A-91-78
In re une décision de Kenneth E. Norman, membre
de la Commission des relations de travail dans la
Fonction publique et arbitre et in re Melvin Grant
et Gerald Stoykewich
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Urie et Le Dain—Ottawa, les 13 et 16 février
1979.
Examen judiciaire — Fonction publique — Report de congé
annuel — Convention collective stipulant que tout effort rai-
sonnable devait être fait pour accorder le congé demandé et
prévoyant le report automatique de la fraction inutilisée du
congé annuel — Refus d'accorder le report de congé pour
cause de nécessités du service — Grief rejeté par l'arbitre —
L'arbitre ne s'est pas prononcé dans ses motifs sur la question
de l'effort raisonnable pour accorder le congé pendant la
période demandée — Il s'agit de savoir si l'arbitre s'est mépris
sur le point litigieux — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), c. 10, art. 28.
Les demandes des requérants tendant au report du congé
annuel à l'année financière suivante ont été rejetées pour cause
de nécessités du service, déterminées par une étude effectuée
par la direction. Les requérants étaient requis de prendre leurs
vacances au cours de cette année financière à une période qui
n'était pas celle visée par leur demande. La convention collec
tive stipulait que l'employeur devait faire tout effort raisonna-
ble pour accorder à l'employé le congé qu'il demandait et
prévoyait le report automatique des congés inutilisés à l'année
financière suivante. Les griefs tendant à la confiscation par la
direction des sommes qui ont été versées au titre des congés
annuels prévus au calendrier et au report de quinze jours de
congé annuel ont été rejetés par l'arbitre; dans ses motifs,
celui-ci ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si la
direction avait fait tout effort raisonnable pour accéder à la
demande des employés. Cette demande fondée sur l'article 28
vise à l'annulation de la décision de l'arbitre au motif qu'il s'est
mépris sur le point litigieux.
Arrêt (le juge en chef Jackett dissident): la demande est
accueillie.
Le juge Urie: L'arbitre a mal interprété la nature du litige
dont il avait à connaître. En l'absence de toute référence de sa
part aux arguments de l'avocat de l'employeur, lequel préten-
dait que toute mesure raisonnable avait été prise pour faire
droit aux demandes des requérants, et vu que manifestement
l'arbitre s'est attardé sur un faux problème, il est impossible de
présupposer qu'il avait vraiment à l'esprit le véritable point en
litige lorsqu'il a pris sa décision. Si tel était le cas, il n'a pas
jugé nécessaire de le traiter, compte tenu de sa décision sur le
point principal en litige d'après lui. La question de l'effort
raisonnable a été traitée comme un argument supplétif auquel
il n'était pas nécessaire de répondre vu la façon dont il disposait
de ce qu'il considérait comme le véritable point en litige.
Le juge Le Dain: En ce qui concerne la question de l'.effort
raisonnable», a) ou bien l'arbitre ne l'a tout simplement pas
considérée comme un point litigieux dont il avait à connaître, b)
ou bien il a considéré que l'obligation prévue à l'article
17.03(1)c) devait céder le pas devant le pouvoir de la direction
d'exiger d'un employé qu'il prenne ses congés annuels dans
l'année y ouvrant droit. L'obligation prévue à l'article
17.03(1)c) de faire tout effort raisonnable, compte tenu des
nécessités du service, pour accorder un report de congé sur
demande est une obligation séparée et distincte et, en tant que
telle, une restriction au pouvoir général de la direction d'exiger
d'un employé qu'il prenne ses vacances annuelles à une époque
spécifiée au cours de l'année financière pendant laquelle elles
ont été acquises. Dans les deux cas, l'arbitre, à tort, n'a pas
traité du litige dont il avait à connaître.
Le juge en chef Jackett dissident: Ou l'arbitre a oublié de
traiter du premier moyen, ou il n'a pas jugé nécessaire ou a pris
pour acquis qu'il n'était pas nécessaire de mentionner expressé-
ment l'évidence, soit que le premier moyen n'avait pas été
prouvé, mais, en raison de l'incertitude qui selon lui entourait le
deuxième moyen, a consacré presque exclusivement ses motifs à
celui-ci. Compte tenu des renvois faits par l'arbitre dans ses
motifs à la preuve produite et au débat qui a eu lieu sur le
premier moyen, on ne peut présumer qu'il l'a oublié. Lorsqu'on
doit connaître d'une affaire et qu'on réserve son jugement
quant à certains arguments, alors que d'autres ont été plaidés et
rejetés au cours du débat, il n'est pas inhabituel d'oublier de
mentionner ceux qui ont déjà été rejetés lors de la rédaction des
motifs concernant les arguments pris en délibéré. Il n'y a pas de
raison de présumer que l'arbitre, qui est expérimenté et qui a
reçu une formation professionnelle, aurait commis une erreur
aussi élémentaire que celle de ne pas traiter d'une portion
primordiale de l'argumentation d'une des parties, portion par
ailleurs manifestement présente à son esprit.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
M. Wright, c.r. et A. Raven pour Melvin
Grant et Gerald Stoykewich.
Robert W. Côté pour le Conseil du Trésor.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour Melvin Grant
et Gerald Stoykewich.
Le sous-procureur général du Canada pour le
Conseil du Trésor.
La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique, Ottawa, pour la Com
mission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT (dissident): L'es-
pèce présente est une demande, fondée sur l'article
28, d'annulation d'une décision arbitrale rendue
selon l'article 91 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c.
P-35.
La décision porte sur certains griefs découlant
de la convention collective conclue entre le Conseil
du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du
Canada pour le groupe chauffage, force motrice et
opération de machines fixes. Les stipulations qui
nous importent dans la convention sont les
suivantes:
1. l'article 7, qui se lit ainsi:
7.01 Sauf dans les limites précisées dans le texte, la
présente convention ne restreint aucunement l'autorité des
personnes chargées de responsabilités de direction dans la
Fonction publique.
Ci-après l'article sera appelé: [TRADUCTION]
«clause sur les droits de la direction»;
2. l'article 17.03 (1), que voici en partie:
(1) Lorsqu'il accorde un congé annuel payé à un employé,
l'employeur doit, sous réserve des nécessités du service,
faire tout effort raisonnable
b) pour accorder le congé annuel d'un employé au
cours de l'année financière ouvrant droit à ce congé si
l'employé en fait la demande au plus tard le 1" avril;
c) pour accorder à tout employé qui en fait la demande
avant le 31 janvier la permission d'utiliser dans l'année
financière qui suit toute période de congé annuel de
quatre (4) jours ou plus acquise par lui dans l'année
courante;
e) pour accorder les congés annuels d'un employé de
toute autre façon qu'il les demande s'il en fait la
demande au plus tard le 1" avril;
Cette clause est ci-après appelée: [TRADUC-
TION] «clause d'attribution des congés annuels»;
3. l'article 17.07:
Lorsque dans une année financière un employé n'a pas
bénéficié de tous les congés annuels qui ont été portés à
son crédit, la fraction inutilisée de son congé annuel est
reportée à l'année financière suivante.
