A-222-77
Canadien Pacifique Limitée (Appelante)
c.
Travailleurs unis des transports (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Ryan-
Ottawa, le 15 décembre 1977 et le 21 mars 1978.
Compétence — Relations du travail — Contrat de travail
relatif aux chemins de fer — Contrat soumis à la Loi de 1973
sur le maintien de l'exploitation des chemins de fer — L'action
relève-t-elle de la compétence de la Cour sur le fondement du
Code canadien du travail et de la Loi de 1973 sur le maintien
de l'exploitation des chemins de fer ou porte-t-elle simple-
ment sur l'interprétation du contrat en vertu de la législation
provinciale ou encore le contrat a-t-il attribué compétence
exclusive à l'arbitre par suite de l'effet conjoint de la clause
d'arbitrage et de l'art. 155 du Code canadien du travail? —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 23
— Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 154, 155
— Loi de 1973 sur le maintien de l'exploitation des chemins de
fer, S.C. 1973-74, c. 32, art. 13(2), 15, 16.
L'appelante interjette appel contre un jugement rendu par la
Division de première instance rejetant l'action intentée par
cette compagnie, au motif que la Cour n'était pas compétente.
Il s'agit d'une action relative à des relations de travail dans un
travail ou entreprise reliant plusieurs provinces ou s'étendant
au-delà des limites d'une province. L'appelante allègue que sa
demande a été faite en vertu du Code canadien du travail ou de
la Loi de 1973 sur le maintien de l'exploitation des chemins de
fer. L'intimé répond, cependant, que l'action porte simplement
sur l'interprétation de conventions collectives intervenues entre
des sujets, et que ce domaine du droit des contrats ne relève pas
de celui couvert par l'expression «lois du Canada». A titre
subsidiaire, l'intimé allègue que la clause d'arbitrage, lue de
concert avec l'article 155 du Code canadien du travail, a
attribué compétence exclusive à l'arbitre.
Le 25 juin 1971, les parties ont conclu deux conventions
collectives pour la région de l'Ouest et la région de l'Est, ces
conventions devant venir à expiration le 31 décembre 1972. La
révision des conventions a fait l'objet d'un rapport rendu par la
Commission de conciliation en août 1973. Par suite de la grève
déclenchée par certains employés de l'appelante, le Parlement a
adopté la Loi de 1973 sur le maintien de l'exploitation des
chemins de fer qui a prorogé les conventions collectives pendant
la période allant du Zef janvier 1973 à la mise en vigueur des
nouvelles conventions collectives ou au 31 décembre 1974, selon
la première de ces deux dates. La Loi a également prévu la
désignation d'un arbitre pour résoudre les litiges.
A la suite du rapport prévu par l'arbitre en janvier 1974, les
parties ont conclu des conventions collectives en laissant la
question, parmi d'autres, de la «composition de l'équipe» à la
détermination de l'arbitre. L'arbitre a rendu sa décision le 3
décembre 1974, mais n'a rendu publiquement sa sentence sur la
«composition de l'équipe» que le 8 janvier 1975. L'intimé a
demandé à la Cour d'appel de réviser et d'annuler cette sen
tence, par application de l'article 28, mais la Cour a rejeté sa
demande pour le motif que les points litigieux soulevés sont
purement théoriques parce que l'effet de la sentence a été
épuisé. Depuis cette date, les parties ont conclu des conventions
collectives couvrant la période du 1e" janvier 1976 au 31
décembre 1977, mais sans réviser la «composition de l'équipe»
ni y faire des renvois.
Arrêt: l'appel est rejeté. Aux fins de l'article 23 de la Loi sur
la Cour fédérale, les réclamations faites dans la présente action
l'ont été en vertu d'une loi du Parlement du Canada parce
qu'elles ont été intentées relativement à des conventions collec
tives tirant leur caractère juridique du Code canadien du
travail. Ce conflit relatif à la «composition de l'équipe» a
soulevé un problème immédiat d'interprétation, et, comme tel,
relève de la Convention d'arbitrage des chemins de fer cana-
diens. C'était bien là une question à soumettre directement à
l'arbitre, conformément à la procédure prévue dans la Conven
tion d'arbitrage même. Le choix fait dans ce cas par les parties,
à savoir l'arbitrage comme moyen de règlement définitif, cons-
titue une attribution spéciale de compétence pour déterminer
les litiges soulevés dans la présente action. En l'espèce, il s'agit
de conventions collectives de travail, non de contrats commer-
ciaux, et le Code canadien du travail prévoit en cas de conflits
survenus à l'occasion desdites conventions, leur règlement défi-
nitif par voie d'arbitrage ou autrement, selon la convention
intervenue entre les parties, ou par décision rendue sur
demande par le Conseil canadien des relations de travail. Les
parties ont choisi l'arbitrage. Dans ses dispositions pertinentes
relatives au règlement des conflits survenus par suite des con
ventions collectives, le Code canadien du travail donne des
principes directeurs qui, à la différence de ceux applicables aux
contrats commerciaux, s'opposent à ce que les parties fassent
échec à la compétence des tribunaux par des clauses de règle-
ment par arbitrage.
Distinction faite avec les arrêts: Quebec North Shore
Paper Co. c. Canadien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S.
1054; McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine
[1977] 2 R.C.S. 654; Howe Sound Co. c. International
Union of Mine, Mill and Smelter Workers (Canada),
Local 663 [1962] R.C.S. 318; McGavin Toastmaster Ltd.
c. Ainscough [1976] 1 R.C.S. 718.
APPEL.
AVOCATS:
C. R. O. Munro, c.r. et T. J. Maloney pour
l'appelante.
M. W. Wright, c.r. et J. L. Shields pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Le contentieux, Canadien Pacifique Limitée,
Montréal, pour l'appelante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit d'un appel interjeté par
l'appelante Canadien Pacifique Limitée (ci-après
appelée «Canadien Pacifique») contre un jugement
rendu par la Division de première instance [[ 1977 1
2 C.F. 712] le ler avril 1977 rejetant l'action
intentée par cette compagnie contre l'intimé Tra-
vailleurs unis des transports (ci-après appelé «le
Syndicat»), et ce au motif que la Cour n'était pas
compétente.
La détermination d'un litige relatif à la compé-
tence dépend de la question de savoir si l'action a
été intentée en vertu de la compétence conférée à
la Division de première instance par l'article 23 de
la Loi sur la Cour fédérale', S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), c. 10, et si, dans l'affirmative, la compé-
tence de la Cour n'a pas été écartée par le dernier
membre de phrase dudit article 23 ainsi rédigé:
«sauf dans la mesure où cette compétence a par
ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale».
