A-409-78
La Reine du chef du Canada (Requérante)
c.
La Commission des relations de travail dans la
Fonction publique, C. A. Edwards, D. G. Pyle et
R. Steward (Intimés)
et
K. J. MacDonald (Mis-en-cause)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Urie—Ottawa, les 24 et 30 janvier 1979.
Examen judiciaire — Fonction publique — Refus de la
C.R.T.F.P. de désigner comme «personne préposée à la gestion
ou à des fonctions confidentielles.. un avocat de l'Office natio
nal de l'énergie — Ce dernier a fait valoir qu'il occupait un
poste de confiance auprès de l'avocat-conseil général qui,
lui-même, assumait des fonctions et des responsabilités de
direction en ce qui a trait à l'établissement et à l'application de
programmes — La C.R.T.F.P. a-t-elle commis une erreur en
se fondant sur les principes énoncés dans la décision Cuddihy
et Norton pour conclure que le mis-en-cause n'occupait pas un
poste de confiance? — Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 2 — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande introduite en vertu de l'article 28
visant à faire annuler une décision de la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique qui a rejeté la
demande de la requérante qui cherchait à faire désigner comme
«personne préposée à la gestion ou à des fonctions confidentiel-
les* le mis-en-cause, un avocat-conseil à l'Office national de
l'énergie. La requérante n'a fait valoir, devant la Commission,
qu'une seule thèse, savoir que le mis-en-cause tombait dans le
cadre de l'alinéa j) de la définition comme étant une personne
qui occupe un poste de confiance auprès de l'avocat-conseil
général à l'Office national de l'énergie, lui-même une personne
«qui a des fonctions et des responsabilités de direction en ce qui
a trait à l'établissement et à l'application des programmes du
gouvernement*. La requérante allègue que la Commission, en
s'appuyant sur les principes énoncés dans Cuddihy et Norton, a
eu recours à des principes erronés pour trancher la question de
savoir si le mis-en-cause occupait un poste de confiance.
Arrêt: la demande est rejetée. Les prétendus «principes*
appliqués par la Commission sont non seulement erronés mais
sans aucun rapport avec la question à trancher. L'expression
«de confiance* à l'alinéa f) de la définition est employée dans
son sens ordinaire qui, contrairement aux prétentions de la
Commission, ne comporte aucune délégation de fonctions. Un
directeur ne délègue aucune fonction à son avocat-conseil, mais
il reste que l'avocat occupe un poste de confiance auprès du
directeur. La décision de la Commission ne doit pas, toutefois,
être infirmée pour autant. La requérante doit prouver non
seulement que le mis-en-cause occupe un poste de confiance
auprès de l'avocat-conseil général, mais également (1) que
l'avocat-conseil général est une personne «qui a des fonctions et
des responsabilités de direction en ce qui a trait à l'établisse-
ment et à l'application des programmes du gouvernement» et
(2) que le poste de confiance du mis-en-cause relève des
fonctions de direction incombant à l'avocat-conseil général.
L'unique responsabilité de direction de l'avocat-conseil général
est de diriger le contentieux de l'Office national de l'énergie. Si
l'on conclut que le mis-en-cause occupe un poste de confiance
auprès de l'avocat-conseil général, on ne peut dire que ce poste
relève des responsabilités de direction de ce dernier puisque les
fonctions confidentielles du mis-en-cause découlent du fait que
l'avocat-conseil général et lui-même sont tous deux avocats-
conseils à l'Office et, qu'à ce titre, ils doivent travailler en
collaboration.
Arrêt mentionné: Cuddihy et Norton, Recueils de déci-
sions de la C.R.T.F.P K 745.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
E. R. Sojonky pour la requérante.
M. Wexler pour l'Institut professionnel de la
Fonction publique du Canada.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique, Ottawa, pour la Com
mission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique.