Cet article est ci-après appelé: [TRADUCTION]
«clause de report automatique».
Comme il ne paraît pas y avoir de différence
notable entre les faits de chacune des espèces, je
me bornerai à résumer ceux concernant le requé-
rant Grant.
Le 21 février 1976, le requérant a demandé
qu'on lui accorde 15 jours de congé annuel en juin
et juillet 1976. Le 20 mai 1976, la direction lui a
répondu par la lettre suivante:
[TRADUCTION] Objet: notre conversation d'hier soir.
Comme vous le saviez très bien, les congés annuels se pren-
nent ici par roulement d'une année à l'autre et les dates que
vous avez indiquées sont réservées cette année à d'autres HP3.
Comme ils ne m'ont nullement fait savoir, ni par écrit ni
verbalement, qu'ils avaient renoncé à prendre leurs vacances à
ces dates, je ne peux, en toute justice, les retenir pour vous. Je
ne peux leur enlever la période qui leur est réservée, pas plus
que je ne pourrais leur accorder leurs vacances à des dates que
je vous aurais réservées.
Celui pour qui une période de vacances a été prévue peut, le
premier, s'en prévaloir. S'il décide de ne pas l'utiliser à ce
moment-là, d'autres employés de la centrale (de catégorie HP3
ou HP4 selon le cas) peuvent alors prendre leurs congés à ces
dates.
Les nécessités du service sont telles en ce moment que nous
ne pouvons laisser plus d'un HP3 et d'un HP4 prendre leurs
congés annuels en même temps.
Pour les raisons données ci-dessus, je ne peux donc vous
accorder vos jours de congé à l'époque demandée.
Le calendrier des vacances pour 1976-77 a été
affiché; celles du requérant y étaient prévues pour
mai et juin et, dans l'espace réservé a cette fin, il
semble qu'il ait réitéré sa demande en écrivant
[TRADUCTION] «Comme sur la formule de congé
du 21 février 1976». Après certains échanges de
lettres il a demandé par écrit le 31 janvier 1977 le
«report» de ses 15 jours de congé annuel. Le 14
février 1977, la direction a affiché la note suivante:
A tout le personnel de la centrale électrique:
En raison des nécessités du service de la centrale électrique et
du plus grand nombre de congés supplémentaires requis pour
l'année financière 1977-1978, il a été jugé nécessaire de ne pas
permettre le report des congés annuels non utilisés.
Par conséquent, tous les jours de congé non utilisés devront
être pris au cours des six prochaines semaines.
Le requérant a pris ses vacances en mars 1977 et a
présenté un grief pour [TRADUCTION] «refus [de la
direction] d'accorder et/ou de reporter certains
congés annuels conformément aux stipulations de
la convention collective C.F.M. et O.M.F.» Dans
son grief, le requérant s'exprime ainsi: [TRADUC-
TION] «Je demande (1) LA CONFISCATION PAR LA
DIRECTION DES SOMMES QUI M'ONT ÉTÉ VER
SÉES AU TITRE DES CONGÉS ANNUELS PRÉVUS
AU CALENDRIER; (2) LA PERMISSION DE REPOR
TER QUINZE JOURS DE CONGÉ ANNUEL.» La
direction a rejeté le grief à tous les niveaux et
celui-ci a alors été renvoyé à l'arbitrage.
L'arbitre a rejeté les griefs, et l'actuelle
demande présentée selon l'article 28 vise l'annula-
tion de cette décision.
L'arbitre, dans ladite décision, énonce briève-
ment les faits comme suit:
Les employés s'estimant lésés travaillent à la centrale électri-
que située sur les terrains de l'aéroport de Winnipeg. M. Grant
est HP-3, et M. Stoykewich HP-4. Le personnel de la centrale
électrique se compose d'un chef, M. Hamilton, de son adjoint,
M. Wilson, et de neuf opérateurs dont cinq font partie de la
même classe d'emplois que M. Stoykewich, les quatre autres
étant classés au même niveau que M. Grant. La centrale
électrique fonctionne sans arrêt, et les employés travaillent par
quarts rotatifs répartis sur un cycle de 28 jours. Pour attribuer
les congés annuels, on «jumelle» habituellement un HP-4 et un
HP-3 et on fait alterner chaque paire ainsi formée pendant les
périodes de vacances «préférées» de l'été. Prenons par exemple
le cas de deux opérateurs qui prendraient leur congé annuel au
cours de la plus grande partie du mois de juillet en 1976, en
1977 ces deux employés seraient en congé pendant presque tout
le mois d'août, et ainsi de suite.
Je n'ai pas l'intention de récapituler ici les conversations et
les lettres qui ont précédé ce qui a constitué le point tournant
dans la présente affaire, car je ne considère pas comme perti-
nentes les circonstances particulières qui ont fait que ni l'un ni
l'autre des employés s'estimant lésés n'a été satisfait de la date
qui lui a été attribuée en 1976 pour prendre son congé annuel.
Tout ce qui compte, c'est que ni l'un ni l'autre n'était content
de la solution proposée par le chef du personnel, M. Hamilton.
Cet état d'esprit commun les a finalement tous deux amenés à
demander officiellement que leurs jours de congé annuel de
1976 soient reportés à l'année financière 1977. Ces demandes
ont été faites par suite de la note de service suivante que M.
Hamilton a adressée à «tous les employés de la centrale
électrique»:
Le 26 janvier 1977
Report du congé annuel de 1976-1977
Toute demande de report du congé annuel de 1976-1977 à
l'année financière 1977-1978 doit être faite par écrit et doit
indiquer le nombre de jours que l'employé veut faire reporter,
les motifs de la demande et les dates approximatives auxquel-
les il veut prendre son congé.
Cette mesure est nécessaire pour nous permettre de répondre
aux besoins du service.
Toutes les demandes doivent être présentées à l'opérateur de
machines fixes en chef au plus tard le 31 janvier 1977.