L'action met en cause l'interprétation ou,
comme aurait dit l'appelante, le contenu de certai-
nes conventions collectives conclues entre les par
ties dont l'une, Canadien Pacifique, est un trans-
porteur interprovincial. Il s'agit ainsi d'une action
relative à des relations de travail dans un travail ou
entreprise reliant plusieurs provinces ou s'étendant
au-delà des limites d'une province. Canadien Paci-
fique a allégué que sa demande de redressement a
été faite en vertu du Code canadien du travail 2 ou
en vertu du Code et de la Loi de 1973 sur le
maintien de l'exploitation des chemins de fera
(parfois appelée dans ces motifs la «Loi spéciale»).
Le Syndicat a répondu que l'action porte simple
1 Voici le libellé de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale:
23. La Division de première instance a compétence concur-
rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement,
dans tous les cas où une demande de redressement est faite
en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en
matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la
Couronne est partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ou-
vrages et entreprises reliant une province à une autre ou
s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf dans la
mesure où cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une
attribution spéciale.
2 S.R.C. 1970, c. L-1 modifié.
3 S.C. 1973-74, c. 32.
ment sur l'interprétation de conventions collectives
intervenues entre des sujets, le conflit étant suscep
tible de résolution par l'application des principes et
des règles du droit des contrats, lequel ne relève
pas du domaine couvert par l'expression «lois du
Canada» suivant l'avis de la Cour suprême du
Canada dans ses décisions récentes'. A titre subsi-
diaire, le Syndicat a allégué que, même si la
réclamation était intentée en vertu d'une loi du
Canada, la compétence relative à ladite réclama-
tion avait, par la clause d'arbitrage des conven
tions collectives en question, lue de concert avec
l'article 155 du Code canadien du travail, fait
l'objet d'une attribution spéciale: elle avait été
attribuée exclusivement à l'arbitre.
Les circonstances de fait de la présente action
sont plutôt compliquées.
Le 25 juin 1971, Canadien Pacifique et le Syn-
dicat ont conclu deux conventions collectives, l'une
relative aux chemins de fer de la région du Pacifi-
que et de l'Ouest, l'autre aux chemins de fer de la
région de l'Atlantique et de l'Est. Ces conventions
devaient venir à expiration le 31 décembre 1972.
La révision des accords pour la période commen-
çant le ler janvier 1973 faisait l'objet de concilia
tion, et la Commission de conciliation a rendu son
rapport en août 1973. Par la suite, certains
employés de Canadien Pacifique se sont mis en
grève, mais ceux représentés par le Syndicat n'ont
pas cessé le travail. Le chemin de fer a suspendu
ses activités. Le Parlement a adopté la Loi de 1973
sur le maintien de l'exploitation des chemins de
fer. Canadien Pacifique était requise de reprendre
ses opérations, et ses employés leur travail. Les
conventions collectives conclues entre Canadien
Pacifique et le Syndicat et venues à expiration ont
été prorogées pour englober la période allant du ler
janvier 1973 à la mise en vigueur des nouvelles
conventions collectives ou au 31 décembre 1974,
selon la première de ces deux dates'.
4 Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifi-
que Limitée [1977] 2 R.C.S. 1054 et McNamara Construction
(Western) Limited c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654.
5 Voici le libellé du paragraphe 13(2) de la Loi de 1973 sur le
maintien de l'exploitation des chemins de fer,
13. ...
(2) La durée de chaque convention collective visée par la
présente Partie est prorogée de façon à comprendre la
La Loi autorisait le gouverneur en conseil à
désigner un arbitre et à le saisir, par décret, des
questions relatives à la modification ou à la révi-
sion des conventions collectives faisant l'objet d'un
conflit au moment de l'établissement du décret 6 .
Toute décision rendue par l'arbitre est réputée
incorporée dans les conventions collectives con-
clues entre Canadien Pacifique et le Syndicat, et
lesdites conventions, ainsi modifiées, s'appliquent à
toute période prenant fin au plus tôt le 31 décem-
bre 1974, suivant la détermination de l'arbitre'.
L'honorable Emmett M. Hall a été nommé arbi-
tre. Parmi les sujets de conflit survenus entre
Canadien Pacifique et le Syndicat et dont l'arbitre
a été saisi, il y avait celui communément appelé la
question de [TRADUCTION] «composition de
l'équipe». Canadien Pacifique a «demandé» au
période commençant le 1" janvier 1973 et se terminant soit à
la date où entre en vigueur une nouvelle convention collective
la modifiant ou la révisant, soit le 31 décembre 1974, si cette
dernière date est antérieure à l'autre.
6 Voici le libellé des paragraphes 16(1) et (2) de la Loi:
16. (1) Sur réception, par le ministre du Travail, d'un
rapport de médiateur prévu au paragraphe 15(4), ou lorsque
le ministre du Travail ne nomme pas de médiateur en vertu
des paragraphes 15(1), (2) ou (3), le gouverneur en conseil
peut, sur la recommandation du ministre du Travail nommer
un arbitre.
(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, saisir un
arbitre nommé en vertu du paragraphe (1) de toutes les
questions, relatives à la modification ou à la révision d'une
convention collective visée par la Partie I, II ou III, qui, au
moment de l'établissement du décret, font l'objet d'un conflit
entre les parties à cette convention et prévoir la forme dans
laquelle toute décision de l'arbitre doit être rendue.
L'article 15 de la Loi autorise le ministre du Travail à nommer
des médiateurs.
7 Voici le libellé du paragraphe 16(4) de la Loi:
16. ...
(4) S'il est nommé un arbitre en vertu du paragraphe (1)
et que l'arbitre tranche une question non encore réglée, au
moment de sa décision, entre les parties à une convention
collective visée par la Partie I, II ou III, selon le cas, cette
convention collective est réputée modifiée par l'incorporation
de cette décision dans ladite convention et la convention
collective ainsi modifiée constitue dès lors une nouvelle con
vention collective modifiant ou révisant la convention collec
tive visée par la Partie I, II ou III, selon le cas, qui est en
vigueur pendant la période prenant fin au plus tôt le 31
décembre 1974 que l'arbitre peut fixer.
