
lir l'une ou l'autre conclusion mais non les deux à
la fois.
Si la Cour concluait que le renvoi du demandeur
était illégal, il s'ensuivrait qu'il avait le droit de
continuer à occuper son emploi et de toucher le
traitement y afférent. Cependant, pour avoir droit
à ce traitement, le demandeur doit accomplir les
devoirs de sa charge ou indiquer qu'il y est disposé.
Je ne doute pas que le demandeur fût disposé à
continuer à remplir ses fonctions de la manière
qu'il jugeait la meilleure, et ce sans que son
employeur l'ignore. Celui-ci n'acceptait de toute
évidence pas le point de vue du demandeur pour ce
qui était de la meilleure façon d'accomplir les
devoirs de sa charge, et il a pris les mesures
nécessaires pour s'assurer que le demandeur
n'exercerait pas ses fonctions de quelque manière
que ce soit, en lui refusant l'accès aux locaux du
Ministère, et ce, à compter du 8 mars 1977, tel
qu'il appert de la lettre portant la même date et
qui constitue le document «B» de l'exposé conjoint
des faits.
Par conséquent, le recours du demandeur relève-
rait du domaine des dommages-intérêts. Il échet
donc, à mon avis, d'examiner s'il a droit aux
dommages-intérêts.
Il a été convenu qu'il y avait lieu de trancher en
premier lieu la question de responsabilité. Un juge-
ment concluant à la non-responsabilité mettrait fin
à l'affaire, sous réserve de réformation en appel,
auquel cas l'affaire serait renvoyée devant la Cour
pour détermination du montant des dommages-
intérêts. Si la Cour concluait que la défenderesse
était tenue aux dommages-intérêts, l'audition
serait ajournée pour complément d'information sur
le montant. Toutefois, certaines complications
excluent en l'espèce un renvoi en vertu de la Règle
500.
Telle était la voie suivie dans La Reine
(I.-P.-É.) c. La Reine (Canada) [1976] 2 C.F.
712.
Il est hors de doute que par suite de l'arrêt
Ouimet c. La Reine (supra), l'article 30(2) du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique
est ultra vires, et que de ce fait, le stage du
demandeur ne pouvait être prolongé comme l'en-
tendait l'employeur. En conséquence, le renvoi du
demandeur, tel que le décrétait le Sous-ministre en
vertu de l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, est nul
et non avenu.
Cette conclusion toutefois ne résout pas le pro-
blème attendu qu'à titre d'argumentation subsi-
diaire, la défenderesse fait valoir que le demandeur
n'a pas été renvoyé au cours de son stage mais
qu'il a été congédié pour manquement à la disci
pline ou mauvaise conduite, à la lumière des
normes de discipline établies par le Conseil du
Trésor conformément à l'article 7(1)f) de la Loi
sur l'administration financière, S.R.C. 1970, c.
F-10.
Lorsqu'un stagiaire fait l'objet d'un renvoi
motivé conformément à l'article 28(3) de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique, il ne peut
recourir à l'arbitrage.
Il peut certes recourir à la procédure du grief, à
travers ses différents paliers.
De fait, le demandeur a formulé un grief qui
s'est poursuivi jusqu'au dernier palier, c'est-à-dire
jusqu'au Sous-ministre qui, en l'espèce, a notam-
ment conclu dans sa «décision relative à un grief»
en date du 22 avril 1977:
[TRADUCTION] Je conclus que vous n'avez pas été congédié
mais renvoyé légitimement et à juste titre au cours de votre
stage.
Ce qui n'est pas vrai puisque le demandeur
n'était plus en stage.
Cependant, lorsque le grief formulé par l'em-
ployé se rapporte à une mesure disciplinaire qui
aboutit au congédiement, l'article 91(1)b) de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, c. P-35, lui permet de
recourir à l'arbitrage.
C'est ce que le demandeur a fait.
L'affaire a été entendue par un arbitre devant
lequel le demandeur, à titre de plaignant, ainsi que
l'employeur étaient représentés par un avocat.