Ayant reçu plusieurs demandes de report de congé, M. Hamil-
ton a demandé à M. Wilson, son adjoint, de faire une étude des
nécessités du service. Dans une note de service datée du 31
janvier, M. Wilson a expliqué les problèmes que l'établissement
du calendrier des congés poserait au cours de l'année financière
suivante. Il a conclu ainsi:
Si l'on fait la somme des semaines de congé requises dans le
cas des exemples mentionnés ci-dessus, nous pouvons voir
qu'il serait extrêmement difficile d'intégrer à notre calendrier
les jours que les employés veulent faire reporter.
M. Hamilton a ensuite étudié les nécessités du service de la
centrale électrique pour l'année à venir, a pris en considération
la note de service de M. Wilson et a communiqué l'avis suivant
le 14 février 1977:
A tout le personnel de la centrale électrique:
En raison des nécessités du service de la centrale électrique et
du plus grand nombre de congés supplémentaires requis pour
l'année financière 1977-1978, il a été jugé nécessaire de ne
pas permettre le report des congés annuels non utilisés.
Par conséquent, tous les jours de congé non utilisés devront
être pris au cours des six prochaines semaines.
Par la suite, les employés s'estimant lésés ont tous deux reçu
une formule qu'on leur demandait de signer et qui précisait
certains jours de congé à prendre en mars de l'année financière
en cours. A contre-cceur, chacun a signé la formule et a pris son
congé.
Avant de chercher à énoncer la question à tran-
cher ici, j'estime souhaitable de faire certains com-
mentaires en toile de fond:
1. Si je comprends bien la situation que crée la
convention collective,
a) la direction avait l'obligation de dresser un
calendrier des congés annuels prévoyant la
période où chaque employé pourrait bénéfi-
cier de ses vacances (présumément prévues
ailleurs) et, ce faisant, elle devait se confor-
mer à la clause d'attribution des congés en
faisant, notamment, tout effort raisonnable,
sous réserve des nécessités du service,
(i) pour accorder le congé annuel de l'em-
ployé au cours de l'année financière ouvrant
droit à ce congé, si l'employé en fait la
demande au plus tard le 1 °r avril;
(ii) pour accorder à l'employé qui en fait la
demande avant le 31 janvier, de reporter
toute période de congé d'au moins 4 jours à
l'année financière suivante;
b) tout congé annuel qui n'a pas été accordé à
l'employé dans l'année financière au cours de
laquelle il a été acquis est reporté à l'année
suivante en vertu de la clause de report auto-
matique des congés.
2. Dans le cas de conventions où des clauses
similaires avaient été stipulées, la question
s'était posée de savoir, lorsque la direction avait
conclu qu'elle ne pouvait satisfaire la demande
présentée par un employé en vertu de la clause
d'attribution des congés, si elle pouvait lui assi-
gner son congé annuel dans l'année financière
que ne visait pas sa demande, avec pour résultat
que la clause de report automatique ne pouvait
jouer. Cette question s'est certainement posée
dans l'affaire Low et Duggan, où l'arbitre
Abbott a rendu une décision défavorable à la
direction et, apparemment, tel a été le cas dans
les affaires Schandlen, Gray, Lee et Coulter, et
d'autres encore.
3. La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique a réformé la décision arbi-
trale Low et Duggan, statuant qu'une attribu
tion valide de congé annuel ne dépendait pas
d'une demande présentée à cette fin par l'em-
ployé (la présente demande ne met pas en cause
la justesse de la décision de la Commission sur
ce point et, en toute déférence pour l'opinion
contraire, c'est à juste titre à mon avis).
4. Deux motifs peuvent soutenir le grief du
requérant contre le «refus [de la direction] d'ac-
corder et/ou de reporter certains congés
annuels» et les «mesures requises» par lui, v.g. la
confiscation par la direction des sommes payées
à titre de congé annuel et le «report de ...
quinze jours de congé annuel»:
a) la direction n'aurait pas fait d'effort rai-
sonnable pour accorder le report demandé
«sous réserve des nécessités du service», ou
b) les congés annuels qu'il a pris n'ayant fait
l'objet d'aucune demande de sa part doivent,
conformément à certaines sentences arbitrales
antérieures, être reportés automatiquement.
Dans ce contexte, j'examine la décision de l'arbi-
tre, contestée par la présente demande.
Dans ses motifs, l'arbitre commence par dire
que le litige en cause n'est pas «nouveau», qu'il a
fait l'objet précédemment de l'attention d'un cer
tain nombre d'arbitres, mais qu'il ne ressort
aucune analyse concluante de leurs décisions. Il
caractérise le litige comme «le droit [pour un
employé] de reporter des jours de congé annuel à
l'année financière suivante compte tenu d'une
directive de l'employeur voulant que les jours de
congés accumulés soient utilisés par l'employé
avant la fin de l'année financière en cours». Après
avoir revu les faits énoncés ci-dessus et cité les
dispositions pertinentes de la convention collective,
il résume comme suit le plaidoyer des employés
s'estimant lésés:
M. Tarte, pour les employés s'estimant lésés, a cité sept
affaires à l'appui de sa thèse: Schandlen (166-2-146) (Jolliffe);
Gray (166-2-457) (Martin); Lee et Coulter (166-2-741 et 742)
(Moir); Low et Duggan (166-2-855, 56) (Abbott); Stewart
(166-2-2001) (Simmons); Leswick (166-2-2035) (DesCôteaux);
et Lang (166-2-2430) (Mitchell). Il a admis que la décision de
M. Abbott dans l'affaire Low et Duggan avait été infirmée par
la Commission des relations de travail dans la Fonction publi-
que (168-2-56) (Brown), mais il a soutenu que le point sur
lequel la décision avait été contestée avait trait à la nécessité de
se conformer à un article qui stipulait que la demande de report
de congés devait être présentée avant le 31 janvier de l'année
financière en cours.
Et celui de l'employeur comme suit:
M. Henderson, pour l'employeur, a affirmé que les griefs
devaient être rejetés parce qu'il n'avait pas été prouvé que les
mesures prises par la direction dans cette affaire ne faisaient
pas partie de ses droits résiduaires aux termes de l'article 7.
Pour ce qui est de l'effort raisonnable que l'employeur doit
faire, il a cité les affaires Wessel (166-2-676) (Moir) et
Laberge (166-2-99) (Jolliffe) qui portent sur l'établissement du
calendrier des congés. Finalement, il a mis en doute mon
pouvoir d'ordonner un redressement même si j'étais persuadé
que l'employeur avait violé la convention collective. Pour les
raisons que je vais maintenant mentionner, il n'est pas néces-
saire de s'arrêter sur cette allégation.
