A-288-78
Deonarine Kissoon (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Urie—
Toronto, le 25 juillet; Ottawa, le 8 septembre
1978.
Examen judiciaire — Immigration — Ordonnance d'expul-
sion — Le requérant, âgé de dix-sept ans à l'époque, était
assisté d'un avocat mais non représenté par son père, sa mère
ou un tuteur lors de l'enquête tenue devant un arbitre — Les
par. 29(4) et (5) exigent qu'une personne âgée de moins de
dix-huit ans soit représentée par son père, sa mère ou un
tuteur lors d'une enquête — L'arbitre, qui a continué l'enquête
à défaut de cette représentation, a-t-il négligé de se conformer
au par. 29(5)? — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, art. 28 — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, c. 52, art. 29(4),(5) et 30.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
R. N. Sharma pour le requérant.
B. Evernden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Roop N. Sharma, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Cette demande présentée en
vertu de l'article 28 vise l'ordonnance d'expulsion
prononcée contre le requérant conformément à
l'alinéa 32(5)b) de la Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, au motif qu'il n'était
pas un véritable visiteur.
Le seul motif de contestation valable invoqué
par le requérant est le suivant: l'arbitre, qui a
mené l'enquête dont l'effet a été de prononcer
l'exclusion, ne s'est pas conformé au paragraphe
29(5) de la Loi sur l'immigration de 1976.
Les paragraphes 29(4) et (5) sont ainsi rédigés:
29....
(4) En cas d'enquête au sujet d'une personne âgée de moins
de dix-huit ans ou d'une personne qui, de l'avis de l'arbitre,
n'est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure,
cette personne peut, sous réserve du paragraphe (5), être
représentée par son père, sa mère ou un tuteur.
(5) Au cas où une personne visée au paragraphe (4) n'est
pas représentée par son père, sa mère ou un tuteur ou bien au
cas où l'arbitre qui mène l'enquête estime que le père, la mère
ou le tuteur ne représente pas convenablement la personne,
l'enquête est ajournée et l'arbitre doit désigner à ladite per-
sonne une autre personne pour la représenter, aux frais du
Ministre.
Lors de l'enquête, le requérant avait dix-sept
ans; il n'était pas représenté par son père, sa mère
ou un tuteur, mais par un membre du Barreau qui,
au début de l'enquête a prétendu que son client,
étant mineur, ne pouvait pas être interrogé par le
fonctionnaire chargé de l'instruction de la cause.
L'arbitre a rejeté à juste titre cette prétention,
estimant vraisemblablement que le requérant était
bien représenté par son avocat, et il a procédé à
l'enquête sans tenir compte des exigences du para-
graphe 29(5).
Au nom de l'intimé on fait valoir les trois pré-
tentions suivantes:
[TRADUCTION] a) il n'est pas nécessaire qu'un arbitre
ajourne une enquête aux fins de désigner un représentant à
un mineur, lorsque celui-ci comparaît à l'enquête accompa-
gné de son avocat;
b) le paragraphe 29(5) de la Loi sur l'immigration de 1976
n'a pour objet que de fournir des directives. On n'est pas tenu
de les suivre à la lettre pourvu qu'on ne cause aucun préju-
dice et que les règles de justice naturelle soient respectées;
c) subsidiairement, au cas où une décision serait rendue sans
tenir compte du paragraphe 29(5) de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976, celle-ci est annulable seulement si le requérant
n'a pas subi de préjudice ou que les règles de justice naturelle
ont été respectées, la décision devrait être confirmée.
Ces observations peuvent paraître raisonnables.
Cependant, elles sont incompatibles avec la lettre
de la loi.
Les paragraphes 29(4) et (5) accordent aux
mineurs le droit d'être représentés par leur père,
mère ou tuteur. Cependant, ce droit se distingue
du droit à l'assistance d'un avocat, garanti par
l'article 30; et s'ajoute à ce droit. A mon avis, on
ne peut prétendre, sans négliger les dispositions de
ce texte, que les paragraphes 29(4) et (5) ne
s'appliquent pas aux personnes qui se sont préva-
lues du droit de retenir les services d'un avocat en
vertu de l'article 30.
Je ne vois rien dans la loi qui puisse étayer la
thèse selon laquelle les dispositions des paragra-
phes 29(4) et (5) ne constituent que de simples
directives, ou celle voulant que l'inobservation de
ces dispositions n'ait aucune conséquence, si ce
n'est en cas de préjudice causé à la personne
faisant l'objet de l'enquête.
Pour ces motifs, la demande est accueillie et
l'ordonnance d'exclusion prononcée contre le
requérant est infirmée.
* * *
LE JUGE HEALD: J'y souscris.
* * *
LE JUGE URIE: J'y souscris.
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