Syndicat d'inclure dans les conventions collectives
une clause procédurale aux fins de déterminer
dans des cas spécifiques si le nombre d'employés
dans les fourgons des trains de marchandises
devait être réduit de deux à un. Le Syndicat s'y est
opposé.
L'honorable Hall a rédigé un rapport en date du
16 janvier 1974. En ce qui concerne la composition
de l'équipe, il a dit qu'il faudrait faire quelques
essais de fonctionnement à personnel réduit avant
qu'il arrive à une décision en la matière. Il s'est
ainsi prononcé:
[TRADUCTION] Jusqu'au 30 juin, je m'abstiendrai de me
prononcer au sujet de ce changement de règle, tout comme je
l'ai fait relativement à la question de sécurité de l'emploi. Après
le 1°r juillet 1974, je fixerai la date et le lieu de l'audition des
représentants et je rendrai une ordonnance ou sentence, sous
réserve des circonstances du moment. En attendant, il n'y aura
aucun changement.
Canadien Pacifique et le Syndicat ont conclu le
P r février 1974 des conventions mettant à exécu-
tion la sentence rendue le 16 janvier par le juge
Hall; l'une de ces conventions était relative à la
région de l'Atlantique et de l'Est, et l'autre à celle
des Prairies et du Pacifique. Les deux étaient
identiques à tous les points de vue pertinents.
Chacune d'elles contenait la clause suivante:
[TRADUCTION] Réduction de l'équipe dans toutes les catégories
de services de marchandises
La demande de la Compagnie (réduction de l'équipe dans
toutes les catégories de services de marchandises) doit être
réglée de la manière spécifiée dans le rapport de l'arbitre
(arbitrage des chemins de fer 1973) en date du 16 janvier 1974.
Comme il l'a indiqué, le juge Hall a, pendant
l'été de 1974, entendu d'autres doléances relatives
à la composition de l'équipe. Les événements sur-
venus postérieurement à ces auditions ont été
détaillés dans la convention passée entre les parties
relativement aux faits; ladite convention avait été
préparée aux fins du présent procès. En voici un
extrait (les références à la demanderesse et au
défendeur concernent, respectivement, Canadien
Pacifique et le Syndicat):
[TRADUCTION] Le 3 décembre 1974, l'honorable Emmett M.
Hall, que les plaidoiries mentionnent comme arbitre dans le
présent procès (ci-après appelé «l'arbitre») a rendu une décision
sur les quatre matières réservées dans sa sentence du 16 janvier
1974, savoir: la sécurité de l'emploi, l'application du pro
gramme de sécurité de l'emploi aux employés du quai, la
renonciation à certaines dispositions des conventions par
entente préalable, et la composition de l'équipe. Il a rendu sa
sentence à cet effet et l'a envoyée au ministère du Travail
Canada aux fins de communication aux parties.
Vers le 3 décembre 1974, un fonctionnaire du ministère du
Travail a informé des dirigeants du défendeur que ladite sen
tence était plus favorable aux chemins de fer qu'au Syndicat.
Au début de novembre 1974, les négociations en vue de la
conclusion de nouvelles conventions entre le défendeur et les
principales compagnies canadiennes de chemins de fer, y com-
pris la demanderesse, ont atteint le stade de conventions provi-
soires relatives à leurs modalités, sous réserve seulement de
ratification par les adhérents. Le défendeur procédait alors à un
scrutin référendaire parmi ses adhérents dans tout le Canada,
relativement à ladite ratification.
Vers le 5 décembre 1974, un dirigeant du défendeur s'est
déclaré, à la fois auprès de l'arbitre et d'un fonctionnaire du
ministère du Travail, préoccupé parce que la publication d'une
sentence défavorable, en particulier à ce moment, pourrait
avoir un effet malheureux sur le résultat du scrutin de ratifica
tion, et a suggéré d'éviter ledit effet en retardant la publication
de la sentence jusqu'à la fin du vote. Par suite de ces doléances
du défendeur à l'arbitre, celui-ci a consulté le ministère du
Travail, et l'arbitre et le Ministère se sont mis d'accord pour
décider de diviser la sentence du 3 décembre 1974 en deux
parties, celle relative à la sécurité de l'emploi, à l'application du
programme de sécurité de l'emploi aux employés du quai et à la
renonciation à certaines dispositions des conventions par
entente préalable, devant être publiée en temps prévu, et l'au-
tre, relative à la composition de l'équipe, devant l'être au début
de la nouvelle année.
En conséquence, une sentence portant la date du 9 décembre
1974 a été publiée vers cette date, en ce qui concerne les trois
premiers problèmes, et une sentence séparée, relative à la
composition de l'équipe et portant la date du 8 janvier 1975, a
été publiée vers cette date.
La sentence portant la date du 8 janvier 1975 était, à tout point
de vue, la même que celle non publiée et portant la date du 3
décembre 1974 et aurait été publiée avec celle portant la date
du 9 décembre 1974, si des doléances n'avaient pas été présen-
tées à l'arbitre comme on l'a dit.
Le juge Hall a rendu sa sentence sur la question
de composition de l'équipe le 8 janvier 1975. Elle
permet à Canadien Pacifique de réduire, dans
certains cas, le personnel des trains de marchandi-
ses. Des règles pratiques ont été prévues pour les
autres cas.
Il faut noter ici que le 11 décembre 1974, Cana-
dien Pacifique et le Syndicat stipulent ce qui suit
sous le titre DURÉE DE LA CONVENTION:
[TRADUCTION] La présente convention entre en vigueur le 1"
janvier 1975, et remplace toutes conventions, décisions ou
interprétations antérieures en contradiction avec elle. Elle res-
tera en vigueur jusqu'au 31 décembre 1975 et après cette date,
jusqu'à ce qu'elle soit révisée ou remplacée, sous réserve d'un
préavis de trois mois donné par l'une des parties postérieure-
ment au 30 septembre 1975.
Les conventions contiennent des dispositions relati
ves à des matières telles que le taux des salaires,
les congés annuels, le personnel des gares de triage,
les congés payés, la santé et le bien-être. Elles ne
comportent aucune disposition spéciale relative à
l'arbitrage et à la composition de l'équipe. Il
appert évidemment que les conventions en vigueur
immédiatement avant la conclusion de celles du 11
décembre 1974 devaient le rester jusqu'en 1975
comme modalités des nouvelles conventions, sauf
dans la mesure des modifications apportées par ces
dernières. Canadien Pacifique soutient que la sen
tence rendue par le juge Hall au début de décem-
bre 1974 et publiée le 8 janvier 1975 est devenue
partie intégrante des conventions collectives en
vigueur en 1974, au moment où a été rendue la
sentence sur la composition de l'équipe. Selon
Canadien Pacifique, il en est ainsi par application
du paragraphe 16(4) de la «Loi spéciale». La
clause concernant la composition de l'équipe est
restée valable dans les conventions de 1975 parce
qu'elle n'était pas en contradiction avec les modali-
tés des conventions conclues le 11 décembre 1974
et mises en vigueur le Zef janvier 1975.