L'avocat du plaignant (le demandeur en l'es-
pèce) faisait valoir que l'arbitre avait compétence
parce que le demandeur avait été congédié pour
manquement à la discipline. Il ressortirait du
résumé fait par l'arbitre des arguments des deux
parties, que l'avocat de l'employeur se serait con
tenté de contester la compétence de l'arbitre sans
toucher au fond du litige. Attendu que l'avocat de
l'employeur défendait la thèse de celui-ci (renvoi
motivé au cours du stage), il est logique d'en
conclure qu'il a contesté la compétence de l'arbi-
tre. Ce dernier ne s'est pas donné la peine de
résumer l'essentiel de cet argument de la même
manière dont il a résumé l'argument du plaignant.
L'arbitre a fait état de certaines décisions qui ont
été invoquées, au moyen d'un nom de famille et
d'une référence qui ne me disent rien du tout.
Peut-être s'agit-il de sentences arbitrales indiquées
comme telles, mais dans la plupart des cas, ces
noms de famille me rappellent des décisions qui
ont été portées en appel devant la Cour fédérale
dont les arrêts ont été publiés. Les sentences arbi-
trales ne m'engagent pas; elles ne peuvent servir
qu'à m'éclairer par la valeur et la force de persua
sion du raisonnement sur lequel elles sont fondées.
Cependant, si l'arbitre cite des arrêts publiés de la
Cour fédérale ou de la Cour suprême du Canada,
il vaut mieux qu'à l'avenir il les identifie par des
références intelligibles.
Après avoir rappelé que les avocats lui ont pré-
senté leurs arguments, l'arbitre a déclaré:
Je n'ai pas l'intention de faire ici une étude élaborée de la
question de la juridiction d'un arbitre lorsqu'il s'agit d'un
«départ forcé» d'un employé en période de stage. Je me conten-
terai d'énoncer que je suis d'avis qu'un arbitre a juridiction
pour enquêter afin de déterminer s'il s'agit d'un «renvoi» au
sens de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique ou d'un «congédiement pour motif disciplinaire» prévu
à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique (voir affaires Morrison (168-2-3), MacRae
(168-2-97) et Nannayakkara (166-2-2812)); je suis également
d'avis que si l'arbitre en vient à la conclusion qu'il s'agit d'un
«congédiement pour motif disciplinaire» il a alors juridiction
pour décider si un tel congédiement était justifié ou non.
Dans ce passage, l'arbitre exprime deux opi
nions, à savoir:
(1) qu'une enquête peut être menée pour établir si l'employé a
été renvoyé pour un motif déterminé ou s'il a été congédié pour
motif disciplinaire, et
(2) que si l'arbitre conclut «qu'il s'agit d'un congédiement pour
motif disciplinaire. il a compétence pour décider si un tel
congédiement était justifié ou non.
Le bien-fondé de la première opinion a été con-
sacré par 'la Cour suprême du Canada dans Jac -
main c. Le procureur général du Canada [1978] 2
R.C.S. 15, comme par la Cour d'appel dans la
même affaire Le procureur général du Canada c.
C.R.T.F.P. [1977] 1 C.F. 91, la page 96 et dans
Fardella c. La Reine [1974] 2 C.F. 465. Je pré-
sume que l'arbitre était au courant de ces arrêts,
parce que les deux noms de famille qu'il a cités
correspondent à ceux-ci.
Les principes de droit établis par ces arrêts ont
été exposés de façon succincte par le juge Heald
dans Richard c. C.R.T.F.P. [1978] 2 C.F. 344,
comme suit à la page 347:
... qu'un arbitre ne remplit pas ses obligations lorsqu'il ne
s'enquiert pas tout d'abord de la nature véritable de l'action
d'un employeur qui veut renvoyer un employé stagiaire, et que
l'arbitre n'est pas tenu par la qualification attribuée par l'em-
ployeur à sa propre action.
Dans le paragraphe précédent il avait para-
phrasé l'arrêt Cutter Laboratories International c.
Le Tribunal antidumping [1976] 1 C.F. 446 selon
lequel:
... un arbitre a le droit de s'enquérir des faits et circonstances
d'une affaire donnée, de façon suffisante pour lui permettre de
décider si, en fait, l'action de l'employeur a été un renvoi pour
motif déterminé ou un congédiement disciplinaire.