L'arbitre analyse ensuite brièvement les décisions
sur lesquelles l'employé s'estimant lésé s'appuyait
pour montrer que, relativement à la nécessité d'une
demande de l'employé avant que la direction fixe
les dates des congés annuels, ces décisions ont été
écartées par la décision de la Commission dans
Low et Duggan, ou il n'en a pas été tenu compte. Il
conclut comme suit:
En conséquence, je rejette les griefs. En me fondant sur
l'analyse de l'affaire Low et Duggan (168-2-56), je ne trouve
rien dans l'article 17 de la convention collective qui restreigne
le pouvoir de l'employeur d'exiger unilatéralement que les
employés s'estimant lésés liquident les portions inutilisées de
leurs crédits de congé annuel dans l'année financière en cours.
Si ce n'était de ce pouvoir exercé par l'employeur, j'aurais fait
droit aux griefs comme l'ont fait mes collègues par le passé
dans les sept affaires d'arbitrage auxquelles je me suis
reportées.
Lorsque la présente demande, présentée selon
l'article 28, a été entendue pour la première fois, il
a été convenu qu'il y aurait une nouvelle instruc
tion et les parties ont été autorisées à produire des
affidavits sur la nature du litige soumis à l'arbitre.
Chaque partie était représentée devant l'arbitre
par un avocat qui a produit un affidavit. Voici les
dispositions pertinentes de celui des requérants:
[TRADUCTION] 3. Dans les griefs qu'ils ont produits, les susdits
employés s'estimant lésés se plaignent que l'employeur a
enfreint les stipulations applicables de la convention collective
lorsqu'il a refusé de leur laisser exercer certains privilèges de
report de congés annuels. Plus précisément, ils avaient demandé
que leurs congés annuels non utilisés de l'année financière se
terminant le 31 mars 1977 soient reportés à celle se terminant
le 31 mars 1978. C'est le refus de l'employeur de permettre ce
report qui a suscité les griefs en cause et leur renvoi à
l'arbitrage.
4. En tant qu'avocat des employés s'estimant lésés, il m'appar-
tenait de me préparer à l'arbitrage et d'y assister. Ce faisant,
j'ai pris des notes manuscrites complètes sur le fond du litige et,
plus précisément, sur ce qui s'était passé à l'audience devant
l'arbitre Kenneth E. Norman.
5. Devant l'arbitre j'ai fait simplement valoir que les employés
s'estimant lésés, MM. Grant et Stoykewich, reprochaient à
l'employeur son refus déraisonnable d'autoriser le report des
congés annuels non utilisés, et donc encore à leur crédit. Mes
notes indiquent que j'ai commencé ma plaidoirie en disant:
«Les faits sont simples de même que le litige. Dans les deux
cas, les employés avaient à leur crédit des congés annuels non
utilisés et, avant le 31 janvier, ils ont demandé leur report à
l'année financière suivante. Leur demande a été rejetée sans
raison valable.»
6. J'ai prétendu devant l'arbitre Norman qu'en l'espèce, l'em-
ployeur avait contrevenu à l'article 17.03 de la convention
collective, cité au début de l'instruction et servant de fondement
à l'argumentation des employés.
7. J'ai fait valoir qu'en vertu d'une interprétation raisonnable
dudit article 17.03 de la convention collective, sous réserve de
certaines conditions de délais et de durée, ainsi que des nécessi-
tés du service, l'employeur avait l'obligation de faire tout effort
raisonnable pour accorder le report demandé. J'ai signalé, avec
insistance, que dans le cas de MM. Grant et Stoykewich,
l'employeur n'avait pas démontré avoir fait tout effort raison-
nable pour accueillir la demande des employés. De plus, il a été
allégué qu'en l'espèce les nécessités du service ne pouvaient être
invoquées pour justifier le rejet de la demande des employés
s'estimant lésés.
8. Sur la question plus générale de la mesure dans laquelle un
employé pouvait contester l'invocation par l'employeur des
nécessités du service, ont été citées et débattues un certain
nombre de décisions arbitrales portant sur la même question.
Mentionnant l'affaire Stewart, dossier 166-2-2001 de la Com
mission j'ai fait remarquer que les «nécessités du service» ne
sauraient être établies postérieurement. On cita l'affaire Gray,
dossier 166-2-45 de la Commission, à l'appui de la proposition
voulant que les considérations financières ne jouent qu'un rôle
mineur lorsqu'il s'agit d'établir les nécessités du service.
9. J'ai alors plaidé, après avoir mentionné les décisions arbitra-
les pertinentes, qu'il appartenait à l'employeur de démontrer
pourquoi les nécessités du service empêchaient le report. J'ai
insisté pour dire que seul l'employeur pouvait expliquer ces
nécessités. J'ai passé alors en revue les éléments de preuve afin
de démontrer que l'employeur avait en fait agi arbitrairement
sans faire un effort quelconque, encore moins un effort raison-
nable, pour accorder le report.
10. Enfin, traitant de la décision de la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique dans l'affaire Low et
Duggan, j'ai distingué cette affaire de l'espèce en cause, en
montrant que, malgré le libellé analogue des deux conventions
collectives, la décision de la Commission dans Low et Duggan
ne pouvait et ne devait pas être suivie dans le cas de MM.
Grant et Stoykewich car dans l'affaire première nommée les
employés n'avaient pas présenté leur demande dans les délais
(c.-à-d. avant le 31 janvier), au contraire de MM. Grant et
Stoykewich. Ceux-ci ayant produit leur demande dans les délais
stipulés à l'article 17.03, la décision de la Commission dans
Low et Duggan ne fait pas jurisprudence à leur égard.
11. Quant aux prétentions de l'employeur, W Henderson a
plaidé que les employés n'avaient pas été très coopératifs et
qu'accorder le report aurait sans aucun doute provoqué une
demande de temps supplémentaire supérieure. Cela, a-t-il dit,
n'allait pas sans embarrasser l'employeur et constituait une
raison valable de rejeter les demandes, puisque c'était là un
facteur à considérer dans l'analyse des nécessités du service.
12. Je n'hésite pas à dire que l'article sur lequel les employés
s'estimant lésés ont fondé leurs griefs devant l'arbitre était
expressément l'article 17.03 de la Convention collective appli
cable. L'article 17.07 a été mentionné aussi, mais seulement
pour soutenir l'interprétation à donner audit article 17.03.
13. A la lecture de la sentence arbitrale de M. Norman, au
souvenir de la nature de la preuve présentée et des prétentions
soutenues à l'audience, je ne peux que conclure que l'arbitre
Norman n'a pas saisi la véritable nature du litige.