Après que le juge Hall ait rendu sa sentence sur
la composition de l'équipe en janvier 1975, le
Syndicat a demandé à la Cour d'appel fédérale
d'annuler ladite sentence, par application de l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Les événe-
ments survenus relativement à cette demande faite
en vertu de l'article 28 ont été énoncés de la façon
suivante dans la déclaration convenue des faits
(dans ladite demande, le requérant est bien
entendu le Syndicat et les intimées sont Canadien
Pacifique et la Compagnie des chemins de fer
nationaux du Canada):
[TRADUCTION] La demande a été entendue les 8 et 9 juillet
1975. Le requérant (défendeur dans la présente action) n'a pas
invoqué, dans son mémoire des plaidoiries ou dans les plaidoi-
ries faites par son avocat, le fait que la date et la publication de
la sentence soient postérieures au 31 décembre 1974, mais le
second jour de l'instance dans sa réponse à l'avocat du Syndi-
cat, la Cour ex proprio motu s'est exprimée dans les termes
suivants:
La Cour n'a pas l'impression que la décision arbitrale atta-
quée dans les présentes procédures ait une incidence sur
l'exploitation des chemins de fer ou sur les conventions
collectives y afférentes postérieures à la fin de 1974. Son
effet, si elle en a eu un, semble épuisé. La Cour n'est donc
nullement convaincue que les points litigieux soulevés soient
autres que purement théoriques et qu'elle puisse y apporter
un quelconque redressement.
Sur ce, à la demande de l'avocat du requérant, la matière a été
ajournée, quitte au requérant ou aux intimées d'en saisir de
nouveau le tribunal pour audition supplémentaire. L'avocat du
requérant a immédiatement attiré l'attention de l'arbitre sur
cette situation.
Après des consultations entre l'avocat du requérant et celui des
intimées dans ladite demande faite en vertu de l'article 28, la
matière a été évoquée le 3 septembre 1975 pour audition
supplémentaire, et l'avocat du demandeur (l'intimé dans ladite
demande), avec l'accord de l'avocat du requérant, a essayé de
déposer plusieurs documents, dont des copies des pièces 12, 13,
22, 23, 27 et 28 et les pièces jointes à la pièce 24 dans
l'interrogatoire préalable mentionné au paragraphe A des
présentes.
La Cour d'appel fédérale a refusé d'admettre ou d'examiner les
documents présentés et a répété les observations antérieurement
faites, à savoir que les points litigieux de la demande faite en
vertu de l'art. 28 étaient purement théoriques, et lorsqu'elle a
fait appel à l'avocat du requérant pour exprimer son point de
vue sur ce sujet, il a donné son accord au rejet de la demande.
A la suite de quoi, la Cour a rejeté la demande faite en vertu de
l'article 28.
Après ce rejet de ladite demande requérant l'an-
nulation de la sentence arbitrale sur la composition
de l'équipe, Canadien Pacifique et la Compagnie
des chemins de fer nationaux du Canada ont avisé
le Syndicat de leur intention d'appliquer la sen
tence, au motif que le susdit rejet signifiait qu'il
fallait considérer la sentence comme ayant été
valablement rendue. On comprend que le Syndicat
ait rejeté cette hypothèse. Les compagnies ont
aussi soutenu que les conventions collectives de
1975, conclues par les parties le 11 décembre
1974, englobaient les modalités de la sentence
arbitrale relative à la composition de l'équipe. Il
était soutenu que, même si du point de vue juridi-
que la sentence cessait de s'appliquer à la fin de
1974, elle avait été adoptée par les parties en tant
que clause contractuelle et était ainsi devenue
partie intégrante des conventions collectives de
1975. Dans une lettre du 12 septembre 1975, le
Syndicat a, par l'intermédiaire de son avocat,
rejeté cette allégation, et a déclaré s'opposer à
l'application de la sentence par les compagnies des
chemins de fer.
Canadien Pacifique a intenté le 5 novembre
1975 devant la Division de première instance, la
présente action visant à faire déclarer que les
modalités de la sentence relative à la composition
de l'équipe faisaient partie intégrante des conven
tions alors en vigueur entre Canadien Pacifique et
le Syndicat.
De nouvelles conventions, conclues le 21 juillet
1976, stipulaient que les conventions collectives en
vigueur devaient être révisées conformément aux
nouvelles modalités, et que les conventions con-
clues en conséquence devaient entrer en vigueur le
ler janvier 1976. Comme dans les accords anté-
rieurs, il était stipulé que lesdites conventions rem-
placeraient toutes conventions antérieures qui leur
seraient contraires; que les nouvelles conventions
resteraient en vigueur jusqu'au 31 décembre 1977
et, postérieurement à cette date, jusqu'à leur révi-
sion ou remplacement, sous réserve d'un préavis
donné par l'une des parties du 30 septembre 1977.
Avant le commencement du procès, la déclaration
a été modifiée pour tenir compte des deux nouvel-
les conventions s'appliquant du ler janvier 1976 au
31 décembre 1977.
L'action a été rejetée et le présent appel
introduit.
L'appelante a soutenu que l'action visant à faire
déclarer que la sentence relative à la composition
et des conventions subséquentes, demandait un
redressement ou une réparation en vertu d'une loi
du Parlement du Canada parce que les conventions
collectives faisant l'objet de ladite action tiraient
du Code canadien du travail leur caractère d'actes
juridiques. Ainsi l'action a été pertinemment inten-
tée en vertu des pouvoirs conférés à la Division de
première instance par l'article 23 de la Loi sur la
Cour fédérale.
Évidemment, le redressement ou réparation est
demandé en vertu d'une loi si ledit redressement
ou réparation a été expressément prévu dans la loi.
Mais il a été soutenu qu'un redressement ou répa-
ration est aussi demandé en vertu d'une loi si la
cause de l'action est fondée sur des obligations
juridiques tirant leur vigueur des conditions de la
loi. Dans le présent cas, on cherche une réparation
relative à des conventions collectives qui n'engen-
dreraient aucune obligation juridique n'eût été le
Code canadien du travail.