M. le juge Heald a souligné ensuite qu'il était
nécessaire pour un arbitre:
... d'avoir suffisamment de preuves pour lui permettre de
déterminer si le prétendu renvoi durant le stage a été en fait
une mesure disciplinaire au sens de l'article 91(1)b), ce qui lui
donnerait compétence conformément audit paragraphe.
Je ne vois pas dans l'arrêt Richard la règle
jurisprudentielle selon laquelle l'arbitre se pro-
nonce en dernier ressort sur sa propre compétence
en la matière et de ce fait, sa décision est suscepti
ble de contrôle de la part de la Cour d'appel tel
que prévoit l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, et ainsi
que l'a prétendu l'avocat de la défenderesse.
Si un arbitre se déclare incompétent, sa décision
est prise en dernier ressort et, à ce titre, susceptible
de contrôle judiciaire. Mais s'il exerce sa compé-
tence, c'est la décision sur le fond qui est prise en
dernier ressort et qui est susceptible du contrôle
prévu à l'article 28, quoique sa décision sur la
question de compétence puisse être mise en cause
de façon incidente au cours du contrôle de la
décision sur le fond.
Je n'accueille pas non plus la deuxième opinion
de l'arbitre que s'il conclut au «congédiement pour
motif disciplinaire», il a dès lors compétence pour
juger si ce congédiement était justifié.
Il ressort des précédents susmentionnés que l'ar-
bitre est tenu de faire la lumière sur le motif
véritable du renvoi de l'employé stagiaire par l'em-
ployeur. Le renvoi durant le stage ne doit pas
servir d'expédient dans les cas où l'employeur
répugne au congédiement pour manquement à la
discipline. L'arbitre doit instruire les faits de façon
objective, et il doit disposer de preuves suffisantes
pour conclure, sur le point de fait, qu'un renvoi en
cours de stage est en fait une mesure disciplinaire
au sens de l'article 91(1)b), ce qui lui confère la
compétence en la matière. L'arbitre ne peut s'attri-
buer la compétence en concluant simplement «qu'il
s'agit d'un congédiement pour motif disciplinaire».
Il doit établir en premier lieu que le véritable motif
du renvoi de l'employé était de nature discipli-
naire. Cette conclusion doit par ailleurs se fonder
sur «des preuves suffisantes». Il échet au premier
chef d'examiner en l'espèce si les preuves soumises
à l'arbitre étaient suffisantes.
L'article 100 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique porte:
100. (1) Sous réserve de la présente loi, toute ordonnance,
décision arbitrale, directive, décision ou déclaration de la Com
mission, d'un arbitre spécial nommé en vertu de l'article 62 ou
d'un arbitre est définitive et ne peut être ni remise en question
ni examinée devant un tribunal.
(2) Il ne doit être pris aucune ordonnance ni aucun moyen
de contrainte, et il ne doit, devant aucun tribunal, être entamé
de procédures, sous forme d'injonction, de certiorari, de prohi
bition, de quo warranto ou autrement, pour contester, exami
ner, rejeter ou restreindre la compétence de la Commission,
d'un arbitre spécial nommé en vertu de l'article 62 ou d'un
arbitre dans l'une quelconque de ses délibérations.
L'avocat de la défenderesse fait valoir que du
fait des dispositions privatives de cet article, la
Cour n'a pas compétence pour remettre en cause
ou pour contrôler la décision de l'arbitre.
Certains soutiennent avec raison que le législa-
teur n'a pas compétence pour empêcher les instan
ces supérieures d'exercer leur droit de surveillance
à l'égard des tribunaux administratifs, mais selon
une école de pensée plus influente et plus générale-
ment reconnue, nul législateur rationnel ne cher-
che délibérément à interdire le contrôle juridiction-
nel ni à conférer aux tribunaux administratifs un
pouvoir absolu en les libérant des restrictions tra-
ditionnelles de ce contrôle.
Dans Toronto Newspaper Guild c. Globe Print
ing Co. [1953] 2 R.C.S. 18 le juge Rand s'est
prononcé en ces termes à la page 28:
[TRADUCTION] En l'absence d'une règle contraire expresse,
nous sommes liés par le principe voulant que la question de
constitutionnalité relève de la compétence des Cours supérieu-
res: le texte de loi est adopté en fonction de ce postulat. Toute
autre interprétation signifierait que le législateur entendait
autoriser le tribunal administratif à agir à sa guise, sous réserve
seulement du contrôle législatif, ce que ne prévoient ni notre
processus législatif, ni les dispositions de notre constitution.