Voici les dispositions pertinentes de l'affidavit
déposé au nom de l'employeur:
[TRADUCTION] 3. Les griefs de MM. Melvin Grant et Gerald
Stoykewich étant identiques, ils ont été instruits conjointement;
ils s'intitulaient tous deux:
reproche à la direction (coe) son refus d'accorder et/ou de
reporter certains congés annuels conformément aux stipula
tions de la convention collective C.F.M. et O.M.F.
Les mesures que les employés s'estimant lésés voulaient voir
prendre étaient les suivantes:
M. Gerald Stoykewich
Confiscation par la direction des sommes qui m'ont été
versées au titre des congés annuels prévus au calendrier.
Report de 7 jours de congé annuel;
M. Melvin Grant
Confiscation par la direction des sommes qui m'ont été
versées pour les congés annuels prévus au calendrier. Report
de 15 jours de congé annuel.
4. A titre d'avocat du Conseil du Trésor, il m'appartenait de
me préparer à l'instruction de l'arbitrage et d'y assister. Ce
faisant, j'ai pris certaines notes qui résument l'affaire ainsi que
les preuves présentées devant l'arbitre par les deux parties au
grief.
5. Il a été établi devant l'arbitre que le directeur de l'unité en
cause avait reçu des demandes de la part des deux employés
s'estimant lésés pour le report de leurs congés annuels et
qu'après étude des nécessités du service, ces demandes avaient
été rejetées et on avait demandé aux deux employés d'épuiser
les congés annuels respectivement à leur crédit avant la fin de
l'année financière en cours. Les deux employés ont produit et
signé une demande de congé et un rapport de présence; les deux
ont épuisé leurs congés annuels avant la fin de l'année finan-
cière 1976-77.
6. Tant en interrogatoire principal qu'en contre-interrogatoire,
le directeur de l'unité en cause, M. Cory Hamilton, a exposé les
considérations qui avaient retenu son attention lorsqu'il s'est agi
d'établir les nécessités du service de son unité pour l'année
financière 1977-78, avant de rejeter les demandes de report de
congé des deux employés. Voici ces considérations:
(i) le calendrier habituel des congés en usage dans la cen-
trale lequel comporte l'attribution des congés par roulement;
(ii) la nécessité de demander à d'autres employés de faire du
temps supplémentaire, alourdissant déraisonnablement par là
leur tâche, compte tenu de l'âge de certains d'entre eux;
(iii) l'obligation d'avoir toujours une équipe composée d'un
H.P. 4 et d'un H.P. 3;
(iv) les congés paralégaux qu'accordait une nouvelle conven
tion collective signée auparavant et qui ajoutaient à la com-
plexité du calendrier à établir;
(v) les 5 semaines de congé d'ancienneté auxquelles avaient
droit M. Wilson, autre employé de l'unité;
(vi) l'absentéisme pour cause de maladie au cours des années
passées;
(vii) les plaintes des employés, y compris de l'un de ceux
s'estimant lésés, M. Grant, d'avoir à faire du temps supplé-
mentaire de travail;
(viii) la recherche du maintien de l'harmonie entre tous les
employés de l'unité;
(ix) les faits qu'énonçaient le rapport sur les nécessités du
service pour l'année financière 1977-78, préparé à sa
demande par son assistant, M. Wilson.
7. J'ai prétendu devant l'arbitre qu'en cette espèce particulière,
le directeur avait pris soin scrupuleusement de se demander si
les nécessités du service lui permettaient d'accorder le report
demandé et que, selon sa conclusion, après étude des faits dont
il avait connaissance, les nécessités du service de cette unité ne
lui permettaient pas d'accorder les demandes de report. J'ai fait
valoir qu'une simple lecture des articles 17.01 et 17.03 de la
convention collective montrait que la direction était autorisée à
ordonner à un employé d'épuiser ses jours de congé annuel
inutilisé si les nécessités du service ne permettaient pas le report
prévu à l'article 17.03.
8. Manifestement donc le point en litige devant l'arbitre
Norman était celui de savoir si oui ou non la direction avait agi
d'une manière raisonnable en rejetant la demande de report des
congés annuels, compte tenu des articles 7.01 et 17 de la
convention collective.
Devant nous, si je comprends bien, ce qui est
contesté dans la décision de l'arbitre, c'est qu'il se
serait posé la mauvaise question. Au lieu de se
demander:
a) si l'employeur, avant de rejeter les demandes
fondées sur l'article 17.03(1)c), avait fait tout
effort raisonnable, sous réserve des nécessités du
service, pour s'y conformer,
il se serait contenté de se demander:
b) si, ayant rejeté les demandes, l'employeur
pouvait exiger des employés qu'ils prennent leur
congé annuel dans l'année financière où ils
l'avaient acquis, avec pour conséquence que la
clause de report automatique ne pouvait jouer.
Il est manifeste que tout doute aurait été écarté
si l'arbitre dans sa décision avait répondu dans un
sens ou dans l'autre à la question: les requérants
ont-ils réussi à montrer que l'employeur n'avait
pas fait tout effort raisonnable pour faire droit à
leur demande de report de certains jours de congé
annuel à l'année financière suivante? Toutefois,
pour accueillir la présente demande, la Cour doit
être persuadée qu'il a omis d'examiner cette ques
tion et d'y répondre.
Selon mon interprétation de l'évaluation des
griefs par l'arbitre, ceux-ci auraient dû être
accueillis s'il avait conclu que:
a) l'employeur n'avait pas fait tout effort rai-
sonnable pour faire droit aux demandes de
report des jours de congé annuel des employés;
ou que
b) les requérants avaient droit au report de
leurs jours de congé annuel en tout état de
cause, en vertu de la clause de report automati-
que, vu qu'ils ne les avaient pas demandés au
cours de l'année financière y ouvrant droit.
Or il est arrivé à une conclusion défavorable aux
employés sur les deux questions.
En premier lieu, il faut noter que les deux griefs
reposent sur le refus de la direction:
a) «d'accorder ... certains congés annuels»,
et/ou
b) «de reporter certains congés annuels».
Quant à la première de ces questions, pour
autant que le révèle le dossier produit, toute la
preuve de l'employeur a été présentée et, dans la
mesure où nous pouvons en juger, elle tendait à
démontrer que tout effort raisonnable avait été
fait.
Voici comment je comprends la décision arbi-
trale: bien qu'il ne statue pas expressément sur la
question, l'arbitre ne semble pas avoir pensé que
les requérants aient réussi à présenter une argu
mentation vraisemblable là-dessus. Il résume som-
mairement la preuve présentée sur ce point au nom
de l'employeur et renvoie à la jurisprudence, citée,
concernant «l'effort raisonnable». Après avoir ana-
lysé à fond la deuxième question, il dit n'avoir
trouvé aucune limitation au pouvoir de l'em-
ployeur de requérir unilatéralement que les
«employés s'estimant lésés» épuisent les jours de
congé à leur crédit (bien qu'il ne le dise pas, il me
semble clair qu'il se réfère alors à ces «employés
s'estimant lésés» comme à des gens auxquels on a à
bon droit refusé le report des jours de congé à leur
crédit).