A cause de son accréditation et des droits et
obligations dérivés du Code, le Syndicat a acquis
la capacité juridique de conclure des conventions
collectives en tant qu'entité distincte 8 . Ces conven
tions collectives ont force obligatoire pour les par
ties ainsi que les employés faisant partie de l'unité
de négociation en vertu de l'article 154 du Code
canadien du travail, libellé en ces termes:
154. Une convention collective conclue par un agent négo-
ciateur et un employeur pour une unité de négociation lie, aux
fins de la présente Partie et sous réserve de celle-ci,
a) l'agent négociateur;
b) tout employé de l'unité de négociation; et
c) l'employeur.
D'autres articles du Code régissent, à certains
égards, les modalités des conventions collectives et
leur durée 9 .
Dans l'arrêt The Winnipeg Teachers'
Association 10 , le juge en chef Laskin s'est prononcé
ainsi en ce qui concerne le caractère juridique
d'une Convention collective examinée séparément
de la législation:
Je n'arrive pas à comprendre comment la responsabilité pour
violation de convention collective peut dériver du common law
qui, dans ce pays, ne reconnaît pas l'autorité juridique d'une
convention collective ...
Je suis d'avis qu'aux fins de l'article 23 de la Loi
sur la Cour fédérale, les réclamations faites dans
la présente action l'ont été en vertu d'une loi du
Parlement du Canada parce qu'elles ont été inten-
tées relativement à des conventions collectives
tirant leur caractère juridique du Code canadien
du travail". L'action relève aussi d'une loi du
Canada, à savoir ledit Code.
8 Voir International Brotherhood of Teamsters c. Therien
[1960] R.C.S. 265, spécialement à la page 277.
8 Voir par exemple le Code canadien du travail, articles 160
et 161.
10 The Winnipeg Teachers' Association No. I of the Manito-
ba Teachers' Society c. The Winnipeg School Division No. I
[1976] 2 R.C.S. 695, à la page 709. Le juge en chef a exprimé
un avis dissident, lequel n'affaiblit cependant en rien la citation
aux fins du présent procès.
" Je sais bien que l'article 23 concerne une demande de
redressement «... faite en vertu d'une loi du Parlement du
Canada ....» D'autre part, l'article 22 parle de demande de
redressement «... faite en vertu du droit maritime canadien ou
d'une autre loi du Canada en matière de navigation ...», et
l'article 25 de demande de redressement «... faite en vertu du
droit du Canada ....» Cependant, la version française de
l'article 23 est ainsi libellée: «... où une demande de redresse-
ment est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ....»
L'important problème suivant consiste à exami
ner si les clauses d'arbitrage convenues entre les
parties ont pour conséquence d'écarter la compé-
tence de la Division de première instance en vertu
de l'article 155 du Code canadien du travail et en
vertu du dernier membre de phrase de l'article 23
de la Loi sur la Cour fédérale.
Les parties à la présente action (et d'autres) ont
créé par convention en date du ler septembre 1971
le [TRADUCTION] «Bureau d'arbitrage des chemins
de fer canadiens». Je renverrai à ce document
comme [TRADUCTION] «Convention d'arbitrage
des chemins de fer canadiens». En voici les parties
pertinentes:
[TRADUCTION] BUREAU D'ARBITRAGE DES CHEMINS DE FER
CANADIENS
CONVENTION conclue le 1e` septembre 1971 pour modifier et
renouveler la convention initiale en date du 7 janvier 1965
établissant le Bureau d'arbitrage des chemins de fer canadiens
(modifiée et renouvelée depuis cette dernière date).
Les signataires des présentes se sont accordés sur ce qui suit:
1. Il est établi à Montréal (Canada) un Bureau d'arbitrage des
chemins de fer canadiens, ci-après appelé «Bureau d'arbitrage».
4. La compétence de l'arbitre, dans chaque cas, à la demande
d'une compagnie de chemins de fer ou d'un ou de plusieurs de
ses employés représentés par un agent négociateur, et signatai-
res à la présente convention, s'étendra et sera limitée à
l'arbitrage:
(A) des différends relatifs au sens ou à la prétendue violation
d'une ou plusieurs des clauses d'une convention collective
valide et en vigueur entre cette compagnie et l'agent négocia-
teur, y compris les réclamations relatives à ces clauses
comme quoi un employé a été injustement châtié ou congé-
dié; et
(B) d'autres différends qui, en vertu d'une clause d'une
convention collective valide et en vigueur entre cette compa-
gnie de chemins de fer et l'agent négociateur, doivent être
renvoyés devant le Bureau d'arbitrage des chemins de fer
canadiens pour règlement définitif et comminatoire par voie
d'arbitrage,
mais cette compétence doit toujours être assujettie à la présen-
tation du différend au Bureau d'arbitrage, strictement en
accord avec les termes de cette convention.
5. La requête en arbitrage d'un différend est faite par dépôt
d'un avis au Bureau d'arbitrage au plus tard le huitième jour du
mois précédant celui od l'audition doit avoir lieu, et, le jour
même dudit dépôt, copie de l'avis doit être transmise à l'autre
partie du différend. La requête en arbitrage d'un différend visé
au paragraphe (A) de la clause 4 doit être accompagnée d'un
exposé conjoint. La requête en arbitrage d'un différend visé au
paragraphe (B) de la clause 4 doit être accompagnée de tous les
documents spécialement requis par les clauses de la convention
collective régissant le litige en question. Le deuxième mardi de
chaque mois, l'arbitre entendra les différends ayant fait l'objet
de requêtes déposées à son bureau, conformément à la procé-
dure énoncée à la clause 5. Aucune requête ne sera entendue
pendant le mois de congé de l'arbitre, mois qui sera déterminé à
l'occasion, et aucune requête ne sera entendue durant tout
autre mois si au moins deux requêtes déposées avant le hui-
tième jour du mois précédent ne sont en instance d'audition,
mais l'audition d'un différend ne doit pas être retardée de plus
d'un mois pour cette seule raison.
6. Toujours sous réserve des dispositions de la présente conven
tion, l'arbitre établira en conformité avec les dispositions de la
présente convention les règlements nécessaires de l'audition des
différends, et il pourra modifier ces règlements de temps en
temps au besoin.
