T-371-79
Dame Madeleine Bernier (Requérante)
c.
La Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada (Intimée)
et
Le sous-procureur général du Canada (Mis-en-
cause)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 5 février; Ottawa, le 8 février 1979.
Brefs de prérogative — Mandamus — Assurance-chômage
— Le Conseil arbitral a accueilli l'appel interjeté par la
requérante contre la décision de la Commission portant sur
l'assurabilité de ses semaines d'emploi — L'appel de la Com
mission a été logé après l'expiration du délai de 21 jours —
L'appel n'a pas encore été entendu — Les prestations n'ont pas
été versées par suite de la décision du Conseil — La Commis
sion prétend que l'art. 103 ne s'applique pas parce que la
décision du Conseil portant sur l'assurabilité de l'emploi de la
requérante ne relève pas de compétence de ce dernier et ne
constitue pas, de ce fait, une décision — La Cour doit-elle
émettre un mandamus ordonnant le versement des prestations?
— Loi sur l'assurance-chômage, 1971, S.C. 1970-71-72, c. 48,
art. 75 et 103 — Règlements sur l'assurance-chômage,
DORS/76-706, art. 167.
DEMANDE.
AVOCATS:
J. P. Villaggi pour la requérante.
G. LeBlanc pour l'intimée et le mis-en-cause.
PROCUREURS
Brodeur, Labrie & Sénécal, Ste-Hyacinthe,
pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée et le mis-en-cause.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE WALSH: La requérante demande
l'émission d'un bref de mandamus contre l'intimée
l'obligeant à payer à la requérante les prestations
d'assurance-chômage qu'elle est en droit de rece-
voir suite à une décision du Conseil arbitral.
La preuve indique que le 26 septembre 1978
l'intimée a rendu une décision déclarant la requé-
rante inadmissible aux prestations à cause qu'elle
n'avait pas assez de semaines assurables à son
crédit au cours de sa période de référence. La
requérante a appelé de cette décision et le 25
octobre 1978 le Conseil arbitral a accordé l'appel
unanimement en décidant que la prestataire avait
accumulé dix semaines d'emploi assurable. Ce
n'est que le 20 décembre 1978 que l'intimée a
appelé de ladite décision.
Dans l'intervalle la Commission a reçu une déci-
sion du Revenu Canada à l'effet que l'emploi était
assurable pour huit semaines de travail assurable.
L'appel de la Commission au juge-arbitre de la
décision du Conseil arbitral n'a pas encore été
entendu mais soutient que le Conseil a erré en
droit en statuant sur l'assurabilité de l'emploi de la
prestataire ce qui ne relève pas de sa compétence,
que l'appel est porté dans les soixante jours de la
communication de la décision au prestataire (arti-
cles 95 et 98 de la Loi) et que la décision n'a pas
été mise en vigueur puisque la Commission est
d'avis que l'article 103 de la Loi ne trouve aucune
application puisqu'en dépassant sa compétence le
Conseil n'a pas rendu de décision dans cette
affaire. Par conséquence la Commission a refusé
de payer les prestations à la requérante en atten
dant le résultat de son appel au juge-arbitre, ainsi
obligeant la requérante de prendre ces procédures
cherchant l'émission d'un bref de mandamus si
elle veut recevoir ses prestations par conséquence
de la décision du Conseil arbitral sans attendre
l'événement de l'appel.
L'article 103 se lit comme suit:
103. (1) Lorsqu'un conseil arbitral fait droit à une demande
de prestations, les prestations sont payables en conformité de la
décision du conseil même si un appel de cette décision est en
instance. Toute prestation versée en application du présent
article après la décision du conseil arbitral est considérée
comme acquise et ne peut être recouvrée du prestataire, même
si le règlement de la question en dernier ressort lui est
défavorable.
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas
a) si l'appel a été interjeté dans les vingt et un jours de la
décision du conseil arbitral et pour le motif que le prestataire
serait inadmissible en vertu de l'article 44, et
b) dans les autres cas où la Commission le prescrit par
règlement.
Dans l'article 44 il s'agit de conflits collectifs et le
Règlement 167 se lit:
167. Nulle prestation n'est payable suite à une décision du
conseil arbitral si, dans les vingt et un jours de la date où le
conseil arbitral a rendu sa décision, la Commission interjette
appel devant un juge-arbitre pour le motif que le conseil a erré
en droit ou a ignoré une disposition de la Loi ou du règlement.
Comme l'appel ici n'était pas commencé dans
les vingt et un jours la prestataire semble avoir
droit à ses prestations, quoique l'appel a été pris
dans les soixante jours permis par l'article 98.
Mais l'argument de la Commission est qu'en
effet la décision du Conseil arbitral est nulle parce
que le Conseil n'avait pas le droit de décider si la
prestataire occupait un emploi assurable durant sa
période de référence ou non, et que la procédure
voulue était celle prise par la Commission de
demander une décision du Ministre quant à cette
question.
L'article 75(3) de la Loi se lit:
75. ...
(3) Lorsque se pose, au sujet d'une demande de prestations
faite en vertu de la présente loi, la question de savoir
a) si une personne exerce ou a exercé un emploi assurable,
ou
b) si une personne est l'employeur d'un assuré,
il est loisible à la Commission, à tout moment, et à cette
personne ou à l'employeur ou à la personne présentée comme
étant l'employeur de cette personne, dans les quatre-vingt-dix
jours qui suivent le moment où la décision de la Commission
leur est notifiée, de demander au Ministre de régler la question.
Emploi assurable est défini dans l'article 3(1) de
la Loi, et il est évident qu'il ne s'agit aucunement
du nombre de contributions, mais seulement de la
nature de l'emploi. Donc je conclus que c'est le
Conseil arbitral qui avait le droit de décider si la
prestataire avait assez de contributions ou non, et
si la Commission n'est pas satisfaite de la décision
elle a certainement le droit d'aller en appel comme
elle a fait.
Si elle n'a pas pris l'appel dans les vingt et un
jours les prestations doivent être payées. La déci-
sion plus tard du Ministre soit le ler décembre ne
change rien dans cela et je suis même d'opinion
que ce n'est pas une question qu'on devrait sou-
mettre au Ministre pour décider. Il n'est même pas
nécessaire que la requérante appelle ladite décision
qui aux termes de l'article 84(1) devrait se faire
dans quatre-vingt-dix jours de la décision du
Ministre du ler décembre 1978. S'il y a un conflit
entre cette décision et celle du Conseil arbitral, la
décision du juge-arbitre dans l'appel de la Com
mission la réglera.
L'émission d'un bref de mandamus est donc
accordée avec frais.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.