L'Institut professionnel de la Fonction publi-
que du Canada, Ottawa, pour l'Institut pro-
fessionnel de la Fonction publique du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'une demande intro-
duite en vertu de l'article 28 visant à faire annuler
une décision de la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique qui a rejeté la
demande présentée par la requérante qui cherchait
à faire désigner comme «personne préposée à la
gestion ou à des fonctions confidentielles» M. Mac-
Donald, avocat-conseil à l'Office national de
l'énergie.
L'article 2 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35,
définit l'expression «personne préposée à la gestion
ou à des fonctions confidentielles»:
2. Dans la présente loi
«personne préposée à la gestion ou à des fonctions confidentiel-
les» désigne toute personne qui
a) occupe un poste de confiance auprès du gouverneur géné-
ral, un ministre de la Couronne, un juge de la Cour suprême
ou de la Cour de l'Échiquier du Canada, le sous-chef d'un
ministère ou d'un département ou le fonctionnaire adminis-
tratif en chef de tout autre élément de la Fonction publique;
ou
b) est employée en qualité de conseiller juridique au minis-
tère de la Justice,
et comprend toute autre personne employée dans la Fonction
publique qui, relativement à une demande d'accréditation
d'un agent négociateur d'une unité de négociation, est dési-
gnée par la Commission, ou qui, chaque fois qu'un agent
négociateur d'une unité de négociation a été accrédité par la
Commission, est désignée de la manière prescrite par l'em-
ployeur, ou par la Commission lorsque l'agent négociateur s'y
oppose, pour être une personne
c) qui a des fonctions et des responsabilités de direction en ce
qui a trait à l'établissement et à l'application des program
mes du gouvernement,
f) qui occupe un poste de confiance auprès de l'une des
personnes décrites aux alinéas b), c), d) ou e), ou
g) qui n'est pas autrement décrite aux alinéas c), d), e) ou f)
mais qui, de l'avis de la Commission, ne devrait pas faire
partie d'une unité de négociation en raison de ses fonctions et
de ses responsabilités envers l'employeur;
La requérante n'a fait valoir, devant la Commis
sion, qu'une seule thèse savoir que M. MacDonald
tombe dans le cadre de l'alinéa f) de la définition
comme une personne qui occupe un poste de con-
fiance auprès de M. F. H. J. Lamar, avocat-conseil
général à l'Office national de l'énergie, ce dernier
étant lui-même une personne «qui a des fonctions
et des responsabilités de direction en ce qui a trait
à l'établissement et à l'application dés programmes
du gouvernement», aux termes de l'alinéa c).
A l'appui de sa demande introduite en vertu de
l'article 28, la requérante fait valoir, comme argu
ment principal, que la Commission a eu recours à
des principes erronés pour trancher la question de
savoir si M. MacDonald occupait un poste de
confiance auprès de M. Lamar. Ces principes sont
les mêmes que ceux énoncés par la Commission
dans une décision antérieure (Cuddihy et Norton,
Recueils de décisions de la C.R.T.F.P. K 745). La
Commission se prononçait alors [aux pages K 747
et K 748] sur l'interprétation à donner de l'alinéa
f) de la définition (à l'époque, sous-alinéa 2u)(vi)):
Il ne nous reste donc qu'à faire des déclarations de principe
très générales sans prétendre pour autant épuiser la question. Il
nous semble que le Parlement a dû vouloir que le sous-alinéa
(vi) visât au moins les circonstances suivantes:
(i) Lorsque les fonctions d'un poste occupé par une personne
décrite au sous-alinéa (ii) à (y) de l'article 2u) sont tellement
lourdes que cette dernière est forcée de déléguer à un autre
une partie importante des fonctions à l'origine de sa désigna-
tion ou du genre qui atteste qu'elle est une personne décrite
au sous-alinéa (ii) à (v) de l'article 2u), et lorsque les
fonctions ainsi déléguées exigent de la compétence, du discer-
nement et de la confiance;
(ii) lorsque les services rendus par une personne qui occupe
un poste confidentiel allégué sont de telle nature que la
personne désignée ou décrite au sous-alinéa (ii) à (v) de
l'article 2u) aurait normalement à s'en remettre dans une
large mesure à la personne «qui occupe le poste de confiance»
pour les accomplir, eu égard à la technologie moderne et
l'organisation du bureau.