7. Aucun différend décrit au paragraphe (A) de la clause 4 ne
peut être renvoyé à l'arbitre à moins qu'il n'ait été examiné
jusqu'au dernier stade de la procédure de grief prévue par la
convention collective applicable. Faute de solution définitive
obtenue par suite de ladite procédure, la requête en arbitrage
peut être déposée, mais seulement de la manière et durant le
délai prévus à cet effet dans la convention collective en vigueur
ou, si la convention collective applicable ne prévoit aucun délai
concernant les différends du genre décrit au paragraphe (A) de
la clause 4, dans les 60 jours à compter de la date à laquelle la
décision a été rendue au dernier stade de la procédure de grief.
Aucun différend décrit au paragraphe (B) de la clause 4 ne
peut être renvoyé à l'arbitre à moins qu'il n'ait été examiné au
long des étapes antérieures spécifiées dans la convention collec
tive applicable.
8. L'exposé conjoint du différend, mentionné à la clause 5 des
présentes, doit énoncer les circonstances dudit différend et
renvoyer à une ou des dispositions spécifiques de la convention
collective lorsqu'il est allégué que celle-ci a été mal interprétée
ou violée. Lorsque les parties ne peuvent pas s'accorder sur un
exposé conjoint, l'une quelconque d'entre elles peut, sur préavis
écrit de quarante-huit (48) heures donné à l'autre partie,
demander à l'arbitre la permission de soumettre un exposé
séparé et qu'il procède à l'audition. L'arbitre a seul pouvoir
d'accueillir ou de rejeter cette demande.
12. La décision de l'arbitre doit être limitée au différend et aux
questions énoncées dans l'exposé conjoint des parties ou dans
des exposés séparés, selon le cas, ou, lorsque la convention
collective applicable définit elle-même et limite les points liti-
gieux, les conditions ou les questions soumises à l'arbitrage, la
décision doit se limiter auxdits litiges, conditions ou questions.
L'arbitre doit communiquer sa décision par écrit, en même
temps que ses motifs écrits, aux parties concernées, et ce dans
les 30 jours suivant la clôture de l'audition, à moins que ledit
délai n'ait été prorogé avec l'accord des parties, et sauf lorsque
la convention collective en vigueur prévoit expressément un
délai différent, lequel serait alors applicable.
Dans tous les cas, la décision de l'arbitre ne doit rien ajouter
aux stipulations de la convention collective applicable, ni les
modifier, les abroger ou les écarter.
13. Toute décision rendue par l'arbitre en vertu de la présente
convention est définitive et lie la Compagnie de chemins de fer,
l'agent de négociation et tous les employés concernés.
Les conventions collectives elles-mêmes contien-
nent des dispositions relatives au règlement des
griefs. Il appert que les parties suivent la pratique
d'appliquer les conventions pendant la période con-
venue, quitte à les renouveler ensuite avec des
modifications. En d'autres termes, une nouvelle
convention n'est pas composée d'un document
unique et complet, mais est faite des modalités de
la convention précédente, modifiées par suite de
négociations sur les demandes des parties. De
temps en temps, celles-ci procèdent à une refonte
de ces documents, comme il a été fait pour les
conventions concernant la région des Prairies et du
Pacifique. La nouvelle convention issue de la
refonte a été mise en vigueur le lei janvier 1971.
Voici en partie le libellé de son article 39:
[TRADUCTION] ARTICLE 39
PROCÉDURE DE GRIEF
a) Une réclamation de salaire non accueillie sera rapidement
renvoyée. A défaut de renvoi à l'employé concerné dans les 60
jours civils, le salaire réclamé sera payé.
Lorsqu'une réclamation est rejetée en partie, l'employé en
sera rapidement avisé avec les motifs à l'appui et la partie
acceptée figurera dans la feuille de paye en cours.
b) Tout grief relatif à l'interprétation ou à la violation
alléguée d'une ou de plusieurs dispositions de la présente con
vention collective doit être examiné de la manière suivante:
Stade 1—Présentation du grief au surveillant immédiat
Dans les 60 jours à compter de la date de la cause du grief,
l'employé ou le président de la section locale peut présenter, par
écrit, le grief au surveillant immédiat désigné, lequel rendra
une décision par écrit le plus tôt possible, en tout cas dans les
60 jours civils de la date d'appel.
Stade 2—Appel au surintendant
Dans les 60 jours à compter de celui où la décision a été
rendue au stade 1, le président de la section locale peut faire
appel de la décision devant le surintendant.
L'appel doit comprendre une déclaration écrite de grief, en
même temps que l'identification de la ou des dispositions de la
convention collective prétendument mal interprétées ou violées.
Une décision sera rendue par écrit dans les 60 jours civils de la
date de l'appel.
Stade 3—Appel au directeur régional
Dans les 60 jours civils à compter du jour où la décision a été
rendue au stade 2, le président général peut faire, par écrit,
appel de la décision devant le directeur régional, qui rendra sa
décision par écrit dans les 60 jours civils de la date de l'appel.,
La décision du directeur régional sera définitive et exécutoire, à
moins que, dans les 60 jours civils de la date de sa décision, des
procédures ne soient instituées pour soumettre le grief au
Bureau d'arbitrage des chemins de fer canadiens aux fins
d'obtenir une décision définitive et exécutoire sans arrêt du
travail.
Dans sa dernière partie, la convention issue de la
refonte contient la clause suivante:
[TRADUCTION] Règlement définitif des litiges sans arrêt du
travail
Tout désaccord entre les parties à la présente convention relatif
au sens ou à la violation de celle-ci et qui ne peut être réglé
d'un commun accord, doit être soumis au Bureau d'arbitrage
des chemins de fer canadiens pour règlement définitif sans arrêt
du travail.
La convention relative à la région de l'Est et de
l'Atlantique contient des dispositions semblables.
Le libellé de l'article 39 est essentiellement le
même dans les deux conventions. La clause préci-
tée intitulée [TRADUCTION] «Règlement définitif
des litiges sans arrêt du travail» a été reprise au
début de la convention relative à la région de l'Est
et de l'Atlantique, mais sans son titre.
L'appelante a soutenu que les clauses d'arbi-
trage ne couvrent pas l'objet de l'action, que la
déclaration recherchée ne se rapporte pas au sens
de la sentence arbitrale; elle devrait plutôt décider
si la sentence constituait une clause des conven
tions pertinentes. L'appelante a allégué que la
question soulevée dans les demandes touche la
nature des conventions, et non leur sens.