En outre, quoique l'affidavit de l'avocat qui a
occupé pour les requérants devant l'arbitre ait dit,
en termes généraux, qu'il ne s'était appuyé que sur
cette question en présentant l'affaire à l'arbitre, il
faut noter:
a) qu'il ne dit pas expressément que les motifs
de l'arbitre, remis peu de temps après l'au-
dience, étaient erronés lorsque ce dernier résume
sa plaidoirie en disant qu'elle a trait à l'autre
question; et,
b) qu'il dit expressément (au paragraphe 10 de
son affidavit), avoir fait une distinction d'avec
Low et Duggan, décision qui ne porte que sur la
deuxième question et nullement sur celle de
«l'effort raisonnable».
En sus, l'affidavit de l'avocat de l'employeur
(que le requérant n'a pas cherché à éclaircir en
contre-interrogatoire) montre manifestement que,
d'après ses souvenirs et ses notes, il a en fait
présenté une preuve sur la question de «l'effort
raisonnable» et qu'il a plaidé ce point.
En résumé, en ce qui concerne les attaques
portées contre la décision arbitrale, il semble clair:
a) que des preuves ont été produites sur la
question de l'effort raisonnable de l'employeur;
b) que les deux parties ont débattu la deuxième
question, soit le «droit» de l'employeur d'exiger
qu'un employé épuise ses jours de congé annuel
dans l'année financière après qu'une demande
de report ait été rejetée;
c) que, sans rejeter expressément le premier
moyen, l'arbitre a consacré la partie de ses
motifs où il exprime son propre raisonnement,
au second moyen.
En l'espèce, je vois deux possibilités:
(i) ou l'arbitre a oublié de traiter du premier
moyen;
(ii) ou l'arbitre, en raison du cours suivi par le
débat et de ce qu'il a dit à ce moment-là, n'a pas
jugé nécessaire, ou a pris pour acquis qu'il
n'était pas nécessaire, de mentionner expressé-
ment l'évidence, soit que le premier moyen
n'avait pas été prouvé mais, en raison de l'incer-
titude qui selon lui entourait le deuxième moyen,
a consacré presque exclusivement ses motifs à
celui-ci.
A mon avis, compte tenu des renvois faits par
l'arbitre dans ses motifs à la preuve produite et au
débat qui a eu lieu sur le premier moyen, on ne
peut présumer qu'il l'a oublié. D'après mon expé-
rience, lorsqu'on doit connaître d'une affaire et
qu'on réserve son jugement quant à certains argu
ments, alors que d'autres ont été plaidés et rejetés
au cours du débat, il n'est pas inhabituel d'oublier
de mentionner ceux qui ont déjà été rejetés lors de
la rédaction des motifs concernant les arguments
pris en délibéré. Je ne vois pas pourquoi il faudrait
présumer que l'arbitre, lequel, aux dires Ses avo-
cats des deux parties, a reçu une formation spé-
ciale en ce sens et est expérimenté aurait commis
une erreur aussi élémentaire en matière arbitrale
que celle de ne pas traiter d'une portion primor-
diale de l'argumentation d'une des parties, portion
par ailleurs manifestement présente à son esprit.
A mon avis la demande présentée selon l'article
28 doit être rejetée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: J'ai eu le privilège de lire l'opi-
nion dissidente du juge en chef et l'opinion indivi-
duelle de mon collègue Le Dain. En toute défé-
rence, j'estime la dernière plus persuasive et
conforme à mes vues sur l'affaire.
Il ne suffit pas je pense que l'arbitre ait devant
lui les preuves produites par l'avocat de l'em-
ployeur relativement aux mesures prises par le
supérieur immédiat des requérants pour établir les
nécessités du service à l'égard du personnel de la
centrale, ni peut-être qu'il ait entendu la plaidoirie
de l'avocat sur ce point. Comme l'énonce dans ses
motifs le juge Le Dain, l'arbitre n'a manifestement
pas perçu, comme on le voit par sa définition du
litige au début de sa décision, que la seule question
à régler était celle de savoir si l'employeur avait ou
non fait tout effort raisonnable pour faire droit aux
demandes des requérants. S'il fallait justifier que
c'est ainsi qu'il percevait le litige, on en trouverait
confirmation dans son rappel de l'affaire Low et
Duggan (168-2-56) et dans le commentaire suivant
qu'il fait sur cette affaire:
... je ne trouve rien dans l'article 17 de la convention collective
qui restreigne le pouvoir de l'employeur d'exiger unilatérale-
ment que les employés s'estimant lésés liquident les portions
inutilisées de leurs crédits de congé annuel dans l'année finan-
cière en cours. Si ce n'était de ce pouvoir exercé par l'em-
ployeur, j'aurais fait droit aux griefs comme l'on fait mes
collègues par le passé . ... [C'est moi qui souligne.]
Cette citation, rapprochée de son commentaire
antérieur selon lequel Low et Duggan constitue
une affaire «semblable», me démontre que l'arbitre
a mal interprété la nature du litige dont il avait à
connaître. En l'absence de toute référence de sa
part aux arguments de l'avocat de l'employeur,
lequel prétendait que toute mesure raisonnable
avait été prise pour faire droit aux demandes des
requérants, et vu que manifestement l'arbitre s'est
attardé sur un faux problème, je ne puis présuppo-
ser qu'il avait vraiment à l'esprit le véritable point
en litige lorsqu'il a pris sa décision. Si tel était le
cas, je ne pense pas qu'il ait trouvé nécessaire de le
traiter, compte tenu de sa décision sur le point
principal en litige d'après lui. Le véritable point
litigieux ne venait qu'ensuite à son avis, comme le
montre son résumé des prétentions de l'avocat de
l'employeur:
M. Henderson, pour l'employeur, a affirmé que les griefs
devaient être rejetés parce qu'il n'avait pas été prouvé que les
mesures prises par la direction dans cette affaire ne faisaient
pas partie de ses droits résiduaires aux termes de l'article 7.
Pour ce qui est de l'effort raisonnable que l'employeur doit
faire, il a cité les affaires Wessel (166-2-676) (Moir) et
Laberge (166-2-99) (Jolliffe) qui portent sur l'établissement du
calendrier des congés.