Que le législateur ait acquiescé au cours des cinquante derniè-
res années notamment, au rejet fait par les cours de justice d'un
tel point de vue, voilà qui confirme l'interprétation qu'elles
n'ont cessé de donner à la clause exorbitante du droit commun.
On voit dans cet exemple qu'une disposition
privative a été proprement expurgée d'un texte de
loi. Une abondante jurisprudence pose que les
clauses privatives sous diverses formes n'empê-
chent ni le contrôle ni la réformation d'une erreur
de compétence.
Il est évident qu'un tribunal administratif ne
peut s'attribuer la compétence au moyen d'une
conclusion erronée sur un point accessoire au fond
du litige, point accessoire qui détermine sa compé-
tence. Cette règle n'a rien à voir avec celle voulant
qu'une décision erronée mais relevant de la compé-
tence du tribunal administratif ne saurait être
définitive. En tout cas, le tribunal administratif ne
peut s'attribuer la compétence grâce à une décision
erronée. Celle-ci est susceptible de contrôle juridic-
tionnel nonobstant toute clause privative.
A mon avis, l'exemple classique est le jugement
rendu par le juge Doull au nom de la Cour d'appel
de la Nouvelle-Ecosse dans Re Lunenburg Sea
Products Ltd. [1947] 3 D.L.R. 195. Il a conclu
que les personnes à qui l'on entendait appliquer le
Règlement des Relations ouvrières en temps de
guerre n'étaient pas des «employés» et échappaient
à la compétence de la Commission. La Commis-
Sion avait conclu à tort qu'ils étaient des employés
alors qu'en droit ils étaient des coentrepreneurs, et
cela, malgré l'existence d'une clause privative fort
originale. Celle-ci prévoyait, entre autres, qu'il
appartenait à la Commission de déterminer en
dernier ressort si une personne était un employé
non seulement aux fins des Règlements mais aussi
de toute procédure judiciaire, et que si cette ques
tion n'était pas tranchée par la Commission, la
Cour devait la lui renvoyer et surseoir au jugement
jusqu'à ce que la Commission lui fasse connaître sa
décision. Voilà une disposition fort extraordinaire
qui subordonne toutes les cours de justice du
Canada qui seraient saisies de la question à la
décision d'une Commission inférieure, composée
de non-juristes.
Par ces motifs, la conclusion prise en l'espèce
par l'arbitre que le demandeur n'avait pas été
renvoyé durant son stage, mais congédié pour
manquement à la discipline est effectivement sus
ceptible de contrôle malgré la clause privative.
La conclusion que l'arbitre était appelé à faire
est exclusivement une conclusion sur le fait. Le
seul motif d'infirmation d'une telle conclusion
serait qu'elle était tellement déraisonnable et con-
traire aux faits établis qu'elle en était aberrante, ce
qui n'est pas le cas en l'espèce. L'arbitre disposait
de preuves suffisantes pour conclure à bon droit,
comme il l'a fait, que le demandeur avait été
congédié pour manquement à la discipline.
L'avocat de la défenderesse soutient également
que par sa conduite ou par l'effet de la chose
jugée, le demandeur n'était pas recevable à faire
valoir la nullité de son renvoi en cours de stage.
L'arbitre n'a pas tranché cette question, mais il a
conclu que le demandeur avait été congédié pour
manquement à la discipline (comme le demandeur
l'avait fait valoir devant l'arbitre). Et il a débouté
le demandeur au motif que le congédiement était
fondé. De même, je ne considère pas que le deman-
deur ait fait des déclarations qui ont induit la
défenderesse en erreur.
A mon avis, les preuves administrées devant
l'arbitre justifiaient l'exercice de sa compétence.
En conséquence, on ne saurait dire qu'il était
incompétent. Il était donc fondé à rejeter le grief
formulé par le demandeur.