Le juge de première instance a rejeté cette
allégation, avec raison selon moi. Il a dit [[1977] 2
C.F. 712, aux pages 722 et 723] que les termes de
la Convention d'arbitrage des chemins de fer cana-
diens sont clairs: «Ils embrassent la question
actuellement portée devant cette cour, à savoir: la
convention collective en vigueur inclut-elle ou non
la décision arbitrale sur la `composition de
l'équipe'? Il ne peut s'agir là que d'un différend
sur le sens d'une convention collective.»
L'appelante a fait valoir un argument supplé-
mentaire qui me paraît de caractère très techni
que. Si j'ai bien compris, elle soutient que l'exposé
de la demande, dans la mesure où il se rapporte
aux conventions collectives de 1975, n'a soulevé
aucun litige susceptible d'une décision arbitrale
car on vise à obtenir une déclaration relative au
contenu et à l'interprétation de conventions qui ont
été remplacées par celles de 1976-1977, et, en
vertu de la clause 4(A) de la Convention d'arbi-
trage des chemins de fer canadiens, seuls les litiges
relevant des conventions collectives en vigueur sont
susceptibles d'arbitrage. Il est ainsi donné à enten-
dre qu'après le remplacement des conventions de
1975, tout litige relatif à leur sens, n'ayant pas été
soumis à l'arbitrage, peut faire l'objet d'une action.
Cette allégation, me semble-t-il, est fondée sur une
interprétation étroite inadmissible de la Conven
tion d'arbitrage et des conventions collectives.
Les discussions sur le sens des conventions col
lectives de 1975 ont commencé en 1975 et ont
continué après cette date. Les conventions du 21
juillet 1976 n'ont rien changé aux clauses d'arbi-
trage des conventions collectives de 1975. Chacune
des conventions commence par la phrase: [TRA-
DUCTION] «La convention collective en cours doit
être révisée ainsi qu'il suit ...» et finit par la même
phrase que les conventions antérieures: [TRADUC-
TION] «La présente convention entre en vigueur le
1" janvier 1976 et remplace toute convention anté-
rieure ... contraire à ses dispositions ...» [c'est
moi qui souligne]. A mon avis, il ne serait pas
réaliste d'en conclure que tout litige commencé en
1975 serait écarté de la procédure d'arbitrage à
moins que la procédure ait commencé avant l'en-
trée en vigueur des conventions de 1976-1977. Une
telle interprétation reviendrait à rejeter le principe
de continuité du processus de négociation appliqué
par les parties pendant de si nombreuses années.
En réalité, l'allégation de l'appelante, si toutefois
elle est défendable, fait penser qu'on a manqué
l'occasion de recourir à la seule autorité compé-
tente.
L'allégation suivante a aussi été avancée: si l'on
admet que le litige est relatif au sens des conven
tions collectives, l'employeur Canadien Pacifique
ne pouvait pas le soumettre à l'arbitrage en vertu
desdites conventions. Par application de la clause 7
de la Convention d'arbitrage des chemins de fer
canadiens, ce litige ne pouvait, a-t-on soutenu,
faire l'objet d'une sentence arbitrale avant d'avoir
été examiné jusqu'au dernier stade de la procédure
de grief prévue par les conventions collectives.
L'article 39 desdites conventions s'applique seule-
ment aux griefs soulevés par le Syndicat ou par un
employé. Canadien Pacifique ne peut donc pas
déclencher une procédure de grief conduisant à
l'arbitrage, de sorte que la Convention d'arbitrage
des chemins de fer canadiens ne s'appliquerait pas
à l'objet de l'action.
Une fois encore, cette interprétation de la Con
vention d'arbitrage est trop étroite. Cette dernière
confère compétence à l'arbitre, sur demande d'une
compagnie de chemin de fer ou d'un ou de plu-
sieurs de ses employés représentés par l'agent de
négociation, sur les conflits relatifs, entre autres,
au sens de la convention collective. Les clauses 5 et
8 de la Convention d'arbitrage prévoient la procé-
dure d'introduction de la demande en cas de litige.
Il me semble que le premier paragraphe de la
clause 7 s'assure seulement qu'en cas de litige
comportant un grief invoqué par un employé, la
procédure de grief soit pleinement suivie avant de
recourir à l'arbitrage. L'allégation aurait aussi
pour effet d'écarter la disposition générale des
conventions collectives requérant de soumettre au
Bureau d'arbitrage des chemins de fer canadiens,
pour règlement définitif sans arrêt de travail, tout
différend relatif au sens des conventions, et qui n'a
pu être réglé par accord mutuel.
A mon avis, il y a eu conflit entre Canadien
Pacifique et le Syndicat relativement au sens des
conventions collectives en vigueur et valables, au
moins depuis l'échange de lettres entre les avocats
des parties en septembre 1975. Le conflit est sur-
venu du fait que les compagnies de chemin de fer
ont manifesté leur intention d'appliquer la sen
tence relative à la composition de l'équipe, soule-
vant ainsi un problème immédiat d'interprétation.
Il relevait alors, à mon avis, de la Convention
d'arbitrage des chemins de fer canadiens, même si
elle ne vise pas le grief présenté par un employé,
qui devrait être traité suivant les stades successifs
de la procédure des griefs. C'était bien là une
question à soumettre directement à l'arbitre, con-
formément à la procédure prévue dans la Conven
tion d'arbitrage même.
Comme dernière allégation, l'appelante a sou-
tenu que, même si l'objet de l'action relève de la
Convention d'arbitrage des chemins de fer cana-
diens, la compétence de la Division de première
instance n'est pas mise en échec par la disposition
de la Convention concernant le règlement définitif.
En ce qui touche cette allégation, je commence-
rai par renvoyer à la clause 13 de la Convention
d'arbitrage des chemins de fer canadiens, laquelle
stipule qu'une décision rendue par l'arbitre sera
définitive et obligatoire. Je renvoie ensuite à l'arti-
cle 155 du Code canadien du travail dont voici le
libellé:
155. (1) Toute convention collective doit contenir une clause
de règlement définitif, sans arrêt de travail, par voie d'arbitrage
ou autrement, de tous les conflits surgissant, à propos de
l'interprétation, du champ d'application, de l'application ou de
la présumée violation de la convention collective, entre les
parties à la convention ou les employés liés par elle.
(2) Lorsqu'une convention collective ne contient pas de
clause de règlement définitif ainsi que l'exige le paragraphe (1),
le Conseil doit, par ordonnance, sur demande de l'une des
parties à la convention collective, établir une telle clause, et
celle-ci est censée être une disposition de la convention collec
tive et lier les parties à la convention collective ainsi que tous
les employés liés par celle-ci.