J'en déduis qu'il a traité la question de l'effort
raisonnable comme un argument supplétif auquel
il n'était pas nécessaire de répondre vu la façon
dont il disposait de ce qu'il considérait comme le
véritable point en litige.
Il s'ensuit que j'accueillerais la demande présen-
tée selon l'article 28, comme le propose mon collè-
gue Le Dain.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: J'ai eu le privilège de lire les
motifs du juge en chef, mais je suis d'avis que
l'arbitre n'a pas examiné et réglé le véritable litige
que lui soumettaient les griefs.
A mon avis la question litigieuse était celle-ci:
l'employeur, en refusant le report demandé par les
employés de leurs crédits de congé annuel de l'an-
née financière 1976-77 l'année 1977-78, s'est-il
conformé à l'article 17.03(1)c) de la convention
collective applicable? Voici cet article:
17.03 Attribution des congés annuels
(1) Lorsqu'il accorde un congé annuel payé à un employé,
l'employeur doit, sous réserve des nécessités du service, faire
tout effort raisonnable
c) pour accorder à tout employé qui en fait la demande
avant le 31 janvier la permission d'utiliser dans l'année
financière qui suit toute période de congé annuel de quatre
(4) jours ou plus acquise par lui dans l'année courante;
Que ce soit là le litige soulevé par les griefs, les
réponses données par l'employeur aux différents
paliers du processus de règlement desdits griefs
l'indiquent bien. Les réponses données aux premier
et deuxième paliers énoncent au long les motifs
pour lesquels l'employeur ne peut accorder la
demande de report des jours de congé. La réponse
donnée au dernier palier dit: [TRADUCTION] «les
nécessités du service ne permettent pas le report à
l'année financière suivante des crédits de congé et
en conséquence vous devez les prendre dans l'an-
née pendant laquelle ils ont été acquis». Nulle part
il n'est question d'y joindre la question de l'appli-
cation de la clause de report automatique objet de
l'article 17.07 à un cas où l'employeur, ayant
refusé une demande de report, a demandé à l'em-
ployé de «liquider» les jours de congé à son crédit
pendant l'année financière en cours.
Les parties s'accordent pour dire que l'unique
litige soumis à l'arbitre était la question de savoir
si l'employeur avait fait un effort raisonnable pour
faire droit à la demande de report de congé, au
sens de l'article 17.03(1)c) de la convention collec
tive; c'est ce que montrent clairement les affidavits
produits par les parties et reproduits in extenso
dans les motifs du juge en chef, notamment le
paragraphe 5 que voici de l'affidavit produit au
nom des requérants:
[TRADUCTION] 5. Devant l'arbitre j'ai fait simplement valoir
que les employés s'estimant lésés, MM. Grant et Stoykewich,
reprochaient à l'employeur son refus déraisonnable d'autoriser
le report des congés annuels non utilisés et donc encore à leur
crédit. Mes notes indiquent que j'ai commencé ma plaidoirie en
disant:
Les faits sont simples de même que le litige. Dans les deux
cas, les employés avaient à leur crédit des congés annuels non
utilisés et, avant le 31 janvier, ils ont demandé leur report à
l'année financière suivante. Leur demande a été rejetée sans
raison valable.
et ce que montre aussi le paragraphe 8 que voici de
l'affidavit produit au nom de la Couronne:
[TRADUCTION] 8. Manifestement donc le point en litige devant
l'arbitre Norman était celui de savoir si oui ou non la direction
avait agi d'une manière raisonnable en rejetant la demande de
report des congés annuels, compte tenu des articles 7.01 et 17
de la convention collective.
Au commencement des motifs de sa décision,
l'arbitre définit comme suit le litige dont il a à
connaître:
Il s'agit ici de déterminer si un employé a le droit de reporter
des jours de congé annuel à l'année financière suivante compte
tenu d'une directive de l'employeur voulant que les jours de
congé accumulés soient utilisés par l'employé avant la fin de
l'année financière en cours.
Ce qui confirme que c'est là le point auquel
l'arbitre a accordé toute son attention, point fort
différent de celui dont il était saisi, c'est, je pense,
qu'il se soit essentiellement appuyé pour rejeter les
griefs sur la décision Low et Duggan de la Com
mission des relations de travail dans la Fonction
publique. En citant plusieurs décisions arbitrales,
l'arbitre semble avoir divisé les affaires en deux
grandes catégories: celles où l'employeur avait
demandé à l'employé de «liquider» ses congés
annuels pendant l'année en cours et celles où il ne
l'avait pas fait. L'arbitre s'est alors concentré sur
une analyse de la décision Low et Duggan où le
litige ne portait pas sur les efforts raisonnables de
l'employeur pour faire droit à une demande de
report de congé. Dans cette affaire, l'un des
employés s'estimant lésés avait effectivement
demandé un report de congé, mais non dans les
délais prévus par la convention collective, et l'autre
n'avait fait aucune demande de ce genre. Le litige
portait sur le droit de l'employeur d'exiger d'un
employé qu'il «liquide» les congés à son crédit
pendant l'année financière en cours et sur le point
de savoir si ces congés pris obligatoirement, quand
l'employé ne les avait pas demandés, pouvaient
être réputés avoir été «accordés» ou utilisés au sens
de la clause de report automatique correspondant
à l'article 17.07 que voici:
17.07 Report des congés annuels
Lorsque dans une année financière un employé n'a pas
bénéficié de tous les congés annuels qui ont été portés à son
crédit, la fraction inutilisée de son congé annuel est reportée à
l'année financière suivante.
Dans les motifs de la décision de la Commission
dans l'affaire Low et Duggan, on trouve les réfé-
rences suivantes au litige tel que le concevaient
l'arbitre et la Commission:
9. La question soulevée dans les griefs, telle que l'entendait
l'arbitre, était celle de savoir si les jours de congé annuel non
utilisés doivent être reportés automatiquement, conformément à
la clause 19.07 de la convention collective conclue à l'égard du
groupe des commis aux écritures et aux règlements [qui corres
pond à la clause 17.07 en l'espèce] et à la clause 20.06 de la
convention collective du groupe de la gestion de l'exécution
(administration des programmes), ou bien si de tels crédits
peuvent être liquidés obligatoirement à des dates précisées par
l'employeur en vertu des dispositions de la clause 19.02 de la
première convention collective [qui correspond à la clause 17.03
en l'espèce] et de la clause 20.02 de la seconde.