Vu ma conclusion ci-dessus, il ne sert à rien de
faire droit aux fins visées aux alinéas a) et b) de la
demande, car il n'en découlerait aucun avantage
concret pour le demandeur. De même, le redresse-
ment demandé à l'alinéa c) ne peut être accordé
parce que le demandeur n'a pas été renvoyé en
cours de stage mais qu'il a été congédié ainsi que
l'a conclu l'arbitre, décision que je n'ai pas l'inten-
tion de mettre en cause à la lumière des motifs
exposés ci-dessus.
Par ces motifs, l'action du demandeur est reje-
tée, la défenderesse ayant droit aux dépens si elle
les demandait.
ANNEXE
Document «C»
Dossier No: 166-2-3106
LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION
PUBLIQUE
DEVANT LA COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL DANS
LA FONCTION PUBLIQUE
ENTRE:
JACQUES VACHON,
employé s'estimant lésé,
ET:
LE CONSEIL DU TRESOR,
(Ministère de la Santé Nationale et
du Bien-être social)
employeur.
DECISION
Devant: Me Gaston Descôteaux, Arbitre et membre de la
Commission.
Pour l'employé s'estimant lésé: Evelyne Henry, Alliance de la
Fonction Publique du Canada.
Pour l'employeur: Me Gilbert Patrice.
Entendu à Ottawa, le 25 juillet 1977.
DECISION
M. Jacques Vachon était à l'emploi du Gouvernement fédé-
ral et exerçait ses fonctions au Ministère de la Santé nationale
et du Bien-être social, plus précisément dans la Division des
programmes de service social (Section de la Planification fami-
liale). Il se plaint, par le présent grief, d'avoir été injustement
congédié par son employeur et demande, en conséquence, d'être
réintégré dans ses fonctions avec tous les avantages connexes en
découlant.
Lors de l'audition, l'employeur était représenté par Me Gil-
bert Patrice et l'employé s'estimant lésé par Mlle Evelyne
Henry de l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
I Les faits
La nomination de M. Vachon au Ministère de la Santé
nationale et du Bien-être social a pris effet le 2 février 1976; sa
période de stage qui se terminait à l'origine le 2 février 1977 fut
prolongée de six mois soit jusqu'au début du mois d'août
suivant. Le 8 mars 1977, M. Vachon reçut la lettre suivante
(Pièce U-1):
PERSONAL AND CONFIDENTIAL
March 8, 1977.
M. Jacques Vachon, -
1289 Grande Allée,
Aylmer, Québec.
Dear Mr. Vachon:
On behalf of the Deputy Minister and by the authority
granted him under Section 28(3) of the Public Service Employ
ment Act, this is to inform you that you are being rejected
during your probationary period. The effective date of your
rejection will be April 8, 1977, at close of work.
You were appointed to the position of Education Consultant,
Family Planning Division, on February 2, 1976, and your
probationary period was extended from February 1, 1977, to
August 1, 1977.
You have already been advised by the Assistant Deputy
Minister, Social Service Programs Branch, of the reasons for
this action. Firstly, you appeared without prior authority on a
Channel 24 television program aired on February 16, 1977.
Secondly, you were clearly identified in your present capacity
and the views you expressed in the course of that telecast on the
Family Planning Program of our Department were, in the
opinion of departmental management, in direct conflict with
the publicly stated objectives of the Program and your duties
therein. Consequently, it is the judgment of management that
these actions render it impossible for you to discharge ade
quately the duties of your position.
In accordance with Section 28(5) of the Public Service
Employment Act, your name shall be placed by the Commis
sion on such eligible list and in such place thereon as in the
opinion of the Commission is commensurate with your
qualifications.
From now until April 8th, you will not be required to
perform any duties associated with your present position and, in
consequence of that, you are hereby instructed not to enter the
departmental premises. During this same period should you
need to get in touch with the Department, you may contact
either Mr. Dean Moodie, Executive Assistant to the Deputy
Minister, Social Service Programs Branch, 992-3864, or Mr. L.
Brazeau, Personnel Adviser, Welfare, 996-8331.
I understand that you have already advised the Assistant
Deputy Minister, Social Service Programs Branch, that you
have retained only personal memoranda or correspondence and
that you do not have any government property in your
possession.
BY HAND
P. D. Doucet,
Director General,
Personnel Administration Directorate.»