L'article 155 établit un mode de règlement défi-
nitif, sans arrêt du travail, pour tout litige survenu
en vertu des conventions collectives. Toute conven
tion doit contenir une disposition relative au règle-
ment définitif des conflits des genres spécifiés au
paragraphe (1). Les parties à la convention sont
ainsi tenues de prévoir des dispositions pour un
règlement définitif par arbitrage ou par quelque
autre moyen, faute de quoi (peut-être par suite du
défaut, commis de bonne foi, de choisir une
méthode), la Commission elle-même prendra ces
dispositions à la demande de l'une des parties, et
lesdites dispositions seront parties intégrantes des
conventions collectives. C'est dans ce contexte qu'il
faut déterminer l'effet du dernier membre de
phrase de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédé-
rale. A mon avis, le choix ( fait dans ce cas par les
parties, à savoir l'arbitrage comme moyen de
règlement définitif, constitue une attribution spé-
ciale de compétence pour déterminer les litiges
soulevés dans la présente action.
Il est vrai que les parties auraient pu choisir une
autre méthode, comme elles auraient pu n'en choi-
sir aucune et, en conséquence, le Conseil canadien
des relations du travail aurait pu être obligé de
fournir une disposition de règlement définitif à la
demande d'une partie. Bien entendu, je reconnais
que le Conseil n'est tenu de le faire que sur
demande de l'une des parties. Cependant, le para-
graphe 155(1) requiert que toute convention col
lective fournisse une méthode de règlement défini-
tif sans arrêt du travail, et les parties à la
convention ont choisi l'arbitrage comme méthode.
Il n'est pas nécessaire de se demander ce qu'aurait
été la situation si elles ne l'avaient pas fait.
L'appelante s'est fondée dans une grande
mesure sur la décision rendue par la Cour suprême
du Canada dans Howe Sound Company c. Inter
national Union of Mine, Mill and Smelter Wor
kers (Canada), Local 663 12 . Je ne vois, cependant,
pas comment l'arrêt cité pourrait aider à la solu
tion du présent procès. En ce qui nous concerne, la
décision rendue dans Howe Sound est intéressante
en ce qu'il y est jugé que la décision d'une commis
sion d'arbitrage intervenue en vertu d'une conven
tion collective prévoyant un règlement définitif par
l'arbitrage, n'était pas une décision rendue par un
tribunal statutaire parce que, si nous nous rappe-
lons que quelque autre méthode de règlement défi-
nitif aurait pu être choisie en vertu des dispositions
de la loi en cause, comme elle aurait pu l'être dans
la présente affaire, la méthode de l'arbitrage
n'était pas statutairement requise. La décision
rendue par la Commission d'arbitrage n'était donc
pas susceptible d'examen par certiorari. A mon
avis, il ne s'ensuit cependant pas que la méthode
d'arbitrage choisie par les parties aux conventions
collectives dans le présent procès comme méthode
de règlement définitif des conflits, lorsqu'on l'exa-
mine dans le contexte de l'article 155 du Code
canadien du travail, ne constituait pas une attribu
tion spéciale de compétence, relativement à l'objet
de l'action, et ce aux fins de l'article 23 de la Loi
sur la Cour fédérale.
L'appelante s'est aussi fondée sur une jurispru
dence bien connue établissant qu'en ce qui con-
cerne les contrats commerciaux et d'autres con-
trats valables en vertu du common law, une
stipulation relative au règlement définitif des con-
flits par l'arbitrage ne fait pas échec à la compé-
tence des tribunaux, mais peut tout au plus entraî-
ner la suspension des procédures si une action est
intentée devant la Commission d'arbitrage. La pré-
sente affaire relève, cependant, d'un article de la
Loi sur la Cour fédérale qui attribue compétence à
la Division de première instance de la Cour dans
12 [1962] R.C.S. 318.
une série de cas spéciaux, l'attribution étant faite
sous réserve de restrictions expresses. Nous avons
à interpréter ces restrictions, en tenant compte de
l'article 155 du Code canadien du travail et des
stipulations des conventions collectives qui en relè-
vent. A mon avis, les décisions d'arbitrage rendues
dans des affaires commerciales doivent être distin-
guées de la présente espèce pour cette raison. En
tout cas, aux fins des présentes, elles montrent
seulement que dans les cas impliquant des contrats
commerciaux, les principes généraux s'opposent à
ce que les parties fassent échec à la compétence
des tribunaux par des clauses de règlement par
arbitrage. Cependant, dans ses dispositions perti-
nentes relatives au règlement des conflits survenus
par suite des conventions collectives, le Code cana-
dien du travail donne des principes directeurs
contraires.
A mon avis, il convient, pour la solution du
présent litige, de se rappeler la nature des conven
tions collectives. Ainsi que l'a soutenu l'appelante,
et ainsi que j'ai moi-même conclu, lesdites conven
tions tirent leur validité de la loi, et non du
common law des contrats. Des avis judiciaires,
dont certains ont été cités dans McGavin Toast
master Ltd. c. Ainscough 13 , ont montré leur carac-
tère distinctif. Je reconnais que, dans ce dernier
cas, le litige concernait les relations entre la con
vention collective et les contrats individuels des
employés; je cite cependant le passage suivant
pertinent au présent litige et extrait du jugement
rendu par le juge en chef Laskin: «Autour des
avantages et obligations qui incombent au syndi-
cat, aux employés et à la compagnie liés par la
convention collective gravitent les dispositions en
matière de grief et d'arbitrage ....» 14
En l'espèce, il s'agit de conventions collectives
de travail, non de contrats commerciaux, et le
Code canadien du travail prévoit en cas de conflits
survenus à l'occasion desdites conventions, leur
règlement définitif par voie d'arbitrage ou autre-
ment, selon la convention intervenue entre les par
ties, ou, à défaut de convention, par décision
rendue sur demande par le Conseil canadien des
relations du travail. Dans le présent cas, les parties
ont en fait choisi l'arbitrage comme méthode de
13 [1976] 1 R.C.S. 718, spécialement aux pages 724 à 727.
14 Ibid., à la page 726.
règlement définitif. Nous sommes dans une sphère
tout à fait différente de celle de l'arbitrage
commercial.
L'appel est rejeté avec frais.
* * *
LE JUGE HEALD: J'y souscris.
* * *
LE JUGE URIE: J'y souscris.
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