T-5076-78
Brij S. Pratap (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Winnipeg, le 9 novembre 1978.
Brefs de prérogative — Prohibition — Immigration —
Expulsion — Ordonnance d'expulsion rendue par un enquê-
teur spécial en vertu de la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970,
c. I-2 — Demande de réouverture d'enquête présentée après
l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, c. 52, et refus de la part de l'arbitre d'accéder à cette
demande de réouverture au motif qu'il n'a pas compétence
pour y procéder — Dépôt d'une demande visant à obtenir une
ordonnance de mandamus alors que la requête n'a pas encore
été présentée — La présente requête a pour but d'empêcher
l'expulsion jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée sur la
requête en mandamus — Une ordonnance de prohibition doit-
elle être accordée? — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, c. 52, art. 35(1).
DEMANDE.
AVOCATS:
R. G. Carbert pour le requérant.
B. Meronek pour l'intimé.
PROCUREURS:
Carbert & Company, Winnipeg, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Il s'agit ici d'une
requête présentée en vertu de l'article 5 de la Loi
sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, en vue
d'obtenir une ordonnance provisoire qui empêche-
rait et interdirait l'expulsion du requérant jusqu'à
ce que la Cour rende une ordonnance ultérieure.
Il appert que le 30 mars 1978, un enquêteur
spécial a rendu contre le requérant une ordonnance
d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration
qui était en vigueur avant le 10 avril 1978. C'est à
cette date que la Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, c. 52, a été proclamée en vigueur.
Cette nouvelle loi modifiait les fonctions de l'en-
quêteur spécial prévues par l'ancienne Loi, et elle
adoptait un système d'arbitrage où les fonctionnai-
res étaient des arbitres.
Le 10 septembre 1978, l'avocat du requérant a
écrit au ministère de l'Immigration pour l'informer
que son client désirait faire une demande de réou-
verture d'enquête. Il désirait également qu'un
enquêteur spécial procède à cette enquête à l'effet
d'entendre de nouveaux témoignages et de recevoir
d'autres preuves.
L'arbitre K. Flood a répondu en date du 5
octobre 1978, la lettre de l'avocat du requérant
l'informant de la modification susmentionnée de la
Loi. Il l'avisa également que sa compétence en ce
qui a trait à la réouverture d'enquête se limitait à
ce qui était prévu à l'article 35 de la nouvelle Loi
et à l'article 39 du Règlement sur l'immigration
de 1978, DORS/78-172. La lettre de M. Flood
indiquait en outre que le requérant avait été assu-
jetti à l'ancienne Loi, et qu'en conséquence il
estimait ne pas avoir la compétence pour procéder
à la réouverture de son enquête, celle-ci étant du
ressort de l'enquêteur spécial en vertu de l'an-
cienne Loi. Par la suite, d'autres lettres ont suivi.
Le requérant a déposé le 8 novembre 1978 un
avis de requête introductif d'instance visant à obte-
nir une ordonnance de mandamus qui enjoindrait
à l'arbitre de rouvrir son enquête. La requête doit
être présentée le mardi 5 décembre 1978. Le même
jour il a aussi déposé la présente requête qui devait
être présentée aujourd'hui. Cette requête a pour
but de faire interdire l'expulsion du requérant
jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée sur la
requête en mandamus.
A l'ouverture de l'audience, l'avocat de l'intimé
a déclaré qu'il était prêt à procéder sur cette
requête même si le délai prévu dans l'avis était
plutôt court.
En ce qui concerne la présente requête, mon rôle
se limite tout simplement à déterminer si l'ordon-
nance visant à empêcher et à interdire l'expulsion
devrait être accordée au requérant. Je n'ai pas à
décider en l'espèce si l'arbitre a compétence pour
rouvrir l'enquête qui a abouti à l'ordonnance d'ex-
pulsion. Cette question devrait être tranchée à
l'audition de la requête en mandamus. Je n'ai pas
non plus à me préoccuper de la possibilité d'une
réouverture d'enquête, ni des effets qu'elle pourrait
avoir si elle se produisait.
Ce qui m'intéresse c'est le fait que l'arbitre n'a
pas voulu procéder à la réouverture de l'enquête, si
on reconnaît qu'il avait compétence pour le faire.
L'article 35 de la nouvelle Loi dispose que:
35. (1) ... une enquête menée par un arbitre peut être
réouverte à tout moment par le même arbitre ou par un autre, à
l'effet d'entendre de nouveaux témoignages et de recevoir d'au-
tres preuves ....
C'est précisément ce que le requérant tente
d'obtenir dans sa requête en mandamus, n'ayant
pu convaincre l'arbitre de faire quoique ce soit
dans cette affaire. Le libellé facultatif dudit article
accorde à l'arbitre un pouvoir discrétionnaire de
réouverture d'enquête. Il prévoit en outre que l'ar-
bitre qui entend ces nouveaux témoignages et qui
reçoit ces autres preuves (au cours d'une réouver-
ture d'enquête) peut confirmer, modifier ou rejeter
toute décision antérieurement rendue par un
arbitre.
Le pouvoir discrétionnaire qu'accorde ledit arti
cle n'est pas, à mon avis, un pouvoir absolu mais
un pouvoir quasi judiciaire qu'il faut exercer après
examen des faits et de la loi applicable. Le requé-
rant a le droit de savoir si la compétence qui
permettait à l'enquêteur spécial de rouvrir l'en-
quête selon l'ancienne Loi appartient aujourd'hui à
l'arbitre, et ce, même si l'ordonnance d'expulsion a
été rendue par un enquêteur spécial en vertu de
l'ancienne Loi qui n'est plus en vigueur. Si l'arbitre
a ce pouvoir, le requérant a donc le droit de faire
examiner sa demande de réouverture d'enquête.
L'avocat de l'intimé a fait valoir avec insistance
que le fait d'accorder le redressement demandé
dans cette requête n'était d'aucun secours au
requérant, si ce n'est qu'il retardait son expulsion
de quelques semaines. Il a prétendu également que
l'ordonnance d'expulsion était fondée sur le fait
que le requérant ne possédait pas son visa d'immi-
grant qui lui aurait permis de demeurer au
Canada, et que sa situation ne pouvait se corriger
en invoquant des motifs humanitaires. A son avis,
l'expulsion est inévitable. Cependant, l'avocat du
requérant a soutenu le contraire prétendant qu'il
existait des moyens que son client pouvait faire
valoir pour lui assurer le statut de résident perma
nent au Canada. Quoi qu'il en soit, comme on peut
en déduire de ce que j'ai dit précédemment dans
les présents motifs, je n'ai pas à me prononcer sur
le fond de la question des arguments du requérant
contre son expulsion.
J'ai examiné les arrêts cités par les avocats, et
en particulier celui cité par l'avocat du requérant,
à savoir: In re la Loi sur l'immigration et in re
McDonald [1977] 1 C.F. 704. A mon avis, aucun
de ces arrêts ne s'applique à l'instance.
Je suis d'avis d'accueillir la requête. Une ordon-
nance sera rendue en ce sens.
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