29. Si nous examinons maintenant le fond de l'affaire, la
question fondamentale soulevée dans le présent renvoi est celle
de savoir si l'employeur a ou non l'autorité unilatérale néces-
saire pour exiger qu'un employé utilise pendant l'année finan-
cière les crédits de congé annuel accumulés au cours de ladite
année où ces congés ont été acquis et à des dates déterminées
par l'employeur.
33. Les termes de l'article 19 de la convention des CR et de
l'article 20 de celle des PM ne nous donnent aucune raison
valable de conclure qu'un employé, pour être considéré comme
ayant «utilisé» ses crédits de congé annuel dans l'année finan-
cière courante, doit avoir obtenu lesdits congés de l'employeur
après les lui avoir demandés. La lecture simultanée des clauses
19.02 d) et 20.02 c) concernant «l'attribution des congés
annuels» et des dispositions de «report» contenues dans les
clauses 19.07 et 20.06 des deux conventions collectives nous
amènent à la conclusion que les crédits de congé annuel sont
«utilisés» par un employé qu'ils soient accordés unilatéralement
par l'employeur ou qu'ils soient pris à la demande de l'employé.
Si la mention de «la fraction inutilisée de son congé annuel»
dans les clauses 19.07 et 20.06 a seulement le sens de crédits de
congé annuel que l'employé n'a pas demandé d'utiliser au cours
de l'année, les clauses 19.02 d) et 20.02 c) ne servent aucune fin
utile.
36. En conséquence, nous ne trouvons dans la convention col
lective aucune restriction à l'autorité que l'employeur détient
pour exiger unilatéralement que les employés s'estimant lésés
liquident les portions inutilisées de leurs crédits de congé annuel
aux dates déterminées dans l'année financière alors en cours.
Après avoir cité le dernier passage ci-dessus et
observé que les sept membres de la Commission en
étaient arrivés à une décision unanime dans Low et
Duggan, l'arbitre en l'espèce présente dit:
Compte tenu de cette unanimité, de l'analyse longue et claire
de M. Brown et du fait que selon ma conclusion je suis saisi
d'une affaire «semblable», je dois rejeter les griefs. [C'est moi
qui souligne.]
L'arbitre évoque ensuite d'autres affaires,
notant chaque fois si l'employeur a exigé la liqui
dation des congés annuels pendant l'année finan-
cière en cours, puis conclut comme suit:
En conséquence, je rejette les griefs. En me fondant sur
l'analyse de l'affaire Low et Duggan (168-2-56), je ne trouve
rien dans l'article 17 de la convention collective qui restreigne
le pouvoir de l'employeur d'exiger unilatéralement que les
employés s'estimant lésés liquident les portions inutilisées de
leurs crédits de congé annuel dans l'année financière en cours.
Si ce n'était de ce pouvoir exercé par l'employeur, j'aurais fait
droit aux griefs comme l'ont fait mes collègues par le passé
dans les sept affaires d'arbitrage auxquelles je me suis repor-
tées. Ni l'affaire Stewart (166-2-2001) ni l'affaire Lang (166-2-
2430) ne pèsent dans la balance, car celles-ci ont été tranchées
sans que l'arbitre se reporte à l'affaire Low et Duggan.
Le fait que l'arbitre ait considéré que l'espèce
dont il était saisi était semblable à Low et Duggan
montre clairement, je pense, qu'il s'est trompé sur
la nature du litige dont il avait à connaître. A mon
avis, cela interdit de déduire qu'il a considéré et
résolu ce point litigieux de l'effort raisonnable
qu'aurait ou non fait l'employeur pour accorder la
demande de report de congé, point dont n'avait pas
à connaître la Commission dans Low et Duggan
pour les raisons déjà indiquées. L'arbitre évoque ce
qui a été fait et dit par l'employeur suite à la
demande présentée par les requérants pour le
report des congés à leur crédit; il fait état aussi de
la jurisprudence citée par l'employeur et ayant
trait à «l'effort raisonnable». Mais il est significa-
tif, je pense, que l'arbitre ne mentionne pas les
prétentions des employés s'estimant lésés sur la
question de l'effort raisonnable de l'employeur
pour accorder le report demandé, alors qu'il avait
à connaître d'allégations des employés sur ce point,
comme le montre l'affidavit produit en leur nom.
C'est incompatible avec la conclusion voulant qu'il
considérait ces allégations comme reflétant le litige
dont il avait à connaître, particulièrement si l'on
songe à la pratique bien établie chez les arbitres
d'énoncer in extenso les prétentions des parties
dans les motifs de leurs décisions. Je préfère ne pas
supposer que l'arbitre ait pu statuer la question de
«l'effort raisonnable» sans examen approprié des
prétentions des employés sur ce point.
Les seules conclusions possibles que je puis tirer
des motifs de la décision de l'arbitre quant à la
position qu'il a prise sur la question de «l'effort
raisonnable» sont les suivantes: a) il ne l'a tout
simplement pas considérée comme un des points
litigieux dont il avait à connaître, ce que suggèrent
son exposé du litige au début des motifs et son
recours à l'affaire Low et Duggan ou b)—ce qui
revient peut-être au même—il a considéré que
l'obligation prévue à l'article 17.03(1)c) devait
céder le pas devant le pouvoir de la direction
d'exiger d'un employé qu'il prenne ses congés
annuels dans l'année y ouvrant droit. Cette der-
nière conclusion est suggérée par les mots: «je ne
trouve rien dans l'article 17 de la convention col
lective qui restreigne le pouvoir de l'employeur
d'exiger unilatéralement que les employés s'esti-
mant lésés liquident les portions inutilisées de leurs
crédits de congé annuel dans l'année financière en
cours» figurant à la fin des motifs. Si c'est là la
position qu'il a prise, elle est également erronée à
mon avis. L'obligation prévue par l'article
17.03(1)c) de faire tout effort raisonnable, compte
tenu des nécessités du service, pour accorder un
report de congé sur demande est, à mon avis, une
obligation séparée et distincte et, en tant que telle,
une restriction au pouvoir général de la direction
d'exiger d'un employé qu'il prenne ses vacances
annuelles à une époque spécifiée au cours de l'an-
née financière pendant laquelle elles ont été acqui-
ses. Dans les deux cas l'arbitre, à tort, n'a pas
traité du litige dont il avait à connaître.
Pour ces motifs, j'annulerais la décision arbi-
trale et renverrais l'affaire pour règlement fondé
sur le fait que le litige porte sur la question de
savoir si l'employeur, compte tenu des nécessités
du service, a fait tout effort raisonnable pour
permettre aux employés s'estimant lésés de pren-
dre au cours de l'année financière 1977-78 les
congés annuels, encore à leur crédit, acquis au
cours de l'année 1976-77.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.