Postérieurement à cette lettre, il souleva le grief qui fait
l'objet du présent litige et la réponse de l'employeur, à la
dernière étape, se lisait ainsi:
«GRIEVANCE DECISION DECISION RELATIVE A UN GRIEF
Jacques Vachon 18-03-77
Social Service Program Family Planning Ottawa
Final Level Deputy Minister
Mr. Bruce Rawson
I have carefully considered your grievance received March 18,
1977 concerning your rejection on probation and the represen
tations made by yourself and your representatives during the
recent grievance meeting.
I find that you were not discharged, but were properly rejected
for cause during your probationary period. The reasons for your
rejection were clearly set out in the letter of rejection dated
March 8, 1977. [Emphasis added.]
Signature of Step Officer
Bruce Rawson
Date
April 22, 1977.»
II Position des parties
Pour sa part, Mlle Henry a soutenu, d'une part, que j'avais
juridiction pour décider de la présente affaire étant donné que
la mesure prise par l'employeur, à l'égard de M. Vachon, était
un congédiement et par conséquent était de nature disciplinaire;
elle m'a référé notamment à l'affaire Nanayakkara (166-2-
2812); en second lieu, Mlle Henry a allégué que le congédie-
ment de M. Vachon n'était fondé sur aucun motif valable; de
son côté, Me Patrice ne s'est attaché qu'à la question de ma
juridiction et il m'a cité, sur ce point, plusieurs décisions:
affaire McCarthy (166-2-2238 et Cour fédérale, 22 nov. 1976,
no. A-465-76), Fardella (166-2-734), Richard (166-2-2786) et
Jacmain ([1971] C.F. 91, not. en pp. 96 et 98 à 100); Me
Patrice n'a fait entendre aucun témoin et n'a voulu soumettre
aucun argument quant au mérite du présent cas.
Je n'ai pas l'intention de faire ici une étude élaboréede la
question de la juridiction d'un arbitre lorsqu'il s'agit d'un
«départ forcé» d'un employé en période de stage. Je me conten-
terai d'énoncer que je suis d'avis qu'un arbitre a juridiction
pour enquêter afin de déterminer s'il s'agit d'un «renvoi» au
sens de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique ou d'un «congédiement pour motif disciplinaire» prévu
à l'article 91 de la Loi' sur les relations de travail dans la
Fonction publique (voir affaires Morrison (168-2-3), MacRae
(168-2-97) et Nannayakkara (166-2-2812)); je suis également
d'avis que si l'arbitre en vient à la conclusion qu'il s'agit d'un
«congédiement pour motif disciplinaire» il a alors juridiction
pour décider si un tel congédiement était justifié ou non.
III Décision et motifs
La mesure prise par l'employeur à l'égard de M. Vachon est,
à mon avis, de nature disciplinaire; c'est ce qui ressort du
paragraphe 3 de la page 1 de la lettre de M. Doucet du 8 mars
1977 et du paragraphe 1 de la page 2 de la même lettre; de
plus, dans sa réponse à la dernière étape, M. Rawson fait
référence aux motifs mentionnés dans les paragraphes que je
viens de mentionner. Par conséquent, je suis donc d'avis que j'ai
juridiction, en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de
travail dans- la Fonction publique.
La seconde question à laquelle je dois maintenant répondre
porte sur le fond même du litige à savoir: est-ce que la mesure
disciplinaire prise par l'employeur était justifiée?
L'employeur reproche à M. Vachon d'avoir participé, sans
autorisation, à une émission de télévision et d'y avoir émis des
vues qui venaient directement en conflit avec les objectifs
officiels du Programme de planification familiale du Ministère
ainsi qu'avec ses propres fonctions au sein de ce programme.
M. Vachon est passé de la Commission de la Fonction
publique au Ministère de la Santé nationale et du Bien-être
social suite à un transfert survenu à sa demande. A ce dernier
Ministère, il fut affecté plus particulièrement à ce qu'on appe-
lait le Centre de ressources de la Division de la planification
familiale; ses tâches, en tant que EDS -2, telles que décrites par
lui-même, peuvent être résumées ainsi:
1) responsable de la distribution de l'information, demandée
par le public, en matière de planification familiale et d'édu-
cation sexuelle;
2) responsable de la direction et de l'élaboration de toutes les
activités relatives à de nouveaux projets d'information;
3) conseiller quant à certains projets subventionnés par le
Ministère;
4) répondre à la correspondance, venant du public, relative à
l'information qui ne relevait pas de son officier subalterne.