Ce deuxième genre de personnes occupant un poste de con-
fiance que je viens de décrire comprendrait, entre autres, une
personne qui fait fonction de secrétaire indispensable auprès
d'une personne désignée ou décrite au sous-alinéa (ii) à (y) de
l'article 2u), cette fonction étant reliée à celles qui ont été à
l'origine de sa désignation ou de sa description. La définition
peut sembler incomplète, mais c'est une difficulté inhérente à la
question difficile que nous devons sans cesse trancher au
moment de déterminer quelles sont les personnes qui occupent
des postes «de confiance».
Il est clair que la Commission a appliqué, en
l'espèce, ces principes. Elle fait état, dans sa déci-
sion, de la question à trancher comme suit:
Conformément aux principes énoncés par la Commission dans
l'affaire Cuddihy et Norton, pour exclure M. MacDonald, il
faut d'abord établir que les fonctions de M. Lamar sont si
lourdes qu'il est tenu de déléguer à M. MacDonald une partie
importante de ses fonctions et de ses responsabilités de direction
en ce qui a trait à l'établissement et à l'application des pro
grammes du gouvernement, et que les fonctions ainsi déléguées
exigent de la compétence, du discernement et de la confiance,
ou encore que les fonctions déléguées par M. Lamar à M.
MacDonald sont d'une nature telle que M. Lamar s'appuierait
normalement dans une grande mesure sur M. MacDonald pour
leur exécution, eu égard à la technologie et aux pratiques
administratives modernes.
L'argument de la requérante est, à mon avis,
bien fondé. Comme je les interprète, les prétendus
«principes» appliqués par la Commission me sem-
blent non seulement erronés mais sans aucun rap
port avec la question à trancher. L'expression «de
confiance» à l'alinéa f) de la définition est
employée dans son sens ordinaire qui, contraire-
ment aux prétentions de la Commission, ne com-
porte aucune délégation de fonctions. Un directeur
ne délègue aucune fonction à son avocat-conseil,
mais il reste que l'avocat occupe un poste de
confiance auprès du directeur.
Par conséquent, la conclusion de la Commission
selon laquelle M. MacDonald n'occupait pas un
poste de confiance auprès de M. Lamar est fondée
sur une erreur de droit.
La décision de la Commission ne doit pas, toute-
fois, être infirmée pour autant. Pour avoir gain de
cause devant la Commission, la requérante aurait
dû prouver non seulement que M. MacDonald
occupait un poste de confiance auprès de M.
Lamar, mais également
(1) que M. Lamar était une personne désignée à
l'alinéa c) comme une personne «qui a des fonc-
tions et des responsabilités de direction en ce qui
a trait à l'établissement et à l'application des
programmes du gouvernement»; et
(2) que le poste de confiance occupé par M.
MacDonald relevait des fonctions de direction
incombant à M. Lamar.
D'après le dossier, M. Lamar n'avait qu'une
seule responsabilité de direction, celle de diriger le
contentieux de l'Office national de l'énergie. Si
l'on conclut que M. MacDonald occupait auprès
de M. Lamar un poste de confiance, on ne peut
dire que ce poste relevait des responsabilités de
direction de ce dernier puisque les fonctions confi-
dentielles de M. MacDonald découlent unique-
ment du fait que M. Lamar et lui-même sont tous
deux avocats-conseils à l'Office et, qu'à ce titre, ils
devaient travailler en collaboration. C'est pourquoi
j'estime que M. MacDonald ne pouvait être dési-
gné comme occupant «un poste de confiance
auprès» d'une personne décrite à l'alinéa c) de la
définition.
Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la
demande.
* * *
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Je souscris à ces
motifs.
* * *
LE JUGE URIE: J'ai lu les motifs du jugement de
mon collègue le juge Pratte et je suis d'accord avec
sa conclusion et ses motifs.
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