Il a été invité à participer à l'émission «Pile et face« du canal
24 UHF, émission de nature éducative qui passe le mercredi
tard dans la soirée et qui est susceptible d'être captée sur tout le
territoire de la province de l'Ontario; cette invitation lui a été
faite à l'occasion d'un appel téléphonique reçu à- son bureau
mais elle aurait été à caractère personnel et non en sa qualité de
représentant du Ministère. L'émission a été enregistrée le 7
février 1977, pendant les vacances de M. Vachon et a été
retransmise à deux reprises soit le 16 février et le 29 juin 1977;
en présence d'un animateur, M. Vachon ainsi qu'un autre invité
furent appelés à donner leur opinion sur l'éducation sexuelle et
sur la planification familiale.
M. Vachon déclare, dans son témoignage, que ses interven
tions au cours de cette émission furent de trois ordres:
1) il a nié certains faits mis de l'avant par l'autre invité et
qui avaient pour effet d'accuser faussement le Ministère;
2) il a fait certains commentaires sur le programme d'éduca-
tion sexuelle du Ministère et sur certaines pratiques adoptées
par ce dernier quant à la distribution de l'information; il a
mentionné la pauvreté de la recherche au sein du Ministère
et a déploré la qualité de l'information concernant en parti-
culier les méthodes naturelles;
3) il a fait certaines affirmations générales d'ordre moral et
philosophique.
La rectification faite par M. Vachon quant à une déclaration
de l'autre invité à la même émission, n'apparaît, d'après la
preuve qui m'en a été faite, que très marginale dans l'ensemble
des interventions de M. Vachon.
D'autre part, certains des commentaires qu'il a émis et qui
peuvent être classés dans les catégories 2) et 3) ci-haut sont
sans aucun doute des critiques directes de la politique du
Ministère ou de ses objectifs officiels; ils entrent en conflit avec
cette politique et ces objectifs de même qu'avec les fonctions de
M. Vachon. En particulier, deux déclarations retiennent l'atten-
tion; la première de ces déclarations est à l'effet que «les
canadiens s'acheminent vers un suicide moral collectif» et, en
second lieu, après avoir mentionné que le Canada avait fait son
don de $1,000,000.à l'Inde pour la recherche en planification
familiale, M. Vachon s'est demandé si ce même gouvernement
fédéral serait disposé à faire la même chose pour les Canadiens
eux-mêmes.
Les précisions apportées par M. Vachon lui-même en rapport
avec ses deux déclarations permettent de leur attribuer le
qualificatif de sérieux et de constater qu'elles constituent un
manquement du fonctionnaire concerné à ses obligations; ce
manquement méritait sans aucun doute une sanction et je ne
suis pas d'avis que celle imposée par l'employeur doive être
diminuée dans les circonstances.
Il va sans dire que tout employé, y compris un fonctionnaire,
a droit à ses opinions personnelles et il a certes aussi le droit de
les faire valoir en temps et lieu et de façon judicieuse dans
l'exécution de ses fonctions et dans l'intérêt de son employeur;
dans le présent cas, il appert que M. Vachon divergeait fonda-
mentalement d'opinion sur certaines politiques, sur certains
objectifs et sur certaines pratiques du Ministère. Il a fait, à
l'occasion, connaître ses divergences avec fermeté, pour le
moins, dans son milieu de travail et il découle, de l'ensemble de
la preuve qu'il était plus que normalement en conflit avec la
conduite du Ministère en matière de planification familiale et
d'éducation sexuelle. Toujours d'après la preuve qui m'a été
faite, il apparaît que les déclarations de M. Vachon lors de
l'émission de télévision ne furent que l'expression en public de
son insatisfaction.
Il est à souligner que M. Vachon était au service du Minis-
tère depuis environ treize mois lors de la première transmission
de l'émission et qu'il était encore pendant sa période de stage.
Pour toutes ces raisons, le grief de M. Vachon est rejeté.
Pour la Commission,
Gaston DesCôteaux,
Arbitre et membre de la
Commission.
OTTAWA, le 30 juillet 1977.
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